CHAPITRE IV
LES CARACTÉRISTIQUES ESSENTIELLES DE LA CROISSANCE
DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
EN 1998
Avec 1.345,7 milliards de francs, les recettes dont
disposerait l'Etat en 1998 progresseraient de 3,4 % par rapport à
1997, année où, hors mesures de relèvement de l'imposition
des sociétés adoptées récemment, les recettes
à la disposition de l'Etat n'auraient progressé que de 0,1 %.
L'évolution desdites recettes est tributaire d'évolutions
contrastées portant sur leurs grandes composantes.
Evolution des recettes du budget de l'Etat
(en millions de francs)
1996 |
1997 2 |
1998 |
Ecarts |
||
1997/1996 |
1998/1997 |
||||
Recettes fiscales nettes |
1.359,5 |
1.403,7 |
1.446,7 |
3,2 |
3,1 |
Recettes non fiscales |
159,5 |
150,8 |
154,7 |
- 5,4 |
2,5 |
Prélèvements sur
recettes
|
243
|
253
|
255,7
|
4,1
|
1,1
|
TOTAL |
1.276 |
1.301,5 |
1.345,7 |
2 |
3,4 |
1. Hors fonds de concours et recettes
extra-budgétaires
2. Estimations révisées.
Les recettes fiscales nettes
s'accroîtraient de 3,1 %, soit
un supplément de produit de 43 milliards de francs. Leur
progression calculée sur la base des recettes qui auraient
été perçues si la loi portant mesures urgentes à
caractère fiscal et financier n'avait exercé ses effets en 1997,
s'élèverait à 4,8 % contre un rythme d'accroissement
des recettes de 1,5 % entre 1996 et 1997
31(
*
)
.
Les recettes non fiscales
qui se replieraient de 5,4 % entre ces
dernières années s'accroîtraient de 2,5 % l'an
prochain par rapport au niveau atteint en 1997.
Quant aux prélèvements sur recettes
, leur croissance n'est
modérée que parce que les prélèvements au profit
des collectivités locales qui en représentent 64,2 %
s'infléchiraient en valeur, compensant ainsi l'importante progression
-+ 5,5 %- de notre contribution au budget des Communautés
européennes. Ces prélèvements nouveaux s'inscriraient dans
la problématique décrite dans le tableau ci-après.
Tableau des recettes fiscales et sociales nouvelles
(LFI)
1997 |
Mesures d'urgences à caractère fiscal et financier (MUFF) |
+ 24 milliards de francs |
1998 |
1°) P.L.F.I.
|
+ 17 milliards de francs
|
Total IS |
+ 23,7 milliards de francs |
|
Impôt sur le revenu |
+ 17,37 milliards de francs |
|
(Impôt hors abandon de la "réforme Juppé) |
+ 1,23 milliard de francs |
|
(Impôt hors "actualisation du barème et hors Juppé) |
+ 4,75 milliards de francs |
|
TIPP |
+ 3,89 milliards de francs |
|
TVA nette |
- 1,76 milliard de francs |
|
Assurance-vie |
+ 0,2 milliard de francs |
|
Contribution logements sociaux |
+ 0,2 milliard de francs |
|
ISF (modification du barème) |
- 0,09 milliard de francs |
|
Taxe aux liaisons radio-électriques |
+ 0,02 milliard de francs |
|
TOTAUX 1998 A |
+ 43,53 milliards de francs |
|
(Hors abandon de la "réforme Juppé" B |
27,39 milliards de francs |
|
(Hors abandon de la "réforme Juppé" et hors "actualisation des barèmes") C |
30,91 milliards de francs |
|
Totaux des nouveaux prélèvements fiscaux (1997+1998) |
67,53 milliards de francs |
|
(Hors abandon de la "réforme Juppé") |
53,89 milliards de francs |
|
(Hors abandon de la "réforme Juppé" et hors "actualisation des barèmes") |
57,51 milliards de francs |
|
2°) PLFSS |
||
CSG nette |
+ 4,6 milliards de francs |
|
1 % CNAF et CNAV |
+ 4,5 milliards de francs |
|
Divers |
+ 0,8 milliard de francs |
|
AGED |
+ 0,9 milliard de francs |
