N° 117
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997
Annexe au procès-verbal de la séance du 4 décembre 1996.
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi de MM. Alain JOYANDET, Michel ALLONCLE, Louis ALTHAPÉ, Jean BERNARD, Jean BIZET, Dominique BRAYE, Mme Paulette BRISEPIERRE, MM. Auguste CAZALET, Gérard CESAR, Désiré DEBAVELAERE, Jean-Paul DELEVOYE, Michel DOUBLET, François GERBAUD, Daniel GOULET, Adrien GOUTEYRON, Georges GRUILLOT, Roger HUSSON, Pierre JEAMBRUN, Bernard JOLY, André JOURDAIN, Jacques LEGENDRE, Guy LEMAIRE, Maurice LOMBARD, Lucien NEUWIRTH, Mme Nelly OLIN, MM. Jacques OUDIN, Jean POURCHET, Victor REUX, Michel RUFIN, Maurice SCHUMANN, Louis SOUVET et Alain VASSELLE, visant à modifier le code général des collectivités territoriales de façon à élargir les compétences des districts,
Par M. Jean-Paul DELEVOYE ,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché président; René-Georges Laurin, Germain Authié, Pierre Fauchon, François Giacobbi, Charles Jolibois, Robert Pagès, vice-président; Michel Rufin, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, Paul Masson, secrétaires : Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, François Blaizot, André Bohl, Christian Bonnet, Mme Nicole Borvo, MM. Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Michel Dreyfus-Schmidt, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Lucien Lanier, Guy Lèguevaques, Daniel Millaud, Georges Othily, Jean-Claude Peyronnet, Bernard Piras, Claude Pradille, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre Schosteck, Alex Türk, Maurice Ulrich.
Voir le numéro :
Sénat : 34 (1996-1997).
Collectivités territoriales
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSIONRéunie le mercredi 4 décembre sous la présidence de M. Pierre Fauchon, vice-président, la commission a examiné, sur le rapport de M. Jean-Paul Delevoye, la proposition de loi visant à modifier le code général des collectivités territoriales de façon à élargir les compétences des districts. M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur, a indiqué que cette proposition de loi de portée limitée avait pour objet d'harmoniser les règles applicables aux communautés de communes et aux districts en faisant bénéficier ces derniers des mécanismes dits de « représentation-substitution » qui lui permettraient de se substituer aux communes adhérentes lorsque celles-ci sont par ailleurs groupées avec des communes extérieures au sein de syndicats de communes. Après avoir rappelé qu'une telle disposition était déjà applicable aux communautés de communes et aux autres groupements à fiscalité propre, M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur, a fait observer que le code général des collectivités territoriales ne réglait pas, en revanche, la situation où des communes adhérentes à un district seraient également groupées au sein d'un syndicat de communes associant des communes extérieures au district. Relevant que, dans ces conditions, le district ne pouvait pas, pour l'exercice de ses compétences, siéger aux lieu et place des communes adhérentes, M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur, a fait valoir que cette lacune était à l'évidence préjudiciable au bon exercice de ses compétences par ce groupement. Il a en effet indiqué qu'une réduction préalable des compétences ou du périmètre du syndicat préexistant était la seule voie de droit envisageable pour que le district puisse exercer pleinement ses compétences. M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur, a donc considéré que la proposition de loi en comblant un vide juridique, anticipait utilement sur le futur projet de loi relatif à la coopération intercommunale. Il a noté qu'elle mettait en évidence les inconvénients d'une superposition des structures, inconvénients qui avaient conduit le Sénat, lors de l'examen de la loi d'orientation du 6 février 1992, à préférer la réforme du régime des districts à la création de communautés de communes. A l'issue de cet exposé, la commission a adopté la proposition de loi dans les conclusions présentées par son rapporteur. |
Mesdames, Messieurs,
Le Sénat est saisi de la proposition de loi (n° 34, 1996-1997) dont notre collègue M. Alain Joyandet est le premier signataire, visant à modifier le code général des collectivités territoriales de façon à élargir les compétences des districts.
De portée limitée, cette proposition de loi tend à faire bénéficier les districts des mécanismes dits de « représentation-substitution », d'ores et déjà applicables aux autres groupements à fiscalité propre, notamment les communautés de communes, qui permettent à ces groupements de se substituer aux communes adhérentes lorsque celles-ci sont groupées avec des communes extérieures dans un syndicat préexistant.
Le problème que cherche à résoudre le texte qui vous est soumis illustre parfaitement les insuffisances du régime actuel de la coopération intercommunale, à la fois complexe et lacunaire. Ces insuffisances justifient les réflexions actuellement en cours en vue d'une clarification et d'une simplification légitimement attendues par les élus locaux.
