Art. 3 ter
Application de la loi de Robien aux entreprises du
bâtiment et des travaux publics
(Art. 39 et 39-1 de la loi n°
93-1313 du 20 décembre 1993 quinquennale relative au travail, à
l'emploi et à la formation professionnelle)
I - Le dispositif voté par l'Assemblée
nationale en deuxième lecture
L'Assemblée nationale a supprimé cet article qui avait pour objet
de permettre, dans le cadre de la loi de Robien, aux entreprises du secteur du
bâtiment et des travaux publics de bénéficier de
l'allégement de charges sociales lié à la réduction
de la durée collective du travail sur les indemnités de
congés payés. Dans les conditions actuelles, ces entreprises ne
pouvaient bénéficier de l'allégement prévu par la
loi, les indemnités de congés payés étant
versées par des caisses particulières financées par les
cotisations des entreprises.
II - Les propositions de la commission
Votre commission proposant de rétablir en l'état son dispositif
financier de l'article 3 qui reprofile la loi de Robien, cet article
apparaît comme un complément utile et bienvenu,
elle vous
demande par conséquent de bien vouloir adopter un amendement de
rétablissement de cet article tel que voté par le Sénat en
première lecture.
Art. 4 bis
Définition de la durée du
travail effectif
(Art. L. 212-4 du code du travail)
I - Le dispositif voté par l'Assemblée
nationale en deuxième lecture
L'Assemblée nationale a rétabli à l'identique son texte
pour cet article qui complète la définition de la durée du
travail effectif en s'inspirant plus ou moins de la jurisprudence de la Chambre
sociale de la Cour de cassation et de la directive 93/104/CE du conseil du 23
novembre 1993 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de
travail.
L'Assemblée nationale a par conséquent rejeté la
définition proposée par le Sénat qui reprenait à
l'identique la rédaction de l'article 2 de la directive :
"
la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le
salarié est au travail à la disposition de l'employeur et dans
l'exercice de ses fonctions
". Cette définition a pourtant
été considérée par la doctrine comme étant
"
considérablement affinée
" par rapport
à la définition adoptée en première lecture
à l'Assemblée nationale.
La plupart des juristes
10(
*
)
considèrent que la définition de l'Assemblée nationale, a
pour défaut majeur de rendre impossible toute pratique d'astreinte, y
compris celle admise par la jurisprudence de la Cour de cassation, qui tient
compte de la disposition " permanente " ou non du salarié
pour
apprécier l'effectivité du temps de travail. Il est par ailleurs
à craindre qu'en se focalisant sur la mise à disposition de
l'employeur, l'Assemblée nationale ne légalise et
généralise un cas particulier. On constate en effet que les
arrêts de la Cour de cassation qui comprennent cette notion de simple
mise à disposition concernaient tous des salariés dont la
présence sur place faisait partie intégrante des fonctions
(gardiens d'usine, infirmiers de garde...). Comme le précise Camille
Goasguen dans Semaine sociale Lamy :
" être à la
disposition ne signifie pas " être là ". C'est faire
acte d'une présence vigilante, active.
" C'est
précisément cette nécessité de présence sur
place qu'a pris en compte la Cour de cassation dans un arrêt
récent (
Cass., soc. 10 mars 1998, EPA des Aéroports de
Paris c/ Pellegrini et autres
) en considérant que le temps des repas
devait être compris dans la durée effective du travail lorsque les
salariés, en raison de la spécificité de leurs fonctions,
travaillent en cycle continu, ne peuvent s'éloigner de leur poste de
travail et restent à la disposition de l'employeur, même pendant
le temps des repas. Il est à noter que la définition
adoptée par le Sénat le 4 mars dernier répondait
précisément au souci d'inclure ces catégories de
sujétion dans la définition de la durée du travail
effectif.
