N° 743

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 juin 2025

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi,
rejeté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée,
relative aux
résultats de la gestion et portant approbation des comptes
de l'année 2024,

Par M. Jean-François HUSSON,
Rapporteur général,

Sénateur

TOME II
CONTRIBUTION DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

ANNEXE N° 4
Aide publique au développement

COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS : PRÊTS À DES ÉTATS ÉTRANGERS

Rapporteurs spéciaux : MM. Michel CANÉVET et Raphaël DAUBET

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson,
rapporteur général ;
MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet,
M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Claire Carrère-Gée, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel,
Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient,
Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 1285, 1492 et T.A. 138

Sénat : 718 (2024-2025)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. En 2024, l'exécution de la mission « Aide publique au développement » se situe à 4,76 milliards d'euros en AE et 4,82 milliards d'euros en CP. Ce résultat marque l'amorce d'une modération des crédits de cette mission, dont le volume avait plus que doublé depuis 2017.

2. La loi de finances initiale pour 2024, avec 5,93 milliards d'euros de CP ouverts, s'approchait du plafond fixé par la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, soit 5,90 milliards. Pour autant, l'exécution des crédits s'est éloignée de cette trajectoire.

3. Le taux d'exécution des crédits sur l'année 2024 se situe en effet à 75,6 % des autorisation d'engagement et 81,3 % des crédits de paiement, soit une performance en baisse par rapport à l'année passée qui découle principalement des annulations de crédits opérées en gestion, à hauteur de plus d'un milliard d'euros.

4. Sur le programme 110, le taux de consommation est de 66,8 % en AE et de 80,2 % en CP par rapport aux crédits inscrits en loi de finances initiale. Pour le programme 209, le taux d'exécution des crédits s'élève à 82 % en AE et à 81,4 % en CP. Ces deux programmes, qui rassemblent l'essentiel des crédits de la mission, ont fait l'objet de mesures de régulation budgétaire qui ont sensiblement affectées leur enveloppe.

5. Au total, les annulations de crédits réalisés en 2024 ont minoré l'enveloppe de la mission « Aide publique au développement » de 1,06 milliard d'euros en autorisation d'engagement et de 1,02 milliard d'euros en crédits de paiement. Si une telle baisse des crédits en cours d'exercice était sans précédent, les rapporteurs spéciaux soulignent qu'au stade de l'examen du projet de loi de finances pour 2024, la programmation initiale était déjà excessivement optimiste.

6. Les rapporteurs spéciaux prennent acte du fait que l'exécution 2024 marque la caducité de la trajectoire fixée par la loi de programmation du 4 août 2021. Il paraît dès lors nécessaire d'envisager une actualisation de la trajectoire d'aide au développement de la France, en prenant compte des priorités stratégiques identifiées par le Gouvernement et le contexte de dégradation de nos finances publiques.

7. Par ailleurs, l'exercice 2024 est marqué par un solde d'exécution positif du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers », celui-ci s'établissant à 1,6 milliard d'euros, contre une évaluation initiale de - 691,7 millions d'euros.

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION ET DU COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS EN 2024

A. UNE EXÉCUTION BUDGÉTAIRE SENSIBLEMENT PERTURBÉE PAR LES ANNULATIONS DE CRÉDITS EN COURS D'EXERCICE

La mission « Aide publique au développement » regroupe les crédits des principaux programmes concourant à la politique française d'aide publique au développement :

- le programme 110 « Aide économique et financière au développement », mis en oeuvre par le ministère de l'économie et des finances ;

- le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement », mis en oeuvre par le ministère des affaires étrangères et du développement international ;

- le programme 365 « Renforcement des fonds propres de l'Agence française de développement » mis en oeuvre par le ministère de l'économie et des finances ;

le programme 370 « Restitution des biens mal-acquis » constitue le mécanisme retenu pour restituer aux pays d'origine les recettes liées aux confiscations judiciaires des biens « mal acquis » en France par des ressortissants étrangers. Il a fait, pour la première fois, l'objet d'un abondement budgétaire dans la loi de finances pour 2024.

