RAPPORT N° 365 - PROJET DE LOI, ADOPTE AVEC MODIFICATIONS PAR L'ASSEMBLEE NATIONALE EN DEUXIEME LECTURE, D'ORIENTATION ET D'INCITATION RELATIF A LA REDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
M. Louis SOUVET, Sénateur
COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES - RAPPORT N° 365 - 1997/1998
Table des matières
-
TRAVAUX DE LA COMMISSION
- I. LE TEXTE VOTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE MAINTIENT LES INCERTITUDES SUR LES 35 HEURES ET SUR LA DÉFINITION DE LA DURÉE DU TRAVAIL EFFECTIF.
- II. AFIN QUE LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL CONSTITUE UNE VÉRITABLE OPPORTUNITÉ POUR L'EMPLOI, LA COMMISSION PROPOSE LE RÉTABLISSEMENT DU TEXTE ADOPTÉ PAR LE SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE
-
EXAMEN DES ARTICLES
-
Article premier
Réduction à trente-cinq heures de la durée légale hebdomadaire
du travail effectif des salariés
(Art. L. 212-1 bis nouveau du code du travail) -
Article additionnel après l'article premier
Rapport sur les conséquences de la réduction du temps de travail
sur le SMIC -
Art. 2
Incitation des partenaires sociaux à négocier la réduction du temps de travail avant la mise en oeuvre de la nouvelle durée légale -
Art. 3
Aide financière à la réduction de la durée du travail à 35 heures au plus et abrogation de la loi de Robien -
Art. 3 bis
Compensation par l'Etat des exonérations de charges sociales -
Art. 3 ter
Application de la loi de Robien aux entreprises du bâtiment et des travaux publics
(Art. 39 et 39-1 de la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993 quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle) -
Art. 4 bis
Définition de la durée du travail effectif
(Art. L. 212-4 du code du travail) -
Article additionnel après l'article 4 ter
Champ d'application des articles 4 bis et 4 ter -
Art. 5
Seuil de déclenchement du repos compensateur -
Art. 6
Modification du régime de l'abattement de cotisations sociales patronales applicable au travail à temps partiel
(Art. L. 322-12 du code du travail) -
Art. 7
Limitation des possibilités pour l'entrepreneur
de recourir au temps partiel
(Art. L. 212-4-3 du code du travail) -
Art. 9
Bilan remis au Parlement au plus tard le 30 septembre 1999 -
Art. 10
Rapport sur le bilan et les perspectives de la réduction du temps de travail pour les agents de la fonction publique
-
Article premier
N° 365
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 1er avril 1998
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ AVEC MODIFICATIONS PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN DEUXIÈME LECTURE, d'orientation et d'incitation relatif à la réduction du temps de travail,
Par M. Louis SOUVET,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Jean-Pierre Fourcade, président ; Jacques Bimbenet, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Claude Huriet, Bernard Seillier, Louis Souvet, vice-présidents ; Jean Chérioux, Charles Descours, Roland Huguet, Jacques Machet, secrétaires ; François Autain, Henri Belcour, Paul Blanc, Mmes Annick Bocandé, Nicole Borvo, MM. Louis Boyer, Jean-Pierre Cantegrit, Francis Cavalier-Benezet, Gilbert Chabroux, Philippe Darniche, Mme Dinah Derycke, M. Jacques Dominati, Mme Joëlle Dusseau, MM. Alfred Foy, Serge Franchis, Alain Gournac, Louis Grillot, André Jourdain, Jean-Pierre Lafond, Dominique Larifla, Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jean-Louis Lorrain , Simon Loueckhote, Jean Madelain, Michel Manet, René Marquès, Georges Mazars, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin, MM. Sosefo Makapé Papilio, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale (11
ème législ.)
:
Première lecture :
512, 652
et T.A.
81.
Deuxième lecture :
765
,
774
et T.A.
114.
Sénat :
Première lecture
: 286, 306
et T.A.
