D. LE RÉGIME DES SOFICA EN QUESTION
1. Une incitation fiscale très favorable
L'article 40 de la loi du 11 juillet 1985 a mis en place un système « d'abri fiscal » destiné à favoriser les investissements dans la production cinématographique et audiovisuelle.
Les SOFICA (Sociétés de financement de l'industrie cinématographique et audiovisuelle) constituent des intermédiaires qui collectent des fonds pour les investir exclusivement dans le financement d'oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles agréées par le Centre national de la cinématographie.
Le financement doit être assuré sous la forme de souscription au capital de sociétés de production ou de versements en numéraire réalisés par contrat d'association à la production.
Le mécanisme repose sur une incitation fiscale très favorable.
Les particuliers et les entreprises peuvent déduire de leurs revenus imposables le montant des sommes investies, sous réserve que celles-ci soient maintenues pendant cinq ans au moins. Pour les particuliers, la déduction porte sur l'intégralité des investissements dans la limite de 25 % de leurs revenus imposables, tandis que les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés ont la possibilité d'amortir, dès la première année, 50 % du montant versé.
L'évolution annuelle du montant des dépenses fiscales imputables, depuis 1986, aux SOFICA est la suivante :
-125 millions de francs en 1986
-100 millions de francs en 1987
-75 millions de francs en 1988
-75 millions de francs en 1989
-90 millions de francs en 1990
-75 millions de francs en 1991
-97 millions de francs en 1992
-125 millions de francs en 1993
-134 millions de francs en 1994
-112 millions de francs en 1995
Au total, la dépense fiscale globale de 896 millions de francs correspond à un montant cumulé d'investissements (effectués entre le 1 er janvier 1986 et le 31 décembre 1994) de 1 926,99 millions de francs, dont 335,71 millions de francs dans la production audiovisuelle (soit 17,4 %), la production cinématographique constituant 75 % de l'investissement total.
Le nombre de SOFICA agréées depuis la mise en place du mécanisme s'élève à 46. En 1995, cinq nouvelles SOFICA ont été créées.
En 1994, 2 521 contribuables avaient investi dans des SOFICA pour une participation unitaire moyenne de 43 643 francs, 595 contribuables ayant investi plus d'un million de francs.
En 1993, les SOFICA ont investi 191,85 millions de francs dans la production cinématographique et audiovisuelle, dont 14,5 millions de francs dans la production de cinq oeuvres audiovisuelles et, en 1994, 193,35 millions de francs dans la production, dont 31,51 millions de francs dans la production de 15 oeuvres audiovisuelles, soit un investissement moyen de 2,1 millions de francs. Par rapport à la période 1986-1990, on enregistre une baisse sensible du montant moyen des participations des SOFICA dans le financement d'oeuvres audiovisuelles et corrélativement un recul de la part qu'elles représentent dans le budget des oeuvres concernées.
2. Un mécanisme contesté
A l'occasion de l'examen par l'Assemblée nationale du projet de loi de finances, le régime fiscal des SOFICA a été contesté et un amendement de suppression de ce régime fut présenté. Le rapporteur général de la commission des Finances a excipé du « bilan mitigé » de ce mécanisme qu'il a qualifié de « scorie fiscale ». Lors de l'examen de cet amendement, le 19 octobre 1995, le secrétaire d'État au budget a annoncé que le Gouvernement s'engageait « à présenter un nouveau système de SOFICA qui réponde aux trois objectifs suivants : veiller à une bonne répartition du produit de la collecte entre tous les producteurs de cinéma et d'audiovisuel (...) proportionner l'avantage fiscal aux risques financiers réels acceptés par le souscripteur ; assurer une Meilleure égalité de l'accès à l'avantage fiscal entre souscripteurs disposant de revenus de niveau égal ».
L'intérêt de ce régime fiscal ne doit pas être méconnu, même si ses modalités de fonctionnement peuvent être modifiées.
Les films aidés par les SOFICA font souvent partie des valeurs sûres de la production de fiction audiovisuelle. Les partenaires financiers qui gèrent le dispositif dans une optique de rentabilité au service des épargnants qui ont souscrit des SOFICA introduisent dans l'investissement une exigence de résultats positifs. Ils font ainsi contrepoids à une politique culturelle menée directement par l'État, à travers le mécanisme de l'avance sur recettes, et qui donne souvent la part trop belle au « film d'auteur ».
Remarquons, par ailleurs, que, pour faire suite à un accord entre le Centre national du cinéma et la Direction générale des impôts, la dépense fiscale est plafonnée à 150 millions de francs par an. Ce système n'a pas été victime de détournement d'objet et fonctionne dans une transparence non contestée.
Si ce mécanisme doit accompagner les mutations du marché, une large concertation devra précéder sa réforme. La méthode adoptée par le Gouvernement est donc la bonne. Elle contraste singulièrement avec les conditions qui ont présidé à la naissance de ce dispositif fiscal. Il avait en effet été présenté à la sauvette par le Gouvernement de l'époque à la fin de la deuxième lecture par l'Assemblée nationale à l'occasion d'une loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier...