TITRE III

AGENCE DE SÉCURITÉ SANITAIRE DES ALIMENTS

Le titre III de la proposition de loi, qui institue l'Agence de sécurité sanitaire des aliments, comprend l'article 4, décrivant les missions et l'organisation de l'Agence, l'article 5, prévoyant la consultation de l'Agence dans le cadre des procédures d'élaboration des textes législatifs et réglementaires, et l'article 6, qui tire les conséquences, dans le code de la santé publique, de la création de l'Agence. Les articles 4 et 5 correspondent respectivement aux articles 6 et 7 du texte initial de la proposition de loi et l'article 6 a été introduit par votre commission.

Art. 4
Missions et organisation de l'Agence de sécurité sanitaire des aliments
(Chapitre VII nouveau du livre VIII et art. L. 794-1 à L. 794-8 du code de la santé publique)

Dans son rapport d'information, la commission des Affaires sociales a estimé que les conditions de la sécurité sanitaire des aliments ne sont pas réunies. Plusieurs causes ont été avancées pour expliquer ce constat. D'abord, la connaissance des risques liés aux aliments est insuffisante. Ensuite, la réglementation applicable aux produits alimentaires n'est pas assez orientée vers la protection de la santé humaine, qui devrait pourtant en constituer le fil directeur. Enfin, si les services de l'Etat chargés du contrôle font un travail très satisfaisant, l'indépendance des contrôles ne peut être garantie ou au moins totalement crédible, eu égard à leur rattachement à une administration également chargée de défendre des intérêts économiques.

Les dispositions de l'article 4 visent à remédier à ces carences, complétées en cela par celles de l'article 5 qui prévoit la consultation de l'Agence pour l'élaboration de la réglementation.

En effet, l'article 4 institue, pour le secteur des aliments, une agence de sécurité sanitaire dotée d'un statut juridique qui garantit son indépendance par rapport aux intérêts et préoccupations d'ordre économique et de moyens qui contribueront à asseoir sa crédibilité scientifique et ses capacités d'influencer la politique de sécurité sanitaire des aliments.

Par rapport à l'Agence de sécurité sanitaire des produits de santé, l'Agence de sécurité sanitaire des aliments apparaît comme moins bien dotée. En effet, son directeur général ne détient pas les pouvoirs de police sanitaire pour les aliments, qui demeurent confiés aux ministres. Le directeur général de l'Agence ne peut ainsi, par exemple, retirer un produit du marché.

Mais toutes les dispositions de l'article 4 sont conçues pour donner à l'agence les moyens d'influencer les décisions prises et de veiller à la bonne organisation et à la qualité des études et des contrôles sanitaires effectués par les services compétents de l'Etat.

De surcroît, le directeur général de l'agence alimentaire est investi, en certaines matières, d'un pouvoir de décision.

L'Agence de sécurité sanitaire des aliments ne saurait donc être considérée comme un simple instrument d'évaluation des risques liés aux aliments : elle participe aussi bel et bien à la gestion du risque.

Sa place dans le code de la santé publique, ses missions comme la tutelle du ministre de la santé font de l'Agence un acteur, et non pas un simple conseiller, en matière de sécurité sanitaire des aliments.

Art. L 794-1 du code de la santé publique

L'article L. 794-1 définit le statut juridique et les missions de l'Agence de sécurité sanitaire des aliments, comme le font l'article L. 793-1 pour l'Agence de sécurité sanitaire des produits de santé et l'article L. 792-1 pour l'Institut de veille sanitaire.

Il prévoit dans son premier alinéa que l'Agence constitue un établissement public de l'Etat placé sous la tutelle des ministres chargés de la santé, de l'agriculture et de la consommation.

Si la tutelle du ministre de la santé s'explique par des raisons d'évidence liées au caractère sanitaire de cet organisme, celle des ministres de l'agriculture et de la consommation résulte du fait que des dispositions législatives en vigueur leur confient un rôle de police sanitaire des aliments.

Le second alinéa de l'article décrit le champ de compétence de l'Agence, qui est très vaste. Il repose en effet sur une acception très large de l'alimentation humaine, de la production jusqu'à la consommation par l'homme, et des matières premières à tous les procédés ou produits qui peuvent être sources de risques : procédés de production, de transformation, de conservation, de transport, de distribution, produits tels que les aliments pour animaux, les produits phytosanitaires, les médicaments vétérinaires, y compris les préparation extemporanées (articles L. 610, L. 610-1 et L. 610-2 du code de la santé publique) et les aliments médicamenteux (article L. 607 du code de la santé publique), les produits antiparasitaires, les matières fertilisantes et les supports de culture, ainsi que les matériaux entrant en contact avec tous les produits inclus dans le champ de compétence de l'Agence.