89
(1997-1998).
Deuxième lecture :
363
(1997-1998).
|
Travail. |
TRAVAUX DE LA COMMISSION
Réunie le
mercredi 1
er
avril 1998
,
sous la
présidence de M. Jean-Pierre Fourcade,
président,
la commission a procédé à
l'examen, en deuxième lecture, du rapport de M. Louis Souvet
sur
le
projet de loi n° 363
(1997-1998), adopté avec
modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture
,
d'orientation et d'incitation relatif à la réduction du temps de
travail
.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a rappelé que le
projet de
loi d'orientation et d'incitation relatif à la réduction du temps
de travail, adopté le 10 février par l'Assemblée
nationale en première lecture, avait été
profondément remanié par le Sénat qui avait fait
prévaloir le dialogue social et une réduction
négociée et équilibrée de la durée effective
du travail.
Il a considéré que, dans un contexte d'urgence de fait,
l'Assemblée nationale avait choisi de revenir pour l'essentiel au texte
adopté par elle, en première lecture, y compris s'agissant de la
définition du temps de travail, alors que cette dernière
comporte, de l'aveu même du Gouvernement et de la commission saisie au
fond, bien des incertitudes.
Abordant l'examen des différents articles dans le texte adopté
par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, le rapporteur a
observé que le Gouvernement avait insisté sur la portée
politique de l'article premier dans sa réponse aux critiques qui avaient
pu lui être opposées ; il a constaté que l'abaissement
de la durée légale du travail effectif à 35 heures
à compter du 1
er
janvier 2002 et à compter du
1
er
janvier 2000 pour les entreprises de plus de vingt
salariés avait été rétabli par l'Assemblée
nationale malgré toutes les réserves qui avaient
été avancées par les différents intervenants. Il a
constaté également que l'Assemblée nationale avait
rétabli quasiment à l'identique les articles 2 et 3.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a rappelé que l'Assemblée
nationale avait décidé de supprimer l'article 3 bis
introduit par le Sénat qui posait le principe d'une compensation
intégrale par l'Etat à la sécurité sociale des
exonérations de charges, conformément à l'article 5
de la loi du 25 juillet 1994, ainsi que l'article 3 ter,
introduit par le Sénat, relatif à l'application de la loi de
Robien aux entreprises du bâtiment et des travaux publics et qu'elle
avait rétabli intégralement son texte concernant les dispositions
restreignant le recours aux heures supplémentaires (article 5) et
au travail à temps partiel (articles 6 et 7).
Il a estimé que, dans ces conditions, le dispositif relatif à
l'abaissement de la durée du travail conservait ses principaux
défauts et que l'Assemblée nationale n'avait pas voulu saisir
l'opportunité de la deuxième lecture pour le rendre plus
compatible avec le fonctionnement d'une économie de marché
moderne.
Le rapporteur a ensuite considéré que la " chronique "
de l'article 4 bis du projet de loi, complétant la
définition du temps de travail effectif à l'article L. 212-4 du
code du travail, laissait penser que le Gouvernement avait ouvert une
" boîte de Pandore ", le projet de loi associant
désormais deux démarches : la réduction de la durée
légale et l'extension des activités ou des périodes
considérées comme temps de travail, c'est-à-dire une
réduction supplémentaire de la durée du travail productif.
Le rapporteur a constaté que l'article 4 bis avait
été ainsi au coeur du débat de la seconde lecture du
projet de loi à l'Assemblée nationale. Il a estimé que cet
article posait un véritable problème car il reprenait une
définition très extensive de la durée du travail effectif
susceptible d'évoluer étant donné son caractère
général.
Il a considéré que cette rédaction était une source
d'insécurité juridique qui pouvait constituer une menace pour
l'emploi et fragiliser les contrats de travail. Il a déclaré
qu'en définitive, l'Assemblée nationale avait
décidé, dans la confusion, de revenir au texte qu'elle avait
adopté en première lecture, dans l'attente
d'éclaircissements et en dépit de l'avis défavorable du
Gouvernement.
