III. DES MESURES DE REDRESSEMENT EN 2026 RAMENÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE DE 11,1 MILLIARDS D'EUROS À SEULEMENT 4,7 MILLIARDS D'EUROS
A. UN TEXTE INITIAL PROCHE DES PROPOSITIONS FAITES EN JUILLET 2025 PAR LA MAJORITÉ SÉNATORIALE
Terminologie et chiffrage des mesures
Dans le présent rapport, l'expression « texte initial » désigne, hors indication contraire, le texte résultant de la lettre rectificative du 23 octobre 2025 (donc y compris la suspension de la réforme des retraites).
Les chiffrages détaillés des mesures figurant dans les annexes au PLFSS et au PLF, modifiées pour prendre en compte l'augmentation des dépenses et des recettes de 0,1 milliard d'euros résultant de la suspension de la réforme des retraites, sont synthétisés en annexe au présent rapport.
Les prévisions de recettes, de dépenses et de solde de la sécurité sociale pour 2026 sont synthétisées par le tableau ci-après.
Tableau d'équilibre des régimes
obligatoires de base de sécurité sociale
pour l'année
2026
(en milliards d'euros)
|
Recettes |
Dépenses |
Solde |
|
|
Maladie |
255 |
267,5 |
- 12,5 |
|
Accidents du travail et maladies professionnelles |
17,1 |
18 |
- 1 |
|
Vieillesse |
304,5 |
307,5 |
- 3 |
|
Famille |
60,1 |
59,4 |
0,7 |
|
Autonomie |
41,8 |
43,5 |
- 1,7 |
|
Toutes branches (hors transferts entre branches) |
659,5 |
676,9 |
- 17,5 |
NB : Le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) ayant été supprimé au 1er janvier 2026 par l'article 24 de la LFSS pour 2025, ce tableau ne comprend plus la ligne intitulée « Toutes branches (hors transferts entre branches) y compris Fonds de solidarité vieillesse ».
Source : Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026
1. Des mesures proches des propositions de la majorité sénatoriale
Le 8 juillet 2025, la majorité sénatoriale a présenté au Premier ministre ses propositions pour réduire le déficit public.
Sur le périmètre de la sécurité sociale, si l'on excepte le sujet majeur du décalage de la réforme des retraites de 2023 (qui aurait un coût négligeable en 2026), le texte initial du PLFSS est proche de ces préconisations, comme le montre le tableau ci-après.
Comparaison des propositions du Gouvernement et de la majorité sénatoriale
(périmètre :
sécurité sociale ; seules mesures du PLFSS et des textes
associés ;
avec suspension de la réforme des
retraites)
(en milliards d'euros)
|
Propositions |
Propositions |
PLFSS pour 2026 |
|
|
Dépenses |
9,0 |
11,7 |
9,1 |
|
Gel des prestations (art. 44) |
[3,5 toutes APU] ? 2,5 sécurité sociale |
[3,5 toutes APU] ? 2,5 sécurité sociale |
[3,6 toutes APU] dont 2,5 sécurité sociale |
|
Économies en matière de santé |
5,5 [dont 1 Md€ de transferts aux complémentaires] |
5,0 |
|
|
Réduction des dépenses du FIR, des organismes... |
1,0 |
0,458(*) |
|
|
Suppression de 2 jours fériés |
4,2 |
|
|
|
Suspension de la réforme des retraites (art. 45 bis) |
- 0,1 |
||
|
Autres |
0,3 |
||
|
Recettes |
1,5 |
0,0 |
4,3 |
|
Allègements généraux de cotisations sociales |
1,5 (gel du barème) |
1,459(*) |
|
|
Réduction de niches sociales applicables aux compléments salariaux (art. 8) |
1,2 |
||
|
Taxe de 2,25 % en 2026 sur les complémentaires santé (art. 7)60(*) |
1,1 |
||
|
Autres |
0,6 |
||
|
Lutte contre la fraude |
|||
|
Renforcement de la lutte contre la fraude sociale |
Non estimé |
Non estimé |
Non estimé |
|
TOTAL |
10,5 |
11,7 |
13,4 |
|
Transfert à l'État du gain en 2026 des réformes des AG en 2025 et 2026 (via TVA) |
- 3,0 |
||
|
Affectation à la sécurité sociale de l'assujettissement à l'IR des IJ ALD (via TVA) |
0,7 |
||
|
TOTAL APRÈS TRANSFERTS |
11,1 |
Un montant positif correspond à une amélioration du solde, un montant négatif à une dégradation du solde.
AG : allégements généraux. ALD : affections de longue durée. APU : administrations publiques. IJ : indemnités journalières. FIR : Fonds d'intervention régionale. IR : impôt sur le revenu.
