EXAMEN EN COMMISSION

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MERCREDI 4 JUIN 2025

Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous examinons le rapport de notre collègue Louis Vogel sur la proposition de loi relative à la composition des conseils locaux et intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance, déposée par Isabelle Florennes et plusieurs de ses collègues.

M. Louis Vogel, rapporteur. - La proposition de loi (PPL) déposée par notre collègue Isabelle Florennes vise à rétablir les présidents de conseil départemental parmi les membres de droit des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) et des conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CISPD).

Les CLSPD et CISPD sont des instances précieuses pour animer la politique de prévention de la délinquance à l'échelle locale. Ils sont respectivement présidés par le maire ou le président de l'intercommunalité. L'instauration d'un CLSPD est obligatoire dans toutes les communes de plus de 5 000 habitants ; on en dénombre 1 041 à date. La création d'un CISPD est quant à elle facultative, de sorte que l'on n'en compte que 301, soit moins du quart des intercommunalités.

Les maires et les présidents des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) fixent, respectivement, la liste des membres des CLSPD et des CISPD. Le préfet et le procureur de la République en sont membres de droit, de même que, pour les CLSPD, le président de l'EPCI compétent en matière de dispositifs locaux de prévention de la délinquance.

Les CLSPD et CISPD peuvent également accueillir des membres facultatifs, ce qui rend le dispositif souple et adaptable aux circonstances locales. Peuvent ainsi être désignés membres de ces conseils des représentants de services de l'État compétents, les parlementaires ainsi que des représentants d'associations ou d'organismes pertinents.

Depuis la loi du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux, ces règles de composition sont fixées dans la loi et non plus au niveau réglementaire. Ce faisant, cette loi a retiré les présidents de conseil départemental de la liste des membres de droit : c'est sur cette évolution que la PPL entend revenir.

Au terme des auditions que j'ai conduites, je considère que ce rétablissement est une très bonne chose, et je vous proposerai donc d'adopter cette PPL.

Deux raisons principales motivent ma position.

En premier lieu, la mesure est cohérente avec les compétences des départements en matière d'action sociale. La loi prévoit expressément que les actions que ceux-ci conduisent dans ce cadre concourent à la prévention de la délinquance. De fait, les politiques qu'ils mènent dans les domaines de l'aide sociale à l'enfance (ASE), de la prévention spécialisée, de l'insertion ou encore de la prévention des violences intrafamiliales (VIF) apportent ainsi un complément précieux à ces politiques dans de nombreux territoires.

Pour ne prendre qu'un exemple, plusieurs communes que j'ai auditionnées ont évoqué les enjeux liés à la lutte contre la prostitution des mineurs, phénomène lié à la criminalité organisée et qui monte en puissance dans de nombreux territoires. Pour endiguer ce phénomène, le concours des compétences sociales du département, notamment au titre de l'ASE, est essentiel.

En second lieu, la mesure favorise le développement des approches partenariales en matière de prévention de la délinquance.

Le département peut jouer un rôle fort utile dans l'animation de cette politique, notamment en orientant sa politique de soutien logistique et financier aux communes. Par exemple, certains départements financent des équipements de vidéoprotection, notamment au profit des communes rurales, qui ne pourraient acquérir seules de tels équipements.

L'intégration des départements au « tour de table » permet également une circulation plus complète des informations pertinentes. Ainsi, les politiques de l'ASE et de la prévention spécialisée, par-delà leur fonction d'action sociale, sont, par exemple, susceptibles de donner accès à des informations ou à des signaux faibles pouvant s'avérer extrêmement précieux pour les maires et pour les forces de sécurité intérieure.

Ainsi, la proposition de loi constitue à la fois une reconnaissance du rôle des départements et une invitation, pour ceux d'entre eux qui ne l'auraient pas fait, à pleinement investir les compétences en matière de prévention de la délinquance.

C'est d'ailleurs pour cette raison que je vous proposerai de ne pas retenir l'amendement qui a été déposé sur ce texte par notre collègue Audrey Linkenheld. Celui-ci prévoit que les départements sont bien membres de droit des conseils, mais que leur présence n'est pas requise pour la tenue de la réunion plénière annuelle du CLSPD. Il contredit l'esprit du texte, qui vise justement à favoriser la présence des départements au sein des CLSPD.

Les élus soulignent l'importance des pratiques locales et ont démontré un engagement et une expertise forte pour développer des stratégies locales de sécurité, toutes tendances politiques confondues. Les contributions que j'ai recueillies de la part des villes de Bordeaux, de Montpellier, de Vernon, ainsi que des conseils départementaux du Cher, et de la Seine-et-Marne ont été très intéressantes à cet égard.