|
Diverses taxes (tabac, médicaments) |
+ 1,9 milliard de francs |
|
TOTAL |
+ 12,7 milliards de francs |
|
Totaux des nouveaux prélèvements |
||
1998 |
+ 56,23 milliards de francs |
|
+ 40,09 milliards de francs |
||
+ 43,61 milliards de francs |
||
1997 + 1998 |
+ 80,23 milliards de francs |
|
+ 66,59 milliards de francs |
||
+ 70,2 milliards de francs |
I. LES RECETTES FISCALES NETTES S'ACCROISSENT
Evolution des recettes fiscales
(en millions de francs)
1996 |
1997 1 |
1998 |
Ecarts en % |
||
1997/1996 |
1998/1997 |
||||
Recettes fiscales |
1.620,1 |
1.671,1 |
1.725 |
3,1 |
3,2 |
Impôt sur le revenu |
314,1 |
290 |
296,6 |
- 7,8 |
2,3 |
Autres impôts directs |
37,9 |
46,2 |
48 |
21,9 |
3,9 |
Impôt sur les
sociétés
|
171,7
|
203,1
|
220,2
|
18,3
|
8,4
|
Autres impôts directs et taxes assimilées |
79,8 |
82,1 |
82,3 |
2,9 |
0,2 |
Impôts directs bruts |
603,5 |
621,5 |
647,1 |
3 |
4,1 |
TVA
|
728,2
|
753
|
776,8
|
3,4
|
3,2
|
TIPP |
148,4 |
150,6 |
154,9 |
1,5 |
2,9 |
Enregistrements et autres taxes indirectes |
140 |
146 |
146,2 |
4,3 |
0,01 |
Impôts indirects bruts |
1.016,6 |
1.049,6 |
1.077,9 |
3,2 |
2,7 |
Remboursements et dégrèvements |
260,6 |
267,4 |
278,3 |
2,6 |
4,1 |
dont : autres que TVA et IS |
104,4 |
104,4 |
105,8 |
0 |
1,3 |
Recettes fiscales nettes |
1.359,5 |
1.403,7 |
1.446,7 |
3,2 |
3,1 |
1. Estimations révisées
La progression du produit des recettes fiscales nettes
s'élèverait à 3,1 %
de
1997 à 1998,
soit une progression de 43 milliards de francs
L'évolution des recettes fiscales doit être mise en regard du
montant des recettes fiscales nettes qui aurait été
constaté si la loi portant mesures d'urgence à caractère
fiscal et financier n'avait alourdi les prélèvements en 1997.
Les conclusions de l'audit sur les recettes
confrontées à la révision opérée dans le
cadre de la préparation de la loi de finances pour 1998
L'audit sur l'état des finances publiques remis le
21 juillet 1997 au Premier ministre a conclu à la
nécessité de réviser les recettes publiques par rapport
aux estimations de la loi de finances pour 1997.
Le montant de la révision des recettes fiscales préconisée
par les auditeurs s'élevait à 17 milliards de francs. Ce
chiffre était, selon les auditeurs, proche de celui retenu par les
administrations concernées à l'issue de la réunion
d'arbitrage des recettes fiscales tenue fin juin par les principales directions
du ministère de l'économie et des finances. Il équivalait
à 0,21 point de PIB, toujours selon les estimations des auditeurs.
L'examen des révisions opérées dans le cadre de la
préparation du projet de loi de finances pour 1998 permet de
déceler les postes concernés et leur cohérence avec les
chiffres de l'audit.
Il apparaît que
les recettes fiscales brutes s'accroissent davantage
que prévu
; la révision conduit à mettre en
évidence une plus-value de recettes. Hors loi portant mesures urgentes
à caractère fiscal et financier, le produit des recettes fiscales
brutes aurait été révisé de 2,5 milliards de
francs à la hausse, passant de 1.644,6 milliards de francs en loi
de finances à 1.647,1 milliards de francs en exécution.
Ce sont les recettes fiscales nettes qui sont concernées par une
révision à la baisse
. En effet, les remboursements et
dégrèvements qui avaient été évalués
à 249,4 milliards de francs s'élèveraient à
266,9 milliards de francs en exécution.