Le rapporteur a estimé au total que, loin de lever les
inquiétudes qui avaient surgi lors de la première lecture, le
débat de deuxième lecture à l'Assemblée nationale
semblait les avoir confirmées, voire amplifiées. Il a
mentionné à ce titre les incertitudes concernant l'impact du
projet de loi sur l'emploi, les incertitudes budgétaires concernant le
coût global de l'incitation financière et les incertitudes
juridiques concernant l'impact d'une baisse du salaire consécutive
à une réduction de la durée du travail sur les contrats de
travail individuels.
Le rapporteur s'est attaché en particulier à mettre en
évidence les incertitudes concernant la multiplicité des salaires
minima interprofessionnels de croissance (SMIC), le Gouvernement continuant
à déclarer vouloir conjuguer un SMIC horaire en l'état et
une rémunération mensuelle minimale correspondant à
l'actuel SMIC mensualisé ; il a fait observer que, dans ces conditions,
les salariés payés au SMIC qui passeraient à
35 heures seraient payés 39 heures.
Le rapporteur a considéré que les inquiétudes des
entreprises sur la compatibilité des 35 heures avec le
marché unique et l'euro n'avaient pas été levées
par le Gouvernement et que la question d'une extension des 35 heures
à la fonction publique n'avait pas reçu de réponse claire.
Le rapporteur a déclaré que toutes ces incertitudes, auxquelles
il fallait ajouter les craintes liées à la définition de
la durée légale du travail effectif, l'avaient amené
à proposer de rétablir globalement le texte adopté par le
Sénat en première lecture.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a ainsi proposé à la
commission de supprimer l'article premier qui prévoit l'abaissement de
la durée légale hebdomadaire du travail.
Il a proposé d'adopter un article additionnel après l'article
premier prévoyant un rapport sur les conséquences de
l'abaissement de la durée légale du travail sur le SMIC.
Il a proposé de rétablir l'article 2 qui invite à la
négociation et prévoit le principe d'une aide pour les
entreprises et certaines associations qui réduiraient la durée du
travail calculée en moyenne sur tout ou partie de l'année et
procéderaient à des embauches ou préserveraient des
emplois, ainsi que l'article 3 qui " reprofile " la
loi de
Robien. Le rapporteur a déclaré que le dispositif proposé
retenait le principe d'une aide non pas forfaitaire mais proportionnelle aux
salaires afin de ne pas pénaliser l'emploi qualifié,
l'exonération étant ainsi plafonnée, lissée,
limitée à cinq ans, plus incitative grâce à
l'introduction d'une date limite et plus facilement accessible quant aux
conditions posées pour les embauches.
Il a proposé à nouveau de réaffirmer le principe de la
compensation intégrale des exonérations de charges sociales et de
reprendre également une disposition adoptée par le Sénat
à l'initiative de M. Jean Arthuis permettant une application
complète de la loi de Robien aux entreprises du bâtiment et des
travaux publics.
Concernant l'important article 4 bis relatif à la durée
du travail effectif, il a proposé de revenir au texte adopté par
le Sénat en première lecture, qui reprenait littéralement
l'article 2 de la directive du 23 novembre 1993.
Le rapporteur a également proposé d'adopter une disposition
identique à l'amendement, fort opportun, adopté par la commission
des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée
nationale mais non appelé en séance publique, qui limitait le
champ d'application des articles 4 bis et 4 ter à celui
de la directive du 23 novembre 1993.
Il a proposé de supprimer l'article 5 qui contraint le recours aux
heures supplémentaires et de revenir sur l'ensemble des dispositions qui
limitaient le recours au travail à temps partiel (articles 6 et 7).
Concernant les bilans (articles 9 et 10), il a proposé de tirer à
nouveau les conséquences de la suppression de l'article premier et de
son refus d'envisager le développement des 35 heures dans la
fonction publique.
