V. LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES DU SÉNAT POUR RAMENER LES FINANCES SOCIALES À L'ÉQUILIBRE

A. LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION POUR 2026

1. Supprimer le décalage de la réforme des retraites

Le Sénat propose tout d'abord de supprimer l'article 45 bis du PLFSS, relatif au décalage de la réforme des retraites.

En effet, si cette mesure ne dégrade le solde du système de retraite que de 0,3 milliard d'euros en 202688(*), son coût est estimé à 1,9 milliard d'euros en 202789(*).

Certes, il ne s'agit pas d'un coût pérenne, dès lors que la mesure est un simple décalage.

Toutefois, il ne serait pas responsable de contribuer à faire croire aux Français que la France pourrait préserver son modèle social, la soutenabilité de ses finances publiques, son rang dans le monde et son indépendance, tout en aggravant l'une de ses principales pathologies : un PIB par habitant plus faible que dans la plupart des pays d'Europe occidentale, résultant d'un plus faible taux d'emploi, découlant lui-même largement d'un âge plus bas de départ à la retraite.

2. Ramener le déficit 2026 à un niveau légèrement inférieur à celui de remboursement de la dette sociale

La commission propose diverses autres mesures devant permettre de ramener le déficit à 15,1 milliards d'euros en 2026, soit un niveau légèrement inférieur au remboursement de la dette sociale par la Cades (16,4 Mds€). Pris dans son ensemble, le « trou » de la sécurité sociale pourrait ainsi être stabilisé et même légèrement résorbé en 2026. La rapporteure générale souligne toutefois que l'amélioration au niveau de l'ensemble des administrations serait moindre. Les propositions de la commission n'offrent donc guère de marge pour l'adoption de mesures coûteuses dans le cours des débats au Sénat.

Solde spontané, mesures et solde effectif en 2026

(en milliards d'euros)

AN : Assemblée nationale. CAS : commission des affaires sociales.

Source : Commission des affaires sociales

L'ensemble des principales mesures sont synthétisées par le tableau ci-après.

Chiffrage des principales mesure proposées par la commission des affaires sociales du Sénat pour 2026

(en milliards d'euros)

   

Assemblée nationale*

Sénat

Total (texte sortie Sénat)

   

Sécurité sociale

Toutes APU

Sécurité sociale

Toutes APU

Sécurité sociale

Toutes APU

Article 6

Maintenir les seuils de revenus pris en compte pour le calcul de la CSG sur certains revenus de remplacement

-0,3

-0,3

0,3

0,3

0,0

0,0

Article 6 bis

Passage de 9,2 % à 10,6 % du taux de la CSG sur les revenus du patrimoine et des placements

2,8

2,8

-2,8

-2,8

0,0

0,0

Article 6 ter

Dans le cas des allocations chômage et des pensions de retraite et d'invalidité, extension de la règle de lissage du revenu

-0,2

-0,2

0,2

0,2

0,0

0,0

Article 7

Créer une contribution des organismes complémentaires au titre de l'année 2026

-1,1

-1,1

1,0

1,0

-0,1

-0,1

Article 7 ter

Extension du bénéfice du taux réduit de la taxe de solidarité additionnelle (TSA) aux contrats d'assurance maladie complémentaire souscrits par les retraités relevant du régime agricole

-0,2

-0,2

0,2

0,2

0,0

0,0

Article 8

Réduire les niches sociales applicables aux compléments salariaux

-1,0

-1,0

0,0

0,0

-1,0

-1,0

Article 8 septies

Extension du dispositif de déduction forfaitaire de cotisations patronales sur les heures supplémentaires aux entreprises de plus de 250 salariés

0,0

-0,2

0,0

0,0

0,0

-0,2

Article 9

Rationaliser certaines exonérations spécifiques

0,0

-0,8

0,0

0,4

0,0

-0,4

Article 10

Simplifier la régulation du secteur des médicaments

-0,2

-0,2

0,0

0,0

-0,2

-0,2

Article 12

Clarifier les transferts financiers au sein des administrations de sécurité sociale

0,0

0,0

3,0

0,0

3,0**

0,0

Article 12 bis

Transfert de CSG de la CNSA vers les départements

-0,7

0,0

0,7

0,0

0,0

0,0

Article 12 quinquies

Suppression de certaines dérogations au principe de compensation fixé par la « loi Veil » (pour 2,2 Md€, compensation de la part salariale de l'exonération d'heures supplémentaires)