Source : Commission des affaires sociales, d'après les propositions de la majorité sénatoriale (8 juillet 2025), la déclaration du Gouvernement du 15 juillet 2025 et le présent PLFSS
a) Des propositions très proches pour les dépenses
L'effort sur les dépenses est d'environ 9 milliards d'euros, conformément aux propositions de la majorité sénatoriale.
La principale mesure est dans les deux cas le gel des prestations indexées, correspondant à un gain d'environ 2,5 milliards d'euros pour la sécurité sociale (+ 1 milliard d'euros pour l'État61(*)).
On observe toutefois que dans le cas de l'Ondam (économies de 5,5 milliards d'euros pour les propositions du Sénat et 6 milliards d'euros pour le PLFSS62(*)), le Sénat préconisait de réaliser un transfert de charges d'un milliard d'euros aux complémentaires, que le PLFSS remplace par un transfert de charges de 2,3 milliards d'euros aux assurés (avec le doublement des participations forfaitaires et franchises63(*)).
b) Dans le cas des recettes, 3 milliards d'euros de mesures supplémentaires
La principale différence est que le PLFSS prévoit des mesures supplémentaires sur les recettes.
Le Sénat proposait de réduire les allégements généraux de 1,5 milliard d'euros par un gel du barème. De manière analogue, le PLFSS profite de la nécessité de fixer par décret un barème pour la réduction générale dégressive unique (RGDU) entrant en vigueur au 1er janvier 2026 pour réaliser un allégement supplémentaire de 1,4 milliard d'euros.
La principale différence par rapport aux propositions de la majorité sénatoriale est que le texte initial du PLFSS prévoit environ 3 milliards d'euros de mesures supplémentaires sur les recettes, dont 1,2 milliard d'euros pour l'article 8 (compléments salariaux) et 1,1 milliard d'euros pour l'article 7 (complémentaires santé).
La taxe de 1,1 milliard d'euros sur les complémentaires santé est toutefois peu différente en pratique (si l'on exclut le fait qu'elle ne serait applicable qu'en 2026) de la proposition faite par le Sénat en juillet de transférer 1 milliard d'euros de charges aux complémentaires santé.
La sécurité sociale perdrait l'essentiel de ces recettes supplémentaires, l'État reprenant (sous la forme d'une diminution de la TVA affectée) 3 milliards d'euros correspondant au gain en 2026 des réformes des allégements généraux en 2025 et 2026.
2. Des mesures de redressement du PLFSS portant pour les deux tiers sur les dépenses
Les chiffrages pour 2026 des mesures du PLFSS et des textes associées, synthétisés dans l'annexe 3 au PLFSS, sont présentés de manière plus détaillée en annexe au présent rapport.
Ces mesures portent pour les deux tiers sur les dépenses. En effet, elles se répartissent entre 9,1 milliards d'euros de réductions nettes de dépenses et 4,3 milliards d'euros d'augmentations nettes de recettes.
Après prise en compte de 2,3 milliards d'euros de transferts de la sécurité sociale vers l'État, ces mesures améliorent le solde de 11,1 milliards d'euros.
Le déficit, de 28,7 milliards d'euros sans les mesures du PLFSS et des textes associés, serait ainsi ramené à 17,5 milliards d'euros.
Passage du déficit spontané au déficit après mesures (2026)
(en milliards d'euros)
NB : La suppression des bandeaux famille et maladie à compter du 1er janvier 2026 répartit différemment les cotisations entre la sécurité sociale d'une part, l'Agirc-Arrco et l'Unédic d'autre part. Selon le Gouvernement, les recettes de la sécurité sociale seraient spontanément accrues de 6,8 milliards d'euros, et celles de l'Agirc-Arrco et de l'Unédic spontanément réduites à due concurrence. L'article 40 du projet de loi de finances (PLF) prévoit de neutraliser ce transfert en modifiant la répartition de la TVA affectée à ces entités. Pour faciliter la lecture, ces évolutions (qui se compensent) n'apparaissent pas sur le graphique.
Source : D'après l'annexe 3 au PLFSS
3. Des économies nettes sur les dépenses de 9,1 milliards d'euros par rapport au droit actuel
Les économies nettes sur les dépenses seraient de 9,1 milliards d'euros, dont 6 milliards d'euros pour l'Ondam et 2,5 milliards d'euros pour le gel des prestations sociales.
a) Des économies brutes sur l'Ondam (y compris montée en charge de mesures antérieures) de 7,1 milliards d'euros, près de deux fois supérieures à leur montant habituel
Dans le cas des dépenses, les principales mesures concernent, comme d'habitude, les économies sur l'Ondam.
