B. DES MOYENS INSUFFISANTS
Selon plusieurs indicateurs, notre pays connaîtrait un
taux d'encadrement des pratiques concurrentielles inférieur à de
nombreux partenaires, parmi lesquels l'Allemagne. En tout état de cause,
une tension apparaît entre les objectifs de la DGCCRF et ses moyens et
des choix difficiles président à la répartition de ceux-ci
entre les missions poursuivies.
Effectifs en 1998
: 3.705 emplois
Implantations
:
- 22 directions régionales ;
- 101 directions départementales ;
- 2 centres de formation professionnelle (Paris et Montpellier).
Organisation :
- 2 directions nationales d'enquête (DNE) spécialisées
(répression des fraudes ; concurrence) ;
- 7 brigades interrégionales d'enquêtes de concurrence ;
- des réseaux spécialisés dans divers domaines :
contrôle des vins, contrôle des fruits et légumes,
contrôle sur autoroutes, relations transfrontalières, etc... ;
- un réseau de huit laboratoires : Massy, Bordeaux, Marseille,
Montpellier, Rennes, Strasbourg, Lille, Saint-Denis de la Réunion.
a) Une organisation administrative en évolution
Le
déploiement territorial
des services
déconcentrés de la DGCCRF retient des solutions classiques avec
une trentaine d'agents en moyenne par direction départementale.
Les implantations locales favorisent la présence des services
près des lieux de distributions, ce qui a pour objectif de limiter les
temps de transport au profit des temps de contrôle.
Toutefois, ce mode d'organisation n'est pas entièrement adapté
aux missions de la DGCCRF qui sont de plus en plus centrées sur des
contrôles portant sur des faits non rattachables par principe à
une logique d'action territorialisée.
C'est pourquoi l'effort engagé pour améliorer le fonctionnement
en réseau des services et pour promouvoir des actions
interrégionales ou interdépartementales se justifie.
De quelques problèmes posés par les caractéristiques du personnel
Les
agents
de la DGCCRF appartiennent pour la
moitié à la catégorie A de la fonction publique. Une
certaine indifférenciation des rôles entre eux et les agents de
catégorie B semble prévaloir dans les faits. En outre, la
pyramide des âges est très engorgée et les départs
en retraite peu nombreux. Dans ces conditions, la suppression de 10 agents
dans le cadre du budget pour 1998 après celle de 31 agents
intervenus en 1997 est de nature à poser de réels
problèmes de mobilité et de motivation.
La gestion du personnel a été marquée ces dernières
années par l'objectif de
renforcer les effectifs de terrain
et
s'est traduite par exemple par l'augmentation des effectifs employés
dans les laboratoires qui sont passés de 280 à 350 en quelques
années.
En outre, la conception de l'activité de la DGCCRF a
évolué. Elle privilégie les "enquêtes
ciblées" plutôt que les contrôles permanents et
systématiques.
Enfin, la DGCCRF a mis à l'étude la faisabilité d'une
comptabilité analytique. Cette initiative doit être saluée
car elle devrait permettre d'optimiser l'affectation des moyens.
b) Le poids des activités de contrôle technique
Les différentes missions de surveillance des relations économiques privées et publiques exercées par la DGCCRF se ventilent comme suit :
(en % du temps agent consacré à ces missions durant l'année 1996)
A. Missions de surveillance
des
pratiques affectant la
bonne gestion des fonds publics
|
|
B. Missions de surveillance
des
relations
économiques privées
Sous-total 1 + 2 |
1,70 %
|
C. Autres actions en
matière de concurrence et
d'observation des prix dans le domaine public ou privé
|
7,67 %
|
TOTAL |
64,43 % |
Le reste des moyens n'est pas directement rattachable à
l'une ou l'autre des missions de la DGCCRF.
Deux types d'activités émergent : les contrôles techniques
et les contrôles économiques.
L'activité de contrôle économique
occuperait
environ le tiers des agents.
L'administration dispose de larges marges de manoeuvre pour définir son
action.
Les axes qu'elle privilégie actuellement sont moins qu'avant la
surveillance des ententes ou des concentrations et beaucoup plus celle des abus
de position dominante. Il est à noter que ce dernier champ
d'investigation est a priori peu défini. La surveillance des pratiques
commerciales entre entreprises apparaît considérablement
sous-dimensionnée alors qu'elle recèle des enjeux importants au
regard des missions de la DGCCRF mais aussi des missions exercées par
d'autres services du ministère et, en particulier, par les services
fiscaux.
L'activité de contrôle technique
mobilise le reste des
agents. Elle est donc très consommatrice de moyens.
Elle consiste en particulier en une série de vérifications
ponctuelles ou systématiques assorties, en certains cas, d'examens
réalisés en laboratoires et qui visent notamment à
s'assurer de la qualité des produits. La part des moyens
consacrée à cette mission n'est d'ailleurs pas entièrement
évaluable à partir des indicateurs mentionnés plus haut.
