- LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
- I. UNE EXÉCUTION MARQUÉE PAR DES
PRODUITS DE CESSIONS IMMOBILIÈRES TRÈS
ÉLEVÉS
- II. II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR
SPÉCIAL : LA PÉRENNITÉ DU COMPTE D'AFFECTATION
SPÉCIALE EST FRAGILISÉE PAR L'AFFAIBLISSEMENT TENDANCIEL DES
RECETTES AINSI QUE PAR LA PERSPECTIVE DE LA CRÉATION D'UNE
FONCIÈRE DE L'ETAT
- I. UNE EXÉCUTION MARQUÉE PAR DES
PRODUITS DE CESSIONS IMMOBILIÈRES TRÈS
ÉLEVÉS
N° 743 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 juin 2025 |
RAPPORT FAIT au nom de la commission des finances (1) sur le projet
de loi, |
Par M. Jean-François HUSSON, Sénateur |
TOME II ANNEXE N° 15b Rapporteur spécial : M. Claude NOUGEIN |
(1) Cette commission est composée de :
M. Claude Raynal, président ;
M. Jean-François Husson, |
Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 1285, 1492 et T.A. 138 Sénat : 718 (2024-2025) |
LES PRINCIPALES
OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
1. En 2024, le CAS connaît une baisse marquée de ses recettes, à 355,2 millions d'euros, soit une diminution de près d'un tiers par rapport à l'exécution 2023 (524,3 millions d'euros). Cependant, cette exécution est conforme à la prévision en loi de finances initiale, voire légèrement supérieure (+ 4,5 %). Surtout, elle demeure à un niveau moyen, significativement supérieur à l'exécution 2022 (298 millions d'euros). L'année 2023 avait en effet enregistré un montant de cessions de 366,7 millions d'euros, tiré par trois opérations exceptionnelles.
2. L'exécution des crédits du CAS présente une diminution significative par rapport à l'exécution 2023. La consommation des autorisations d'engagement (AE), pour un montant de 266,5 millions d'euros, est nettement inférieure à l'exécution 2023 (356,0 millions d'euros) ainsi qu'à l'exécution 2022 (437,3 millions d'euros). La consommation des crédits de paiement (CP) connaît une réduction encore plus marquée, à 298,2 millions d'euros, contre 458,3 millions en exécution 2023, avec un niveau également inférieur à l'exécution 2022 (348,1 millions d'euros). Après un excédent de 66,0 millions d'euros en 2023, le CAS dégage un nouveau résultat excédentaire de 57,0 millions d'euros en 2024, portant le solde cumulé du compte depuis sa création (soit la trésorerie du compte) à 764,0 millions d'euros.
3. Alors que le CAS représente seulement 3,5 % des crédits de l'État en faveur de l'immobilier, son rôle marginal au sein de la politique immobilière de l'État pourrait être encore fortement affecté dans les années futures par la baisse tendancielle de son niveau de recettes. A terme, le projet de création de foncière de l'État devrait se traduire par une nouvelle organisation de la maquette budgétaire en matière de politique immobilière de l'État.
I. UNE EXÉCUTION MARQUÉE PAR DES PRODUITS DE CESSIONS IMMOBILIÈRES TRÈS ÉLEVÉS
Créé par la loi de finances pour 20061(*), le compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » est l'instrument budgétaire de la politique immobilière de l'État. Placé sous la responsabilité de la direction de l'immobilier de l'État (DIE), il vise à financer les opérations de valorisation et la modernisation du parc immobilier de l'État en recourant, prioritairement, à la cession d'actifs.
Le compte d'affectation spéciale se compose de deux programmes :
- le programme 721 « Contribution des cessions immobilières au désendettement de l'État » porte la contribution du compte au désendettement de l'État. Cependant, ce programme n'est plus abondé depuis 20182(*) ;
- le programme 723 « Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l'État » porte les crédits destinés à financer les dépenses d'entretien à la charge du propriétaire, ainsi que les opérations immobilières structurantes réalisées sur le parc immobilier de l'État.