Celles-ci seraient particulièrement importantes en 2026.
En effet, la croissance de l'Ondam 2026 a été revue en forte baisse : celle-ci ne serait plus que de 1,6 % en valeur (la croissance de 2,9 % en valeur étant maintenue pour les années suivantes).
Le chiffrage des économies concernées dépend des mesures que l'on intègre déjà dans les dépenses prises pour référence, d'où un montant différent selon l'annexe 3 (6 milliards d'euros) et l'annexe 5 (7,1 milliards d'euros)64(*). On calcule que ces montants impliquent une croissance spontanée de l'Ondam évaluée à respectivement 4 % et 4,4 %, cohérente avec les estimations usuelles.
Les dispositions législatives du présent PLFSS relatives aux dépenses de santé correspondant à des économies de seulement 0,6 milliard d'euros en 2026 pour la sécurité sociale, la quasi-totalité des mesures envisagées sont de nature réglementaire.
Elles sont synthétisées par le tableau ci-après.
Mesures d'économies sur l'Ondam en 2026, selon l'annexe 5 au PLFSS
(en milliards d'euros)
|
Montant |
Moyenne 2015-2021* |
|
|
Mesures de maîtrise tarifaire et de régulation |
3,7 |
3,3 |
|
Dont : |
||
|
Baisse de prix et de bon usage des |
2,3 |
2,6 |
|
Protocoles et économies en soins de ville |
0,6 |
|
|
Gains d'efficience en établissements de |
0,7 |
0,7 |
|
Transferts de charges vers les organismes complémentaires, les employeurs et de responsabilisation des assurés |
3,4 |
0,7 |
|
Dont : |
||
|
Hausse des plafonds et des montants sur |
2,3 |
|
|
Montée en charge de l'économie au titre journalières |
0,5 |
|
|
Augmentation de la part des financement des établissements de santé |
0,4 |
|
|
Baisse du niveau de remboursement des |
0,2 |
|
|
Hausse du ticket modérateur sur les médicaments à faible service médical rendu pour les assurés en affection |
0,1 |
|
|
Autres |
||
|
Total |
7,1 |
4,0 |
* D'après Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM), Rapport sur la régulation du système de santé, 27 mai 2021 ; annexe « Ondam » du PLFSS pour 2021.
Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après l'annexe 5 au PLFSS et le HCAAM
Les économies prévues sur l'Ondam sont donc nettement supérieures à celles habituellement prévues par les LFSS, de 4 milliards d'euros en moyenne (cf. colonne de droite). L'écart provient essentiellement de la « hausse des plafonds et des montants sur les franchises et participations forfaitaires » (selon les termes de l'annexe 5 au PLFSS), chiffré à 2,3 milliards d'euros.
Un projet de décret prévoyant le doublement des participations et franchises et de leurs plafonds a été présenté aux caisses en août 2025, suscitant une forte opposition syndicale. Le 23 octobre 2025, lors de son audition par la commission, la ministre de l'action et des comptes publics a confirmé que l'objectif du Gouvernement était bien de réaliser un doublement.
Le chiffrage de la mesure, de 2,3 milliards d'euros, est cohérent avec les estimations de la commission65(*).
Participation forfaitaire et franchises
|
Situation actuelle |
Montants et plafonds en cas de doublement |
|
|
Participation forfaitaire (consultations médicales, actes médicaux et actes de radiologie et de biologie) |
2 €, avec un maximum de 50 €/an/assuré |
4 €, avec un maximum de 100 €/an/assuré |
|
Franchise médicale |
Plafond à 50 €/an/assuré |
Plafond à 100 €/an/assuré |
|
Boîtes de médicaments |
1 €/boîte |
2 €/boîte |
|
Actes paramédicaux infirmiers et kinésithérapie |
1 €/acte |
2 €/acte |
|
Transports sanitaires |
4 €/transport |
8 €/transport |
Rappel : La participation forfaitaire et la franchise ne sont pas remboursées par les complémentaires santé dans le cadre d'un contrat responsable.
Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après le code de la sécurité sociale et Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge, Haut Conseil du financement de la protection sociale, Pour un redressement durable de la sécurité sociale, rapport au Premier ministre, 3 juillet 2025
L'article 18 du PLFSS vise à étendre le champ des participations forfaitaires et des franchises, ainsi qu'à réformer leur recouvrement. Toutefois il n'entrerait en vigueur qu'en 2027, afin de permettre à la Cnam de réaliser les développements informatiques nécessaires.
b) Le gel des prestations sociales (2,5 milliards d'euros)
L'autre principale mesure relative aux dépenses est le gel des prestations sociales (article 44 du PLFSS).
