C. LE PROGRAMME 135 VOIT SES CRÉDITS CONSOMMÉS DIMINUER MALGRÉ UNE HAUSSE IMPORTANTE DES OUVERTURES DE CRÉDITS ALORS QUE LA CONSOMMATION DIMINUE

Le programme 135 porte des crédits consacrés à des actions liées à la construction et l'habitat, en particulier par les aides à la pierre pour la construction de logements sociaux, la rénovation thermique des logements privés et, désormais, le financement des établissements publics fonciers. La quasi-totalité des crédits est portée par les actions 01, 04 et 07.

L'action 01 « Construction locative et amélioration du parc » porte en loi de finances initiale des crédits budgétaires très réduits (74,8 millions d'euros) destinés à la rénovation des cités minières et à l'accueil des gens du voyage mais accueille surtout, en exécution, des fonds de concours reversés au Fonds national des aides à la pierre (FNAP). Ses crédits consommés sont ainsi de 308,4 millions d'euros en crédits de paiement (voir infra).

L'action 04 « Réglementation, politique technique et qualité de la construction » a consommé en 2024 des crédits de 440,5 millions d'euros, correspondant principalement aux crédits budgétaires destinés à l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) pour la rénovation thermique des logements privés à hauteur de 380,2 millions d'euros. Les dépenses liées au contentieux de l'habitat sont de 46,7 millions d'euros, ce qui correspond majoritairement aux astreintes à la charge de l'État versées au Fonds national d'accompagnement vers et dans le logement (FNAVDL), dans le cadre de la mise en oeuvre du droit au logement opposable (DALO).

L'action 07 « Urbanisme et aménagement » finance certaines actions en lien avec l'urbanisme et l'aménagement. Ses crédits ont augmenté de manière très importante depuis 2021 en raison de la mise en oeuvre d'une compensation budgétaire à destination, notamment, des établissements publics fonciers, suite à la diminution du produit de la taxe spéciale d'équipement (TSE) résultant de la réforme de la fiscalité locale de 2020. Les crédits de paiement exécutés en 2024 sont de 307,1 millions d'euros, dont 175,2 millions d'euros au titre de la compensation budgétaire, les autres dépenses correspondant à des actions diverses de soutien à l'urbanisme et à l'aménagement.

Par ailleurs, deux actions sont dotées uniquement en exécution, par transfert depuis la mission « Plan de relance » : les actions 09 « Crédits Relance Cohésion » (9,3 millions d'euros de crédits de paiement) et 10 « Crédits Relance Écologie » (101,2 millions d'euros).

S'agissant des autres actions, l'action 02 « Soutien à l'accession à la propriété » comprend des commissions de gestion versées à la société de gestion des financements et de la garantie de l'accession sociale à la propriété (SGFFAS), car cette politique passe par des dispositifs fiscaux et des crédits extrabudgétaires. L'action 03 « Lutte contre l'habitat indigne » retrace certaines dépenses prises en charge directement par l'État, cette politique étant mise en oeuvre à titre principal par l'ANAH. L'action 05 « Soutien » regroupe des crédits d'étude, de médiation, de communication, ainsi que des crédits liés aux applications informatiques et à la formation des personnels.

Évolution des crédits par action du programme 135

(en millions d'euros et en %)

   

