B. -- Décisions du Conseil Constitutionnel.
Articles 24, 18 et 76.
Les décisions du Conseil Constitutionnel sont d'importance très diverse. L'une est capitale, elle a trait aux résolutions. Complétant la Constitution avec une rigueur qui ne s'imposait sans doute pas, mais qui procède d'une incontestable logique, le Conseil Constitutionnel donne de la résolution une définition matérielle. Hormis les cas où la Constitution et les lois organiques la prévoient, elle est une mesure d'ordre interne de la compétence exclusive dé l'Assemblée Nationale ou du Sénat.
Antérieurement, le droit constitutionnel classique donnait de la résolution une définition purement formelle. Léon Duguit dit : « Ce sont toutes les décisions qui résultent du vote d'une seule Chambre ». On doit cependant préciser, comme nous l'avons fait naguère nous-mêmes: « et non promulguées ». Cette restriction étant nécessaire au cas de monocamérisme ou même de bicamérisme incomplet, comme celui de la Constitution de 1946.
De plus, sans qu'il y ait, à notre sens, une différence juridique de nature, la pratique parlementaire qualifie « motion » et non « résolution » la décision de l'Assemblée Nationale ou du Sénat résultant de la simple application du règlement : motion d'ordre, motion préjudicielle, motion préalable, etc.
Par suite, inclusion faite de la motion, la définition de la résolution dans le droit traditionnel couvrait :
-- les résolutions impliquant l'action d'un organe externe à une assemblée et un contrôle sur celui-ci ;
-- les résolutions relatives au fonctionnement interne d'une assemblée.
Le Conseil Constitutionnel, en prolongeant et en accentuant deux traits essentiels de la Constitution de 1958 : séparation des pouvoirs conçue au bénéfice de l'exécutif, définition matérielle des compétences, a supprimé la première catégorie de résolutions, ou plus exactement n'a reconnu en cette matière au Sénat qu'une compétence d'attribution, cas par cas, ceux-ci étant déterminés par la Constitution ou par les lois organiques.
Par contre, réserve faite du contrôle de constitutionnalité exercé sur son règlement, le Sénat a pleine compétence pour prendre les mesures concernant son activité interne. Ici, le principe de la séparation des pouvoirs joue à son profit.
Selon ces directives, votre Commission a été amenée à modifier l'article 24 de votre règlement en se fondant sur le domaine matériel de la loi établi par la Constitution et le domaine matériel de la résolution indiqué par le Conseil Constitutionnel. De cette façon, une base claire et précise est procurée à l'examen de la recevabilité des propositions de loi et de résolution, sous le contrôle du Bureau.
La définition de la résolution permet, aussi, de laisser subsister le terme dans les articles où il est question de celle-ci, l'annulation du Conseil Constitutionnel ne pouvant évidemment viser l'usage de la résolution dans les cas où il l'a reconnue légitime.
Outre la rédaction nouvelle de l'article 24, votre Commission a mis en harmonie l'article 76 avec les décisions du Conseil Constitutionnel. Tout en maintenant le terme de « proposition de résolution » pour les raisons exposées, elle a aussi amélioré la rédaction du deuxième alinéa de l'article 18.
Article 33.
Par rapport aux problèmes soulevés par la notion de résolution, les questions concernant les autres articles apparaissent secondaires.
Les annulations de l'article 33 sont la suite d'un incident survenu à l'Assemblée Nationale lors de la clôture de sa première session extraordinaire. Comme on s'en souvient, la lecture d'une motion par le biais d'une rectification au procès-verbal provoqua des observations publiques du Président de la République au Président de l'Assemblée Nationale. Votre Commission ne pouvait que vous proposer de supprimer la phrase incriminée du quatrième alinéa, la première phrase subsistante seule couvre en effet les cas où le procès-verbal n'est pas contesté.
En ce qui concerne le huitième alinéa, la nouvelle rédaction qui vous est proposée précise, ce qui eût pu aller de soi, que la discussion du procès-verbal rejeté ne saurait intervenir à la séance suivante qu'après la discussion éventuelle des textes inscrits en priorité à l'ordre du jour à la demande du Gouvernement.
Article 43.
L'article 43 a vu son alinéa 6 annulé par le Conseil Constitutionnel « par le motif que la rédaction de ce texte permet au Sénat de mettre en discussion lors d'une seconde délibération les seules propositions de la commission saisie au fond, contrairement aux dispositions de l'article 42 de la Constitution ».
Votre Commission, tout en pensant que les droits du Gouvernement n'étaient pas méconnus par la rédaction de janvier 1959, vous demande de préciser explicitement ce qui était déjà implicitement entendu, à savoir que le Gouvernement se trouvait placé sur le même pied que la Commission et que, par conséquent, les propositions à examiner étaient aussi les siennes.
Article 45.
Le Conseil Constitutionnel ayant déclaré non conforme à la Constitution l'alinéa 3 de l'article 45 « par le motif que ces dispositions limitent aux modifications proposées par la Commission au texte dont elle avait été initialement saisie l'application des dispositions de l'article 40 », votre Commission vous propose la suppression du dernier membre de la phrase qui constitue l'alinéa 3. Elle donne ainsi au Gouvernement la possibilité d'invoquer l'irrecevabilité à rencontre de toute proposition de loi rapportée par une commission. Le texte antérieur laissait planer en effet un doute sur l'exercice de ce droit par le Gouvernement, dans le cas où le texte rapporté par la commission saisie n'aurait pas été modifié par elle et aurait échappé au premier contrôle de recevabilité effectué par le Bureau.
Article 79.
Le Conseil Constitutionnel a déclaré inconstitutionnel l'alinéa 4 de l'article 79 « par le motif que ces dispositions prévoient des délais qu'il n'appartient pas au règlement du Sénat d'imposer aux ministres pour faire connaître la suite donnée aux pétitions qui leur ont été transmises ».
Conformément à cette décision, la Commission supprime toute mention de délai, étant entendu qu'elle n'entend pas que, de la sorte, son droit à réponse se trouve annihilé. Elle rappelle à dessein celui-ci à l'alinéa 4 nouveau.
Article 89.
Le Conseil Constitutionnel a annulé l'article 89 estimant que les infractions sanctionnées par cet article étaient également atteintes par l'article 19 de l'ordonnance du 24 octobre 1958 prononçant des peines d'une plus grande gravité.
Votre Commission a estimé qu'il y avait cependant une différence entre les dispositions de son règlement et celles de l'ordonnance. Si les sanctions sont moins sévères, elles couvrent un champ plus large.
Après une discussion approfondie, il a paru à votre Commission que le Sénat ne pouvait se démunir de tout moyen de censurer les actes de ses membres et qu'il devait demeurer lui-même juge des conditions dans lesquelles la dignité du Sénat en corps pouvait être atteinte par des agissements particuliers.
C'est pourquoi un texte vous est proposé maintenant des peines disciplinaires distinctes des mesures prescrites à l'article 20 de l'ordonnance et s'appliquant dans les cas prévus ou non par celle-ci où, de l'avis du Sénat, un de ses membres aurait usé de son titre pour d'autres motifs que pour l'exercice de son mandat.