Exécution des crédits de la mission « Aide publique
au développement » en 2024

(en millions d'euros)

Programme

Exécution 2023

Prévision 2024

Exécution 2024

Variation exécution 2024/2023 ( %)

Taux d'exécution (écart en %)

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

110 - Aide économique et financière au développement

2 970,9

2 252,5

2 787,1

2 337,9

1 862,3

1 875,4

- 37,3 %

- 16,7 %

- 33,2 %

- 19,8 %

209 - Solidarité à l'égard des pays en développement

3 721,9

3 174,7

3 349,4

3 434,9

2 745,5

2 796,9

- 26,2 %

- 11,9 %

- 18,0 %

- 18,6 %

365 - Renforcement des fonds propres de l'Agence française de développement

150,0

150,0

150,0

150,0

150,0

150,0

-

-

+ 0,0 %

+ 0,0 %

370 - Restitution des « biens mal acquis »

-

-

6,1

6,1

0

0

-

-

- 100 %

- 100 %

Mission

6 842,8

5 577,3

6 292,6

5 928,9

4 757,8

4 822,3

- 30,5 %

- 13,5 %

- 24,4 %

- 18,7 %

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

En prévision initiale, les crédits de la mission « Aide publique au développement » étaient, par rapport à l'exercice précédent, en baisse s'agissant des autorisations d'engagement, avec 6,2 milliards d'euros, et à un niveau comparable à 2023 pour les crédits de paiement, avec 5,9 milliards d'euros. Les fortes variations du niveau des AE entre les exercices budgétaires s'expliquent par la reconstitution des fonds multilatéraux et des appels de fonds des organisations internationales, qui s'inscrivent généralement dans un rythme triennal.

Par comparaison avec l'année 2023, la loi de finances pour 2024 a été marquée par un renforcement sensible des moyens de la coopération bilatérale, principalement portée par le programme 209. Ces crédits, qui traduisent les orientations de la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, qui accordait une priorité au volet bilatérale de l'APD, ont toutefois été largement affectés par les mesures de régulation budgétaire.

Évolution de l'exécution de la mission « Aide publique au développement »
entre 2018 et 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Dans un contexte marqué par une dégradation inédite de nos finances publiques, l'enveloppe initiale de la mission « Aide publique au développement » dans la LFI 2024 a été sensiblement affectée par les annulations de crédits décidées en gestion.

D'une part, le décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits a conduit à l'annulation de 744 millions d'euros de crédits, en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement. Ces annulations ont majoritairement porté sur le programme 209 (490 millions d'euros en AE et 540 millions d'euros en CP) dont les dépenses sont plus pilotables. Le programme 110 comporte en effet de nombreuses dépenses résultant d'engagements internationaux de la France.

D'autre part, la loi n° 2024-1167 du 6 décembre 2024 de finances de fin de gestion pour 2024 a procédé à l'annulation de 319,8 millions d'euros en AE et de 275,1 millions d'euros en CP.

Mouvements intervenus en cours de gestion 2024 
sur la mission « Aide publique au développement »

(en crédits de paiement et en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Au total, le niveau d'exécution des crédits de la mission « Aide publique au développement », ouverts en LFI 2024, se situe à 4,76 milliards d'euros en AE et 4,82 milliards d'euros en CP, soit 81 % de la programmation initiale.

1. Le programme 110

Le programme 110 « Aide économique et financière au développement » retrace les crédits confiés au ministère de l'économie et des finances et, plus particulièrement, à la direction générale du Trésor, pour la mise en oeuvre des actions relevant de l'aide publique au développement.

Par rapport au programme 209, le programme 110 présente une structuration des dépenses davantage contrainte. Il porte en effet une part conséquente de contributions internationales à des institutions multilatérales de développement pour lesquels les engagements portent généralement sur trois ans.

Exécution des crédits du programme 110 en 2024

(en millions d'euros)

Action

Exécution 2023

Prévision 2024

Exécution 2024

Variation exécution 2024/2023 ( %)

Taux d'exécution (écart en %)

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

01 - Aide économique et financière multilatérale

1 124,7

1 484,4

611,8

1 490,3

508,0

1 257,1

- 54,8 %

- 15,3 %

- 17,0 %

- 15,6 %

02 - Aide économique et financière bilatérale

1 755,0

646,1

2 175,3

734,0

1 352,9

503,3

- 22,9 %

- 22,1 %

- 37,8 %

- 31,4 %

03 - Traitement de la dette des pays pauvres

91,3

122,0

0

113,5

1,4

115,0

- 98,5 %

- 5,7 %

-

+ 1,3 %

Programme

2 970,9

2 252,5

2 787,1

2 337,9

1 862,3

1 875,4

- 37,3 %

- 16,7 %

- 33,2 %

- 19,8 %

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Le taux de consommation des crédits du programme 110 est de 66,8 % en AE et de 80,2 % en CP par rapport aux crédits inscrits en LFI. Il s'agit d'une performance en recul par rapport à l'exercice précédent où les taux d'exécution étaient de 85,1 % pour les autorisations d'engagement et de 94,2 % pour les crédits de paiement.

