Art. 6 - Transposition dans la loi de certaines dispositions de l'accord national interprofessionnel du 31 octobre 1995 relatif à la politique contractuelle
Cet article, longuement examiné par l'Assemblée nationale, avant qu'elle le réécrive totalement sans cependant en modifier l'esprit, transpose dans la loi certaines dispositions de l'accord national interprofessionnel du 31 octobre 1995 relatif à la politique contractuelle afin de faciliter le développement de la négociation d'entreprise en l'absence de délégués syndicaux et de renforcer l'effectivité de la représentation collective du personnel dans les petites et moyennes entreprises.
Cet article résulte de l'insertion sous forme de lettre rectificative d'un projet de loi, adopté par le Conseil des ministres le 13 mai 1996, relatif au développement de la négociation collective dans le projet relatif à l'information et à la consultation des salariés dans les entreprises et les groupes d'entreprises de dimension communautaire.
Le texte initial de l'article 6, s'inspirant du précédent de la loi n° 78-49 du 19 janvier 1978 relative à la mensualisation et à la procédure conventionnelle, comportait en annexe l'accord du 31 octobre 1995 relatif à la politique contractuelle et y faisait référence. L'article autorisait donc à déroger aux articles du code du travail relatifs aux mécanismes de la négociation collective, pour permettre l'application des dispositions prévues par l'accord, mais celles-ci n'étaient pas reprises dans la loi. Néanmoins, pour ce qui concerne l'objectif d'amélioration du dialogue social au sein des petites entreprises, il était prévu que les dispositions des accords de branche qui seraient contraires à la loi feraient l'objet d'une autorisation législative.
Pour le Gouvernement, cette solution avait le mérite de la simplicité et respectait ainsi scrupuleusement l'accord des signataires.
Pour l'Assemblée nationale, en revanche, cette procédure méconnaissait la répartition des compétences entre le législateur et les partenaires sociaux. La démarche n'aurait pas consisté, en effet, à renvoyer comme en 1978 à des mesures d'application fixées par les partenaires sociaux, mais à déléguer à ces derniers une parcelle de pouvoir législatif. Une telle délégation n'a pas paru acceptable à l'Assemblée -et peut-être même aurait-elle été inconstitutionnelle !- qui, afin de lever toute ambiguïté, a, sur une initiative de M. Jean-Yves Chamard et de sa commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, préféré reprendre dans la loi les stipulations de l'accord qui viennent ainsi non déroger à la loi, mais la compléter dans certaines hypothèses.
Votre commission approuve pleinement cette démarche qui préserve les prérogatives du législateur sans négliger pour autant la volonté des partenaires sociaux. Le ministre l'a lui-même accepté en s'en remettant à la sagesse de l'Assemblée.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale reprend intégralement l'amendement de la commission. Plusieurs sous-amendements, notamment pour exclure du nouveau dispositif les entreprises de moins de onze salariés, ont été ou retirés ou supprimés.
Le paragraphe I dispose, dans son premier alinéa, que pour atteindre l'objectif de l'accord du 31 octobre 1996 de réintégrer les entreprises dépourvues de délégués syndicaux dans le champ de la négociation d'entreprise, des accords de branche pourront déroger aux articles L. 132-2, L. 139-19 et L. 132-20 du code du travail. Ces articles réservent le monopole de la négociation aux organisations syndicales et aux délégués syndicaux, et fixent dans le cas de négociations au sein de l'entreprise ou de l'établissement la composition de la délégation (cf. point 2-3 de l'accord). Toutefois, la dérogation au monopole syndical est tempérée par le fait qu'il est précisé que le rôle des organisations syndicales est préservé : les dispositifs dérogatoires devront en effet être négociés au niveau de la branche selon la procédure traditionnelle et les mesures d'application prises dans le cadre de ces nouveaux modes de négociations devront être ratifiées par la branche (cf. ci-dessous). Enfin, reprenant les dispositions du point 2-5 de l'accord, le texte précise que ces dispositions sont expérimentales.
Le second alinéa, toujours en application du point 2-5, fixe une date au-delà de laquelle ces accords dérogatoires ne peuvent plus être conclus (le 31 octobre 1998) et dispose que leur durée ne peut excéder trois ans.
Les paragraphes II et III, introduits par l'Assemblée nationale, déterminent les deux procédures susceptibles d'être retenues par la négociation de branche pour permettre de négocier des accords d'entreprise en l'absence de délégués syndicaux ou de délégués du personnel faisant fonction de délégué syndical dans les entreprises de moins de cinquante salariés (application de l'article L. 412-11). Les deux paragraphes poursuivent la transposition du point 2-5 de l'accord.