L'économie en 2026 pour les finances publiques serait de 3,6 milliards d'euros, dont 2,5 milliards d'euros pour la sécurité sociale (nette de 0,2 milliard d'euros de moindres recettes de CSG) et 1,1 milliard d'euros pour l'État66(*).
De 2027 à 2030, le texte déposé le 14 octobre prévoyait que la revalorisation des retraites serait inférieure de 0,4 point à l'inflation, comme dans le texte rejeté par la délégation paritaire permanente sur les retraites le 23 juin 202567(*), ce qui devait majorer les économies de plus de 1 milliard d'euros chaque année. Ainsi, l'économie permise par l'article 44 devait être en 2029 de 5,2 milliards d'euros pour la sécurité sociale et 7,5 milliards d'euros pour l'ensemble des administrations publiques.
Afin de financer le décalage de la réforme des retraites, la lettre rectificative du 23 octobre a majoré la sous-indexation en 2027 de 0,5 point, soit 1,5 milliard d'euros. Selon la nouvelle évaluation préalable, l'économie permise par l'article 44 serait en 2029 de 6,2 milliards d'euros pour la sécurité sociale et 8,9 milliards d'euros pour l'ensemble des administrations publiques.
4. Mesures sur les recettes : 4,3 milliards d'euros, ramenés à 2 milliards d'euros après notamment le transfert à l'État du gain permis par la réforme des allégements généraux en 2025 et 2026
Les mesures relatives aux recettes sont synthétisées par le tableau ci-après.
Mesures nouvelles sur les recettes de la sécurité sociale
(en milliards d'euros)
|
PLFSS (annexe
3) |
Base juridique de la mesure (article du PLFSS sauf indication contraire) |
|
|
Recettes (A) |
4,3 |
|
|
Mesures d'économies supplémentaires sur les allégements généraux à partir de 2026 |
1,4 |
Futur décret* |
|
Réduction de niches sociales applicables aux
compléments salariaux |
1,2 |
8 |
|
Taxe de 2,25 % en 2026 sur certaines complémentaires santé |
1,1 |
7 |
|
Mesures AT-MP (recettes ou dépenses***) |
0,4 |
Réglementaire |
|
Gel des seuils de revenus de la CSG pour certains revenus de remplacement (allocations chômage, pensions de retraite et d'invalidité) |
0,3 |
6 |
|
Rationaliser certaines exonérations spécifiques (ACRE, Lodéom, apprentis, JEI) |
- 0,2 |
9 |
|
Autres |
0,1 |
|
|
Instauration d'une réduction générale dégressive unique (RGDU) en application de la réforme des AG par la LFSS 2025 |
[6,8]*** |
LFSS 2025 (art. 18) Barème RGDU : futur décret* |
|
Transferts de la sécurité sociale vers l'État (B) |
- 2,3 |
|
|
Affectation de l'assujettissement à l'IR des IJ ALD (via TVA) |
0,7 |
Transfert de TVA : art. 40 PLF 2026 Fiscalisation des ALD : art. 5 PLF 2026 |
|
Moindre TVA au titre de la rétrocession à l'Etat à compter de 2026 des économies sur les AG résultant de la LFSS 2025 |
- 1,6 |
Transfert de TVA : art. 40 PLF 2026 Barème RGDU : futur décret* |
|
Moindre TVA au titre de la rétrocession à l'Etat du gain de la mesure d'économie supplémentaire sur la RGDU à compter de 2026 |
- 1,4 |
|
|
Moindre TVA au titre de l'impact de l'instauration en 2026 d'une réduction générale dégressive unique (RGDU) sur l'Agirc-Arrco et l'Unédic, en application de la réforme des AG par la LFSS 2025 |
[- 6,8]*** |
Transfert de TVA : art. 40 PLF 2026 Barème RGDU : futur décret* |
|
Recettes nettes des transferts entre l'État et la sécurité sociale (A)-(B) |
2,0 |
NB : Comme l'annexe 3 au PLFSS, ce tableau ne prend pas en compte l'article 26 du PLFSS, qui assujettit les revenus tirés de l'activité non-conventionnée à une sur-cotisation, et paradoxalement placé dans la partie « dépenses ». Selon l'évaluation préalable de l'article 26, en 2026 la mesure rapporterait 0,314 milliard d'euros à la sécurité sociale et coûterait 0,11 milliard d'euros à l'État, d'où un gain net de 0,204 milliard d'euros.
* Le décret n° 2025-887 du 4 septembre 2025, qui fixe le barème de la RGDU pour 2026, doit être remplacé d'ici la fin 2025 par un nouveau décret, réduisant les allégements généraux de 1,4 milliard d'euros sur le périmètre de la sécurité sociale.