Cette moindre performance découle des annulations de crédits effectuées en cours de gestion pour endiguer le dérapage des comptes publics. Ainsi, le décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits a affecté le programme 110 à hauteur de 250 millions d'euros en AE et de 200 millions d'euros en CP. Ces mesures de régulation ont conduit le ministère de l'économie et des finances à sensiblement réduire les enveloppes discrétionnaires, d'une part, et à rationaliser les contributions multilatérales portées par le programme par une réduction ou un rééchelonnement des versements, d'autre part.

Dans le cadre d'arbitrages budgétaires postérieurs au décret de février 2024, les annulations opérées par ce dernier ont ensuite fait l'objet d'un rééquilibrage au détriment du programme 110.

De plus, en fin d'année, la loi de finances de fin de gestion a conduit à l'annulation de 252,1 millions d'euros en AE et de 207,3 millions d'euros en CP sur le programme. L'essentiel de ces annulations portait sur la réserve de précaution.

Au-delà de ces annulations, dont le total représentait 18 % des crédits ouverts en LFI 2024 sur le programme 110, la sous-consommation des crédits de ce programme découle de différents facteurs, parmi lesquels des versements multilatéraux moins importants qu'anticipés et des retards pris dans plusieurs projets.

2. Le programme 209

Le programme 209 « Solidarité avec les pays en développement » retrace les crédits gérés par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères pour la mise en oeuvre des opérations de coopération bilatérale, multilatérale et communautaire. La proportion conséquente de dépenses bilatérales et de contributions volontaires, dont les engagements sont renouvelés chaque année, rend ce programme plus pilotable que le 110.

Sur le programme 209, la loi de finances initiale pour 2024 prévoyait une baisse des autorisations d'engagement (- 21,8 %) et une stabilisation des crédits de paiement. Du fait des mesures de régulation budgétaire en exécution, les AE ont reculé plus significativement (- 26,2 %) et les CP ont également fait l'objet d'une minoration par rapport à l'exercice précédent (- 11,9 %).

Exécution des crédits du programme 209 en 2024

(en millions d'euros)

Action

Exécution 2023

Prévision 2024

Exécution 2024

Variation exécution 2024/2023 ( %)

Taux d'exécution (écart en %)

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

02 - Coopération bilatérale

1 819,1

1 682,0

2 191,3

2 184,4

1 695,6

1 602,1

- 6,9 %

- 4,8 %

- 22,6 %

- 26,7 %

05 - Coopération multilatérale

1 381,6

971,6

703,6

796,1

621,3

766,1

- 55,0 %

- 21,2 %

- 11,7 %

- 3,8 %

07 - Coopération communautaire

363,7

363,7

285,0

285,0

265,3

265,3

- 27,1 %

- 27,1 %

- 6,9 %

- 6,9 %

08 - Dépenses de personnels concourant au programme « Solidarité à l'égard des pays en développement »

161,4

157,4

169,4

169,4

163,4

163,4

+ 1,2 %

+ 3,8 %

- 3,5 %

- 3,5 %

Programme

3 721,9

3 174,7

3 349,4

3 434,9

2 745,5

2 796,9

- 26,2 %

- 11,9 %

- 18,0 %

- 18,6 %

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

En fin d'exercice, le taux d'exécution des crédits s'élève à 82 % en AE et à 81,4 % en CP, en baisse par rapport à 2023 (91,8 % en AE et 92,4 % en CP). Cette sous-exécution résulte des annulations budgétaires intervenues en gestion, qui ont fortement réduit l'enveloppe initiale. Le programme 209 a en effet été particulièrement affecté par les annulations de crédits décidées par voie réglementaire en février 2024. Le décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits a ainsi procédé :

- à l'annulation de l'ensemble de la mise en réserve initiale sur les dépenses du programme, soit 174,9 millions d'euros en AE et 179,6 millions d'euros en CP ;

- et à une ponction de 70 millions d'euros en AE=CP sur la réserve pour crises majeures, l'enveloppe du programme dédiée à la réponse d'urgence aux crises humanitaires internationales. À noter que cet instrument a été supprimé dans la loi de finances initiale pour 2025.

La loi de finances de fin de gestion a annulé 67,8 millions d'euros, en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement.

