C. L'ÉVOLUTION DU CONTEXTE RÉGIONAL
On a souvent souligné le risque d'extension que
pourrait avoir une crise en Albanie sur l'ensemble de la région des
Balkans, compte tenu des conflits ou des contentieux qui l'opposent à la
plupart de ses voisins.
On doit constater qu'en dehors de vagues supplémentaires
d'émigration vers la Grèce et l'Italie, les
événements de l'hiver 1997 n'ont pas eu de conséquences
majeures sur les autres pays de la région. Les dirigeants albanais
paraissent par ailleurs animés d'une volonté d'apaisement
à l'égard de la question des Albanais du Kosovo et de
Macédoine. Les relations s'améliorent avec la Grèce et
restent fortes avec l'Italie.
1. La question des Albanais du Kosovo et de Macédoine
On rappellera que le
découpage territorial
issu
du démembrement de l'Empire ottoman, et en dernier lieu celui
opéré par la conférence de Londres en 1912 qui
débouchera sur la création d'un état albanais
indépendant en 1913, a privé l'Albanie d'une grande partie de la
population albanophone. En effet,
alors que l'Albanie compte 3,3 millions
d'habitants
,
on compte 1,8 million d'Albanais vivant au Kosovo
,
province serbe dont ils constituent 90 % de la population,
480 000
dans l'ouest de la Macédoine
, où ils représentent 23 %
de la population, et
200 000 au Monténégro
.
Relativement limités au Monténégro, les problèmes
liés au sort des populations albanaises sont beaucoup plus vifs en
Macédoine et surtout au Kosovo.
En
Macédoine
, les revendications de la minorité albanaise
portent plus sur la reconnaissance de la langue et de la culture, au travers
notamment de l'enseignement, que sur l'autonomie politique. Malgré les
tensions périodiques, le souhait des autorités albanaises est de
favoriser l'apaisement, et de tenir une ligne de neutralité par rapport
aux différents partis albanophones.
Beaucoup plus graves sont les
tensions avec la Serbie
, qui
relèvent d'un antagonisme historique très ancien. Ici
également, le souhait du nouveau gouvernement albanais est d'instaurer
des relations moins passionnelles avec Belgrade, comme en témoigne la
rencontre, lors du sommet balkanique de Crête au début du mois de
novembre dernier, entre MM. Nano et Milosevic. Ce geste sans
précédent dans l'histoire récente des relations entre les
deux pays illustre la volonté albanaise de ne pas attiser les tensions
dans la région et de privilégier une solution
négociée. Les nouveaux dirigeants albanais souhaitent en
priorité une relance des négociations sur la mise en oeuvre de
l'accord Rugova-Milosevic de 1996 sur l'enseignement au Kosovo. Mais
l'intransigeance de Belgrade, sans doute confortée par l'affaiblissement
actuel de l'Albanie, ne paraît pas de nature à jouer en faveur de
l'apaisement au Kosovo.
2. Les relations avec la Grèce et l'Italie
Les
relations entre la Grèce et l'Albanie
ont
longtemps été marquées par les questions territoriales, la
Grèce considérant qu'elle pouvait revendiquer les régions
situées au sud de l'Albanie, qui constituent pour elle l'Epire du Nord.
De fait, cette région abrite une
importante minorité
grecque
, dont le nombre fait cependant l'objet de divergences puisqu'il
serait de 300 0000 personnes selon Athènes et de 55 000 seulement
selon Tirana. Deux partis politiques représentent cette minorité
hellénophone et l'un d'entre eux, le parti de l'Union des droits de
l'homme, issu de l'association Omonia, dispose de députés au
Parlement.
Parallèlement, plusieurs centaines de milliers d'Albanais travaillent en
Grèce et, par leurs revenus, permettent d'importants flux financiers
vers l'Albanie.
Les relations gréco-albanaises sont en voie d'
amélioration
notable
. Un traité d'amitié et de coopération a
été conclu entre les deux pays. Les autorités albanaises
ont autorisé l'ouverture de classes d'enseignement en grec dans le sud
du pays, ainsi que l'ouverture de consulats. La Grèce s'est pour sa part
engagée à régulariser la situation de 200 000 travailleurs
albanais clandestins. Elle entend apporter une aide d'urgence à
l'Albanie et développer des projets de coopération, notamment
dans le domaine militaire. Les deux pays souhaitent également
réduire les incidents qui éclatent régulièrement
aux frontières gréco-albanaises. Une commission bilatérale
examine la délimitation de la frontière terrestre et du plateau
continental. Ces relations politiques se doublent d'échanges
économiques en forte progression, la Grèce étant le
deuxième partenaire de l'Albanie.
L'
Italie
est quant à elle le principal partenaire de l'Albanie et
son influence domine dans tous les domaines. Elle a, elle aussi, accueilli un
très grand nombre d'émigrés albanais, notamment lors des
vagues de réfugiés des années 1991 et 1992 et, plus
récemment, après les émeutes du début de
l'année 1997. La situation de cette communauté albanaise en
Italie suscite périodiquement des frictions entre les deux pays, mais
globalement, les contacts politiques et économiques sont très
étroits et l'assistance italienne à l'Albanie a été
très conséquente. L'Italie a assuré la direction de
l'opération Alba et maintient depuis lors un contingent sur place dans
le cadre d'un protocole militaire. Dans le cadre des engagements
annoncés lors de la conférence des donateurs du 22 octobre
dernier, elle s'est placée au premier rang des contributeurs, au titre
de l'aide bilatérale.