** L'annexe 3 au PLFSS indique que « compte tenu de sa trajectoire fortement et durablement dégradée sous l'effet notamment de la hausse du coût des indemnités journalières et de son obligation de revenir à l'équilibre, la branche AT-MP fera l'objet d'une mesure d'ajustement d'un rendement de 0,4 milliard d'euros en recettes ou en dépenses ».
*** Pour faciliter la lecture, ces montants, qui s'annulent et correspondent à la neutralisation « technique » de la réforme des allégements généraux de 2026, ne sont pas pris en compte dans les sous-totaux (A) et (B).
ACRE : aide à la création et la reprise d'entreprise. AG : allégements généraux (de cotisations sociales patronales). ALD : arrêts de longue durée. ASC : activités sociales et culturelles. Asso : administrations de sécurité sociale. AT-MP : accidents du travail-maladies professionnelles. CESU : chèque emploi service universel. CSG : cotisation sociale généralisée. IJ : indemnités journalières. IR : impôt sur le revenu. JEI : jeunes entreprises innovantes. LFSS : loi de financement de la sécurité sociale. PLFSS : projet de loi de financement de la sécurité sociale. RGDU : réduction générale dégressive unique (de cotisations sociales patronales). TVA : taxe sur la valeur ajoutée.
Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après notamment l'annexe 3 au PLFSS
a) La principale mesure : une réduction supplémentaire des allégements généraux de 1,4 milliard d'euros sur le périmètre de la sécurité sociale (prise par voie réglementaire), ne se traduisant par aucun gain pour la sécurité sociale, qui perdrait également le gain issu de la réforme de 2025
Les principaux montants relatifs aux réformes des allégements généraux de 2025 et 2026 sont synthétisés par le tableau ci-après, et explicités par les développements qui suivent.
Gains pour les administrations publiques et les
Asso
des réformes des allégements généraux de
2025 et 2026
(en milliards d'euros)
|
Base juridique |
Hausse de cotisations |
Moindre IS pour l'État |
Gain net pour les administrations publiques |
Réduction par la loi de finances de la TVA affectée aux Asso |
Gain net pour les Asso |
|
|
A |
B |
C [A+B] |
D |
E [A+D] |
||
|
Gain résultant du barème 2025 (Asso et sécurité sociale) |
Art. 18 LFSS 2025 |
2,0 |
- 0,4 |
1,6 |
- 0,4 |
1,6 |
|
Gain supplémentaire résultant du barème 2026 (Asso) |
Art. 18 LFSS 2025+ futur décret* |
1,9 |
- 0,4 |
1,5 |
- 3,5** |
- 1,6 |
|
Gain total en 2026 |
3,9 |
- 0,8 |
3,1 |
- 3,9 |
0,0 |
* Le décret n° 2025-887 du 4 septembre 2025, qui fixe le barème de la RGDU pour 2026, doit être remplacé d'ici la fin 2025 par un nouveau décret, réduisant les allégements généraux de 1,5 milliard d'euros.
** Article 40 du PLF pour 2026.
Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après notamment l'évaluation préalable de l'article 12 du PLFSS
(1) Une réduction supplémentaire des allégements généraux de 1,9 milliard d'euros en 2026 (1,4 milliard d'euros sur le périmètre de la sécurité sociale) par un décret à prendre d'ici la fin 2025
La principale mesure relative aux recettes n'est pas prévue par le PLFSS, mais par un décret devant être pris d'ici la fin de l'année en application de la réforme des allégements généraux par l'article 18 de la LFSS 2025.
En effet, l'article 18 précité prévoit qu'à partir du 1er janvier 2026, les bandeaux famille et maladie disparaissent, les caractéristiques de l'allégement dégressif étant désormais fixées par décret68(*).
Ce nouvel allégement dégressif est dénommé « réduction générale dégressive unique » (RGDU).
Au niveau de l'ensemble des administrations de sécurité sociale (Asso), la LFSS 2025 a accru en 2025 les cotisations de 2 milliards d'euros, et le décret précité les augmente en 2026 de 1,9 milliard d'euros supplémentaires, les portant à 3,9 milliards d'euros au total (colonne A du tableau ci-avant). Les recettes d'IS s'en trouvant réduites, le gain net pour l'ensemble des administrations publiques ne serait que de 3,1 milliards d'euros au total (colonne C).
Actuellement, le profil de la RGDU pour 2026 est fixé par le décret n° 2025-887 du 4 septembre 2025. Selon les indications transmises à la commission, ce décret ne modifie pas significativement le rendement de la réforme de 2025, et il doit être remplacé d'ici la fin 2025 par un nouveau décret, réduisant les allégements généraux de 1,4 milliard d'euros sur le périmètre de la sécurité sociale.