Le rapporteur a souligné que ses propositions visaient à nouveau
à faire en sorte que le projet de loi ne compromette ni le dialogue
social, ni l'équilibre des comptes publics, mais parvienne à la
fois à une réduction progressive du temps de travail effectif et
à une amélioration durable de l'emploi.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard
a constaté la difficulté
rencontrée pour définir la notion de temps de travail effectif au
regard de la multiplicité des situations et observé que le
dispositif proposé par le rapporteur à l'article 3 n'était
pas favorable aux bas salaires.
M. Guy Fischer
a noté que le rapporteur n'avait pas choisi de
s'opposer sans débat au projet de loi et a insisté sur le niveau
élevé des résultats enregistrés par les entreprises
permettant un effort supplémentaire en faveur de l'emploi.
M. Alain Vasselle
a rappelé les principales critiques
qu'encourait le projet du Gouvernement et s'est félicité des
propositions faites par le rapporteur ; rappelant son expérience de
rapporteur pour avis sur le projet de loi relatif à l'entrée et
au séjour des étrangers en France, il a fait part de son regret
que les propositions du Sénat, même d'ordre technique, soient
écartées systématiquement par le Gouvernement et
l'Assemblée nationale.
M. André Jourdain
a émis de forts doutes quant à
l'impact du projet de loi sur l'emploi ; il a estimé que le texte aurait
pour effet plus probable d'accroître la mécanisation et
l'automatisation.
M. Alain Gournac
s'est inquiété de la confusion et de la
légèreté qui ont marqué la discussion à deux
reprises à l'Assemblée nationale de l'article 4 bis du
projet de loi et a estimé que le texte du Gouvernement avait pour
premier effet de placer l'ensemble des partenaires sociaux dans une position
d'attente.
M. Serge Franchis
a déclaré qu'il était favorable
au partage du temps de travail mais que le texte du Gouvernement avait pour
effet de réduire le nombre d'heures travaillées, ce qui
était en contradiction avec l'objectif recherché.
M. Jean Chérioux
a souligné la situation spécifique
des cadres en matière de temps de travail.
Répondant aux intervenants,
M. Louis Souvet, rapporteur,
a
considéré qu'on ne pouvait entièrement s'en remettre
à la négociation collective et qu'il convenait d'adopter une
définition législative précise de la durée du
travail effectif.
Il a également considéré que l'objectif de ce texte sur la
réduction du travail n'était pas de favoriser le
développement d'emplois peu qualifiés, cette dernière
question relevant à l'évidence d'un autre dispositif. Il a par
ailleurs déclaré que la multiplicité des SMIC,
l'article 4 bis et les contraintes sur le temps partiel, introduits
par le Gouvernement, ne pourraient que pénaliser l'emploi peu
qualifié.
A l'issue du débat,
M. Jean-Pierre Fourcade, président
, a
souhaité formuler quatre observations.
Il a tout d'abord considéré que l'expérience du texte
" emploi jeunes " démontrait a posteriori que le
Gouvernement
avait tort de ne pas prendre en compte les propositions du Sénat,
puisqu'on observait un blocage de l'application sur le terrain du fait
notamment d'une absence de formation et d'encadrement.
Il a estimé que le débat sur la question des seuils était
dépassé depuis que M. Emile Zuccarelli, ministre de la
fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la
décentralisation, s'était référé au seuil de
250 salariés retenu par la recommandation de la commission
européenne du 13 avril 1996 pour la définition des petites et
moyennes entreprises.
M. Jean-Pierre Fourcade, président
, a déclaré que
l'ensemble des simulations prenait pour hypothèse une modération
salariale alors que, dans le même temps, le Gouvernement accordait aux
fonctionnaires des augmentations de salaires significatives. Il a
insisté sur cette contradiction en considérant que ce texte
était très défavorable aux salariés du secteur
privé.
