EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Le projet de loi dont vous êtes saisis a pour objet de modifier le mode d'élection du Conseil national des barreaux (CNB) institué par la loi n° 90-1259 du 31 décembre 1990 qui a modifié et complété la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques pour fusionner les professions d'avocat et de conseil juridique.
L'exposé des motifs justifie les modifications proposées par le fait que le régime retenu en 1990 « a fait l'objet de certaines critiques, son application ayant conduit à un déséquilibre dans la représentation des barreaux ».
L'Assemblée nationale a examiné ce projet de loi, en première lecture, le 10 octobre dernier. Elle y a apporté quelques modifications purement formelles avant d'adopter, à la demande du Gouvernement, un article additionnel prorogeant de quatre nouvelles années le régime transitoire d'exercice de la consultation juridique et de la rédaction d'actes sous seing privé.
Votre commission des Lois a estimé que la fixation du mode d'élection du Conseil national des barreaux ne relevait pas de la compétence du législateur. Elle vous propose en conséquence d'adopter une motion d'irrecevabilité constitutionnelle tendant, pour ce motif, au rejet du texte.
Toutefois, afin de contribuer à la bonne information du Sénat, votre rapporteur a estimé utile de rappeler le rôle et les missions du Conseil national des barreaux ainsi que les raisons justifiant la modification de son mode de désignation.
I. LE CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX : TROIS ANNÉES ET DEMIE D'ACTIVITÉ APRÈS UNE GESTATION DIFFICILE
Le principe d'une représentation nationale de la profession d'avocat ne s'est pas imposé sans certaines hésitations et il fallut attendre la commission mixte paritaire pour qu'un accord put être trouvé entre les deux Assemblées.
A. UNE GESTATION DIFFICILE
Esquissé par le projet de loi initial, le principe d'une représentation nationale de la profession d'avocat avait été écarté, en première lecture, par l'Assemblée nationale. Reconnaissant toutefois la nécessité d'une meilleure coordination de la formation professionnelle, celle-ci avait proposé d'instituer un centre national de la formation professionnelle.
Admettant, pour sa part, le principe d'une représentation nationale de la profession, le Sénat avait rétabli l'organisme envisagé par le Gouvernement mais non sans en modifier la nature. Transformée en Conseil supérieur des barreaux, cette instance nationale était en effet conçue comme une émanation des barreaux. Elle était en outre relayée auprès de chaque cour d'appel par des conseils régionaux. Enfin ses missions étaient élargies par rapport au texte gouvernemental, en matière de formation professionnelle, d'harmonisation des règles et usages de la nouvelle profession et de règlement de certains différends professionnels.
L'Assemblée nationale ne retenait pas, en deuxième lecture, le principe d'une représentation de la profession par les barreaux et proposait une double désignation, au scrutin de liste à la représentation proportionnelle, par deux collèges :
- un collège composé de délégués élus au scrutin majoritaire à deux tours par les bâtonniers et les membres des conseils de l'ordre des barreaux du ressort de chaque cour d'appel ;
- un collège composé de délégués élus, au scrutin de liste avec représentation proportionnelle, par les avocats des barreaux du ressort de chaque cour d'appel.
L'Assemblée nationale supprimait par ailleurs les conseils régionaux.
En deuxième lecture, le Sénat les rétablissait et, surtout, confirmait la création d'une représentation nationale ordinale de la profession. Il confiait en outre au Conseil national la formation professionnelle que l'Assemblée nationale avait préféré attribuer à un organisme spécialisé.
Ce n'est donc finalement qu'à la faveur de la commission mixte paritaire qu'un accord put intervenir entre les deux Assemblées.
B. UN CONSEIL NATIONAL
Établissement d'utilité publique doté de la personnalité morale, le Conseil national des barreaux (CNB) est chargé, aux termes de l'article 21-1 introduit dans la loi de 1971 :
- de représenter la profession d'avocat auprès des pouvoirs publics,
- de veiller à l'harmonisation des règles et usages de la profession d'avocat,
- d'harmoniser les programmes de formation professionnelle, de coordonner les actions de formation et de répartir le financement de la formation,
- de déterminer les conditions générales d'obtention des mentions de spécialisation,
- d'arrêter la liste des avocats étrangers susceptibles d'intégrer le barreau français.
