B. LES NOUVEAUX ACTEURS DE LA POLITIQUE DES PAYSAGES
1. Le rôle croissant joué par les collectivités locales
a) La politique décentralisée du paysage
Jusqu'en 1983, on pouvait considérer que l'Etat
était seul responsable de la politique de l'environnement. Depuis la loi
du 7 janvier 1983 relative à la répartition des
compétences, il existe désormais une responsabilité
partagée puisque l'Etat concourt avec les communes, les
départements et les régions " à la protection de
l'environnement et à l'amélioration du cadre de vie ".
Néanmoins, les lois de décentralisation n'ont pas clairement
attribué la compétence environnementale à l'un ou l'autre
des niveaux de collectivités territoriales.
Différentes lois intervenues depuis ont renforcé leurs
compétences environnementales, qui contribuent toutes plus ou moins
directement à la mise en oeuvre de la politique du paysage.
L'instrument majeur de la protection des paysages étant le droit de
l'urbanisme,
la politique décentralisée des paysages repose
donc pour l'essentiel sur les communes
en raison des larges
compétences qu'elles possèdent en matière de
délivrance des permis de construire ou d'élaboration des
documents d'urbanisme. Par ailleurs, le pouvoir de police traditionnel du
maire, étendu à des domaines de plus en plus variés
(pollution, bruit, affichage, circulation des véhicules terrestres dans
les espaces naturels), contribue à renforcer le rôle central que
les communes sont appelées à jouer.
Plusieurs instruments permettent aux communes de protéger ponctuellement
les espaces naturels. Elles peuvent être gestionnaires de terrains acquis
par le conservatoire du littoral ou par le département au titre des
espaces naturels sensibles ou encore de réserves naturelles par
convention avec l'Etat. Par ailleurs, la loi du 2 février 1995 a
prévu la possibilité pour les communes ou groupements de communes
réalisant des actions de protection et de gestion des espaces naturels
d'instituer une taxe de séjour et d'affecter son produit aux
dépenses destinées à favoriser la protection et la gestion
des espaces naturels à des fins touristiques. Dans le domaine
environnemental, on a assisté à un développement
considérable des formules de regroupement de communes sous forme de
syndicats à vocation unique ou multiple. En effet, le cadre communal est
souvent trop étroit, notamment en termes financiers, pour assumer les
compétences qui ont été dévolues aux communes dans
ce domaine. Il faut noter que depuis la loi du 2 février 1995, les
groupements de communes à fiscalité propre peuvent
élaborer des projets intercommunaux de gestion des espaces naturels et
du patrimoine, en vue de favoriser la restauration et l'entretien des espaces
naturels, du paysage et du patrimoine bâti et d'inciter à des
pratiques agricoles respectueuses de l'environnement.
Les départements
bien que dotés de compétences plus
réduites semblent être aux yeux de beaucoup un échelon
adapté pour protéger le patrimoine naturel et paysager.
Ils disposent de pouvoirs leur permettant de mettre en oeuvre une politique de
protection des sites et paysages notamment grâce à la
procédure des espaces naturels sensibles qui est depuis la loi du
2 février 1995 complètement décentralisée. Par
ailleurs, ils peuvent jouer un rôle d'impulsion en particulier au travers
des conseils d'architecture, d'urbanisme et d'environnement (CAUE) qui
apparaissent comme un des instruments les plus prometteurs de la politique du
paysage.
Les régions
apparaissent, notamment grâce à l'appui
financier qu'elles sont susceptibles de fournir, comme un cadre adéquat
pour concevoir et assurer des actions de lutte contre les pollutions ou de
protection de la nature. Il importe de noter que le paysage figurait parmi les
thèmes prioritaires de contractualisation en matière
d'environnement retenus pour la période 1994-1998.
b) Un exemple de partenariat réussi entre l'Etat et les collectivités territoriales : les parcs naturels régionaux
Conçus en 1967 à l'initiative de la
Délégation à l'aménagement du territoire et
à l'action régionale (DATAR), leur pérennité en
tant qu'instrument de protection du milieu rural a été
consacrée par l'article 29 de la loi du 7 janvier 1983
relative à la répartition de compétences entre les
communes, les départements, les régions et l'Etat.
Ils constituent, aux termes de l'article L. 244-1 du code rural,
"
le cadre privilégié des actions menées par les
collectivités publiques en faveur de la préservation des paysages
et du patrimoine naturel et culturel
".
Le bilan établi trente ans après l'édiction du
décret portant création des parcs naturels régionaux
souligne le
succès de cet outil de protection de la nature qui allie
préservation du patrimoine et développement
économique
.
Ce succès résulte essentiellement de la cohérence de leur
action, articulée autour d'un projet destiné à
défendre l'identité du parc et formalisée dans la charte
constitutive. Celle-ci est élaborée par la région avec
l'accord de l'ensemble des collectivités territoriales concernées
et en concertation avec les partenaires intéressés. Elle est
adoptée par décret portant classement de la zone en parc naturel
régional pour une durée maximale de dix ans, au terme de laquelle
elle est révisée par l'organisme de gestion du parc. Elle a deux
finalités : d'une part, elle détermine les orientations et
les mesures de protection, de mise en valeur et de développement pour
l'ensemble du territoire concerné et, d'autre part, elle inventorie les
différentes zones du parc et leur vocation.
Les trente-deux parcs naturels régionaux existants à ce jour
occupent près de 10 % du territoire français. Ils
intéressent 21 régions, 54 départements et
2.678 communes pour une population de 2.457.000 habitants.