Par rapport au texte initial de la proposition de loi, votre commission a souhaité préciser :

· au début du deuxième alinéa, que l'Agence contribue à assurer la sécurité sanitaire dans le domaine des aliments et que cette mission lui est confiée dans le but d'assurer la protection de la santé humaine ;

· au troisième alinéa, que l'Agence participe à l'application de la législation concernant les produits de sa compétence dès qu'il s'agit de protéger la santé humaine. Cette disposition annonce notamment la compétence confiée à l'Agence en matière de médicament vétérinaire ; elle signifie bien que l'Agence de sécurité sanitaire des aliments n'a pas qu'un rôle d'évaluation des risques.

Art. L. 794-2 du code de la santé publique

Ainsi que le font les articles L. 792-2 pour l'Institut de veille sanitaire et l'article L. 793-2 pour l'Agence de sécurité sanitaire des produits de santé, l'article L. 794-2 énumère les moyens juridiques mis à la disposition de l'Agence pour assumer ses missions.

Le 1° confère à l'Agence un pouvoir d'auto-saisine et la possibilité de formuler des recommandations, y compris publiques, à l'adresse des pouvoirs publics. L'Agence n'est donc pas un simple organisme consultatif appelé à formuler des avis en réponse à des demandes ministérielles. De surcroît, la faculté qui lui est offerte de rendre publiques ses recommandations atténue fortement la possibilité qu'un ministre prenne une mesure importante de police sanitaire ne reposant pas sur des motifs de santé publique, sauf à s'exposer à la publicité du désaccord de l'Agence. Compte tenu de la sensibilité croissante de l'opinion publique aux questions de sécurité sanitaire, on imagine mal que le ministre accepte d'affronter des réactions par trop négatives.

Cependant, cette faculté de rendre publiques des recommandations ne constitue pas totalement la panacée et ne s'analyse pas, même dans les faits, à un transfert du pouvoir de police sanitaire en matière alimentaire ; un ministre pourrait toujours sur certains sujets, prétexter des motifs de santé publique infondés pour justifier une décision et " jouer " ainsi l'opinion publique contre l'Agence.

Quelle que soit la crédibilité scientifique de l'Agence, il est à craindre que le doute ainsi instillé dans les esprits ne soit pas favorable à l'établissement.

Le 2° de l'article L. 794-2 prévoit les conditions dans lesquelles l'expertise scientifique de l'Agence est mise à disposition des services de l'Etat, notamment pour l'élaboration et la mise en oeuvre de la législation et de la réglementation, nationale ou internationale. Dans un souci d'efficacité administrative, il ne serait pas bon, en effet, que les ministères constituent en leur sein des pôles d'expertise identiques à celui de l'Agence. Cette dernière étant un établissement public de l'Etat, il est logique qu'elle mette sa compétence au service de la politique sanitaire de l'Etat.

Le 3° confie à l'Agence un rôle de coordination de la coopération scientifique européenne et internationale de la France, ce qui constitue un rôle majeur en matière de denrées alimentaires, où seule une coordination efficace peut donner à la France les moyens de faire prévaloir son point de vue dans les instances internationales.

Le 4° énumère les sources d'information de l'Agence, dans un souci de coordination avec les services de l'Etat : comme le 2°, ce paragraphe vise à inciter l'administration à éviter des redondances fonctionnelles dans son organisation. La dernière phrase confie à l'Agence la mission de mesurer l'évolution des consommations alimentaires et d'évaluer leurs éventuelles incidences sanitaires : cette phrase ne devrait pas être comprise de façon négative, l'Agence devant évaluer, non seulement les risques sanitaires de l'évolution des consommations alimentaires, mais aussi leurs bénéfices pour la santé humaine.

Le 5°, inséré par votre commission, confie à l'Agence la mission de délivrer les autorisations en matière de médicament vétérinaire. L'article L. 616 correspond à l'autorisation d'ouverture d'établissements fabricant, important, exportant ou distribuant en gros des médicaments ; l'article L. 617-1 correspond aux autorisations de mise sur le marché des médicaments ; l'article L. 617-4 a trait aux autorisations d'importation et l'article L. 617-7 à l'autorisation de préparer des autovaccins à usage vétérinaire.

Le 6° confie à l'Agence la mission de participer à l'élaboration et à la mise en oeuvre de la législation et de la réglementation concernant les allégations santé des aliments, les produits diététiques et les compléments alimentaires. Dans la mesure où les dossiers correspondant concernent des aliments ou des allégations qui ont un impact sur la santé, le 6° prévoit une collaboration avec l'Agence de sécurité sanitaire des produits de santé.

Le 7° donne à l'Agence la faculté de participer à la définition des systèmes de vigilance concernant les aliments : cette participation devrait contribuer à une meilleure coordination de ces systèmes.