Pour mémoire, la Cour des comptes, dans son rapport69(*) sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale (Ralfss) de mai 2025, préconisait notamment de fixer le profil de l'allégement applicable à partir de 2026 de manière à dégager des économies supplémentaires 2 milliards d'euros70(*).
(2) Le transfert par le PLF de la totalité du gain permis en 2026 par les réformes de 2025 et 2026 de la sécurité sociale vers l'État, par une réduction de la TVA affectée de 3,5 milliards d'euros (3 milliards sur le champ de la sécurité sociale)
L'article 40 du PLF pour 2026 prévoit de réduire la TVA affectée à la sécurité sociale, à l'Agirc-Arrco et à l'Unédic de 3,5 milliards d'euros en 2026 (colonne D), afin de transférer à l'État la totalité du gain résultant des réformes de 2025 et 2026.
Les Asso ne bénéficient en effet en 2025 que de 1,6 milliard d'euros au titre de la mesure (leur TVA ayant été réduite de 0,4 milliard d'euros en compensation des moindres recettes d'IS). En l'absence de nouvelle réduction de la TVA affectée, le gain des réformes de 2025 et 2026 pour la sécurité sociale serait donc de 1,6 milliard d'euros + 1,9 milliard d'euros = 3,5 milliards d'euros.
C'est cette somme que la réduction à due concurrence de la TVA affectée aux administrations de sécurité sociale a pour objet de transférer à l'État.
Sur le périmètre de la sécurité sociale, la TVA serait réduite de 3 milliards d'euros.
(3) Un transfert aggravant inutilement le risque de crise de liquidité de l'Acoss
Comme indiqué supra, l'Acoss est obligée, faute de transfert de dette à la Cades, de financer les déficits cumulés de la sécurité sociale, alors qu'elle ne peut se financer qu'à court terme. Il en résulte un risque de crise de liquidité, souligné notamment par l'Acoss et la Cour des comptes.
Dans ce contexte, et comme cela est explicité dans le commentaire de l'article 12 du PLFSS, il semble particulièrement inopportun de revenir sur ce qui avait été décidé lors de la réforme du barème de 2025 (affectation à la sécurité sociale du gain, net de la perte de recette d'IS pour l'État), et d'affecter à l'État la totalité du gain supplémentaire résultant du barème de 2026.
(4) Un transfert « technique » de 6,8 milliards d'euros de la sécurité sociale vers l'Agirc-Arrco et l'Unédic, neutralisant les transferts issus de la suppression des bandeaux famille et maladie
Par ailleurs, 6,8 milliards d'euros seraient déplacés de la sécurité sociale vers l'Agirc-Arrco et l'Unédic71(*), en conséquence de la suppression des bandeaux famille et maladie au 1er janvier 2026.
Contrairement à la mesure précédente, il s'agit d'une mesure purement technique, destinée à neutraliser le transfert de cotisations entre administrations de sécurité sociale résultant de la réforme de 2026. En effet, du fait de la suppression des bandeaux famille et maladie, la sécurité sociale ne supportera plus le coût des allégements correspondants, ce qui, en l'absence de mesure correctrice, se traduirait par une perte de recettes pour l'Agirc-Arrco et l'Unédic, corrigée par ce transfert de 6,8 milliards d'euros.
b) Autres principales mesures sur les recettes de la sécurité sociale
Les autres principales mesures sur les recettes sont les suivantes.
Certaines mesures sont prévues par le PLFSS :
- pour 1,2 milliard d'euros, la réduction des niches sociales applicables à certains compléments salariaux : assujettissement au forfait social au taux de 8 % des aides directes72(*) et hausse de 10 points du taux de contribution patronale pour les indemnités de rupture conventionnelle et les indemnités de mise à la retraite (article 8) ;
- pour 1,1 milliard d'euros, l'instauration d'une taxe de 2,25 % en 2026 sur certaines complémentaires santé (article 7)73(*) ;
- pour 0,3 milliard d'euros, par analogie avec le gel des prestations, gel des seuils de revenus du barème de la CSG pour certains revenus de remplacement (allocations chômage, pensions de retraite et d'invalidité) (article 6) ;
- pour un coût de 0,2 milliard d'euros74(*) pour la sécurité sociale (mais un gain de 0,8 milliard d'euros pour l'État, qui compense ces niches), la rationalisation de certaines exonérations spécifiques : aide à la création et la reprise d'entreprise (ACRE), Lodéom, apprentis75(*), jeunes entreprises innovantes76(*) (article 9).
