EXPOSE GENERAL
I. LE CONTEXTE DU PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SECURITE SOCIALE
A. LES LIMITES DU CADRE TECHNIQUE DES LOIS DE FINANCEMENT
Avant d'aborder le détail du présent projet de loi, votre rapporteur pour avis estime indispensable de bien rappeler quelles sont les limites du cadre technique des lois de financement de la sécurité sociale, qui sont très loin d'offrir au Parlement les mêmes garanties de précision dans la présentation et de suivi dans l'exécution que les lois de finances. Pour ces aspects techniques, il s'appuiera sur les trois rapports sur la sécurité sociale adressés par la Cour des Comptes au Parlement depuis 1995.
1. Un système comptable perfectible
La réforme du passage d'un système de
comptabilité en encaissements/décaissements à un
système en droits constatés, que votre rapporteur pour avis a
toujours personnellement défendu, a accompli de grands progrès
depuis deux ans.
Le décret n° 96.448 du 23 mai 1996, établi à la suite
des travaux du groupe de travail présidé par M. Etienne
Delaporte, Conseiller-maître à la Cour des comptes, a mis en
oeuvre la comptabilisation en droits constatés dans les organismes du
Régime général à compter du 1er janvier 1996.
Des textes complémentaires (circulaire interministérielle du 3
juillet 1996, lettre commune aux ministères des finances et des affaires
sociales du 4 juin 1996) ont précisé les conditions de
comptabilisation en fin de gestion des opérations de
régularisation (charges à payer, produits à recevoir,
provisions) et les modalités de leur contrôle, et demandé
que pour les résultats de l'exercice 1996 le résultat courant
soit soigneusement distingué du résultat exceptionnel lié
aux lignes de charges et produits exceptionnels sur opérations
antérieures au 1er janvier 1996, mais payées ou encaissées
en 1996.
Le groupe de travail, à la tête duquel M. Alain Deniel,
Conseiller-maître à la Cour des comptes, a succédé
à M. Etienne Delaporte, s'est attaché à clarifier les
conditions dans lesquelles les résultats 1996 du régime
général pourraient être déterminés à
la fois en droits constatés et en encaissements/décaissements
afin de garantir la continuité des informations comptables. Il s'est
efforcé également d'arrêter de manière
coordonnée les solutions à apporter aux problèmes
techniques posés par la mise en oeuvre de la réforme, de
manière à dégager une unité de doctrine pragmatique.
L'année 1996 est donc la première où il est possible de
comparer les résultats comptables du régime général
dans les deux systèmes de comptabilité. Le tableau
ci-après permet cette comparaison pour les quatre branches.
On observe que les résultats courants sont un peu plus
dégradés que les résultats de caisse, ceci pour chacune
des quatre branches du régime général. Mais l'importance
des résultats exceptionnels, qui dégagent un solde global positif
de plus de 35 milliards de francs, rend difficile l'interprétation de
l'ensemble.
C'est la raison pour laquelle le rapport de la commission des
comptes de la sécurité sociale s'est encore contenté cette
année d'une présentation en comptes de caisse.
Par ailleurs, trois décrets du 18 mars 1997 ont étendu le
principe des droits constatés aux organismes d'assurance maladie et
maternité des travailleurs salariés des professions non
agricoles, aux organisations d'assurance vieillesse de ces professions
(ORGANIC, CANCAVA et CNAVPL notamment) et aux organismes tels que la Caisse
mutuelle d'assurance maladie des cultes (CAMAC), la Caisse mutuelle d'assurance
vieillesse des cultes (CAMAVIC), la Caisse des français à
l'étranger (CFE), la Caisse de retraite et de prévoyance des
clercs et employés de notaires (CRPCEN) ou la Caisse autonome nationale
de sécurité sociale dans les mines (CANMSS) qui appliquent les
dispositions comptables du régime général. Enfin, un
décret du 31 mai 1997 étend le principe au régime
agricole. La mise en vigueur de ces dispositions est fixée au 1er
janvier 1997.
Votre rapporteur pour avis se réjouit des progrès rapides
accomplis sur la voie d'une réforme qui lui avait été
présentée comme excessivement difficile il y a trois ans
lorsqu'il avait demandé au Sénat d'adopter un amendement tendant
à en accélérer le cours, dans le cadre de la discussion de
la loi du 25 juillet 1994 relative à la sécurité
sociale.
Il relève néanmoins que les comptes fournis à l'appui du
présent projet de loi de financement sont encore établis en
comptabilité de caisse, et que cela est de nature à fausser leur
interprétation, voire à porter atteinte à leur
sincérité.
Par ailleurs,
aucun progrès n'a été fait sur la voie de
la consolidation des comptes des organismes de sécurité
sociale.
Votre rapporteur pour avis veut simplement rappeler les
conclusions de la Cour des comptes dans son rapport au Parlement sur la
sécurité sociale de septembre 1996.
"Improprement qualifiée de consolidation, l'agrégation des
données fournies par la comptabilité des organismes de
sécurité sociale répond à la même
nécessité et doit satisfaire aux mêmes exigences que celles
des sociétés commerciales appartenant à un même
groupe. Les principes qui président à l'élaboration de
leurs comptes consolidés, qui doivent être "réguliers et
sincères et donner une image fidèle du patrimoine, de la
situation financière ainsi que du résultat de l'ensemble
constitué par les entreprises comprises dans la consolidation" (art.
357-6 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les
sociétés commerciales), sont en effet également valables
pour l'agrégation des données comptables dans le domaine de la
sécurité sociale. De même, les exigences
d'intelligibilité, de pertinence, de fiabilité et de
comparabilité définies par la normalisation comptable
internationale (normes IAS) devraient servir de référence.
Les analyses qui précèdent, prolongeant les observations
formulées par la Cour dans son précédent rapport, montrent
que la situation est très loin de satisfaire à ces principes et
exigences, qu'il s'agisse de la façon dont sont comptabilisées
les opérations réciproques entre régimes ou des
méthodes d'agrégation des données comptables d'organismes
appartenant à un même ensemble significatif.
Le Parlement ne dispose pas en matière de sécurité
sociale d'informations comptables comparables à celles qui lui
permettent d'exercer sa mission en ce qui concerne le budget de l'Etat. Cette
situation s'explique par l'organisation spécifique du système de
sécurité sociale, qui produit des comptes nombreux et
disparates."