Par ailleurs, la rédaction adoptée par l'Assemblée
nationale en séance publique se distingue nettement de la
rédaction proposée initialement par sa commission. Celle-ci, en
effet, proposait, par la voix de son rapporteur, de définir le temps de
travail effectif comme celui pendant lequel le salarié était, en
permanence, à la disposition de l'employeur. L'ajout du terme
"
en permanence
" visait à s'inspirer de la
jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation qui a jugé
que "
constituait un travail effectif le fait pour le salarié de
rester en permanence à la disposition de l'employeur " (Cass, soc,
28 octobre 1997, Bazie c/ Comité d'établissement des avions
Marcel Dassault).
M. Maxime Gremetz s'est opposé à cet ajout en considérant
qu'
" il modifiait profondément la définition du temps de
travail effectif, celui-ci ne comprenant plus, de fait, le temps de
pause
"
.
C'est donc en définitive l'amendement déposé par M. Jean
Le Garrec et les membres du groupe socialiste revenant au texte de
l'Assemblée nationale en première lecture qui a été
adopté, par scrutin public, contre l'avis du Gouvernement et de
préférence à l'amendement de la commission.
Le souci qui a animé l'Assemblée nationale a été,
selon M. Claude Bartolone, président de la commission des Affaires
culturelles, familiales et sociales,
" de savoir quelle
définition serait la plus favorable aux salariés et
empêcherait le juge d'établir une jurisprudence contraire à
leurs intérêts ".
Le Gouvernement se trouve par conséquent dans une position
délicate. Mme Martine Aubry a en effet déclaré lors des
débats au Sénat
11(
*
)
qu'elle
était perplexe
s'agissant des débats ouverts par l'introduction à
l'Assemblée nationale de l'article 4 bis et qu'elle s'en remettait
à la sagesse du Sénat
" considérant que la
transposition de la directive, par définition, ne (pouvait) être
qu'une bonne chose. Chacun (ayant) d'ailleurs considéré qu'elle
constituait une avancée par rapport au texte antérieur ".
II - Les propositions de la commission
Comme le déclarait le ministre lors du débat de deuxième
lecture à l'Assemblée nationale,
" la durée du
travail effectif est une notion centrale dans le droit du travail ",
" ainsi donc, il faut éviter de créer la moindre
incertitude ".
Force est de constater que la définition
adoptée par l'Assemblée nationale est très peu
satisfaisante. Elle légalise la jurisprudence de la Cour de cassation
qui étend régulièrement les frontières de la
définition et permet de nouvelles dérives. Cette
instabilité renforcée par une définition lâche ne
peut que renforcer l'insécurité juridique. Or, cette
insécurité juridique est autant préjudiciable aux
salariés qu'aux entreprises, car la valeur des contrats repose en grande
partie sur la stabilité des concepts juridiques.
En permettant, à terme, de nouvelles dérives, l'Assemblée
nationale prend le risque que les entreprises, déjà
inquiètes à l'idée d'un abaissement de la durée
légale du travail hebdomadaire, considèrent que la durée
du travail
productif
pourrait être ramenée à 32
heures, 30 heures ou moins, ce qui ne pourrait que constituer une menace
considérable pour l'emploi.
Par ailleurs, la définition retenue par l'Assemblée nationale
s'éloigne sensiblement de la définition européenne. Ceci
est contradictoire avec le souhait de favoriser une politique sociale
européenne en parallèle au grand marché et à la
monnaie unique. Ne vaudrait-il pas mieux adopter cette définition
standardisée et, le cas échéant, argumenter à
Bruxelles pour la faire évoluer si le besoin s'en faisait sentir ?
En tout cas, votre commission considère qu'une définition
précise de la durée du travail effectif est nécessaire et
que la définition proposée par la directive européenne
présente toutes les garanties propres à rassurer les
salariés comme les entreprises, elle comprend les pauses, certains
trajets mais pas tous. Par ailleurs, elle n'exclut pas des dispositions
conventionnelles plus favorables lorsque cela est possible, bien au contraire.
Votre commission vous propose donc de rétablir à l'identique
le texte voté par le Sénat en première lecture en adoptant
l'amendement portant nouvelle rédaction de cet article.