Au total, la révision de recettes fiscales nettes s'élève
à 15 milliards de francs. Ce chiffre est inférieur de
2 milliards à la révision proposée par les
auditeurs
32(
*
)
.
Etant donné la discordance portant sur la valeur du PIB en 1997 entre
l'exercice d'audit et celui de préparation de la loi de finances pour
1998, la révision jugée nécessaire par le gouvernement
s'élève à 0,18 % du PIB contre 0,21 % selon les
auditeurs.
Il apparaît que la moins-value de recettes par rapport aux produits
attendus pour 1997 se serait élevée à 15,1 milliards
de francs, le total des recettes atteignant effectivement
1.380,2 milliards de francs contre une estimation de
1.395,3 milliards de francs.
Dans ces conditions, le supplément de prélèvement
obligatoire résultant du projet de loi portant mesures d'urgence
à caractère fiscal et financier avec 24 milliards de francs
apparaît largement supérieur à ce qui aurait
été nécessaire pour compenser le déficit de
recettes supposé résulter de l'exécution
budgétaire.
En tout cas, hors les produits ainsi encaissés en 1997, la progression
des recettes fiscales nettes s'élèverait à 4,8 % en
1998, soit un rythme d'augmentation plus rapide que celui du PIB.
La croissance spontanée des recettes fiscales nettes apparaît
modeste au regard de la prévision de croissance du PIB en 1998.
Ce résultat n'apparaît guère cohérent compte tenu de
l'hypothèse de croissance posée pour préparer le budget de
1998, supérieure à la croissance observée en 1997.
Mais, compte tenu des liens distendus qu'entretiennent croissance et
encaissement de recettes fiscales, seule une analyse détaillée
par impôt permet de juger de la pertinence d'ensemble de la
prévision.
A. LA RÉVISION DES REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS DEVIENT DE PLUS EN PLUS FRAGILE
Une fois n'est pas coutume, le commentaire peut, cette
année, commencer par l'analyse des remboursements et
dégrèvements dont la prévision apparaît de plus en
plus fragile.
Sur les 278,3 milliards de francs prévus par le projet de loi de
finances, au titre des remboursements et dégrèvements, un peu
plus de la moitié (140,5 milliards, soit 50,3 %) concerne la
TVA, 11,5 % l'impôt sur les sociétés, le reste, soit
105,8 milliards et 38,2 % des dégrèvements et
remboursements se partageant entre :
les dégrèvements et remboursements sur les autres
contributions directes pour 101,95 milliards de francs, dont
55,65 milliards sur des contributions locales, 5,5 milliards de
remises et annulations de droits et 6 milliards de restitutions relatives
à des retenues à la source et à des
prélèvements sur les revenus de capitaux mobiliers ;
les remboursements sur les autres produits indirects pour
3,85 milliards de francs.
La structure des dégrèvements et remboursements est donc la
suivante en 1998 :
Dégrèvements et
remboursements sur
contributions directes
|
48,1
|
Dégrèvements et
remboursements sur
contributions indirectes
|
51,9
|
TOTAL |
100 |
1. Hors remboursement forfaitaire aux agriculteurs non
assujettis à la TVA et compte de partage avec Monaco.
L'évaluation "ex-ante" des remboursements et
dégrèvements constitue un exercice délicat
.
Initialement estimés à 220,4 milliards en 1995, ils se sont
élevés effectivement à 222,2 milliards de
francs ; pour 1996, ces chiffres ont atteint respectivement 241 et
260 milliards de francs.
A nouveau, en 1997, les estimations initiales ont été
révisées, les remboursements et dégrèvements
s'élevant à 267,4 milliards de francs contre une
prévision de 249,4 milliards.
Les causes principales expliquant ces incertitudes semblent relever des
facteurs suivants :
Les
remboursements de TVA
dépendent du montant des
déductions dont l'imputation n'a pu être opérée. Ils
sont particulièrement sensibles au niveau des exportations.
Les
remboursements d'impôt sur les sociétés
sont
issus des mécanismes de liquidation de cet impôt. Les
sociétés versent quatre acomptes sur la base du
bénéfice imposable du dernier exercice clos. Si ces acomptes
excèdent l'impôt dû, l'administration procède
à remboursement.
