B. LA MISE EN OEUVRE DE REFORMES STRUCTURELLES ET LES PROGRÈS DE L'INTÉGRATION RÉGIONALE
Dans une majorité des États du champ, des réformes structurelles courageuses ont été engagées ou sont en passe de l'être. Elles s'articulent autour de plusieurs objectifs : renforcer l'État de droit et la stabilité du cadre juridique, assurer le respect des grands équilibres économiques par la réduction des déficits publics et l'amélioration du système de recouvrement des recettes fiscales et douanières, mener des politiques sectorielles rigoureuses dans le domaine des transports et des infrastructures, des filières agricoles, de la santé et de l'éducation, rééquilibrer l'économie au profit du secteur privé en recentrant l'état sur ses fonctions essentielles.
Bien entendu, certains pays réussissent mieux que d'autres dans la mise en oeuvre de ces réformes. Dans certains cas, jugeant que la volonté politique et les résultats étaient insuffisants, le Fonds monétaire international a suspendu ses concours d'ajustement structurel.
À titre d'exemple de réussite, on peut citer le cas de la Côte d'Ivoire qui a engagé, en 1991, avec l'appui des institutions financières internationales, deux programmes d'ajustement, le programme d'ajustement du secteur financier (PASFI) et le programme d'ajustement compétitivité (PASCO).
Dans le domaine financier, la Côte d'Ivoire a pris des mesures d'assainissement du secteur bancaire, par l'apurement des créances du secteur public, la recapitalisation des banques, la réduction de la participation de l'État dans le capital des banques. Une réforme de la bourse des valeurs d'Abidjan a été entreprise. Un plan de refinancement des compagnies d'assurances a été défini. La législation sur le recouvrement des créances a été améliorée et simplifiée.
Le programme relatif à la compétitivité visait à alléger la fiscalité sur les entreprises, à étendre le champ de la TVA en réduisant le nombre de taux, à alléger la réglementation des prix qui ont été libéralisés à l'exception de ceux de certains produits essentiels, à améliorer la concurrence externe et interne et à libéraliser le marché du travail.
Ces orientations ont été confirmées dans le cadre du programme d'actions pour la promotion du secteur privé qui a été présenté en juin 1995 par le Gouvernement ivoirien.
Un programme de privatisation des entreprises publiques a été engagé dès 1990 et s'est accéléré après la dévaluation. Bien que s'étant heurtées à certaines difficultés, ces privatisations ont permis à l'État d'engranger de nouvelles ressources tout en mobilisant les investissements privés nécessaires à la relance économique.
Au delà des efforts entrepris par chaque État, des progrès importants ont été enregistrés sur le plan de l'intégration économique régionale, notamment en zone franc.
Il ne s'agit certes pas d'une idée nouvelle et l'échec d'expériences passées incite à porter une appréciation prudente sur les développements en cours. Mais la démarche initiée depuis 1991 dans la zone franc bénéficie de son pragmatisme et de l'expérience de la solidarité monétaire dont ont fait preuve les pays de la zone lors de la dévaluation.
L'intégration régionale en zone franc passe par le renforcement des unions économiques existantes et par la mise en place, au sein de la zone, de règles harmonisées et modernisées.
La dynamique d'intégration régionale est particulièrement nette en Afrique de l'Ouest avec l'entrée en vigueur, le 1 er août 1994, du traité sur l'Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) dont les objectifs sont très ambitieux : institutions calquées sur l'Union européenne, surveillance multilatérale des politiques économiques, marché commun et politiques sectorielles communes. La mise en place d'une bourse régionale des valeurs mobilières est également envisagée.
Les résultats sont moins nets en Afrique centrale en raison des problèmes politiques internes et des structures administratives plus faibles des états de cette région. La création de la Communauté économique et monétaire d'Afrique centrale (CEMAC) s'en est trouvée retardée.
Néanmoins, un pas important a été franchi par la signature, par tous les États de la zone franc, de trois traités visant à mettre en place des règles de droit harmonisées et modernisées.
La création d'une conférence interafricaine de la prévoyance sociale (CIPRES) est en cours. Elle vise à assainir la gestion des organismes de prévoyance sociale, leurs charges de fonctionnement étant particulièrement élevées et, à plus long terme, à entreprendre une harmonisation des réglementations.
De même, le traité portant harmonisation du droit des affaires en Afrique est entré en vigueur en 1995. Il vise à clarifier l'environnement juridique et garantir la sécurité juridique et judiciaire des affaires. Déjà, plusieurs projets d'actes législatifs uniformes ont été préparés en matière de droit commercial et de droit comptable. Le traité prévoit également l'instauration d'une cour commune de justice et d'arbitrage, chargée d'assurer un règlement efficace des litiges, et la création d'une école supérieure régionale de la magistrature dispensant une formation de haut niveau. Il faut signaler que l'adhésion à ce traité est ouverte à l'ensemble des pays de l'OUA.
Le traité instituant une conférence interafricaine des marchés d'assurance (CIMA) est également entré en vigueur en 1995. Il s'agit d'harmoniser le droit du marché des assurances et de mieux contrôler les entreprises de ce secteur. Plus généralement, on espère pouvoir mieux orienter les fonds considérables mobilisés par les compagnies d'assurances afin de les diriger vers l'investissement productif.
Parallèlement, deux projets communs visent à renforcer la capacité d'expertise et d'intervention des administrations économiques et financières.
Un office statistique commun devrait être mis en place au sein de la zone franc, dans le cadre du traité AFRISTAT, afin de fournir des informations économiques fiables et harmonisées.
Enfin, deux pôles régionaux de formation des administrations économiques et financières sont en cours de création : l'École nationale des règles financières de Ouagadougou, pour l'Afrique occidentale, et l'Institut de l'économie et des finances de Libreville, pour l'Afrique centrale. Il s'agit de remédier aux faiblesses des systèmes actuels de formation des agents des services des douanes, des impôts, du Trésor et du budget.
L'ensemble de ces projets bénéficient d'un soutien des bailleurs de fonds internationaux et notamment de la France par l'intermédiaire des crédits du Fonds d'aide et de coopération.
Ces importantes réformes structurelles témoignent d'une volonté politique nouvelle même s'il est encore trop tôt pour évaluer leurs résultats et si l'on constate d'inévitables difficultés de mise en oeuvre.
Pour significatif et indispensable qu'il soit, ce mouvement de « remise en ordre » des économies africaines ne doit pas cacher la faiblesse de certains secteurs.
La maîtrise des salaires et la déflation d'effectifs dans la fonction publique entraînent, n raison de l'inflation, une diminution du pouvoir d'achat dans les zones urbaines et les réformes macro-économiques d'ajustement structurel ne se sont pas toujours souciées de mettre en place des "filets de sécurité" de nature à atténuer le coût social de l'assainissement économique et financier.
Le désengagement de l'État est nécessaire pour donner un nouveau souffle à l'investissement et au secteur industriel. Encore faut-il que l'investissement privé prenne le relais et que l'État parvienne à maintenir son rôle dans les grands domaines qui relèvent de sa compétence : les infrastructures, la santé, l'éducation.
Dans ces trois secteurs, les économies des pays du champ continuent de souffrir de lourds handicaps et peu d'améliorations notables sont à signaler. C'est dans ces secteurs vitaux que l'aide internationale doit concentrer ses efforts.