Toutefois, par rapport au solde des crédits ouverts en LFI et annulés en cours d'année, le niveau d'exécution est satisfaisant, la quasi-totalité des dépenses ayant été engagée. Ceci s'explique par :

un dégel exceptionnel de 50 millions d'euros sur la provision pour crises majeurs afin de financer le soutien de la France au Liban ;

des transferts issus de programmes extérieurs à la mission pour financer l'organisation du sommet de la Francophonie.

3. Le programme 365

Le programme 365, créé en 2021, est dédié au renforcement des fonds propres de l'AFD. Confié à la direction générale du Trésor, il permet un abondement de l'agence en capital afin de respecter le cadre prudentiel applicable aux sociétés de financement.

En 2024, comme en 2023, la loi de finances initiale prévoyait 150 millions d'euros en AE comme en CP. L'ensemble de ces crédits ont été consommés sur l'exercice.

4. Le programme 370

Créé en 2022, le programme 370 « Restitution des biens mal acquis » vise à traduire l'engagement de la France d'affecter les avoirs issus de la corruption transnationale à l'aide au développement. Le programme 370 est doté au fur et à mesure de l'encaissement du produit de la vente des biens mal acquis par l'Agence de gestion et de recouvrement des biens saisis et confisqués (AGRASC).

En LFI pour 2024, le programme 370 a été alimenté pour la première fois avec l'ouverture de 6,1 millions d'euros en AE=CP. Ce versement correspondait aux cessions issues de l'affaire « Obiang » du nom du fils de l'ancien président et lui-même vice-président de la Guinée-Équatoriale, Teodorín Obiang, condamné définitivement par la Cour de cassation en juillet 2021 dans une affaire de biens mal acquis.

Le décaissement des fonds dépend cependant des négociations entre le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et le pays bénéficiant de la restitution des avoirs sous la forme d'APD. Dans le cas de la restitution des biens issus de l'affaire « Obiang », les négociations avec la Guinée-Équatoriale n'ont pas abouti sur l'exercice 2024, expliquant l'absence d'exécution des crédits du programme 370.

B. LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « PRÊTS À DES ÉTATS ÉTRANGERS »

Le compte de concours financiers regroupe pour sa part des prêts à des États étrangers qui concourent à la politique française d'aide publique au développement, à l'exception du programme concernant la Grèce :

- le programme 851 « Prêts à des États étrangers en vue de faciliter la vente de biens et services concourant au développement du commerce extérieur de la France » porte deux catégories de prêts du Trésor, à savoir les prêts concessionnels accordés à certains pays en développement, et les prêts non concessionnels ;

- le programme 852 « Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France » permet de refinancer les dettes de certains pays envers la France ;

- le programme 853 « Prêts à l'Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers » porte le versement à l'AFD de la « ressource à condition spéciale » (RCS) qui lui permet d'octroyer des prêts à des États étrangers à des conditions concessionnelles. Depuis 2019, ce programme est placé en extinction et aucune AE n'est ouverte en PLF ;

- le programme 854 « Prêts aux États membres de l'Union européenne dont la monnaie est l'euro » était initialement destiné à porter la contribution de la France au plan de soutien en faveur de la Grèce, finalement confié au Fonds européen de stabilité financière (FESF). Ce programme n'est plus actif depuis 2012.

Exécution des crédits du compte de concours financiers
« Prêts à des États étrangers » en 2024

(en millions d'euros)

Programme

Recettes

Crédits votés LFI 2024

Crédits exécutés 2024

Solde

Prévision

Exécution

AE

CP

AE

CP

Prévision

Exécution

851 

276,8

301,7

1 000

762,0

413,8

379,4

- 485,2

- 77,7

852 

59,1

66,6

287,1

287,1

95,8

95,8

- 228,0

- 29,2

853 

171,5

171,5

0

150

0

150

+ 21,5

+ 21,5

854 

0

1 710,7

0

0

0

0

+ 0 

+ 1 710,7

Total

507,5

2 250,5

1 287,1

1 199,1

509,6

625,2

- 691,7

+ 1 629,3

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

L'exercice 2024 est marqué, comme l'année précédente par un solde d'exécution positif du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers », celui-ci s'établissant à 1,6 milliard d'euros, contre une évaluation initiale de - 691,7 millions d'euros.

Il s'agit de la quatrième fois depuis 2016 que le compte présente un solde excédentaire. Cet excédent s'explique par une sur-exécution des programmes du compte de concours financiers. Les programmes 853 et 854 présentent, de fait, un excédent en exécution.

