B. LA RELANCE DES NÉGOCIATIONS EN 2023 A PERMIS D'INTRODUIRE DE NOUVELLES STIPULATIONS REMPLISSANT PARTIELLEMENT LES CONDITIONS POSÉES PAR LA FRANCE POUR SOUTENIR L'ACCORD
Le retour au pouvoir de M. Lula da Silva au Brésil, conjugué aux tensions commerciales avec les États-Unis et la Chine, ont provoqué une relance progressive des discussions, aboutissant à la conclusion, le 6 décembre 2024, à Montevideo, d'un nouvel accord politique entre l'Union européenne et le Mercosur.
1. Les concessions obtenues par l'Union européenne : l'inclusion de l'Accord de Paris et de dispositions juridiquement contraignantes sur la lutte contre la déforestation
• L'accord politique de 2024 érige l'Accord de Paris en élément essentiel de l'accord, ce qui signifie que l'Union européenne pourrait suspendre l'accord commercial avec un pays du Mercosur si ce dernier quitte l'Accord de Paris ou cesse d'être partie « de bonne foi ».
Cette disposition revêt en réalité une portée limitée, puisqu'elle permet uniquement d'empêcher le retrait des parties de l'accord sur le climat, que la notion de « bonne foi » demeure sujette à interprétation et qu'en tout état de cause, le déclenchement de la clause s'avèrerait délicat, l'accord commercial étant conclu entre deux blocs régionaux.
• La Commission européenne a négocié l'introduction d'engagements juridiques contraignants en matière de développement durable, sous la forme d'une annexe au chapitre sur le Commerce et le Développement durable, dans laquelle les parties s'engagent notamment à mettre fin à la déforestation à compter de 2030. L'accord ne prévoit néanmoins aucune sanction en cas de violation de ces stipulations, ce qui permet de douter du caractère exécutoire des engagements pris en matière de développement durable.
2. Les contreparties accordées en échange aux pays du Mercosur comprennent l'introduction d'un mécanisme de rééquilibrage
En contrepartie de ces avancées réclamées par l'Union européenne, plusieurs concessions ont été faites aux pays du Mercosur :
• Le Brésil et l'Argentine ont obtenu que de nouveaux secteurs soient exclus du champ d'application du chapitre sur les marchés publics ; le Brésil a par ailleurs négocié un nouvel équilibre s'agissant des droits à l'exportation des matières premières et biens industriels depuis le Mercosur, tandis que deux modifications ont été introduites s'agissant du commerce de véhicules (relatives au calendrier d'élimination des droits pour le Mercosur et aux clauses de sauvegarde bilatérales applicables) ;
• Un nouveau mécanisme de rééquilibrage a été introduit, à la demande des pays du Mercosur qui craignaient que les mesures adoptées unilatéralement par l'Union européenne dans le domaine du développement durable ne réduisent les avantages attendus de l'accord.
3. En matière agricole, l'absence notable de toute avancée depuis 2019 : un accord ne comportant aucune garantie supplémentaire en faveur des producteurs européens
Si, dans la dernière phase de négociation, les pays du Mercosur ont obtenu un rééquilibrage afin de mieux protéger certaines filières, la Commission européenne n'a pas négocié de mesures de protection similaires en faveur de l'agriculture européenne.
Les concessions tarifaires pour les produits agricoles restent ainsi inchangées par rapport à l'accord de 2019, à l'exception de quelques ajustements mineurs. Les modifications apportées au contenu de l'accord ne concernent ni le volet agricole, ni les standards sanitaires et environnementaux de production. De nombreuses organisations agricoles et certains États membres réclamaient pourtant l'inclusion de clauses miroirs dans l'accord ou l'adoption par l'Union européenne de mesures miroirs pour garantir une concurrence équitable entre les producteurs européens et sud-américains.
La mise en oeuvre de ces mesures, et plus généralement le respect par les produits importés des prescriptions sanitaires et phytosanitaires européennes, nécessiterait un renforcement substantiel des contrôles dans les pays tiers et aux frontières de l'Union.
En 2020, la France avait posé trois conditions à la signature de l'accord : ne pas augmenter la déforestation importée dans l'Union européenne, mettre l'accord en conformité avec l'Accord de Paris et garantir que les produits agricoles et agroalimentaires importés respectent bien, en droit et en fait, les normes sanitaires et environnementales de l'Union européenne.
Si notre pays a, en apparence du moins, obtenu gain de cause sur les deux premiers points, force est de constater que les demandes relatives au respect des normes sanitaires et environnementales de l'Union européenne sont jusqu'à présent restées lettre morte.