Après avoir brièvement rappelé le régime juridique en vigueur, le présent rapport exposera les motifs pour lesquels votre commission des Lois vous demandera d'adopter, sous réserve d'aménagements purement formels, cette proposition de loi qui comble utilement un vide juridique.
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La superposition des structures est certainement l'une des difficultés majeures auxquelles les élus locaux sont confrontés dans la mise en oeuvre de leurs compétences. Tel est notamment le cas lorsqu'à une forme de coopération traditionnelle répondant à une logique de gestion (le syndicat de communes) vient s'ajouter une forme plus intégrée poursuivant davantage une logique de projets (en l'espèce, le district désormais obligatoirement dote d'une fiscalité propre).
Une telle situation est susceptible de se produire de manière fréquente dans la pratique locale quand on sait que coexistent 16 788 syndicats à vocation unique ou multiple et 318 districts.
Pour remédier aux inconvénients qui peuvent résulter de cette superposition, le législateur a prévu un certain nombre de dispositions.
Ainsi, l' article L. 5213-15 du code général des collectivités territoriales prévoit-il que les districts exercent de plein droit, au lieu et place des communes membres, la gestion des services assurés par les syndicats de communes associant, à l'exclusion de toute autre, les mêmes communes que le district.
Cette disposition est complétée par l' article L. 5212-33 qui précise, pour sa part, que le syndicat de communes est dissous de plein droit à la date du transfert à un district, à une communauté de communes, à une communauté de villes ou à une communauté urbaine des services en vue desquels il avait été institué.
Cependant ces dispositions -aussi utiles soient-elles- ne règlent que le cas où le syndicat préexistant et le district nouvellement créé associent tous deux exactement les mêmes communes.
Le code général des collectivités territoriales ne règle, en revanche, pas la situation où des communes adhérentes à un district seraient également groupées au sein d'un syndicat de communes associant des communes extérieures au district. En conséquence, le district ne peut pas, pour l'exercice de ses compétences, siéger au lieu et place des communes adhérentes.
Cette lacune est à l'évidence préjudiciable au bon exercice de ses compétences par le district, une réduction préalable des compétences ou du périmètre du syndicat préexistant étant la seule voie de droit envisageable pour que le district puisse exercer pleinement ses compétences.
Conscient de ces inconvénients, le législateur a prévu des dispositions permettant la substitution aux communes adhérentes des communautés de communes, des communautés de villes et des communautés urbaines au sein de districts ou syndicats antérieurement créés.
Ainsi pour les communautés de communes -formule de coopération qui se rapproche le plus de celle du district- l' article L. 5214-21 du code général des collectivités territoriales prévoit-il expressément que « pour l'exercice de ses compétences, la communauté de communes est également substituée aux communes qui en font partie lorsque celles-ci sont groupées avec des communes extérieures à la communauté » au sein de syndicats ou districts préexistants.
Cette disposition ne modifie pas les attributions des syndicats de communes ou des districts intéressés pas plus que le périmètre dans lequel ces établissements publics exercent leurs compétences. Elle concilie ainsi de manière pragmatique deux objectifs complémentaires : d'une part, permettre au groupement nouvellement créé et plus intégré au plan des compétences ainsi qu'au plan fiscal d'exercer dans les meilleures conditions ses compétences; d'autre part, prendre en compte la coexistence -qui sera vraisemblablement appelée à perdurer- de deux logiques de coopération intercommunale : une logique de projet que prennent en charge notamment les districts et les communautés de communes, une logique de gestion traditionnellement assumée par les syndicats de communes.
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L'exposé des motifs de la présente proposition de loi, après avoir souligné que la coopération intercommunale constitue l'un des grands enjeux de ces dernières années, déplore cependant l'anomalie que constitue la superposition des structures et des lois qui est source de lourdeurs dans la mise en oeuvre de certains projets.
Tout en relevant les réflexions actuellement menées par le Gouvernement en vue d'une réforme substantielle des structures existantes, les auteurs de la proposition de loi suggèrent de remédier -sans attendre le futur projet de loi- à des lacunes du dispositif en vigueur qui représentent des handicaps majeurs pour l'intercommunalité et empêchent certaines communes de se regrouper.
Ils font valoir, à l'appui de cette proposition qu'en n'envisageant pas la « représentation-substitution » qui existe pour les communautés de communes, ce dispositif pénalise lourdement les districts qui sont condamnés soit à ne pas exercer de compétences supplémentaires, soit à se transformer en communautés de communes alors même que cette transformation ne serait pas nécessaire, soit à demander aux communes concernées de se retirer du syndicat préexistant. Cette dernière solution entraînerait une précarité des structures de coopération intercommunale correspondant pourtant à une nécessité locale.