On peut également mentionner un ensemble de mesures relatives à la branche AT-MP, pour 0,4 milliard d'euros77(*). Pour mémoire, le PLFSS prévoit pour la branche AT-MP un déficit de 1 milliard d'euros en 2026 (après cette mesure).
c) Dans le cas du budget de l'État (article 6 du PLF), la forfaitisation de l'abattement de 10 % d'impôt sur le revenu sur les pensions de retraite (1,2 milliard d'euros)
Bien que cela ne concerne pas le périmètre de la sécurité sociale, ni même des administrations de sécurité sociale (Asso), mais l'État, on peut également mentionner la forfaitisation de l'abattement de 10 % d'impôt sur le revenu sur les pensions de retraite (article 6 du PLF pour 2026).
Le rendement de cette mesure est estimé par l'évaluation préalable de l'article 6 du PLF pour 2026 à 1,2 milliard d'euros en 2026 (et à 1,5 milliard d'euros en 2027).
5. Un effort structurel de 12 milliards d'euros en 2026, également réparti entre dépenses et recettes
La commission a réalisé une décomposition indicative de l'évolution du solde prévisionnel de la sécurité sociale entre 2025 et 2026 en termes d'effort structurel et d'évolution du déficit structurel.
Ces notions sont définies supra.
Conformément à ce type d'approche, les mesures prises en compte ne sont pas seulement celles du PLFSS et des textes associés, mais l'ensemble des mesures entrant en vigueur, y compris quand il s'agit de la montée en charge de mesures résultant d'un texte antérieur. Cette approche est dite en « mesures nouvelles ».
Malgré des mesures nouvelles sur les dépenses chiffrées selon cette approche à 8,2 milliards d'euros78(*), l'effort structurel sur les dépenses, c'est-à-dire l'écart entre la croissance des dépenses et celle du PIB potentiel, ne serait que de 5,9 milliards d'euros. En effet, les dépenses tendent spontanément à augmenter plus rapidement que le PIB.
Le montant des mesures nouvelles sur les recettes, de 6,2 milliards d'euros, correspond à la somme des mesures nouvelles avant le PLFSS (1,9 milliard d'euros, selon le rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale d'octobre 202579(*)) et des mesures sur les recettes avant transferts de recettes vers l'État (4,3 milliards d'euros).
Cette approche conduit donc à une image sensiblement différente de l'effort réalisé en 2026 que celle consistant seulement à faire la somme des mesures du PLFSS et des textes associés. En effet, elle minore l'effort sur la dépense (puisqu'elle prend seulement en compte la part de l'effort amenant les dépenses à croître moins rapidement que le PIB potentiel) et en majorant l'effort sur les recettes (puisqu'elle prend en compte l'ensemble des mesures nouvelles, y compris quand elles proviennent de textes antérieurs).
Décomposition indicative de l'évolution du solde prévisionnel de la sécurité sociale entre 2025 et 2026
(en milliards d'euros)
Un montant positif (bâtons verts) correspond à une amélioration du solde, un montant négatif (bâtons rouges) à une dégradation du solde.
Lecture : En 2026, l'écart de l'évolution spontanée des dépenses par rapport à celle du PIB potentiel dégraderait le solde de 2,3 milliards d'euros.
Solde 2025 : PLFSS pour 2026. Soldes conjoncturel et structurel calculés par la commission des affaires sociales d'après les estimations du PIB potentiel de la Commission européenne (mai 2025). Économies et mesures coûteuses Ondam : annexe 5 au PLFSS pour 2026 (cela intègre des mesures antérieures au PLFSS et à ses textes associés). Impact de la réforme des retraites : rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale d'octobre 2025. Mesures nouvelles sur les recettes : rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale d'octobre 2025 (mesures hors PLFSS) et annexe 3 au PLFSS pour 2026 (mesures PLFSS).
Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après les sources indiquées
* 54 Propositions au Premier ministre, 8 juillet 2025.
* 55 Le moment de vérité, communication du Gouvernement, 15 juillet 2025.
* 56 Il s'agit des économies nettes (y compris mesures coûteuses) découlant du PLFSS et des textes associés. Le montant de 7,1 milliards d'euros, souvent cité, correspond aux économies brutes (sans prise en compte des mesures coûteuses), y compris quand elles concernent la montée en puissance de mesures antérieures au PLFSS.
* 57 Doublement des participations forfaitaires et franchises et de leurs plafonds.
* 58 Ralentissement du dynamisme du Fonds national d'action sociale (Fnas) de la Cnaf : 0,4 milliard d'euros.
* 59 Par un décret à prendre d'ici la fin de l'année.