2,5

0,0

0,0

0,0

2,5

0,0

Article 12 septies

Suppression de la possibilité pour le Gouvernement de minorer la compensation à l'Unédic des allégements généraux de cotisations patronales

-4,1

0,0

4,1

0,0

0,0

0,0

Article 22 ter

Réforme de la tarification de l'activité libérale dans les établissements publics de santé

0,3

0,3

-0,3

-0,3

0,0

0,0

Article 23

Reporter le financement de la protection sociale complémentaire pour les agents de la fonction publique hospitalière

-0,5

-0,5

0,5

0,5

0,0

0,0

Article 24

Lutter contre les rentes dans le système de santé

0,0

0,0

-0,1

-0,1

-0,1

-0,1

Article 29

Limiter la durée d'indemnisation des arrêts de travail des assurés ne relevant pas du dispositif de l'affection longue durée

-0,1

-0,1

0,0

0,0

-0,1

-0,1

Article 34

Adapter les dispositifs d'accès précoces, d'accès compassionnels et d'accès direct

0,0

0,0

-0,1

-0,1

-0,1

-0,1

Article 44

Stabiliser le montant des prestations sociales, dont les pensions

-2,5

-3,6

1,9

2,8

-0,6

-0,8

Article 45 bis

Suspension de la réforme des retraites (y compris pour les carrières longues)

-0,2

-0,2

0,3

0,3

0,1

0,1

Article 49

Ondam et sous-objectifs de l'Ondam

-1,0

-1,0

0,0

0,0

-1,0

-1,0

Total

 

-6,5

-6,2

8,9

2,4

2,4

-3,8

Solde

 

-24,0

     

-15,1

 

APU : toutes administrations publiques (y compris sécurité sociale). C3S : contribution sociale de solidarité sur les sociétés. CSG : cotisation sociale généralisée. CNSA : Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Unédic : Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce.

Signe positif : amélioration du solde.

Remarque : les colonnes « toutes APU » chiffrent les mesures pour l'ensemble des administrations publiques, en incluant notamment, outre la sécurité sociale, l'État et les collectivités territoriales. Par exemple, dans le cas de niches sociales compensées par l'État, la mesure a un effet sur le solde de l'État mais pas de la sécurité sociale.

* La suppression de la C3S (-5,4 milliards d'euros) a été supprimée en seconde délibération de la partie recettes.

** L'augmentation de la TVA affectée implique la modification de l'article 40 du PLF.

Source : Commission des affaires sociales

a) S'inspirer des propositions de la majorité sénatoriale au Premier ministre du 8 juillet 2025

La commission juge nécessaire que le PLFSS s'inspire autant que possible des propositions faites au Premier ministre par la majorité sénatoriale le 8 juillet 2025.

Ainsi, elle propose :

- de rétablir l'article 44 (gel des prestations, 2,5 milliards d'euros sur le champ de la sécurité sociale), ainsi que son corollaire, l'article 6 (gel du barème de la CSG, 0,3 milliard d'euros). Toutefois dans le cas de l'article 44, les retraites inférieures à 1 400 euros et l'allocation pour adulte handicapé (AAH) seraient exclues du gel, ce qui ramènerait le rendement à 1,9 milliard d'euros sur le champ de la sécurité sociale ;

- de rétablir l'article 7 (contribution des complémentaires santé), dans la version du texte déposé le 14 octobre, soit 1 milliard d'euros (donc sans la majoration de 0,1 milliard d'euros destinée à compenser le décalage de la réforme des retraites).

La commission considère que la réduction du déficit doit privilégier la maîtrise des dépenses plutôt que l'augmentation des recettes. Aussi, elle propose de supprimer l'article 6 bis, qui porte le taux de la CSG sur le capital de 9,2 % à 10,6 % (2,8 milliards d'euros).

b) Ne pas aggraver inutilement les difficultés de financement de l'Acoss

Le deuxième axe principal des propositions de la commission est d'éviter d'aggraver inutilement les difficultés de financement de l'Acoss, qui comme indiqué supra devrait connaître en 2026 un pic de besoin de financement de près de 80 milliards d'euros, proche de celui, de 90 milliards d'euros, qu'elle n'était pas parvenue à financer sur les marchés en 2020.