Les 8° et 9° précisent les modalités d'influence de l'Agence sur les contrôles sanitaires. En effet, à la différence de l'Agence de sécurité sanitaire des produits de santé, l'Agence de sécurité sanitaire des aliments ne se voit pas dotée d'un corps d'inspection par la proposition de loi : le maintien des services de contrôle au sein des administrations centrales constitue la conséquence logique du maintien du pouvoir ministériel de police sanitaire.

Les sénateurs signataires de la proposition de loi ont cependant estimé, conformément aux conclusions du rapport d'information, que le statu quo ne saurait être considéré comme satisfaisant.

Ils ont donc considéré qu'il convenait de donner à l'Agence la mission de veiller à la qualité des contrôles réalisés par les services ministériels et la possibilité de diligenter elle-même ces services.

La proposition de loi donne à l'Agence les moyens d'exercer ces deux missions. Ainsi, dans l'article L. 794-7, elle précise que la mission de " contrôle des contrôles " sera accomplie avec le concours, non seulement des personnels de l'Agence, mais aussi des corps d'inspection de l'Etat.

Pour diligenter les services des ministères de l'agriculture et de la consommation, le 9° de l'article L. 794-2 prévoit que l'Agence informera les ministères concernés, et que les contrôles se dérouleront sous la coordination du préfet.

Ainsi, les dispositions du 8° et du 9° font de l'Agence, non un supérieur hiérarchique des services de contrôle, mais une autorité investie d'une mission d'impulsion.

Votre commission estime que ce rôle d'impulsion est indispensable et ne saurait être supprimé, sauf à faire une réforme " en trompe l'oeil ".

En effet, il est seul de nature à remédier aux inconvénients résultant du rattachement ministériel des services de contrôle, à savoir les conflits de préoccupations qui pourraient naître de ce rattachement, ou même la seule crainte que de tels conflits de préoccupations, bien qu'inexistants, puissent fonder des décisions de police sanitaire.

Le fait qu'une autorité indépendante et scientifiquement crédible soit chargée de veiller à la qualité des contrôles et puisse les diligenter, en tant que de besoin, doit donc être perçu, non comme un acte de défiance à l'égard des services de contrôle de l'Etat, mais bien au contraire, comme un soutien apporté à leur action quotidienne.

Votre commission estime de surcroît que l'autre hypothèse de l'alternative serait le rattachement des services de contrôle et donc des pouvoirs de police associés à l'Agence, ainsi que cela a été fait, par exemple, pour l'Agence du médicament dès sa création.

Le 10° de l'article L. 794-2 donne à l'Agence la faculté d'organiser toute action de formation ou d'information, et le 11° la charge d'établir un rapport annuel d'activité. Ces dispositions résultent de l'importance de la mission de l'Agence, notamment en matière d'évaluation des risques et de participation à la gestion de ces risques, qui justifie des actions d'information des citoyens et des pouvoirs publics.

Par rapport au texte initial de la proposition de loi, votre commission a apporté les modifications suivantes :

·  Au 2°, elle a précisé, en vue de conforter l'indépendance de l'Agence, que les expertises qu'elle réalise à la demande des ministres sont faites sous l'autorité du directeur général et non pas sous celle du ministre ;

·  Au 4°, elle a indiqué que l'Agence est destinataire de tous les rapports rédigés par les services de l'Etat qui entrent dans son champ de compétences;

·  Au 5°, elle est allée jusqu'au bout des dispositions du texte initial de la proposition de loi, qui prévoyait déjà que l'Agence évalue les risques sanitaires des médicaments vétérinaires, en précisant qu'elle délivre aussi les autorisations en la matière. Cet ajout ne saurait être compris comme une suppression de l'Agence nationale du médicament vétérinaire, créée il y a seulement un peu plus de trois ans par la loi n° 94-114 du 10 février 1994 et dont la qualité du travail n'est pas remise en cause, loin s'en faut. Il doit être compris comme le rattachement de cette agence (qui n'est pas un établissement public, mais un service du Centre national d'études vétérinaires et alimentaires) à l'Agence alimentaire dans un souci d'efficacité administrative. Ce rattachement ne saurait donc occasionner, ni perturbation inutile, pour les services, ni retard dans la délivrance des autorisations de mise sur le marché. Il vise à éviter que comme trop souvent, deux organismes distincts, le plus souvent placés sous des tutelles différentes, aient des missions voisines, voire identiques, sans valeur ajoutée pour les administrations concernées, pour les industriels, ou, en dernier ressort, pour les consommateurs de denrées alimentaires.