L'accroissement des remboursements signifie que la
situation bénéficiaire globale des sociétés se
dégrade
en 1997.
La révision en hausse des remboursements et dégrèvements
en 1997 concerne à titre principal ces deux catégories : les
remboursements au titre de l'impôt sur les sociétés pour
4 milliards, ceux au titre de la TVA pour 10,7 milliards de francs.
Les dégrèvements sur contributions directes revenant à
l'Etat sont, quant à eux, réestimés de 2,5 milliards
de francs.
L'ampleur des révisions qui atteignent 8,7 % des estimations
initiales pour la TVA et 15,1 % pour l'impôt sur les
sociétés illustre la difficulté technique d'une part
importante des prévisions de recettes.
C'est cette même
difficulté qui invite à prendre avec précaution les
chiffres révisés et les estimations pour 1998.
L'on doit d'abord constater une forte progression des remboursements et
dégrèvements au cours des trois dernières années.
Dégrèvements et remboursements 1995-1998
(en millions de francs)
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
|
Dégrèvements sur
impôts
directs
|
|
|
|
|
Remboursement sur
TVA
|
|
|
|
|
Totaux pour la TVA (1) |
106,2 |
128,3 |
134,5 |
140,9 |
Restitution de droits de
douane,
d'enregistrement de timbre,
de contributions indirectes et de divers autres impôts
|
|
|
|
|
Totaux |
222,2 |
260,5 |
267,4 |
278,3 |
(1) Les écarts -minimes- entre les chiffres de ce tableau et ceux évoqués plus haut tiennent à des différences de champ choisies pour assurer la cohérence des comparaisons avec les années précédentes. |
Entre 1995 et 1997, le montant des remboursements et
dégrèvements s'est accru de 20,3 %. L'essentiel de cette
progression s'est réalisé entre 1995 et 1996. Entre 1997 et 1998,
elle ne serait plus que de 4,1 %.
Les opérations relatives à la TVA expliquent, on l'a dit, une
partie importante des remboursements et dégrèvements
supplémentaires. Selon la direction générale des
impôts, ce phénomène résulte pour moitié de
l'augmentation de 2 points du taux normal de TVA réalisée en
1995 et pour le reste, de la progression des crédits des entreprises
exportatrices. Il reste à examiner si des opérations moins
orthodoxes pourraient être mises en évidence pour expliquer la
forte augmentation observée.
En tout état de cause, la croissance des remboursements de TVA
retenue dans le projet de loi de finances pour 1998 -4,9 %- peut
apparaître assez conservatrice compte tenu des hypothèses portant
sur les exportations. Si l'on avait privilégié le choix de
retenir les évolutions tendancielles depuis 1995, c'est à un
chiffre supérieur de 4,6 milliards que l'on aurait
arrêté le montant des remboursements de TVA pour 1998.
B. LES IMPÔTS DIRECTS S'ACCROISSENT ÉGALEMENT
Les impôts directs bruts représentent 37,5 %
des recettes fiscales brutes en 1998, contre 37,2 % en 1997. Leur produit
s'accroîtrait de 4,1 % contre une progression de 3 % l'an
dernier.
Deux impôts, l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les
sociétés représentent près de 80 % de
l'ensemble des recettes fiscales issues des impositions directes.
1. L'impôt sur le revenu : l'abandon de la réforme ou le reniement de la parole de l'Etat
Après avoir connu une réduction sensible en
1997, les recettes de l'impôt sur le revenu se redresseraient en 1998
pour atteindre 296,6 milliards de francs, soit une progression de
2,3 %.
En 1997, le produit de l'impôt sur le revenu se replierait principalement
sous l'effet de la réforme du barème entrepris par le
précédent gouvernement. Son impact est estimé à
25,8 milliards de francs en 1997. Sans cette réforme, le produit de
l'impôt se serait élevé à 315,5 milliards de
francs. Il s'ensuit que la dynamique spontanée de l'impôt sur le
revenu aurait été très modeste, de l'ordre de 0,4 %.
La faiblesse de la progression du revenu des ménages en 1996 explique
l'essentiel de ce résultat.