Cela implique :

- à l'article 40 du PLF, de revenir sur la réduction discrétionnaire de 3 milliards d'euros de la TVA affectée à la sécurité sociale, présentée comme la contrepartie de la réforme des allégements généraux réalisée en 2025 et en 2026 (et à laquelle s'oppose explicitement la Cour des comptes90(*), qui fait valoir que ces allégements généraux sont actuellement sous-compensés de 5,5 milliards d'euros). La commission des affaires sociales se limite à proposer de modifier la répartition du produit de TVA entre branches proposé par l'article 12 en conséquence de cette réduction de la TVA affectée - la coordination à réaliser à l'article 40 du PLF devant de son point de vue être réalisée par le Gouvernement ;

- de supprimer l'article 12 bis du PLF, qui tend à transférer 0,7 milliard d'euros en 2026 (1,4 milliard d'euros à partir de 2027) de CSG de la branche autonomie vers les départements91(*) ;

- de maintenir l'article 12 quinquies, prévoyant la compensation de diverses niches sociales, dont la part salariale du dispositif en faveur des heures supplémentaires (2,5 milliards d'euros). On rappelle à cet égard que la compensation de cette niche est une recommandation de la Cour des comptes92(*) ;

- de supprimer l'article 12 septies, qui prévoit que l'Acoss compense à l'Unédic la totalité du coût des allégements généraux de cotisations patronales, soit sans la réduction de 4,1 milliards d'euros prévue pour 2026 par l'arrêté du 27 décembre 202393(*). En effet, à défaut d'augmentation, par l'article 40 du PLF, de la part de TVA affectée à la sécurité sociale, cette disposition augmenterait le besoin de financement de l'Acoss de 4,1 milliards d'euros.

Ce souci de ne pas aggraver les difficultés de financement de l'Acoss a également amené la commission à déterminer sa position sur deux articles qui, n'ayant pas de conséquence sur le solde, ne figurent pas dans le tableau ci-avant :

- la commission propose de supprimer l'article 16 bis, qui vise à faire que l'Acoss se finance « prioritairement » auprès de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), et seulement « subsidiairement » sur les marchés. En effet, cette disposition, outre le fait qu'elle amènerait la CDC à emprunter sur les marchés les sommes qu'elle prêterait à l'Acoss, priverait l'Acoss de l'indispensable « filet de sécurité » que constitue actuellement la CDC en cas de difficulté de financement sur les marchés ;

- en sens inverse, la commission attache une grande importance à l'adoption de l'article 11 (modification des modalités de paiement des remises relatives aux produits de santé), qui en 2026, année de transition, permettrait à l'Acoss de percevoir les remises au titre de 2025 et de 2026, réduisant son pic de besoin de financement d'environ 8 milliards d'euros.


* 88 Comme pour la sécurité sociale.

* 89 Il s'agit des coûts résultant de l'extension de la mesure aux départs anticipés figurant dans le texte transmis au Sénat. Les coûts du texte résultant de la lettre rectificative étaient de 0,1 milliard d'euros en 2026 et 1,4 milliard d'euros en 2027.

* 90 Cour des comptes, La situation financière de la sécurité sociale - Une perspective de redressement fragile en 2026, une impasse de financement préoccupante, communication à la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, octobre 2025.

* 91 Au-delà des difficultés de financement de l'Acoss et de l'ineffectivité de la mesure (qui conduirait inévitablement la branche autonomie à réduire ses concours aux départements), ce transfert poserait du point de vue de la commission un grave problème de principe. En effet, la commission considère que la CSG ne doit, conformément à sa vocation originelle, servir à financer que la sécurité sociale.

* 92 Dans son rapport de mai 2024 sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, la Cour des comptes recommande de « compenser par crédits budgétaires le manque à gagner pour la sécurité sociale de l'exonération des cotisations salariales des heures supplémentaires » (Cour des comptes, La sécurité sociale - rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, mai 2024).

* 93 Arrêté du 27 décembre 2023 fixant la répartition de la fraction de la taxe sur la valeur ajoutée affectée à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale ainsi que le plafonnement de la compensation prévu au 7° bis de l'article L. 225-1-1 du code de la sécurité sociale.

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