EXAMEN DES ARTICLES
TITRE PREMIER
INSTITUT DE VEILLE SANITAIRE

Le titre premier de la proposition de loi comprend un seul article créant l'Institut de veille sanitaire.

Article premier
Missions et organisation de l'Institut de veille sanitaire
(Chapitre V nouveau du livre VIII, art. L. 792-1 à L. 792-7 nouveaux du code de la santé publique)

Dans son rapport n° 196 (1996-1997), la commission des Affaires sociales a estimé que la conduite d'une politique de santé suppose que soient assumées trois missions essentielles : l'évaluation des actes thérapeutiques, le contrôle des produits et la veille sanitaire.

La veille sanitaire s'entend comme la détection et la surveillance de tous les événements, quelle qu'en soit l'origine, qui sont susceptibles d'affecter la santé de l'homme. Elle se traduit, lorsqu'un tel événement est observé, par des investigations tendant à en déterminer les causes et les possibles conséquences. Elle se prolonge par des procédures d'alerte et de recommandations à l'adresse des pouvoirs publics.

Générale quant à son champ d'action, elle ne saurait être confondue avec les systèmes de vigilance qui ont été mis en place ou qui vont être organisés pour tous les produits réglementés. La veille englobe et dépasse toutes les vigilances.

La veille ne saurait non plus limiter ses informations à celles qui résultent de l'observation réalisée par les organismes publics : il doit être du devoir de toute personne physique ou morale de signaler un événement susceptible d'affecter la santé de la population.

Au cours de ses travaux, la mission d'information de la commission des Affaires sociales a tenté de recenser l'ensemble des organismes qui se sont vus confier une mission de veille sanitaire. Elle a demandé, à cette fin, le concours des ministères. Il ressort de cette enquête que de multiples institutions participent, à un titre ou un autre, et l'on pourrait presque dire en le sachant ou pas, à cette action de veille. Il en ressort aussi que ces efforts en grand nombre sont dispersés et pas toujours efficaces, le système de veille n'étant pas organisé ni coordonné.

De fait, les pouvoirs publics ne peuvent être sûrs, à tout moment, que toute l'information pertinente leur a été transmise, et donc que toutes les mesures utiles ont été prises.

Le présent article tend à remédier à cette carence, en confiant à un Institut de veille sanitaire la mission de devenir une " tête de réseau " de la veille sanitaire.

A cette fin, il insère dans le livre VIII du code de la santé publique un chapitre V, intitulé " Institut français de veille sanitaire ", composé de deux sections (" Missions et prérogatives " et " Organisation et fonctionnement de l'établissement ") et comprenant les articles L. 792-1 à L. 792-7.

Art. L. 792-1 et L. 792-2 du code de la santé publique

Dans cet article, la proposition de loi définit la nature juridique, les missions et les moyens de l'Institut de veille sanitaire.

Retenant le statut d'établissement public déjà choisi depuis près de dix ans pour instituer, en matière sanitaire, des organismes spécialisés dotés d'une indépendance fonctionnelle, la proposition de loi place l'Institut sous la tutelle exclusive du ministre chargé de la santé. Cette exclusivité se comprend bien : compte tenu du champ d'observation défini pour l'Institut, qui ne saurait connaître des limites d'attribution des ministères et qui englobe tout événement sanitaire, quelle qu'en soit l'origine (produits, matériaux, milieux, comportements...), il est logique que cet établissement public dépende du seul ministre de la santé.

Les missions de l'Institut sont très vastes, puisqu'il s'agit d'effectuer une surveillance permanente de l'état de santé de la population et de détecter tout événement susceptible de l'affecter. Cette mission dépasse donc l'épidémiologie, confiée aujourd'hui notamment au Réseau National de Santé Publique. L'Institut est également chargé de mener à bien toute action nécessaire pour déterminer la cause d'un incident et, si nécessaire, d'alerter les pouvoirs publics.

La création de l'Institut ne saurait être comprise comme celle d'une nouvelle administration sanitaire, mais plutôt comme la mise en place d'une tête de réseau, chargée de recourir à des compétences diverses et de recueillir les informations émanant d'organismes publics et privés. Procéder de la sorte n'est pas un aveu de faiblesse de l'Etat, mais constitue bien au contraire la condition de l'efficacité d'un système de veille. En effet, il va de soi que, si les services de l'Etat, notamment les services déconcentrés des ministères des Affaires sociales, de l'Agriculture et de l'Economie et des Finances, ainsi que, par exemple, ceux du ministère de l'Environnement seront sollicités, de même que les services de médecine scolaire et de médecine du travail, des personnes privées, morales ou physiques, seront aussi appelées à transmettre des informations à l'Institut.