A. DES RECETTES REVENUES À UN NIVEAU MOYEN, APRÈS UNE ANNÉE 2023 TIRÉE PAR DES CESSIONS EXCEPTIONNELLES
En 2024, le CAS connaît une baisse marquée de ses recettes, à 355,2 millions d'euros, soit une diminution de près d'un tiers par rapport à l'exécution 2023 (524,3 millions d'euros).
Cependant, cette exécution est conforme à la prévision en loi de finances initiale, voire légèrement supérieure (+ 4,5 %). Surtout, elle demeure à un niveau moyen, significativement supérieur à l'exécution 2022 (298 millions d'euros).
L'année 2023 avait en effet enregistré un montant de cessions de 366,7 millions d'euros, avec trois opérations exceptionnelles pour un montant total de 176,2 millions d'euros : la cession de l'« Hôtel du Timbre » à Paris a été signée en 2022, mais son produit a été encaissé en janvier 2023 pour 79,1 millions d'euros ; la cession sous la forme de bail emphytéotique de l'immeuble « Pyramides », également à Paris, occupé par le ministère de la culture a été effectué pour un montant de 65 millions d'euros ; enfin, la cession d'une quote-part de l'immeuble « Osmose » à Strasbourg a donné lieu à l'encaissement de 32,1 millions d'euros.
En 2024, le montant des cessions immobilières, de 199,2 millions d'euros, est revenu au niveau constaté antérieurement : 157,1 millions d'euros en 2022, 164,8 millions d'euros en 2021, 157,5 millions d'euros en 2020.
Exécution des recettes du budget annexe en 2024
(en % et en millions d'euros)
Recettes |
LFI 2023 |
Exécution 2023 |
LFI 2024 |
Exécution 2024 |
Exécution 2024 / exécution 2023 |
Écart d'exécution 2024 |
Produits des cessions immobilières |
370,0 |
366,7 |
230,0 |
199,2 |
- 45,7 % |
- 13,4 % |
Produits de redevances domaniales et loyers |
110,0 |
118,5 |
110,0 |
119,7 |
+ 1,0 % |
+ 8,8 % |
Versements du budget général |
0,0 |
33,6 |
0,0 |
18,4 |
- 45,2 % |
|
Fonds de concours |
0,0 |
5,5 |
0,0 |
17,8 |
+ 223,6 % |
|
Total |
480,0 |
524,3 |
340,0 |
355,2 |
- 32,3 % |
+ 4,5 % |
Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires et la note d'exécution budgétaire 2024 de la Cour des comptes
Dans ce contexte, les redevances domaniales et les loyers représentent désormais une part significative du financement du CAS, avec un tiers des recettes, à 119,7 millions d'euros.
Les deux types de recettes principales du CAS, les cessions immobilières et les redevances et loyers, ont été complétées en 2024 par des recettes plus ponctuelles :
- d'une part, des versements du budget général, à hauteur de 18,4 millions d'euros, correspondant à la contribution du programme 348 « Performance et résilience des bâtiments de l'État et de ses opérateurs » de la mission « Transformation et fonction publiques », pour le financement d'opérations portées par le CAS, telles que la création du nouveau siège de l'Office français de la biodiversité (OFB) à Saint-Mandé ou les suites de l'acquisition par l'État de l'ensemble « Osmose » à Strasbourg ;
- d'autre part, des versements de fonds de concours, pour 17,8 millions d'euros, notamment au titre de la participation de l'OFB à l'opération menée à Saint-Mandé.