Les auditions que j'ai menées m'ont permis de me rendre compte que le bon fonctionnement des CLSPD reposait trop souvent sur des relations interpersonnelles, ce qui constitue par définition une base fragile. Dès lors que la loi ferait des départements des membres de droit de ces instances, l'exercice de cette compétence ne serait plus une option.

Je précise que leur présence aux réunions plénières des CLSPD était déjà requise par le droit antérieur à la loi de 2024 - celui-ci était de portée réglementaire.

À ce sujet, je souhaite formuler une dernière remarque. Cette proposition de loi souligne aussi les difficultés auxquelles nous nous heurtons lorsque nous inscrivons dans la loi des dispositions auparavant fixées par voie réglementaire. Cela conduit à rigidifier fortement des dispositions qui sont en général de portée assez technique, comme ici la composition d'une instance locale. Nous sommes obligés de délibérer sur ce sujet pour remédier à une lacune, ce qui rend la correction beaucoup plus lourde, mais pas impossible si vous suivez ma recommandation.

Mme Audrey Linkenheld. - Nous souscrivons aux propos du rapporteur : nous devons prendre garde à ce que nous votons, pour éviter de devoir légiférer de nouveau. Nous avons tous envie de mettre notre énergie à faire autre chose que de défaire et refaire les lois. Mais les CLSPD sont importants pour nos territoires et il était donc important d'intervenir à nouveau sur ce point.

Je ne pense pas que l'amendement que j'ai déposé avec mes collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER) soit contraire à l'esprit de la loi, car nous souscrivons à l'idée que les départements ont toute leur place dans les CLSPD. Nous avons eu tort de les en exclure. Je pense en particulier à la prévention spécialisée et à la protection de l'enfance, qui sont des sujets que l'on évoque avec les maires et les autres partenaires des CLSPD.

Avec cet amendement, nous avons essayé d'être pragmatiques. Aux termes de la version actuelle du texte, tous les membres de droit doivent être présents pour que le CLSPD puisse se réunir. Notre proposition emprunte une voie médiane : les départements sont membres de droit du conseil, mais nous souhaitons que ce dernier puisse quand même se réunir si leur représentant est dans l'impossibilité de venir.

Nous sommes à vos côtés pour réintégrer les départements dans les CLSPD.

Mme Isabelle Florennes, auteure de la proposition de loi. - Je tiens à remercier le rapporteur pour son travail très sérieux et complet.

Cette proposition de loi est issue d'une demande expresse d'un certain nombre de départements, ensuite relayée par Départements de France : l'association s'est rapidement émue de l'erreur commise lors de l'examen de la loi renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux. Tous, nous devons être vigilants, surtout lorsque nous inscrivons dans la loi des dispositions de portée réglementaire.

Au cours de ces travaux, nous avions été invités à intégrer d'autres acteurs en tant que membres de droit, mais nous n'avons pas souhaité nous engager dans cette voie, car nous devons faire montre de souplesse. Les maires doivent pouvoir convoquer les acteurs qu'ils souhaitent en fonction des problématiques territoriales, et la rédaction actuelle de la loi leur laisse déjà d'importantes latitudes en la matière. Je vous remercie donc, monsieur Vogel, d'avoir proposé d'adopter sans modification ma proposition de loi.

Mme Catherine Di Folco. - Je vais faire mon mea culpa, car j'étais rapporteur de la loi précitée. J'assume l'entière responsabilité de cette erreur !

Mme Muriel Jourda, présidente. - L'erreur est humaine, mais persévérer est diabolique !

M. Louis Vogel, rapporteur. - Madame Linkenheld, nous partageons le même objectif : rétablir les présidents de conseil départemental en tant que membres de droit des CLSPD et CISPD. Je considère qu'à l'aune des compétences que la loi leur confie à cet égard, ils ont vocation à être des membres de droit à part entière, au même titre que les autres, et par conséquent avec les mêmes obligations. Leur président n'aura pas plus de difficultés à y siéger ou à s'y faire représenter que le préfet ou le procureur de la République.

Mme Muriel Jourda, présidente. - Concernant le périmètre de cette proposition de loi, en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose de considérer que ce périmètre inclut les dispositions relatives au fonctionnement et à la composition des conseils locaux et intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE

Article unique

Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous avons déjà échangé sur l'amendement  COM-1, sur lequel le rapporteur a émis un avis défavorable.

L'amendement COM-1 n'est pas adopté.

L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi est adopté sans modification.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article unique

Mme LINKENHELD

1

Absence d'obligation de participation des départements aux réunions plénières annuelles des CLSPD et CISPD. 

Rejeté

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