Nombreux sont les territoires à souhaiter bénéficier du
label " parc naturel régional ". Néanmoins, le
ministère de l'environnement, dans un souci bien compris
d'exemplarité, applique des
critères exigeants
. Ainsi, le
parc poitevin Val de Sèvre-Vendée, dont la charte n'a pas
été respectée, s'est vu retirer le label.
En 1997, a été classé un seul parc : celui du Vercors
(région Provence-Alpes-Côte d'Azur). Une quinzaine de projets de
parc sont aujourd'hui à l'étude. Certains, très
avancés, pourraient être classés en cours d'année
prochaine ; il s'agit de ceux du Périgord-Limousin, du Perche, de
l'Avesnois et du Gâtinais français.
Les parcs naturels régionaux mènent des actions très
diverses tant en faveur de la préservation du paysage que du
développement et de l'aménagement du territoire. Leurs
réalisations sont d'autant plus remarquables que l'équilibre
entre ces deux objectifs est particulièrement délicat à
définir dans la mesure où, à la différence des
parcs nationaux, ils recouvrent des zones où l'activité agricole,
artisanale et parfois industrielle est maintenue, voire
développée.
Ils offrent une illustration de l'idée -maintes fois défendue-
selon laquelle la dépense engagée en faveur du patrimoine a un
fort effet multiplicateur
. Selon une étude de CDC Consultants
(Caisse des dépôts et consignations) rendue publique en juin 1996
portant sur vingt-sept parcs, les parcs naturels régionaux ont
entraîné pour l'année 1994 la création ou le
maintien de 5.000 à 5.500 emplois : 900 emplois directs
(salariés des parcs), 1.300 à 1.400 emplois indirects
(liés aux dépenses d'investissement et de fonctionnement
effectuées par les parcs sur leur territoire) et 2.800 à
3.200 emplois induits (dans les activités économiques
présentes sur le territoire). Par ailleurs, le coût d'un emploi
créé ou maintenu grâce aux actions conduites est compris
dans une fourchette entre 14.000 à 20.000 francs, ce qui est
modeste comparé aux coûts des autres dispositifs d'aide à
la création d'emplois.
Globalement, le budget des parcs naturels régionaux
s'élève pour 1997 à 425,5 millions de francs.
Depuis le décret de 1975 qui a confié l'initiative de la
création des parcs aux régions les recettes qui provenaient
auparavant des départements, des communes et de l'Etat, sont
complétées par les contributions de plus en plus importantes des
régions. En 1997, les régions et l'Etat assument respectivement
40 % et 9,5 % du budget de fonctionnement et 35 % et 8,4 %
du budget d'équipement.
Si certaines régions financent depuis longtemps les parcs de leur
territoire selon un taux fixe qui leur permet de savoir sur quelle base
établir leur budget, d'autres régions étaient encore
réticentes pour apporter aux parcs une telle assurance, mettant ceux-ci
en position difficile notamment pour le développement de leurs actions
d'animation et de revitalisation du milieu rural qui doivent s'inscrire dans la
durée.
La politique des contrats de plan négociés entre l'Etat et les
régions depuis 1984 a permis aux parcs régionaux de
bénéficier, en dépit des aléas attachés au
principe d'annualité budgétaire, de perspectives
financières à moyen terme.
Les crédits du ministère de l'environnement
réservés aux parcs naturels régionaux dans le cadre de la
contractualisation Etat-régions sont répartis suivant une
modulation qui tient compte notamment de l'effort de chaque parc pour la
protection et la gestion de son patrimoine et des conditions de révision
de sa charte.
En 1995, pour la première année depuis l'instauration des
contrats de plan, les crédits disponibles en fonctionnement n'ont pas
permis d'honorer les montants des contrats de plan. Il en a été
de même, en fonctionnement et en investissement, en 1996 et en 1997. Le
déficit de contribution de l'Etat au financement des parcs est donc
allé en s'aggravant.
Le projet de budget du ministère pour 1998 prévoit une
reconduction des moyens de fonctionnement en francs courants à leur
niveau de 1997 soit 29,8 millions de francs et une augmentation des
autorisations de programme de 16,86 % qui s'établissent à
15,2 millions de francs.
Compte tenu des projets de création de nouveaux parcs,
ces mesures ne
permettent pas d'améliorer de manière décisive la
contribution de l'Etat aux budgets des parcs naturels régionaux
.
Dans ce contexte, il y a donc fort à parier que le coût de
l'exemplarité incombera aux collectivités locales. Lorsque la
ministre de l'environnement a été reçue par votre
commission le 28 octobre, elle a indiqué au demeurant que le niveau
de l'aide apportée aux parcs par l'Etat dans les années à
venir pourrait être modulé en fonction de l'évolution des
ressources propres des parcs. La menace d'un désengagement de l'Etat
existe donc aussi en ce domaine. Elle aurait vraisemblablement comme
conséquence une remise en cause de la légitimité de la
tutelle qu'il exerce sur les parcs.
Les parcs naturels régionaux demeurent des pôles d'excellence.
Rassemblant des territoires fédérés par un fort sentiment
identitaire, ils ont vocation à ne protéger qu'une faible part du
territoire. La pérennité de ces parcs paraît, en effet,
reposer sur un
renforcement de leur spécificité de nature
à les identifier de façon plus marquée plutôt que
sur leur multiplication
.
A l'image de ce qu'il préconise pour les parcs nationaux, votre
rapporteur souhaiterait que la priorité soit donnée à une
amélioration de la contribution de l'Etat pour chacun des parcs
plutôt qu'à une dispersion des crédits sur un nombre
croissant de parcs.