La progression attendue de l'impôt sur le revenu en 1998 résulte
de plusieurs facteurs :
L'abandon de la réforme de l'impôt susciterait, par rapport
à l'état de la législation, un supplément de
produit de 16,14 milliards de francs.
Les autres mesures d'aménagement des droits proposées par le
gouvernement dans son projet initial se traduiraient par un supplément
de produit de 1,23 milliard. Il est à noter que, hormis la
revalorisation traditionnelle du barème, basée sur une
hypothèse d'inflation de 1,1 %, les mesures nouvelles
proposées par le gouvernement rapporteraient 4,75 milliards de
francs.
Il apparaît ainsi que
la prévision du gouvernement suppose une
croissance spontanée de l'impôt de l'ordre de 1,85 %, un peu
inférieure à l'évolution en volume du revenu des
ménages.
Cette évolution pose évidemment problème puisqu'elle vient
confirmer qu'en dépit de sa progressivité, le rendement de
l'impôt sur le revenu serait tributaire d'une élasticité
inférieure à l'unité. Les phénomènes
d'optimisation fiscale qui peuvent expliquer ce résultat paraissent donc
bien ancrés, ce qui n'est évidemment pas illégitime par
principe.
Il est en tout cas impossible de déduire du différentiel de
croissance entre le produit de l'impôt et son assiette que l'Etat
consentirait aux ménages un transfert en leur faveur.
Outre que, par rapport à la législation en vigueur, le
gouvernement manifeste une volonté de prélever quelque
16 milliards de francs supplémentaires sur le revenu des
ménages, les dispositions accompagnant le projet de loi de financement
de la sécurité sociale se traduiraient par un alourdissement des
prélèvements directs sur le revenu des ménages. Celui-ci
peut être estimé à au moins 10 milliards de francs,
malgré la décision de reporter la charge de la dette sociale sur
les générations futures qui "allège" le surcroît
d'imposition nécessaire à l'équilibre de la CADES de
10 milliards. Il est d'ailleurs remarquable qu'au terme de ce projet de
loi, le produit de la contribution sociale généralisée
(CSG) dépasserait de beaucoup les recettes issues de l'impôt sur
le revenu des personnes physiques, s'élevant à 334 milliards
de francs contre 296,6 milliards pour ce dernier.
A l'issue de la combinaison des relèvements d'impôt sur le revenu
et du taux de la CSG,
c'est à une aggravation des
prélèvements directs sur les revenus des ménages de plus
de 11 milliards de francs que l'on aboutirait. Un chiffre de
27 milliards devrait être retenu si l'on devait comparer les
prélèvements directs effectifs en 1998 aux
prélèvements opérés selon un état constant
de la législation.
Il reste à évaluer la pertinence des prévisions produites
par le gouvernement.
Celle-ci est avant tout dépendante de l'évolution du produit de
l'impôt sur le revenu en 1997. A ce propos, le gouvernement table sur une
recette de 290 milliards de francs.
Or, les données de l'exécution budgétaire indiquent
qu'à fin août 1997, les recettes tirées de l'impôt
sur le revenu s'élevaient à 194,2 milliards de francs. Elles
s'inscrivaient ainsi en baisse de 1,1 % par rapport au produit
recouvré en août 1996 contre une baisse attendue de 7,7 %
entre 1996 et 1997. Il faudrait donc que les produits recouvrés au cours
des quatre derniers mois de 1997 s'élèvent à
95,8 milliards pour que la prévision de recettes pour 1997 soit
conforme aux prévisions. Ceci supposerait une diminution relative des
recouvrements de 18,6 % par rapport à la situation observée
l'an dernier.
Il n'est pas sûr qu'une telle diminution advienne. Sans doute, la majeure
partie des allégements fiscaux prévus par la loi de finances pour
1997 devrait-elle concerner le dernier tiers provisionnel acquitté dans
les derniers mois de l'année. Mais, les recouvrements jusqu'alors
effectués ont d'ores et déjà été
minorés de 6 % conformément aux termes de la loi à
l'occasion de la perception du premier tiers provisionnel. Il en est
allé de même des premières mensualités. Par
conséquent, une partie de l'impact de la réforme de 1997 a
déjà été absorbée et s'est déduite
des recouvrements constatés à fin août 1997.