2023

2024

Exécution / prévision 2024

Exécution

2024 / 2023

Exécution

Crédits votés LFI

Prévision LFI

Exécution

en volume

en %

en volume

en %

01 - Construction locative et amélioration du parc

AE

675,8

415,0

956,7

606,0

+ 191,0 

- 84,5 %

- 69,8 

- 10,3 %

CP

262,9

74,8

358,9

308,4

+ 233,6 

- 67,5 %

+ 45,5 

+ 17,3 %

02 - Soutien à l'accession à la propriété

AE

3,7

4,2

4,2

3,8

- 0,4 

- 10,1 %

+ 0,1 

+ 1,7 %

CP

3,7

4,2

4,2

3,8

- 0,4 

- 10,1 %

+ 0,1 

+ 1,7 %

03 - Lutte contre l'habitat indigne

AE

10,3

20,5

20,5

4,9

- 15,6 

- 76,2 %

- 5,4 

- 52,6 %

CP

12,1

20,5

20,5

6,1

- 14,4 

- 70,1 %

- 6,0 

- 49,4 %

04 - Réglementation, politique technique et qualité de la construction

AE

439,5

1 179,5

1 179,5

439,5

- 739,9 

- 62,7 %

+ 0,0 

+ 0,0 %

CP

442,7

1 179,5

1 179,5

440,5

- 739,0 

- 62,7 %

- 2,2 

- 0,5 %

05 - Soutien

AE

36,8

39,0

39,0

41,6

+ 2,6 

+ 6,7 %

+ 4,9 

+ 13,2 %

CP

35,8

39,0

39,0

41,6

+ 2,6 

+ 6,6 %

+ 5,7 

+ 16,0 %

07 - Urbanisme et aménagement

AE

232,2

259,7

259,7

375,0

+ 115,3 

+ 44,4 %

+ 142,8 

+ 61,5 %

CP

230,4

265,7

265,7

307,1

+ 41,4 

+ 15,6 %

+ 76,7 

+ 33,3 %

09 - Crédits Relance Cohésion

AE

1,6

0,0

0,0

- 3,0

- 3,0 

+ 0,0 %

- 4,6 

- 280,6 %

CP

8,9

0,0

0,0

9,3

+ 9,3 

+ 0,0 %

+ 0,4 

+ 4,6 %

10 - Crédits Relance Écologie

AE

- 4,3

0,0

0,0

- 1,8

- 1,8 

+ 0,0 %

+ 2,5 

- 58,2 %

CP

92,7

0,0

0,0

101,2

+ 101,2 

+ 0,0 %

+ 8,5 

+ 9,2 %

Total programme

AE

1 395,6 

1 917,9 

2 459,5 

1 466,0 

- 451,8 

- 51,8 %

+ 70,4 

+ 5,0 %

CP

1 089,2 

1 583,7 

1 867,7 

1 218,0 

- 365,7 

- 41,0 %

+ 128,8 

+ 11,8 %

Note : LFI : loi de finances initiale. La prévision en LFI inclut les prévisions de fonds de concours (FDC) et d'attribution de produits (ADP), ce qui n'est pas le cas des crédits votés en LFI. L'exécution constatée dans le projet de loi de règlement ou de résultats de la gestion inclut les FDC et ADP constatés.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Après une forte augmentation des crédits consommés en 2023 par rapport à 2022, en augmentation de 433,5 millions d'euros, soit + 45,1 %, en autorisations d'engagement et de 197,5 millions d'euros en crédits de paiement, soit + 22,1 %, la hausse des crédits se poursuit en 2024.

La croissance est ainsi plus mesurée mais demeure importante : 70,4 millions d'euros en CP et 128,8 millions d'euros en AE, soit respectivement + 5,0 % et + 11,8 %.

Ce retour à la trajectoire en tendance résulte pour l'essentiel de la création du programme « Territoires engagés pour le logement » (TEL), initié en février 2024 et qui n'était pas prévu dans le budget voté en loi de finances initiale. Ce programme vise à soutenir 22 opérations d'aménagement réparties sur l'ensemble du territoire national, avec pour objectif la construction d'environ 30 000 logements d'ici 2027, dont au moins 25 % de logements sociaux. Il a été financé sous enveloppe par le programme 135 : l'évaluation était de 125 millions d'euros en AE et 66,7 millions d'euros en CP pour 2024, la consommation de 121,8 millions d'euros en AE et 58,4 millions d'euros en CP.

1. Les crédits ouverts sur le programme 135 ont été largement surestimés, ce qui a causé une gestion budgétaire par à-coups.

Les crédits consommés par le programme 135 dépassent très largement ceux ouverts en loi de finances initiale, du fait de mouvements de crédits de toutes natures structurellement élevés. Pour une large part, ces crédits sont issus de fonds de concours versés au Fonds national des aides à la pierre (FNAP).

Évolution des crédits en cours d'exercice 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des données fournies par la direction du budget

Ces mouvements de crédits tendent à s'accroître d'année en année. En 2024, les crédits sont seulement consommés à hauteur de 83 % en AE et de 61 % en CP, ce qui demande une révision durable du mode de budgétisation du programme.

En particulier, les crédits de paiement non consommés proviennent majoritairement des fonds de concours du Fonds national des aides à la pierre (FNAP), qui ne sont exécutés qu'à hauteur de 29 %.

Or, les restes à payer du programme 135, déjà très élevés à la fin de l'exercice 2023, continuent de progresser en 2024 et s'accroissent de 248 millions d'euros. Entre 2020 et 2024, on observe ainsi une hausse de 51,8 % des restes à payer du programme 135.

Restes à payer du programme 135

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

La gestion des crédits issus des fonds de concours demeure problématique. Le rapporteur spécial encourage donc une budgétisation plus adaptée d'année en année pour favoriser une stabilisation de la trésorerie des fonds de concours du programme.

L'augmentation considérable de ces restes à payer est aussi liée à la mise en oeuvre des actions 09 « Crédits Relance Cohésion » et 10 « Crédits Relance Écologie ». En effet, les autorisations d'engagement ouvertes, parfois massives, - avec 402 millions d'euros en 2021 pour l'action 10 - en 2021 et 2022 n'ont pas été couvertes par des crédits de paiement.

Il est cependant probable que la situation se résorbe : les autorisations d'engagement dans ces deux actions sont nulles en 2021 et les crédits de paiement continuent à être mis en oeuvre, même si leur rythme d'utilisation notamment sur l'action 10 demeure lent.