Le Conseil national des barreaux est composé de soixante avocats élus pour trois ans, au scrutin de liste à la représentation proportionnelle, par deux collèges formés d'un nombre égal de délégués eux-mêmes élus :
- pour le premier collège, au scrutin de liste majoritaire à deux tours, par les bâtonniers et les membres des conseils de l'ordre des barreaux du ressort de chaque cour d'appel,
- pour le second collège, au scrutin de liste à la représentation proportionnelle, par les avocats des barreaux.
Le mode de calcul du nombre des délégués par cour d'appel a été fixé par le décret n° 91-1191 du 27 novembre 1991 à un délégué par barreau jusqu'à cinquante avocats inscrits au tableau ou sur la liste du stage, auquel s'ajoute un délégué supplémentaire pour chaque tranche supplémentaire de cinquante avocats, la dernière tranche, même incomplète, donnant droit à un délégué.
Quant à la composition des conseils de l'ordre, qui résulte également du décret de 1991, elle n'obéit pas à une stricte proportionnalité. Les conseils comptent en effet :
- trois membres pour les barreaux de huit à quinze avocats inscrits,
- six dans les barreaux de seize à trente membres,
- neuf dans les barreaux de trente-et-un à cinquante avocats,
- douze dans ceux de cinquante et un à cent avocats,
- dix-huit dans les barreaux de cent-un à deux cents avocats,
- trente-six membres pour le barreau de Paris.
C. TROIS ANNÉES D'ACTIVITÉ
Les élections des membres du Conseil national des barreaux ont eu lieu le 28 mars 1992. Un décret du 27 septembre 1994 a prorogé leur mandat jusqu'au 31 décembre 1995 pour permettre l'adoption de nouvelles règles électorales.
Présidé par le bâtonnier Guy Danet, le Conseil national des barreaux s'est doté de six commissions spécialisées, respectivement chargées :
- de la formation professionnelle,
- des questions internationales,
- de l'harmonisation des règles et usages de la profession,
- de l'accès au droit et à la justice,
- de la prospective,
- du statut social de l'avocat.
Le Conseil national des barreaux a dressé, à l'intention de votre rapporteur, un bilan de son activité depuis trois ans dont l'encadré ci-après reproduit l'essentiel.
Ce bilan permet de constater que, sans empiéter sur les missions propres aux conseils de l'ordre, le Conseil national a su assumer le rôle que le législateur avait souhaité lui donner.
LES ACTIVITÉS DU CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX
Le Conseil national des barreaux est consulté pour avis par les Pouvoirs publics à l'occasion de l'élaboration ou de la modification de tous textes législatifs ou réglementaires concernant la profession d'avocat. Depuis le début de l'année 1995, il a été consulté sur le projet de directive communautaire d'établissement des avocats ressortissants de la CEE, l'accès à la profession d'avocat, le périmètre du droit, la participation de l'État au financement de la formation, le contrôle des CARPA, l'application de la loi de 1991 sur l'aide juridique.
Le Conseil national des barreaux a élaboré une doctrine de la formation de l'avocat, défini le contenu de l'année d'école et des deux années de stage, déterminé les modalités d'obtention des mentions de spécialisation. Le Conseil national des barreaux a organisé une gestion nationale des flux des élèves avocats, fixé le montant des fonds destinés à la formation pendant l'année d'école et déterminé leur mécanisme de répartition.
Le Conseil national des barreaux a formulé des recommandations sur les limites de la publicité personnelle de l'avocat, proposé des dispositions précises quant à la clause de respect de la clientèle, réafffirmé la confidentialité des correspondances entre avocats et le secret professionnel qui s'y attache. Il travaille actuellement sur le conflit d'intérêts et le statut du collaborateur.
La saisine du Conseil national des barreaux est obligatoire pour tous les avocats étrangers qu'ils soient ressortissants de la CEE, - le Conseil arrête la liste des avocats susceptibles de bénéficier de la directive sur la reconnaissance mutuelle des diplômes et les matières de l'examen d'aptitude auquel ils peuvent être soumis-, ou d'États extérieurs à la CEE,- le Conseil arrête la liste des avocats admis à subir l'examen de contrôle des connaissances en droit français. |