L'Institut national de la statistique et des études économiques
en tient d'ailleurs compte dans ses commentaires sur l'évolution du
pouvoir d'achat du revenu des ménages au premier semestre.
Le produit de l'impôt sur le revenu pourrait donc être un peu
supérieur aux estimations retenues pour 1997.
Il s'ensuivrait un supplément de recettes pour 1998. Mais, une inconnue
pèse sur ce point. Il entre en effet, semble-t-il, dans les intentions
du gouvernement de rendre déductible tout ou partie de la majoration de
la CSG. Si tel était le cas, les recettes seraient inférieures
aux estimations produites.
Faute de précision, il est en l'état impossible de citer un
chiffre précis concernant les recettes de l'impôt sur le revenu en
1998.
Cette donnée est à elle seule importante car elle est
symptomatique de l'opacité, pour les agents économiques, des
approximations de la politique fiscale.
Quoi qu'il en soit, alors que le précédent gouvernement avait
adressé un message clair aux contribuables en adoptant une
réduction programmée de leur impôt sur le revenu, ce
message est aujourd'hui brouillé, voire inversé, par le nouveau
gouvernement. Bien plus, les prélèvements nouveaux sur le revenu
des ménages se traduiront par une ponction supplémentaire qui
viendra compromettre la croissance de leur pouvoir d'achat sur laquelle repose
pourtant une grande partie du scénario de reprise imaginé par le
gouvernement pour 1998.
2. L'impôt sur les sociétés en forte augmentation : l'effet MUFF
Le produit net de l'impôt sur les sociétés atteindrait 188,2 Milliards de francs marquant une progression de 8,7 % par rapport à 1997 et de 31,4 % par rapport à 1996.
Evolution de la part de l'impôt sur les
sociétés dans le PIB
1996 |
1997 |
1998 |
Ecart 1998-1996 |
1,82 |
2,19 |
2,22 |
+ 0,4 |
La forte augmentation des recettes provient d'abord de
l'effet
des mesures d'urgence à caractère fiscal et financier (M.U.F.F.).
Déduction faite de ceux-ci, le produit de l'impôt sur les
sociétés serait passé de 143,2 milliards de francs en
1996 à 149,6 milliards en 1997 et 171,2 milliards en 1998.
Mais, l'accroissement des recettes d'impôt sur les sociétés
provient aussi de mesures projetées en loi de finances par le
gouvernement et estimées par lui à 6,7 milliards de francs.
A législation constante, le produit net de l'impôt sur les
sociétés s'élèverait ainsi à
164,5 milliards en 1998.
La progression spontanée comprise comme celle qui concernerait le
produit de l'impôt sur les sociétés, hors les mesures
nouvelles proposées par le présent projet et adoptées dans
la loi portant mesures d'urgence à caractère fiscal et financier
serait donc de 4,5 % en 1997 et de 5,6 % en 1998.
Le total cumulé des nouveaux prélèvements nets au titre de
l'impôt sur les sociétés décidés par le
nouveau gouvernement s'élève donc à 47,2 milliards de
francs. En déduisant l'incidence sur le produit de l'impôt sur les
sociétés des mesures relatives à EDF, le total
cumulé des prélèvements supplémentaires
s'élève encore à 43,5 milliards de francs. La
répartition de ces prélèvements supplémentaires, y
compris l'imposition d'EDF, entre 1997 et 1998 serait la suivante :
. 1997 : + 24 milliards de francs ;
. 1998 : + 23,7 milliards de francs.
Le gouvernement justifie ces prélèvements supplémentaires
par un souci d'équité fiscale et la considération de leur
relative innocuité sur la croissance.
S'agissant du premier argument, qui privilégie la thèse selon
laquelle l'impôt sur les sociétés serait une alternative
crédible à l'imposition des ménages, il ne serait
recevable que si le supplément d'impôt sur les
sociétés n'était pas répercuté sur les
salaires ou sur l'emploi. Or, il semble bien que cette répercussion se
produise sur le moyen terme.