B. UNE CONSOMMATION DES CRÉDITS DE PAIEMENT EN NETTE DIMINUTION, CONDUISANT À UN NOUVEL EXCÉDENT IMPORTANT
Pour 2024, l'exécution des crédits du CAS présente une diminution significative par rapport à l'exécution 2023 :
- la consommation des autorisations d'engagement (AE), pour un montant de 266,5 millions d'euros, est nettement inférieure à l'exécution 2023 (356,0 millions d'euros, soit une baisse de - 25,1 %) ainsi qu'à l'exécution 2022 (437,3 millions d'euros), le compte d'affectation spéciale ayant cessé depuis 2023 de porter les engagements du programme « Résilience I » ; cette consommation enregistre également un niveau largement plus faible que la prévision de la loi de finances initiale pour 2024 (340,0 millions d'euros) ;
- la consommation des crédits de paiement (CP) connaît une réduction encore plus marquée, à 298,2 millions d'euros, contre 458,3 millions en exécution 2023 (soit une baisse de - 34,9 %), avec un niveau également inférieur à l'exécution 2022 (348,1 millions d'euros) et à la prévision (340,0 millions d'euros).
Exécution des crédits du budget annexe en 2024
(en % et en millions d'euros)
Action |
LFI 2023 |
Exécution 2023 |
LFI 2024 |
Exécution 2024 |
Exécution 2024 / exécution 2023 |
Écart d'exécution 2024 |
|
[11] Opérations structurantes et cessions |
AE |
310,0 |
211,1 |
140,0 |
100,2 |
- 52,5 % |
- 28,4 % |
CP |
170 |
247,4 |
140,0 |
142,3 |
- 42,5 % |
+ 1,6 % |
|
[12] Contrôles réglementaires, audits, expertises et diagnostics |
AE |
16,0 |
11,2 |
15,0 |
12,1 |
+ 8,0 % |
- 19,3 % |
CP |
19,0 |
12,0 |
17,0 |
12,3 |
+ 2,5 % |
- 27,6 % |
|
[13] Maintenance à la charge du propriétaire |
AE |
51,0 |
51,1 |
48,0 |
72,8 |
+ 42,5 % |
+ 51,7 % |
CP |
45,0 |
51,9 |
45,0 |
62,7 |
+ 20,8 % |
+ 39,3 % |
|
[14] Gros entretien, réhabilitation, mise en conformité et remise en état |
AE |
103,0 |
82,6 |
137,0 |
81,4 |
- 1,5 % |
- 40,6 % |
CP |
106,0 |
147,0 |
138,0 |
80,8 |
- 45,0 % |
- 41,4 % |
|
Total |
AE |
480,0 |
356,0 |
340,0 |
266,5 |
- 25,1 % |
- 21,6 % |
CP |
340,0 |
458,3 |
340,0 |
298,2 |
- 34,9 % |
- 12,3 % |
Note : le programme 721 « Contribution des cessions immobilières au désendettement de l'État » n'étant plus abondé depuis 2018, seules les actions du programme 723 « Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l'État » sont présentées.
Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires
Après un excédent de 66,0 millions d'euros en 2023, le CAS dégage un nouveau résultat excédentaire de 57,0 millions d'euros en 2024.
En conséquence, le solde cumulé du compte depuis sa création (soit la trésorerie du compte) est porté à 764,0 millions d'euros, soit deux fois le montant des restes à payer et des AE affectées. Comme le souligne la Cour des comptes, « ce fonds de roulement permet donc de soutenir des opérations immobilières structurantes qui, par construction, se déploient sur plusieurs exercices » 3(*).
II. II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL : LA PÉRENNITÉ DU COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE EST FRAGILISÉE PAR L'AFFAIBLISSEMENT TENDANCIEL DES RECETTES AINSI QUE PAR LA PERSPECTIVE DE LA CRÉATION D'UNE FONCIÈRE DE L'ETAT
Alors que le CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » représente seulement 3,5 % des crédits de l'État en faveur de l'immobilier, son rôle déjà très modeste au sein de la politique immobilière de l'État pourrait être significativement affecté à moyen terme par la baisse tendancielle de son niveau de recettes.
En effet, les recettes du CAS devraient progressivement se réduire sous l'effet de la raréfaction des biens attractifs pour la vente et des cessions exceptionnelles.