Le paragraphe II ouvre la possibilité aux accords de branche de prévoir que la mise en oeuvre des mesures d'application, pour certains thèmes qu'ils auront à déterminer, sera négociée par les représentants élus du personnel. Toutefois, les textes ainsi négociés devront être validés par une commission paritaire de branche (constituée à cet effet par l'accord de branche), ce qui redonne aux syndicats leur rôle traditionnel, puis déposés, comme tout accord (cf. art. L. 132-10), auprès des services du ministère chargé du travail (DDTEFP), avant de pouvoir acquérir leur qualité d'accords collectifs du travail.
Le paragraphe III ouvre aux accords de branche une seconde possibilité, plus proche de la solution traditionnelle, fondée sur le mandat : dans ces mêmes entreprises dépourvues de délégués syndicaux ou de délégués du personnel en faisant office, une ou plusieurs organisations syndicales représentatives peuvent expressément mandater un ou plusieurs salariés pour une négociation déterminée. Le mandat engageant le mandant (le syndicat), il n'y a pas lieu de prévoir de procédures de validation spécifiques des accords autre que celles de droit commun. Ce mode de négociation reprend une jurisprudence de la Cour de cassation du 25 janvier 1995, mais la conditionne à l'accord de branche.
Le second alinéa de ce paragraphe renvoie aux accords de branche la fixation des modalités de protection de ces salariés et les conditions d'exercice de leur mandat. Le texte suggère d'ailleurs de faire application de la procédure générale de protection contre les licenciements des délégués syndicaux de l'article L. 412-18. L'autorisation de licencier à obtenir de l'inspection du travail concerne tant le salarié en cours de mandat que le salarié dont le mandat a expiré, pendant une durée qu'il revient à l'accord de branche de fixer. Cet alinéa est repris du texte initial du projet de loi.
Le paragraphe IV reprend une disposition de l'accord d'octobre 1995 laissant aux accords de branche le soin de fixer le seuil d'effectif en deçà duquel la formule de négociation retenue sera applicable.
Le paragraphe V reprend le deuxième alinéa du texte initial du projet de loi. Il transpose le point 2-2 de l'accord qui vise à rechercher les moyens de développer et de renforcer le dialogue social dans les petites et moyennes entreprises. Il apparaît en effet que les conditions de fonctionnement de ce dialogue social ne sont pas nécessairement adaptées à ce type d'entreprises, le code du travail ne distinguant pas toujours entre les grandes et les petites entreprises. Les branches, en revanche, connaissent mieux les sujétions des entreprises qui les composent. Il est donc proposé de leur confier le soin de chercher à lever les obstacles au fonctionnement du dialogue social en complétant ou en adaptant les règles, ainsi qu'en simplifiant et en améliorant la cohérence des dispositifs existants.
Toutefois, contrairement à la négociation d'entreprise, l'accord ne propose aucune solution et laisse aux branches l'entière liberté de décider des moyens à mettre en oeuvre. Ce faisant, certaines clauses retenues par ces accords de branche pourraient être dérogatoires au droit existant. Une intervention législative serait alors nécessaire. Pour la faciliter, le texte prévoit que le Gouvernement informera le Parlement de la conclusion de ces accords, sur la base du suivi régulier de l'accord par les parties signataires prévu au point 2-5. Les organisations professionnelles et syndicales représentatives au niveau interprofessionnel seront consultées.
Le paragraphe VI, qui reprend le texte original, fixe un dernier verrou en instituant un droit d'opposition des organisations syndicales représentatives de la branche non signataires aux différents accords prévus par le présent article. Ce droit s'inspire du droit d'opposition prévu à l'article L. 132-26 du code du travail. L'opposition devra être notifiée dans les quinze jours de la signature aux signataires. Elle ne sera prise en considération que si les organisations opposantes sont majoritaires dans la branche, en application des critères habituels (une voix par organisation). En cas d'opposition, les textes ne peuvent entrer en vigueur.
Enfin le paragraphe VII prévoit qu'un rapport du Gouvernement sur l'application du présent article devra être présenté au Parlement avant le 31 décembre 1998. Ce rapport, comme les rapports intermédiaires prévus au paragraphe V, devra faire l'objet d'une consultation préalable des organisations professionnelles et syndicales représentatives au niveau interprofessionnel.
Votre commission approuve l'ensemble de ces dispositifs qui devrait favoriser le dialogue social au sein de l'entreprise en lui apportant toute la souplesse et toutes les garanties nécessaires.
Elle vous propose d'adopter cet article sans modification.