La création de l'Institut de veille sanitaire ne s'analyse pas non plus comme une simple extension du Réseau National de Santé Publique, les missions de l'Institut étant beaucoup plus vastes que celles du réseau.

Soucieuse de donner au nouvel Institut de veille sanitaire les moyens d'accomplir ses missions, la proposition de loi lui donne la possibilité de recueillir l'information nécessaire, le cas échéant sur place, et de participer à la mise en place des systèmes de recueil d'information des services de l'Etat ; elle lui donne aussi la faculté de diligenter des agents de l'Etat afin d'évaluer l'origine des événements détectés.

Si, dans le paragraphe II, la proposition de loi fait obligation à l'Etat, aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics ainsi qu'aux organismes de sécurité sociale de lui transmettre, en permanence, les informations pertinentes, la situation des autres personnes physiques ou morales est évoquée uniquement pour les cas d'urgence par le paragraphe III de l'article L. 792-1.

Ce dernier paragraphe contraint en effet ces personnes à transmettre les informations concernant des risques pour la santé humaine qu'ils détiennent " à la demande de l'Institut " et " lorsqu'il s'avère nécessaire de prévenir ou de maîtriser des risques pour la santé humaine ".

En cas d'urgence, l'Institut pourra donc avoir accès à des données couvertes, le cas échéant, par le secret médical ou industriel.

Par rapport au texte initial de la proposition de loi, votre commission a apporté plusieurs modifications de forme .

· Outre la simplification de l'intitulé (Institut de veille sanitaire), elle a ainsi préféré, au 1° de l'article L. 792-1, la notion de " participation à un réseau " à celle d'" organisation en réseau " dans la mesure où des organismes privés ne peuvent que participer à un réseau ;

· Elle a supprimé, toujours au 1°, le mot " nouveau " dans la mesure où les événements affectant la santé humaine peuvent ne pas être nouveaux, comme l'ont montré les contaminations liées à l'exposition à l'amiante ;

· Au 2° du même article, elle a ajouté la possibilité pour l'Institut de proposer des " actions " aux pouvoirs publics ;

·  Dans l'article L. 792-2, elle a donné à l'Institut la faculté d'effectuer toutes études et recherches et a préféré, au III, la notion de " personne physique ou morale " à l'énumération proposée par le texte initial ;

·  Enfin elle a souhaité punir d'une sanction pénale tout refus de transmission d'information : cette sanction se justifie par le fait que l'obligation de transmission ne s'applique qu'en cas d'urgence, " lorsqu'il s'avère nécessaire de prévenir ou de maîtriser un risque pour la santé humaine " et uniquement en réponse à une demande de l'Institut.

Art. L. 792-3 à L. 792-8 du code de la santé publique

Les articles L. 792-3 à L. 792-8, qui constituent la section 2 (" Organisation et fonctionnement de l'établissement ") du chapitre V du livre VIII du code de la santé publique, décrivent les grands traits de l'organisation de l'Institut.

L'article L. 792-4 prévoit notamment que l'Institut est soumis à un régime administratif, budgétaire, financier et comptable et à un contrôle de l'Etat adoptés à la nature particulière de sa mission. Votre commission tient à souligner, notamment à l'attention des rédacteurs du décret d'application de la loi, que l'Institut de veille sanitaire n'est pas un établissement public à caractère administratif. Cette remarque vaut également pour l'Agence de sécurité sanitaire des produits de santé et l'Agence de sécurité sanitaire des aliments, dotées du même statut.

L'organisation générale de l'Institut retenue par la proposition de loi (directeur général, conseil d'administration, conseil scientifique, personnels, ressources) est en effet identique à celle qui est prévue par les articles suivants pour les agences de sécurité sanitaire des produits de santé et des aliments.

Par rapport au texte de la proposition de loi :

·  la commission a réparé un oubli à l'article L. 792-3 (la proposition de loi ne mentionnait pas le mode de désignation du président du conseil d'administration) ;

·  elle a supprimé, dans les compétences du conseil, la mention des " travaux et équipements lourds " qui ne se justifiait pas ;

·  elle a ajouté l'article L. 792-8 prévoyant que les modalités d'application du chapitre V seraient précisées par décret.

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