Ainsi, 72 % des 1 553 biens immobiliers déclarés inutiles et remis au domaine fin 2024 étaient considérés par la DIE comme « Difficiles », « Très difficiles » ou « Improbables » à céder4(*).
Comme le relève la Cour des comptes dans sa note d'exécution budgétaire5(*), l'avenir du CAS se pose ainsi au regard de deux éléments :
- d'une part, la pérennité du niveau de recettes constaté ces dernières années dépend de la « capacité de l'État à poursuivre la dynamisation de la valorisation de ses biens, notamment exceptionnels » ;
- d'autre part, le projet de création d'une foncière de l'État6(*), dans laquelle l'incitation des ministères à la sobriété foncière, à la densification des surfaces et à la rénovation énergétique des bâtiments publics passerait par le versement de loyers par les administrations occupantes, devrait conduire à « repenser profondément le CAS et son rôle dans la politique immobilière globale de l'État ».
Le rapport de l'Inspection générale des finances (IGF) et du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) « Immobilier de l'État : une nouvelle architecture pour professionnaliser » d'avril 20227(*) envisage ainsi une refonte de la maquette budgétaire des politiques de l'immobilier de l'État et préconise la création d'une nouvelle mission budgétaire qui rassemblerait un programme dédié au gros entretien/renouvellement du parc immobilier de l'État et un second portant les crédits dédiés aux projets nouveaux.
Les recommandations du rapport IGF-CGEDD d'avril 2022
« Confier la mission de représenter l'État propriétaire et d'accompagner les occupants publics sur l'ensemble de la chaine des besoins immobiliers à une entité publique opérationnelle dédiée, placée sous la tutelle de la DIE et dotée d'antennes régionales. Cette agence, bras armé opérationnel de la politique immobilière de l'État, assurerait la gestion du propriétaire, la conduite de projet et la valorisation du patrimoine foncier et de l'immobilier de bureaux de l'ensemble des ministères (hors ministère des armées et biens situés à l'étranger) et, selon des règles à définir, celles des opérateurs de l'État, et elle apporterait son expertise en matière de maîtrise d'ouvrage pour l'ensemble du parc immobilier de l'État. Elle serait soit affectataire, soit propriétaire des biens dont elle assurerait la gestion. »
« Mettre en place des loyers versés par les administrations occupantes à l'agence représentant l'État propriétaire, qui financeraient les dépenses du propriétaire, en prévoyant un dispositif financier incitatif pour les administrations qui rationalisent leur organisation immobilière. »
« Créer une nouvelle mission budgétaire qui rassemblerait, sur un premier programme, l'ensemble des crédits dédiés au gros entretien renouvellement (GER) du parc immobilier de l'État et, sur un second programme, les crédits dédiés aux nouveaux projets. »
Source : Inspection générale des finances, Conseil général de l'environnement et du développement durable, « Immobilier de l'État : une nouvelle architecture pour professionnaliser », avril 2022
* 1 Article 47 de la loi n° 2005 1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.
* 2 Il ne peut pas être supprimé, car l'article 7 de la loi organique n° 2001 692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) impose qu'un compte d'affectation spéciale comporte au moins deux programmes.
* 3 Cour des comptes, note d'exécution budgétaire 2024, compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », avril 2025.
* 4 Cour des comptes, « La politique immobilière de l'État, une réforme nécessaire pour aborder les enjeux à venir », communication à la commission des finances de l'Assemblée nationale, décembre 2023.
* 5 Cour des comptes, note d'exécution budgétaire 2024, compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », avril 2025.
* 6 Portée par un amendement gouvernemental au projet de loi de finances pour 2025 et adoptée par le Parlement, cette mesure a cependant été censurée par le Conseil constitutionnel (décision n° 2025-874 DC du 13 février 2025) qui a considéré qu'il s'agissait d'un cavalier budgétaire.
* 7 Inspection générale des finances, Conseil général de l'environnement et du développement durable, « Immobilier de l'État : une nouvelle architecture pour professionnaliser », rapport n° 2021-M-074-03, avril 2022.