Dans ces conditions, il est proposé d'étendre aux districts une disposition, déjà applicable aux communautés de communes, qui leur permettra de se substituer de plein droit aux communes adhérentes qui sont par ailleurs associées avec des communes extérieures au district dans des syndicats de communes.
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Votre commission des Lois observe que cette proposition de loi s'inscrit dans un contexte caractérisé par les réflexions actuellement menées par le Gouvernement en vue d'une simplification du régime de la coopération intercommunale.
En effet, conformément à l' article 78 de la loi d'orientation du 4 février 1995 pour l'aménagement et le développement du territoire, le Gouvernement prépare un rapport au parlement qui devrait conduire au dépôt d'un projet de loi au cours du premier trimestre de l'année prochaine.
Rappelons que ces réflexions -comme l'avait souhaité le Sénat- portent sur la réduction du nombre de catégories d'établissements publics de coopération intercommunale, dont la superposition ne paraît pas correspondre à des besoins objectifs, et sur la simplification du régime juridique de l'intercommunalité dont la complexité entrave trop souvent les tâches des élus locaux. Les moyens de généraliser progressivement la taxe professionnelle d'agglomération sont également à l'étude.
Un pré-rapport a d'ores et déjà été établi et fait actuellement l'objet -ce qui constitue assurément une bonne méthode choisie par le Gouvernement- d'une concertation à l'issue de laquelle des choix définitifs seront arrêtés.
Après examen, votre commission des Lois a considéré que trois motifs majeurs pouvaient conduire le Sénat à anticiper sur la réforme annoncée et donc à adopter la présente proposition de loi.
En premier lieu, par son objet, celle-ci s'inscrit parfaitement dans le cadre de la simplification et de l'unification des règles juridiques, souhaitées en 1995 par le législateur. Rien, en effet, si ce n'est la superposition de régimes juridiques distincts sans recherche d'une véritable coordination, ne peut justifier que le mécanisme de « représentation-substitution », applicable à toutes les catégories d'établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ne soit également applicable aux districts également dotés d'une fiscalité propre à titre obligatoire depuis 1995.
Probablement, faut-il voir dans cette lacune une nouvelle manifestation des inconvénients de la méthode consistant à superposer de nouvelles structures plutôt que d'améliorer celles existantes. Le rejet d'une telle méthode -dont les élus locaux sont les premières victimes- avait conduit le Sénat, lors de l'examen de la loi d'orientation du 6 février 1992, à préférer la réforme du régime des districts à la création des communautés de communes.
En second lieu, la présente proposition de loi paraît parfaitement conforme aux réflexions en cours sur l'intercommunalité, qui ont été conduites en particulier dans le cadre du groupe de travail sur la décentralisation constitué au sein de votre commission des Lois.
D'une part, il apparaît de plus en plus clairement que deux logiques de coopération intercommunale devront continuer à coexister : une logique de gestion prise en charge traditionnellement par les syndicats de communes, une logique de projet- plus récemment mise au premier plan- qu'assument notamment les districts et les communautés de communes.
Dès lors, la recherche d'une complémentarité et d'une coordination entre ces deux formes de coopération paraît plus que jamais indispensable. Le mécanisme de « représentation-substitution » est l'un des moyens de parvenir à cet objectif.
D'autre part, l'unification des districts et des communautés de communes paraît l'une des solutions les plus accessibles pour répondre à la préoccupation exprimée par le législateur de réduire le nombre excessif de catégories d'établissements publics de coopération intercommunale.
Cette unification est déjà amorcée, le calcul de la dotation globale de fonctionnement -conformément au souhait du Sénat- réunissant notamment dans une catégorie unique ces deux catégories de groupements.
En rendant applicable aux districts des dispositions d'ores et déjà en vigueur pour les communautés de communes, la proposition de loi est conforme à cette orientation.
Enfin, et cette considération est évidemment essentielle, la proposition de loi permet de lever sans délai- sur un aspect bien précis et bien délimité du régime juridique de la coopération intercommunale- une difficulté réelle à laquelle les élus locaux sont confrontés et qui entravent la mise en oeuvre dans les meilleures conditions d'une coopération plus intégrée.
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C'est pourquoi, sous le bénéfice de ces observations et sous réserve de certains aménagements purement formels, votre commission des Lois vous demande d'adopter la présente proposition de loi dans les conclusions qu'elle vous soumet.