Comme l'indique la Cour des comptes, le programme a subi en 2024 des « à-coups budgétaires », en lien avec deux évènements particulièrement marquants :

- d'une part, comme indiqué supra, le déploiement du dispositif « Territoires engagés pour le logement » (TEL) qui n'avait pas été inscrit dans le budget ;

d'autre part, les annulations importantes en cours de gestion, avec l'annulation de 358,9 millions d'euros en AE et en CP par décret en février 2024 puis, en loi de fin de gestion, l'annulation de 302,1 millions d'euros en AE et 381,3 millions d'euros en CP.

2. Un financement incertain du FNAP pour l'avenir malgré une situation encore difficile du secteur du logement social

Le Fonds national des aides à la pierre (FNAP) est un établissement public d'un type particulier. Opérateur du programme 135, il ne reçoit pas de crédits budgétaires depuis plusieurs années, mais est alimenté par des fonds de concours versés principalement, ces dernières années, par les bailleurs sociaux et le groupe Action Logement. L'ensemble de ses fonds sont toutefois versés au programme 135 avant d'être distribués entre les régions en fonction des priorités définies par son conseil d'administration. Le volume de ces fonds de concours vient donc accroître considérablement, en exécution, le montant des crédits du programme 135.

La participation volontaire d'Action logement, qui l'engageait jusqu'en 2022, a été reconduite en 2023 à hauteur de 300 millions d'euros puis en 2024 à hauteur de 150 millions d'euros.

Pour 2025, en l'absence de financement par Action Logement et par l'État qui n'y participe plus depuis 2018, la trésorerie du FNAP et les reports accumulés devraient lui permettre de faire face à ses engagements.

Cependant, en vue de la préparation du projet de loi de finances pour 2026, le rapporteur insiste sur la nécessité de trouver une solution de financement pérenne. Le rapport de contrôle qu'il prépare sur ce sujet sera une occasion de proposer une solution à cette difficulté.

Quoi qu'il en soit, dans l'optique de gagner en lisibilité et en simplicité mais aussi d'assurer le financement de la construction, le rapporteur spécial recommande une meilleure budgétisation des crédits alloués au FNAP. Le système de financement actuel, en effet, souffre d'une programmation peu réaliste qui mène à des AE surdimensionnées et manque d'efficacité pour l'allocation des ressources.

Cette question est d'autant plus urgente que la crise du logement social demeure. Loin de l'objectif fixé de 100 000 logements sociaux agréés, seuls 85 381 agréments ont été émis en 2024, soit 85,3 % de la cible. Si ce chiffre constitue une légère hausse par rapport à 2023, il reste en dessous du nombre d'agréments permis en 2020, l'année de la pandémie.

Agréments de logements sociaux depuis 2016

(en nombre de logements financés ou agréés)

Note : France métropolitaine, hors zone ANRU. PLAI : prêt locatif aidé d'intégration. PLUS : prêt locatif à usage social. PLS : prêt locatif social.

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

En particulier, le nombre de PLAI est en nette diminution, de - 7,8 %, alors que c'est sur ce segment qui vise les publics les plus en difficultés qu'il est nécessaire de porter l'effort. De même, la cible d'agrément de logement PLUS est loin d'être atteinte et leur nombre a diminué de 7,2 % par rapport à 2023.

La légère reprise observée doit être confirmée, en portant une attention particulière aux segments des personnes les plus pauvres.

3. La politique de guichet d'aide à la rénovation énergétique doit être stabilisée et fiabilisée

Le déploiement de la rénovation énergétique en France, notamment par le biais de l'aide budgétaire MaPrimRénov', a connu en 2024 un coup d'arrêt assez brusque avec une restructuration très forte du dispositif.

Ce dernier est désormais construit autour d'un parcours accompagné avec une incitation à la rénovation d'ampleur. L'instabilité réglementaire autour de cette aide a mené, au cours du premier semestre 2024, à une importante réduction du nombre de versements et à une consommation des crédits de seulement 34 % de ceux ouverts en loi de finances initiale.

Crédits ouverts et consommés sur le dispositif MaPrimRénov' en 2024

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, données DHUP

Il en ressort que l'année 2024 constitue une année noire pour le déploiement de la politique de rénovation énergétique des logements, qui souffre d'illisibilité et d'instabilité. Les fraudes massives repérées sur le dispositif ont en outre encouragé les services à limiter les versements.

Le rapporteur spécial regrette néanmoins que cette politique ait fait l'objet d'une gestion aussi hasardeuse au cours de l'année 2024 et appelle à une clarification des objectifs et des moyens pour la rénovation thermique des habitations privées.

La simplification apportée dans le cadre du PLF 2025 et l'implication de la ministre en charge du logement Valérie Létard pour assurer une stabilité réglementaire sont les bienvenus, même si l'actualité récente montre de nouveaux enjeux, notamment en termes de fraude.

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