M. Jean-Pierre Fourcade, président
, a enfin
considéré que la réduction du temps de travail
créait un problème spécifique pour les cadres. Il a
estimé que cette catégorie de personnel était
confrontée à une profonde transformation de l'exercice de son
activité, à travers une augmentation de la mobilité et
l'introduction de nouvelles méthodes de travail liées aux
nouvelles technologies. Il a déclaré qu'on ne pouvait par
conséquent leur appliquer le cadre rigide de ce projet de loi.
Abordant l'examen des articles, la commission, sur proposition de son
rapporteur, a adopté un amendement de suppression de
l'article
premier
et,
après l'article premier,
un amendement
créant un article additionnel prévoyant que le Gouvernement
présentera au Parlement un rapport établissant les
conséquences de la réduction du temps de travail sur la
rémunération mensuelle minimale des salariés.
Toujours sur proposition de son rapporteur, la commission a adopté
respectivement aux
articles 2, 3, 3 bis, 3 ter, 4 bis
,
cinq amendements tendant à revenir au texte voté par le
Sénat en première lecture.
Après l'article 4 ter
, la commission a adopté, sur
proposition de
M. Louis Souvet, rapporteur,
un amendement
créant un article additionnel prévoyant que les dispositions des
articles 4 bis et 4 ter ont pour champ d'application celui de la
directive européenne du 23 novembre 1993, ce qui revient à
exclure le secteur des transports routiers.
Egalement sur proposition de son rapporteur, la commission a adopté un
amendement de suppression de
l'article 5
.
Aux
articles 6, 7, 9 et 10
elle a, sur proposition de son rapporteur,
adopté quatre amendements tendant à rétablir le texte
voté en première lecture par le Sénat. Puis, elle a
adopté le projet de loi ainsi amendé.
Mesdames, Messieurs,
Le projet de loi d'orientation et d'incitation relatif à la
réduction du temps de travail, adopté le 10 février par
l'Assemblée nationale, a été profondément
remanié par le Sénat en première lecture le 4 mars dernier.
La Haute assemblée a souhaité, en effet, faire prévaloir
le dialogue social et une réduction négociée et
équilibrée de la durée effective du travail. Ce faisant,
elle s'est opposée à une baisse générale et
autoritaire de la durée légale du travail.
Cette dernière démarche lui a semblé en effet
néfaste pour la compétitivité des entreprises et par
conséquent pour l'emploi, dangereuse quant à ses
conséquences sur le SMIC, porteuse enfin de dérives
coûteuses quant à son extension probable à l'ensemble des
fonctions publiques.
Tout en renonçant à demander l'urgence sur le projet de loi, le
Gouvernement a souhaité hâter le déroulement du
débat puisqu'il a inscrit le texte à l'ordre du jour de
l'Assemblée nationale, en deuxième lecture dès le 24 mars.
Dans ce contexte d'urgence de fait, l'Assemblée nationale a choisi de
revenir pour l'essentiel au texte adopté par elle, en première
lecture, y compris s'agissant de la définition du temps de travail
effectif.
Quand bien même cette dernière disposition, introduite par
l'Assemblée nationale en première lecture et maintenue
ne
varietur
en deuxième lecture, comporte, de l'aveu même du
Gouvernement et de la commission saisie au fond, bien des incertitudes et, du
point de vue de votre rapporteur, des conséquences graves et non
maîtrisées.
Désormais, à l'intérieur d'une durée légale
du travail que le projet de loi ambitionne d'abaisser, la part du travail
productif serait elle-même réduite.
Face à ce constat, votre commission propose de rétablir le texte
voté en première lecture par le Sénat à l'issue
d'un débat qui a permis d'enrichir et de compléter les
propositions qu'elle avait elle-même formulées.
Elle souhaite, ce faisant, donner à l'Assemblée nationale la
possibilité de revenir sur les dispositions du projet de loi les plus
néfastes au dynamisme de notre économie.
I. LE TEXTE VOTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE MAINTIENT LES INCERTITUDES SUR LES 35 HEURES ET SUR LA DÉFINITION DE LA DURÉE DU TRAVAIL EFFECTIF.
