ANNEXES

ANNEXE 1 - EXTRAIT DU COMPTE RENDU DE LA RÉUNION DE LA COMMISSION DES LOIS DU 8 NOVEMBRE 1995

La commission a ensuite procédé, sur le rapport de M. Michel Dreyfus-Schmidt, à l'examen de la proposition de loi n° 378 (1994-1995), présentée par ce dernier et les membres du groupe socialiste, autorisant un accès direct à leur dossier des personnes mises en examen.

M. Michel Dreyfus-Schmidt, rapporteur, a fait observer que le problème de la communication des copies de pièces du dossier d'instruction avait été abordé par la mission d'information de la commission sur le respect de la présomption d'innocence et le secret de l'enquête et de l'instruction, laquelle avait adopté, sur le rapport de M. Charles Jolibois, une proposition n° 16 permettant aux avocats, sous leur propre responsabilité, de transmettre de telles copies à leur client pour l'usage exclusif de celui-ci.

Il a précisé que l'assemblée plénière de la Cour de cassation avait rendu depuis, le 30 juin 1995, deux arrêts considérant comme coupables de violation du secret de l'instruction des avocats ayant remis à leur client mis en examen des copies du dossier.

Après avoir mis en avant l'émotion suscitée par ces arrêts chez les praticiens, M. Michel Dreyfus-Schmidt, rapporteur, a fait observer que la Cour de cassation avait appliqué à la lettre le dernier alinéa de l'article 114 du code de procédure pénale en vertu duquel la copie de tout ou partie des pièces et actes du dossier est délivrée aux avocats des parties, pour leur usage exclusif et sans qu'ils puissent en établir de reproduction.

Il a rappelé que certains membres de la mission d'information, notamment M. François Blaizot, avaient considéré la possibilité pour une personne mise en examen d'accéder au dossier de l'instruction comme élémentaire pour l'exercice des droits de la défense.

Le rapporteur a estimé que l'interdiction faite à l'avocat de donner ces copies apparaîtrait bientôt aussi archaïque que pouvait l'apparaître aujourd'hui celle qui lui était faite jusqu'en 1897 d'avoir accès au dossier de l'instruction.

Il a considéré les arguments avancés pour justifier l'état actuel du droit, et notamment la protection du secret de l'instruction et des témoins, comme n'étant pas convaincants dans la mesure où l'avocat d'une partie peut d'ores et déjà lire ou montrer le contenu du dossier à son client, lequel n'est pas tenu audit secret.

Il a en revanche souligné les difficultés posées par cette situation, reconnues tant par les magistrats instructeurs que par les avocats, au regard des droits de la défense. Il a illustré son propos en évoquant l'impossibilité pour les parties d'obtenir communication d'un rapport d'expertise au-delà des seules conclusions alors que s'impose la connaissance du rapport lui-même par les parties, comme par un éventuel contre-expert amiable.

M. Michel Dreyfus-Schmidt, rapporteur, a ensuite reconnu que sa proposition de loi pouvait paraître aller trop loin, dans la mesure où elle prévoyait, d'une part, la remise gratuite des copies et, d'autre part, la possibilité pour les parties n'ayant pas d'avocat d'obtenir directement la délivrance de ces copies. Il a fait observer que le premier point serait contraire à l'article 40 de la Constitution et que le second point ne répondait pas à une nécessité absolue, toute personne mise en examen pouvant avoir un avocat, le cas échéant grâce à l'aide juridique.

Il a en conséquence proposé à la commission de modifier l'article 114 du code de procédure pénale afin de permettre à l'avocat de transmettre à son client des copies du dossier tout en prévoyant la possibilité pour le juge d'instruction de s'y opposer, après avis du bâtonnier et par ordonnance motivée susceptible d'appel devant la chambre d'accusation. Une telle opposition lui a semblé devoir être exceptionnelle en pratique.

M. Michel Dreyfus-Schmidt, rapporteur, a également proposé à la commission de s'inspirer d'une solution consacrée en droit allemand en subordonnant la communication de la copie à la signature préalable par la partie d'une attestation par laquelle elle prendrait acte de la double interdiction de publier la copie sous peine d'une amende de 25.000 F et de la communiquer à un tiers pour des besoins autres que ceux de la défense.

M. Michel Dreyfus-Schmidt, rapporteur, a en outre proposé trois modifications concernant la législation relative à l'obtention par les parties de copies du dossier de l'instruction une fois celle-ci achevée :

- consacrer une pratique en prévoyant que, en matière criminelle, chaque accusé et chaque partie obtiendrait gratuitement copie du dossier sans distinguer, comme le fait le texte actuel, entre, d'une part, les copies des procès-verbaux constatant l'infraction, délivrées gratuitement, et, d'autre part, les copies des autres pièces, délivrées moyennant paiement ;

- inscrire dans la loi le droit prévu actuellement par le règlement pour les parties de se faire délivrer copie du dossier une fois l'instruction achevée, dans les domaines délictuels et contraventionnels, ce droit ne concernant actuellement que la matière criminelle ;

- tirer les conséquences de la suppression par le nouveau code pénal des peines de réclusion criminelle de cinq à dix ans en prévoyant que la copie du dossier serait délivrée gratuitement aux prévenus et parties civiles lorsque la peine encourue est supérieure à cinq ans d'emprisonnement. M. Michel Dreyfus-Schmidt, rapporteur, a justifié cette proposition par le souci d'éviter une régression du droit, les personnes passibles d'une peine privative de liberté supérieure à cinq ans pouvant obtenir gratuitement cette copie avant l'entrée en vigueur du nouveau code pénal.

