B. DES DÉPENSES FISCALES QUI DEMEURENT PARTICULIÈREMENT ÉLEVÉES
Avec 87 dépenses fiscales rattachées à titre principal, la mission Cohésion des territoires est, parmi les missions du budget général, celle comportant le plus grand nombre de dépenses fiscales et celle affichant l'un des montants les plus élevés : il a atteint, en 2024, un total de 15,5 milliards d'euros2(*).
Le rapporteur spécial souligne que le montant ici repris, qui agrège le total des dépenses fiscales rattachées à titre principal à la mission diffère de celui affiché par le Gouvernement dans le rapport annuel de performances pour 2024, en raison d'une nouvelle méthode de comptabilisation utilisée par ce dernier qu'il juge spécieuse et dont il ne partage pas la philosophie (cf. l'encadré infra). Afin de permettre une comparaison objective avec les exercices antérieurs, le rapporteur spécial, comme la Cour des comptes d'ailleurs, recourt aux chiffres qui résultent de la méthode de comptabilisation qui a toujours été utilisée jusque-là.
Une méthode de comptabilisation des
dépenses fiscales portant sur la TVA
qui diminue artificiellement
les données présentées par le Gouvernement
Depuis 2024, le Gouvernement proratise le coût des dépenses fiscales en fonction de leur affectation finale : il mentionne dans le RAP un montant total de dépense fiscale « étatique », amputé de la fraction de TVA transférée aux collectivités territoriales et aux organismes de sécurité sociale.
Le montant des dépenses fiscales assises sur la TVA s'en trouve ainsi artificiellement réduit de moitié. Le rapporteur spécial désapprouve totalement cette méthode qui ne permet pas de disposer d'une vision globale du manque à gagner pour les finances publiques : d'ailleurs il a fallu annexer au projet de loi de finances pour 2025 un tableur permettant de connaître les montants des diminutions de recettes de TVA avant prise en compte des transferts, ce qui est source d'une nouvelle complexité.
De surcroît, il est injustifiable d'appliquer cette méthode pour la seule TVA (même si on comprend bien que les montants importants de TVA en jeu permettent d'afficher politiquement un total plus raisonnable de dépenses fiscales) alors qu'il n'est pas appliqué à d'autres impositions partagées entre plusieurs affectataires (la TICPE par exemple).
Pour la mission « Cohésion des territoires », ce changement de méthode se traduit par un montant de dépenses fiscales affiché inférieur de 4,9 milliards d'euros à ce qu'il est en réalité.
Ainsi, la part des dépenses fiscales dans le total des dépenses augmente de nouveau légèrement pour s'établir en 2024 à 46,6 % de l'ensemble des dépenses de la mission, contre 46,1 % un an plus tôt.
Total des dépenses budgétaires et fiscales exécutées en 2024, par programme
Source : Cour des comptes (analyse de l'exécution budgétaire 2024)
Comme chaque année, ces « niches fiscales » sont concentrées très largement sur le programme 135, qui pèse 90,9 % du total de la dépense fiscale rattachée en 2024 à la mission, contre 90,4 % un an plus tôt. Très loin derrière, le programme 112 représente 6,2 % du même total, contre 5,8 % en 2023. Les autres programmes pèsent en tout moins de 3 % des dépenses fiscales.
Les dépenses fiscales du programme 135 représentent 11,56 fois le montant des crédits consommés dans ce programme, alors même que ces crédits incluent une part importante de fonds de concours. 92,04 % des dépenses du programme 135 sont ainsi des dépenses fiscales. S'agissant des deux programmes territorialisés de la mission, comme chaque année, les disparités sont massives puisque les dépenses fiscales représentent plus de 71 % des dépenses du programme 112, tandis que le programme 162, compte tenu de sa structure même, ne comporte aucune dépense fiscale (cf. infra).
Part des dépenses budgétaires et
fiscales dans le total des dépenses
par programme
Source : Commission des finances du Sénat
Ainsi, alors que les dépenses fiscales se traduisent en fin de compte par le même impact négatif sur le solde budgétaire que les dépenses budgétaires, il est possible d'esquisser deux cartographies très différentes de la mission « Cohésion des territoires » :
- si on considère les crédits budgétaires, les programmes 109 « Aide à l'accès au logement » et 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » dominent très largement l'exécution de la mission ;
- si l'on prend en compte les dépenses fiscales, ce sont les programmes 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » et 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » qui occupent la première place.
* 2 D'après la Cour des comptes, ce total représente 19 % du montant total des dépenses fiscales de l'État qui s'élèveraient en 2024 à 83,3 milliards d'euros.