Plus marginalement, il est notable que l'alourdissement de l'imposition des
profits distribués résultant des phénomènes de
double imposition issus de l'agencement technique de la mesure devrait
dissuader la distribution de dividendes par les sociétés. Ce
phénomène devrait à son tour handicaper davantage les
titulaires de revenus relativement modestes pour lesquels le revenu
apparaît plus sensible aux dividendes qu'ils reçoivent que celui
des titulaires de revenus relativement plus importants mieux à
même de compter sur la valorisation de leurs portefeuilles.
En ce qui concerne l'effet économique du relèvement de
l'impôt sur les sociétés, le moins qu'on puisse en dire est
qu'il n'est pas favorable à la reprise de la demande intérieure
souhaitée par chacun mais dont le gouvernement assume la
responsabilité.
L'impôt sur les sociétés est d'abord, par nature,
inflationniste.
Si l'ampleur du risque est limitée par les
impératifs de la compétitivité internationale des
entreprises, il ne faut pas oublier qu'une partie des entreprises appartient au
secteur abrité de ces contraintes et sera vraisemblablement
tentée de récupérer par un comportement de marges une part
du fardeau nouveau. Les effets d'un tel phénomène pourraient
être défavorables aux ménages si l'évolution de leur
revenu devait ne pas compenser la hausse supplémentaire des prix. Ils
perdraient alors en pouvoir d'achat.
Mais, le relèvement de l'impôt sur les sociétés
est susceptible de produire d'autres effets défavorables sur les
ménages.
Si les entreprises devaient privilégier un objectif de profit net
d'impôt inchangé, elles auraient tendance à entreprendre
des gains de productivité en économisant sur la main-d'oeuvre, ce
qui aurait des effets défavorables sur l'emploi et les salaires. En
outre, alors que les revenus de la propriété occupent une place
toujours plus grande dans la formation du revenu des agents, l'effet de
dissuasion envers la distribution de dividendes pourrait se traduire par une
baisse relative de la richesse des agents et, en particulier, des
ménages.
Si les enchaînements économiques susceptibles d'advenir du fait
du surcroît de pression fiscale supporté par les
sociétés sont peu favorables pour les ménages et donc pour
la consommation, ils ne le sont pas plus s'agissant de l'investissement des
entreprises qui est pourtant au coeur de la prévision de croissance pour
1998.
L'impôt sur les sociétés est, en effet, un impôt sur
le capital qui dégrade la profitabilité de l'investissement. Il
n'est indolore, relativement, qu'à la condition que les entreprises
soient en mesure de s'endetter pour investir. Les charges d'endettement se
déduisent en effet du bénéfice des entreprises et
diminuent donc leur bénéfice fiscal, réduisant la charge
de l'impôt pour les entreprises. Mais, il se trouve
précisément que les entreprises jugent leur endettement trop
élevé et ce malgré la baisse du coût du
crédit qui, favorable à la croissance, n'est cependant pas encore
suffisante pour que les entreprises soient garanties contre un effet de boule
de neige de leur dette. Dans ces conditions, la hausse de l'impôt sur les
sociétés apparaît inappropriée d'autant qu'elle
réduit l'attractivité des entreprises françaises pour
l'épargne susceptible de venir abonder leurs fonds propres
33(
*
)
.
Les développements qui précèdent ne sont pas seulement
théoriques
. L'ampleur considérable du
prélèvement supplémentaire sur les entreprises a
d'ailleurs conduit les responsables de la direction de la prévision
à réviser à la baisse leurs estimations d'investissement
en 1998 à hauteur de 0,5 point. Cette révision, qui
s'élève à quelque 3,5 milliards de francs de
déficit d'investissement paraît très conservatrice au
regard de la surcharge imposée aux entreprises. L'avenir dira si
celle-ci n'aura pas brisé un ferment indispensable à la
croissance pour 1998 contribuant ainsi à creuser le retard
d'investissement de l'économie française susceptible d'en
handicaper, à terme, le dynamisme. Mais, en toute hypothèse,
l'insécurité fiscale que de telles mesures comportent s'ajoute
à la nocivité de leurs effets pour que soit, raisonnablement,
rendu un jugement très négatif sur elles.