* 60 Taxe initiale de 2,05 % (produit de 1 milliard d'euros) portée à 2,25 % pour financer le coût de la suspension des retraites en 2026 (produit de 1,1 milliard d'euros).
* 61 Du fait d'une moindre contribution aux régimes de retraite dits « compensés ».
* 62 Ce montant de 6 milliards d'euros correspond aux mesures du seul PLFSS et des textes associés, nettes de mesures coûteuses de 0,3 milliard d'euros. Le montant de 7,1 milliards d'euros, souvent évoqué, correspond aux seules mesures d'économie (sans prise en compte des mesures coûteuses) et en incluant la montée en puissance de mesures décidées antérieurement.
* 63 Qui ne peuvent être prises en charge par les complémentaires santé responsables.
* 64 L'annexe 3 ne prend en compte que les mesures associées au PLFSS, alors que l'annexe 5 prend également en compte la montée en puissance de mesures anciennes. Par ailleurs, le montant de 6 milliards d'euros retenu dans le tableau p. 12 de l'annexe 3 est un montant net (6,3 milliards d'euros d'économies moins 0,3 milliard d'euros de dépenses supplémentaires), alors que le montant de 7,1 milliards d'euros indiqué p. 30 de l'annexe 5 est un montant brut (dont il faut soustraire 2,5 milliards d'euros de dépenses supplémentaires).
* 65 Le rendement de cette mesure était ainsi estimé par la Mecss du Sénat à 1,8 milliard d'euros (Élisabeth Doineau, Raymonde Poncet Monge, Sécurité sociale : la boîte à outils du Sénat, rapport d'information n° 901 (2024-2025), Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) du Sénat, commission des affaires sociales, 23 septembre 2025).
* 66 La réduction des dépenses de la branche vieillesse a pour effet de réduire les contributions versées par l'État aux régimes dits « équilibrés ».
* 67 Sans que toutefois ce point ait fait l'objet d'un désaccord.
* 68 Le Gouvernement dispose de ce point de vue d'une liberté quasi absolue, que ce soit pour l'exonération au niveau du Smic ou le profil jusqu'au point de sortie, fixé par la loi à 3 Smic.
* 69 Cour des comptes, La sécurité sociale - rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, mai 2025.
* 70 Le Ralfss de mai 2025 préconisait également d'intégrer les compléments de salaire relevant de la participation financière et de l'actionnariat salarié dans la rémunération servant à déterminer les seuils des allégements généraux de cotisations patronales (3 milliards d'euros) ; et de fixer le point de sortie des allégements généraux à 2,5 Smic (au lieu de 3 à partir de 2026) (1 milliard d'euros).
* 71 Et, de manière marginale, le Fonds national d'aide au logement (Fnal).
* 72 Titres-restaurant, chèques emploi service universels (Cesu) préfinancés, activités sociales et culturelles (ASC), chèques vacances.
* 73 Dans le texte déposé le 14 octobre, ce taux était de 2,05 %, d'où un rendement de 1 milliard d'euros. Le taux a été majoré afin de compenser le coût en 2026 du report de la réforme des retraites.
* 74 0,01 milliard d'euros selon l'évaluation préalable de l'article 9.
* 75 Déjà réduite par la LFSS 2025, et qui serait totalement supprimée pour les nouveaux contrats.
* 76 Déjà réduit par la LFSS 2025. Le volet social de ce dispositif serait recentré sur les entreprises qui investissent le plus en recherche et développement.
* 77 Le Resf annexé au PLF appelle cette mesure « cotisations AT-MP » (chiffrée à 0,5 milliard d'euros sur le périmètre des Asso), mais l'annexe 3 au PLFSS utilise l'expression, plus générale, de « mesure de redressement AT-MP », et précise que « compte tenu de sa trajectoire fortement et durablement dégradée sous l'effet notamment de la hausse du coût des indemnités journalières et de son obligation de revenir à l'équilibre, la branche AT-MP fera l'objet d'une mesure d'ajustement d'un rendement de 0,4 milliard d'euros en recettes ou en dépenses ».
* 78 Le montant est donc différent de celui indiqué dans l'annexe 3, de 9,1 milliards d'euros, ramené à 9 milliards d'euros après prise en compte de la suspension de la réforme des retraites. Cela vient du fait qu'on prend ici en compte la totalité des mesures sur l'Ondam indiquées dans l'annexe 5 (7,1 milliards d'euros d'économies et 2,5 milliards d'euros de mesures coûteuses), qu'elles résultent ou non du PLFSS et des textes associés.
* 79 Essentiellement du fait d'une nouvelle hausse du taux de cotisation à la CNRACL, pour un rendement de 1,8 milliard d'euros.