Comme par le passé, l'excédent global du compte de concours financiers s'explique à la fois par une sous-exécution des dépenses et par des recettes exceptionnelles.

D'une part, le total des recettes constaté en exécution est largement supérieur à la prévision avec plus de 2,2 milliards d'euros en 2024. Cette surexécution s'explique essentiellement par un remboursement anticipé, inscrit sur le programme 854, de 1,7 milliard d'euros du capital dû par la Grèce au titre des échéances 2026, 2027 et 2028.

D'autre part, s'agissant des dépenses, le taux de consommation du programme 851 s'est élevé à 41 % sur l'exercice 2024 (contre 22 % en 2023). Ce programme retrace les opérations liées à l'octroi de prêts accordés par le Trésor à des États pour financer la réalisation de projets de développement qui font appel à des biens ou services français. Le fort écart entre la prévision et l'exécution s'explique par une multiplicité de facteurs exogènes qui affectent la concrétisation des intentions de financement. Quatre protocoles de prêts1(*) ont été signés en 2024, tandis que quatre des onze protocoles signés en 2023 ont été engagés au cours de l'exercice. La consommation des CP sur ce programme a représenté un total de 379,4 millions d'euros.

Pour le programme 852, la consommation des crédits s'inscrit en nette hausse (33 %) par rapport à l'année précédente (2%). Ce programme retrace les prêts accordés par la France à des États dans le cadre d'opérations de restructuration de leur dette. Les crédits consommés traduisent la mise en oeuvre des accords de refinancement de la dette de la Zambie et du Suriname. La sous-consommation des dépenses prévues en loi de finances initiale découle de l'absence de conclusion de trois autres projets d'accords avec l'Éthiopie, le Sri Lanka et le Ghana.

II. LES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

A. UNE MISE À CONTRIBUTION DE PLUS D'UN MILLIARD D'EUROS AU REDRESSEMENT DES COMPTES PUBLICS QUI PRÉSERVE UN HAUT NIVEAU DE DÉPENSES PAR RAPPORT À 2017

Au total, les annulations de crédits réalisés en 2024 ont minoré l'enveloppe de la mission « Aide publique au développement » de 1,06 milliard d'euros en autorisation d'engagement et de 1,02 milliard d'euros en crédits de paiement. Une telle réduction, en cours d'exercice, des crédits votés par le Parlement est sans précédent sur cette mission.

L'ampleur des annulations décidées par le Gouvernement comporte une dimension politique. Elle permet, de fait, de préserver d'autres missions du budget de l'État en réduisant des dépenses « indolores » pour le public. Cependant, elle s'explique également par une budgétisation initiale excessivement optimiste compte tenu des marges budgétaires de la France et de la capacité de décaissement des deux ministères responsables de la mission.

La portée de ces mesures de régulation peut néanmoins être relativisée et ce, pour deux raisons.

D'une part, la mission interministérielle « Aide publique au développement » ne regroupe qu'une minorité des dépenses d'aide au développement de la France. L'APD résulte en effet d'une comptabilisation a posteriori par le comité de l'aide au développement (CAD) de l'OCDE, selon des critères établis par cette organisation. Ainsi, en 2023, la mission « Aide publique au développement » ne représentait que la moitié des dépenses d'APD françaises.

D'autre part, en dépit du montant conséquent des annulations réalisées en 2024, les crédits de la mission demeurent à un niveau largement supérieur à celui de 2017. En effet, sur la période 2017-2024, le volume de la mission a progressé de près de 95 % (soit 3,2 milliards d'euros). Corrigée des mesures de régulation budgétaire, cette progression est de 61 %. Cette forte augmentation, qui ne correspond qu'en partie à un effet de rattrapage de notre politique de développement, explique que la mission ait été particulièrement mise à contribution dans la recherche d'économies budgétaires.

Évolution des crédits de la mission APD sur la période 2017-2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Pour autant, les rapporteurs spéciaux regrettent ce calendrier et ces modalités de gestion de l'enveloppe des dépenses d'aide publique au développement. Dès l'examen du projet de loi de finances pour 2024, il était clair que le volume de la mission était disproportionné, au regard des capacités de décaissement comme de l'état de nos déficits publics. Pour cette raison, le Sénat avait adopté un amendement de la commission des finances proposant une mesure d'économies de 200 millions d'euros. Cette proposition n'a pas été retenue par le Gouvernement dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité, en application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution.