Une proportion importante des moyens de fonctionnement de la DGCCRF autres que
les crédits de personnel lui est allouée.
Une optimisation de
l'action de l'Etat en la matière doit pouvoir être atteinte
étant donnée la juxtaposition des services techniques concourant
dans différents ministères à cette fonction de
contrôle.
c) La surveillance des marchés publics : un autre "rocher de Sisyphe".
En ce qui concerne la
surveillance des marchés
publics,
l'objectif de participer au tiers des réunions des
commissions d'appel d'offres n'est pas atteint : le taux de participation est
d'environ 25 %. Cette situation s'explique en bonne partie par la
croissance de l'activité de ces organismes avec d'ailleurs une part
importante de réunions infructueuses.
On ne peut que réitérer le voeu exprimé l'an dernier
qu'afin d'optimiser l'intervention des représentants de la DGCCRF, soit
mis en oeuvre un dispositif de sélection des marchés
dès le stade de leur publication
et de centrer l'action sur les
secteurs ou les catégories d'entreprises justifiant une
particulière vigilance en matière concurrentielle.
La simplification et la réforme du code des marchés publics sur
lesquelles travaille la direction au niveau national, est assurément une
priorité.
Les services de la DGCCRF sont, de plus, confrontés à une
situation déplaisante au terme de laquelle actuellement 85 % des
marchés avec appel d'offres seraient déclarés
infructueux
. Il va de soi que dans ces conditions, sauf à ce que les
causes de ce phénomène soient recherchées, une
évaporation certaine des efforts se réalise.
Un système de marchés négociés encadrés
s'appliquant à des tranches de marché plus importantes
qu'actuellement est certainement un des axes les plus prometteurs d'une
réforme.
Il faudra pourtant que s'y ajoutent des précautions permettant à
l'administration de conserver les moyens d'un contrôle sélectif
et, en particulier, résoudre la question de l'engorgement des
commissions qui seraient appelées à examiner les comptes rendus
de marchés négociés.
d) Une sollicitation de plus en plus forte du fait des règlements communautaires
L'activité de la Commission européenne dans le
domaine de la concurrence ne se relâche pas.
Des dossiers très importants mobilisent donc les services, qu'il
s'agisse, comme dans un passé récent, du projet de
révision du règlement sur les concentrations, des perspectives
d'ouverture à la concurrence de certains monopoles, ou encore des
questions relatives aux aides publiques.
Les enjeux qui s'attachent à ces sujets sont tels qu'il faut appeler
les services à toute la vigilance et à toutes les diligences
nécessaires. Une meilleure coordination avec les administrations
techniques compétentes s'impose.
e) Une activité de surveillance du respect des règles de la concurrence sous tension
La surveillance des marchés publics et les
activités techniques étant très consommatrices de moyens,
il reste à veiller au respect des règles organisant la
concurrence.
Outre que les moyens disponibles à cet effet sont trop réduits,
cette mission est malaisée à remplir :
·
les pratiques anticoncurrentielles se sophistiquent et
la législation réagit avec retard ;
·
la jurisprudence des tribunaux est assez
clémente. Un extrait du rapport d'activité pour 1995 de la DGCCRF
laisse de ce point de vue rêveur :
"La revente à perte a
fait l'objet de contrôles renforcés :
3.106 vérifications contre 1.759 en 1994. Cependant, compte tenu
des peines habituellement retenues en matière de revente à perte,
les Parquets ont procédé à de nombreux classements,
anticipant en cela la loi d'amnistie qui prévoyait le classement de
certaines catégories de délits commis avant le 18 mai 1995".
De deux choses l'une : soit il est extrêmement fâcheux
d'orienter les services vers des contrôles de faits amnistiés par
avance ; soit il convient de mieux sensibiliser les magistrats aux
conséquences des faits qu'ils sont appelés à juger.
En tout état de cause, la pratique du classement sans suite par les
Parquets mérite d'être remise en cause.
·
L'administration ne dispose le plus souvent pas de
l'action en cessation à l'encontre de ce qui se produit dans les
affaires de concentration ou de discrimination.
L'exercice du contrôle par les services de la DGCCRF subit les
conséquences de cet ensemble de difficultés :
·
La lutte contre les ententes et abus de position
dominante ne se traduit pas par un accroissement de l'activité des
services : le nombre des indices de pratiques anticoncurrentielles
relevés stagne et le nombre d'enquêtes achevées en 1996
n'est plus que de 185 contre 200 en 1995 ;
·
Le Conseil de la concurrence n'a été saisi
pour avis à l'occasion d'opérations de concentrations qu'à
cinq reprises.