A. L'ASSEMBLÉE NATIONALE EST REVENUE POUR L'ESSENTIEL AU TEXTE ADOPTÉ PAR ELLE EN PREMIÈRE LECTURE
Les débats qui ont eu lieu à l'Assemblée
nationale ont mis en évidence la cohérence du texte
sénatorial et le refus
a contrario
de se rapprocher d'une logique
d'abaissement de la durée du travail fondée sur le volontariat,
la souplesse et la progressivité.
L'ensemble des intervenants a reconnu que l'abaissement de la durée du
travail pouvait permettre dans certains cas la création d'emplois.
Toutefois, la majorité en a fait la principale mesure de sa politique de
l'emploi en insistant sur les vertus de la contrainte et de l'obligation mais
sans afficher d'objectifs chiffrés alors que l'opposition mettait en
exergue l'impact limité de ce dispositif, son coût et ses effets
pervers s'il devait reposer sur la contrainte.
A cet égard, le rétablissement de l'article premier a
concentré les critiques que n'a pas atténué l'introduction
d'un report de la date d'application de la nouvelle durée légale
aux entreprises qui auront franchi l'effectif de vingt salariés entre le
1
er
janvier 2000 et le 31 décembre 2001. L'ensemble des
amendements d'assouplissement, pourtant très mesurés,
déposés par l'opposition, a été repoussé par
le Gouvernement et la majorité. C'est donc une attitude intransigeante
qui l'a emporté.
Le principe d'un abaissement de la durée légale du travail
effectif à 35 heures à compter du 1
er
janvier 2002 et
à compter du 1
er
janvier 2000 pour les entreprises de plus de
vingt salariés est donc maintenu, ceci malgré toutes les
réserves qui ont été avancées par les
différents intervenants.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a rétabli quasiment à
l'identique les articles 2 et 3 en ajoutant simplement quelques
précisions ou en réparant des oublis. L'article 3 qui
définit le dispositif financier incitatif conserve les défauts
que lui a reconnus le Sénat :
- une aide forfaitaire qui pénalise l'emploi qualifié ;
- un dispositif permanent qui institue durablement des distorsions de
concurrence ;
- des incertitudes budgétaires sur le coût du dispositif ;
- des incertitudes juridiques sur l'avenir des contrats de travail
individuels ;
- une complexité accrue du fait de la multiplicité des
majorations.
L'Assemblée nationale a décidé de supprimer l'article 3
bis introduit par le Sénat qui posait le principe d'une compensation
intégrale par l'Etat à la sécurité sociale des
exonérations de charges, conformément à l'article 5 de la
loi du 25 juillet 1994. Cette suppression, si elle était maintenue,
constituerait une grave menace pour l'avenir des finances sociales.
L'Assemblée nationale a également supprimé l'article 3
ter, introduit par le Sénat, relatif à l'application de la loi de
Robien aux entreprises du bâtiment et des travaux publics.
L'Assemblée nationale a rétabli intégralement son texte
concernant les dispositions relatives au durcissement des conditions de recours
aux heures supplémentaires (art. 5) et au travail à temps
partiel (art. 6 et 7). Elle a également rétabli les rapports
(art. 9 et 10) dans leur rédaction votée par elle en
première lecture.
Dans ces conditions, le dispositif relatif à l'abaissement de la
durée du travail conserve ses principaux défauts,
l'Assemblée nationale n'ayant pas voulu saisir l'opportunité de
la deuxième lecture pour le rendre plus compatible avec le
fonctionnement d'une économie de marché moderne.
B. L'ESSENTIEL DU DÉBAT PORTE DÉSORMAIS SUR LA DÉFINITION DE LA DURÉE DU TRAVAIL EFFECTIF
La chronique de l'article 4 bis du projet de loi laisse
penser
que le Gouvernement a ouvert une " boîte de Pandore " : le
projet de loi conjugue désormais deux démarches : la
réduction de la durée légale (art. 1
er
) et
l'extension des activités ou des périodes
considérées comme temps de travail, c'est-à-dire une
réduction supplémentaire de la durée du travail productif
(art. 4 bis).