B. L'INDISPENSABLE ACTUALISATION DE LA TRAJECTOIRE D'AIDE AU DÉVELOPPEMENT DE LA FRANCE

La loi de finances pour 2025 ayant acté la consolidation des dépenses d'aide publique au développement, respectivement à 5,1 milliards d'euros en AE et à 4,4 milliards d'euros en CP, la trajectoire fixée par la loi de programmation du 4 août 2021 paraît désormais caduque2(*). Cette dernière était apparue excessivement ambitieuse dès le stade de son examen au Sénat. Prenant acte d'une marche budgétaire trop importante pour atteindre l'objectif de 0,7 % d'ici à 2025, le comité interministériel de la coopération internationale et du développement, réuni en juillet 2023, a décidé le report de cet effort à 2030. Si la méthode choisie pour acter ce report, sans aucune information du Parlement, est contestable, cette décision paraissait inéluctable. La réalisation de la trajectoire aurait en effet, selon le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, nécessité une augmentation massive du volume d'APD, de l'ordre de 6,2 milliards d'euros.

Trajectoire de la mission « Aide publique au développement »
pour les années 2023 à 2026

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances d'après les données de la Cour des comptes

Compte tenu de la situation budgétaire et des arbitrages récents rendus sur la mission APD, il est toutefois improbable que l'objectif de 0,7 % du RNB d'ici 2030 soit respecté. L'exécution des dépenses de la mission, en 2023 comme en 2024, s'éloigne de la trajectoire fixée dans les différents textes votés par le Parlement. Il paraît dès lors nécessaire d'envisager une actualisation de la trajectoire d'aide au développement de la France.

Sans préjuger des débats futurs, les rapporteurs spéciaux tiennent à souligner deux facteurs qui contraindront nécessairement les arbitrages budgétaires relatifs à la mission APD dans les années à venir.

En premier lieu, une part conséquente des dépenses de la mission APD résultent d'engagements juridiquement contraignants. Il s'agit notamment, au sein des contributions multilatérales, des contributions obligatoires, qui découlent d'un engagement en droit international public, généralement un traité ou un accord international. L'augmentation continue des contributions internationales depuis 2017 contribue à une rigidification des crédits de la mission « Aide publique au développement » et le renouvellement d'un certain nombre de contributions internationales à l'horizon 2026 sera l'occasion pour le ministère de l'économie et des finances et le ministère de l'Europe et des affaires étrangères de proposer des arbitrages quant au renouvellement de ces versements.

En second lieu, une proportion croissant des crédits de la mission correspond à des dépenses présentant une dimension symbolique non négligeable, au regard de l'engagement de la parole de la France auprès de ses partenaires. Parmi ces dépenses figurent les contributions internationales volontaires et les crédits de l'aide humanitaire. Ces derniers, en ce qu'ils matérialisent la capacité de la France à apporter une assistance face aux crises internationales comportent une forte portée symbolique.

Le destin de la provision pour crises majeures illustre les contraintes parfois contradictoires auxquelles se trouve exposée la mission. Cet instrument a été conçu comme un outil budgétaire de réaction rapide face aux crises humanitaires. Il permettait d'apporter rapidement un soutien financier de la France aux populations les plus vulnérables par des canaux bilatéraux (notamment les actions du Centre de crise et de soutien) et multilatéraux (par des contributions volontaires aux agences des Nations unies). La provision présentait cependant deux inconvénients majeurs :

- d'une part, son calibrage constituait un exercice complexe en l'absence de prévisibilité des crises internationales. De plus, rien ne garantissait une exécution complète de l'enveloppe initiale ;

- d'autre part, son caractère pilotable en faisait la variable d'ajustement de la régulation budgétaire de la mission. En 2024, la provision pour crises a fait l'objet d'un surgel de 103 millions d'euros.

Si cet instrument, dont la répartition échappait au contrôle parlementaire, paraissait disproportionné au regard de son volume (équivalent à près de 10 % de l'enveloppe totale du programme 209), sa suppression expose le programme 209 à des abondements ou des redéploiements en cours d'année. Dans un contexte international volatil, les rapporteurs soulignent l'utilité d'une réserve de crise dont le montant aurait gagné à être mieux calibré.


* 1 Dont trois prêts concessionnels et un prêt direct.

* 2 Pour rappel, l'article 2 de la loi de programmation envisageait, « à titre indicatif », que la France consacre 0,7 % de son revenu national brut (RNB) à l'aide publique au développement. Il fixait également des cibles intermédiaires et indicatives à 0,61 % du RNB pour 2023 et 0,66 % du RNB en 2024.

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