Il sera aussi mis fin, accessoirement, à deux " bizarreries " juridiques:

- l'Agence du médicament vétérinaire, qui n'a pas la personnalité morale, est pourtant placée (art. L. 617-12 du code de la santé publique) sous la tutelle conjointe du ministre de la santé et du ministre de l'agriculture, alors que le CNEVA dont elle est un simple service est un établissement public placé sous la seule tutelle du ministre de l'agriculture ;

- c'est, aux termes de l'article L. 617-13 du code de la santé publique, le directeur général du CNEVA, et non pas celui de l'Agence nationale du médicament vétérinaire qui prend, au nom de l'Etat, les décisions d'autorisation de mise sur le marché des médicaments vétérinaires, le directeur de l'Agence n'intervenant que par délégation de signature.

·  Au 6°, la commission a précisé que l'Agence était compétente en matière de produits diététiques ou destinés à une alimentation particulière, de compléments alimentaires ou d'allégations santé des aliments ; elle a institué une procédure de collaboration avec l'Agence des produits de santé ;

·  Au 7°, elle a souhaité que l'Agence soit associée, non seulement à la coordination des systèmes de vigilance, concernant les aliments, mais aussi à leur définition. Dans la mesure où ces systèmes de vigilance sont mis en place par des ministères différents et dans un souci d'efficacité, mieux vaut qu'une autorité extérieure à ces ministères intervienne au moment de leur définition que de tenter de coordonner, a posteriori, des systèmes incompatibles ;

·  Au 8°, elle a supprimé la mention de " l'indépendance " des contrôles, qui relève plus d'un exposé des motifs que d'un texte de loi.

·  Au 9°, elle a modifié la rédaction du texte initial en faisant apparaître le rôle de coordination du préfet : il ne serait pas normal en effet que les contrôles émanant d'une demande de l'Agence, ceux qui résultent des ministères et les contrôles initiés au niveau départemental par les services des ministères de la santé, de l'agriculture et de la consommation soient réalisés sans coordination.

·  Au 9° encore, la commission a précisé que l'Agence est automatiquement destinataire des rapports d'inspection et des comptes rendus d'opérations établis par les services de contrôle lorsqu'ils mettent en évidence un risque pour la santé de l'homme. Le texte initial prévoyait seulement que l'Agence pouvait demander ces rapports et comptes-rendus, mais la commission a estimé que l'on ne peut demander la transmission d'un document que lorsque l'on a connaissance de son existence. La transmission automatique de ceux de ces documents qui mettent en évidence un risque pour la santé humaine donnera à l'Agence les moyens de bien assumer ses missions d'évaluation des risques, de recommandation et de " contrôle des contrôles ".

Art. L. 794-3 du code de la santé publique

Cet article, qui n'a pas été modifié par rapport au texte initial, prévoit que l'Agence assure le fonctionnement des instances consultatives d'expertise ou, le cas échéant, se substitue à elles.

La création de l'Agence ne saurait en effet s'analyser comme celle d'un organisme " de plus " dans notre organisation administrative : non seulement l'Agence doit coordonner l'action de certaines commissions ou instances, mais d'autres doivent être supprimées. Il n'appartient pas au législateur de le faire, dans la mesure où elles ont un statut réglementaire : votre commission ne saurait toutefois pas trop insister sur la nécessité de publier rapidement le décret en Conseil d'Etat mentionné à l'article L. 794-3.

Art. L. 794-4 à L. 794-8 du code de la santé publique

Ces articles constituent la section 2 (" organisation et fonctionnement de l'établissement ") du chapitre VII du livre VIII institué par la proposition de loi pour créer l'Agence de sécurité sanitaire des aliments.

Il prévoit pour cette agence une organisation, un statut, un régime de recrutement des personnels et des ressources identiques à ceux prévus pour l'Agence de sécurité sanitaire des produits de santé.

Le seul ajout, par rapport aux dispositions régissant cette dernière, consiste en l'article L. 794-7 qui prévoit la possibilité, pour l'Agence, de provoquer l'intervention de corps de contrôle ou d'inspection de l'Etat ; il faut comprendre par là la faculté de recourir, par exemple, aux grands corps d'inspection de l'Etat.

Par rapport au texte initial de la proposition de loi, votre commission a apporté les modifications suivantes :

·  à l'article L. 794-4, elle a procédé à la correction de plusieurs omissions de la proposition de loi (compétences du conseil d'administration, mode de nomination des dirigeants) ;

·  à l'article L. 794-5, elle a procédé aux mêmes modifications qu'à l'article L. 793-5 (personnel de l'Agence de sécurité sanitaire des produits de santé) ;

·  à l'article L. 794-6, outre une modification rédactionnelle, elle a ajouté la mention des établissements " contrôlés " par l'Agence, conséquence logique de la mission de cette dernière en matière de médicament vétérinaire.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page