M. Charles Jolibois a fait observer que les propositions du rapporteur ne concernaient qu'un aspect d'un problème plus vaste, qui nécessitait une réflexion d'ensemble telle que celle initiée par la mission d'information sur la présomption d'innocence et le secret de l'enquête et de l'instruction.

Il a souligné que la proposition n° 16 de la mission d'information, rappelée par le rapporteur, était indissociable de la proposition n° 10 tendant à appliquer les peines relatives à la violation du secret professionnel à l'avocat ayant fait publiquement état du contenu d'un dossier d'instruction pour des raisons étrangères à l'exercice des droits de la défense.

Sans s'opposer sur le fond aux propositions de M. Michel Dreyfus-Schmidt, il a considéré que leur examen devait s'inscrire dans le cadre d'une réflexion globale. Il a ajouté que toute réforme de la procédure pénale poserait à nouveau le problème du secret de
•instruction.

Tout en comprenant le souci de M. Charles Jolibois, M. François Blaizot a rappelé son souhait de permettre aux personnes mises en examen d'obtenir copie des pièces du dossier de l'instruction pour assurer le plein exercice des droits de la défense. Il a estimé que le secret de l'instruction avait pour premier objectif la protection des intérêts des Personnes poursuivies et ne saurait donc justifier une atteinte à leurs droits. Il a ajouté qu'il appartenait au mis en examen d'apprécier si des éléments du dossier devaient ou non être divulgués. Il a estimé que les règles applicables en matière de diffamation suffiraient alors à protéger les tiers.

M. François Giacobbi a approuvé ce point de vue.

M. Robert Badinter a souligné que, dans ses arrêts du 30 juin 1995, l'assemblée plénière de la Cour de cassation n'avait fait qu'appliquer la loi. Il a mis en avant les difficultés résultant de l'état actuel du droit au regard notamment des droits de la défense.

Afin de prendre en considération les objections de M. Charles Jolibois, il s'est déclaré partisan d'une modification a minima de la législation, limitée à la reconnaissance aux avocats des parties de la faculté de transmettre une copie à leur client.

Mme Nicole Borvo a estimé que, si la proposition de M. Robert Badinter était retenue, il conviendrait de conserver la précision actuelle selon laquelle les copies ne sont remises que pour l'usage exclusif de leur destinataire.

M. Pierre Fauchon a rejoint le souci de M. Charles Jolibois de conduire une réflexion globale. Tout en admettant l'urgence du problème, du moins à l'égard des Personnes mises en examen, il a estimé que les poursuites pour de tels faits demeuraient exceptionnelles.

M. René-Georges Laurin a approuvé ce point de vue.

M. Jacques Larché, président, a tenu à souligner que l'institution par la dernière révision constitutionnelle de la journée d'initiative parlementaire ne trouverait sa pleine justification que si l'opposition parvenait à faire inscrire ses propositions à l'ordre du jour du Sénat.

M. Michel Dreyfus-Schmidt, rapporteur, a rappelé que, comme l'avait indiqué Monsieur le Président du Sénat, la dernière révision de la Constitution avait notamment cherché, en réservant une journée par mois à l'ordre du jour fixé par chaque

Assemblée, à renforcer les droits de la minorité en permettant à celle-ci de soumettre au Sénat des propositions de loi.

Il a donc indiqué à la commission qu'il demanderait l'inscription de sa proposition de loi à l'ordre du jour réservé au Sénat que la commission approuve ou non son rapport -quitte à ne plus être rapporteur-.

Il a par ailleurs considéré comme urgente la solution du problème de la communication des copies aux parties dans la mesure où, en pratique, la nécessité conduisait les praticiens à ne pas tenir compte de la législation.

Il a indiqué à M. Charles Jolibois que la proposition n° 10 de la mission d'information ne faisait que reprendre une disposition d'ores et déjà consacrée en droit positif, à savoir l'article 160 du décret du 27 novembre 1991.

Il a ajouté avoir pris en considération les impératifs liés à la protection du secret de l'instruction en permettant au juge d'instruction de s'opposer à la transmission des copies et en sanctionnant le fait de les publier.

M. Robert Badinter a considéré que, par ses arrêts du 30 juin 1995, la Cour de cassation avait, selon toute vraisemblance, invité le législateur à se pencher sur l'étude d'une modification de l'article 114, dernier alinéa, du code de procédure pénale.

M. Jacques Larché, président, s'est inquiété de la portée des modifications proposées par le rapporteur dans la mesure notamment où la possibilité de transmettre des copies concernerait les parties civiles. Il a indiqué sa préférence, si l'article 114 du code de procédure pénale devait être modifié, pour une communication aux seules personnes mises en examen.

M. Michel Dreyfus-Schmidt, rapporteur, lui a objecté que le droit actuel permettait déjà à l'avocat de toute partie, et non seulement d'un mis en examen, de tout dire à son client. Il a souligné l'intérêt que peut avoir la partie civile à obtenir la communication, par exemple, d'une copie complète d'un rapport d'expertise.

M. Jacques Larché, président, et M. Charles Jolibois ont estimé souhaitable que les conclusions de la mission d'information soient traduites dans une proposition de loi dont l'examen permettrait un débat d'ensemble auquel pourrait être joint l'examen de la proposition de loi de M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Pierre Fauchon a partagé ce point de vue.

A l'issue de cet échange de vues, et compte tenu de cette suggestion, la commission a estimé inopportun d'examiner immédiatement la proposition présentée par M. Michel Dreyfus-Schmidt, rapporteur.

A la suite de ce vote, M. Michel Dreyfus-Schmidt, rapporteur, a indiqué qu'il ne pouvait pas demeurer rapporteur. La commission a alors désigné M. Charles Jolibois pour le remplacer.

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