II. EN SEPTEMBRE 2025, LA COMMISSION A OFFICIELLEMENT ADOPTÉ LE PROJET D'ACCORD ET DÉCIDÉ DE PRÉSENTER DEUX TEXTES DISTINCTS POUR CONTOURNER LE VETO DES ÉTATS MEMBRES ET PARVENIR À UNE ENTRÉE EN VIGUEUR RAPIDE DU VOLET COMMERCIAL
Le 3 septembre 2025, le projet d'accord UE-Mercosur a été officiellement adopté par la Commission européenne.
Arguant des avancées obtenues dans la version de l'accord UE-Mercosur telle que renégociée en 2024, la Commission a fait part de son intention de garantir une entrée en vigueur rapide des dispositions commerciales.
Dans cette optique, la Commission a pris la décision de scinder l'accord, afin de contourner les difficultés liées à la ratification par les parlements nationaux. En parallèle, pour empêcher la constitution de toute minorité de blocage au Conseil, la Commission européenne a publié une proposition de règlement destinée à « opérationnaliser » les clauses de sauvegarde comprises dans l'accord.
A. L'ACCORD UE-MERCOSUR, UN ACCORD MIXTE QUE LA COMMISSION A DÉCIDÉ DE SCINDER EN DEUX TEXTES DISTINCTS POUR ISOLER LE VOLET COMMERCIAL ET GARANTIR SON ENTRÉE EN VIGUEUR À BRÈVE ÉCHÉANCE
1. Un accord « mixte », dont la ratification nécessite un vote à l'unanimité des États membres et un vote des parlements nationaux
À l'instar de nombreux accords commerciaux « de nouvelle génération », le projet d'accord avec le Mercosur constitue un accord « mixte », c'est-à-dire relevant à la fois des compétences exclusives de l'Union européenne en matière commerciale et des compétences des États membres.
Or, dans un avis rendu en 2017 relatif à la conclusion de l'accord de libre-échange UE-Singapour34(*), la Cour de justice de l'Union a clarifié la répartition des compétences de l'Union et des États membres dans le cadre de ces accords commerciaux mixtes ; elle a confirmé la compétence exclusive de l'Union pour de nombreuses dispositions de l'accord UE-Singapour, tout en relevant que certaines des dispositions figurant dans l'accord relevaient d'une compétence partagée entre l'Union et ses États membres.
Par conséquent, la Cour de justice a soutenu que l'accord de libre-échange UE-Singapour - ainsi qu'à l'avenir, tous les accords commerciaux de de nature mixte - devait être conclu conjointement par l'Union (c'est-à-dire le Conseil et le Parlement européen) et l'ensemble des États membres de l'Union selon leurs règles constitutionnelles respectives.
En pratique, la procédure de ratification d'un accord mixte est la suivante :
- au niveau européen, la décision de conclusion de l'accord doit être approuvée par le Conseil de l'Union européenne à l'unanimité puis par le Parlement européen à la majorité simple ;
- au niveau national, l'accord doit être ratifié par les 42 parlements nationaux et régionaux de l'Union européenne impliqués dans cette procédure.
Dans ce contexte, la ratification par chaque État-membre, octroyait de facto à ces derniers un droit de veto, compromettant l'adoption de l'accord UE-Mercosur.
2. Une scission de l'accord destinée à contourner le veto des États membres et permettre une adoption du volet commercial à la majorité qualifiée, sans vote des parlements nationaux
Le 3 septembre 2025, le projet d'accord UE-Mercosur a été officiellement adopté par la Commission. Le Collège des commissaires a décidé de scinder l'accord en deux textes juridiques parallèles, un accord de partenariat UE-Mercosur (APEM) et un accord intérimaire sur le commerce (AIC) :
- l'APEM est un accord-cadre mixte (et non un accord d'association) requérant l'approbation du Conseil à la majorité qualifiée, l'approbation du Parlement européen et la ratification des 27 États membres pour entrer en vigueur ;
- l'AIC, qui ne couvre que les dispositions commerciales relevant de la compétence exclusive de l'Union, et dont la ratification ne requiert qu'une majorité qualifiée au Conseil et l'approbation du Parlement européen.
Une fois ratifié, l'AIC s'appliquera de plein droit, dans l'attente d'une avancée concernant l'accord global. L'AIC expirera et sera remplacé par l'accord de partenariat UE-Mercosur dès l'entrée en vigueur de ce dernier, à la suite de sa ratification.
D'un point de vue purement procédural, en application de l'article 218 du TFUE, le Conseil doit adopter, pour chaque accord, une décision autorisant la signature de l'accord, puis après approbation du Parlement européen, une décision portant conclusion de l'accord, qui vaut ratification de l'Union.
Dans la mesure où l'APEM constitue un accord de partenariat, et non un accord d'association, et où « les composantes prépondérantes de l'accord sont la politique commerciale, les transports, la coopération au développement et la coopération économique, financière et technique avec les pays tiers »35(*), la règle de vote retenue est la majorité qualifiée.
Ainsi, les États membres devraient être invités à adopter, à la majorité qualifiée les décisions autorisant la signature et la conclusion de l'APEM et de l'ACI au nom de l'Union le 16 décembre, afin de permettre à la Commission de signer l'accord au nom de l'Union le 20 décembre, à l'occasion du sommet avec le Mercosur au Brésil, le président brésilien ayant l'intention de faire ratifier l'accord à cette occasion.
Selon les éléments qui ont été communiqués à titre provisoire aux rapporteurs, le Parlement européen devrait se prononcer au début de l'année 2026.
* 34 Avis 2/15 de la CJUE du 16 mai 2017 concernant l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et la République de Singapour.
* 35 Proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de l'Union européenne, et à l'application provisoire de l'accord de partenariat, entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et le Marché commun du Sud, la République argentine, la République fédérative du Brésil, la République du Paraguay et la République orientale de l'Uruguay, d'autre part, COM(2025) 356 final.
Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion, au nom de l'Union européenne, et à l'application provisoire de l'accord de partenariat, entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et le Marché commun du Sud, la République argentine, la République fédérative du Brésil, la République du Paraguay et la République orientale de l'Uruguay, d'autre part, COM(2025) 357 final.