Le Gouvernement a été désavoué par
l'Assemblée nationale sur la définition du travail effectif et
sur le champ d'application des dispositions de la directive 93/104/CE du
conseil du 23 novembre 1993 concernant certains aspects de l'aménagement
du temps de travail qui sont reprises dans le projet de loi.
L'article 4 bis qui complète la définition de la durée du
travail effectif de l'article L. 212-4 du code du travail a été
au coeur du débat de la seconde lecture du projet de loi à
l'Assemblée nationale. Cet article est la conséquence de
l'adoption d'un amendement de M. Yves Cochet en première lecture qui
visait à légaliser les dernières avancées de la
jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de Cassation sur cette question.
Comme nous le remarquions dans notre rapport de première lecture, cet
article pose un véritable problème car il reprend une
définition très extensive de la durée du travail effectif
et, qui plus est, une définition qui est encore susceptible
d'évoluer étant donné son caractère
général :
"
la durée du travail effectif est le
temps pendant lequel le salarié est à la disposition de
l'employeur
".
Cette rédaction est une source considérable
d'
insécurité juridique
, elle constitue une menace pour
l'emploi et pourrait fragiliser les contrats de travail. C'est d'ailleurs, peu
ou prou, l'avis du Gouvernement. Lors du débat à
l'Assemblée nationale, le ministre, M. Bernard Kouchner, a
déclaré :
" Un débat s'est développé à la suite de la
rédaction adoptée en première lecture, qui a
suscité des contestations et des interprétations diverses.
Cette rédaction me semble de ce fait même porteuse de flou et
d'incertitudes juridiques susceptibles de perturber les usages et les pratiques
conventionnelles,
tels qu'ils découlent de la prise en compte,
très fine, de la nature de chacune des activités par les
partenaires sociaux.
Nous ne devons pas laisser se développer de tels
facteurs d'insécurité juridique, qui peuvent créer des
difficultés aux acteurs de la négociation sur le temps de
travail. "
" A l'inverse, la rédaction proposée dans l'amendement
n° 7 de votre commission, qui précise que le temps de travail
effectif est le temps où le salarié est en permanence à la
disposition de l'employeur, me paraît tout à fait satisfaisante.
Elle lève cette incertitude tout en traduisant clairement et
complètement dans la loi l'ensemble des avancées liées
à la jurisprudence. Notre responsabilité nous commande la plus
grande clarté sur un sujet de cette importance ; je souhaite que cette
clarification soit apportée dès ce soir en retenant la
rédaction issue des travaux de votre commission et non celle
votée en première lecture.
J'en appelle, non à votre
" sagesse ", mais à votre clairvoyance (...)
pour ne pas
aller dans un sens opposé à celui que nous recherchons du fait
d'une rédaction qui introduirait le flou et l'absence de clarté.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n°
149 de la commission
. "
1(
*
)
Force est de constater que le Gouvernement qui avait donné un avis
favorable, en première lecture, à l'amendement de M. Yves
Cochet
2(
*
)
s'est déclaré
défavorable à son rétablissement en deuxième
lecture.
Force est de constater également que l'appel à la clairvoyance de
M. Bernard Kouchner n'a pas été entendu puisque la
majorité de l'Assemblée nationale a voté, contre l'avis du
Gouvernement, l'amendement déposé par M. Jean Le Garrec et
les membres du groupe socialiste de préférence à celui de
la commission.
Pourtant, certains membres de la majorité ont fait part de leur
réserve. M. Gérard Gouzes a fait part de son trouble et a
déclaré qu'adopter l'amendement n° 149 porterait atteinte
à l'emploi en zone rurale et irait à l'encontre de la politique
de la majorité. Il a notamment déclaré
3(
*
)
que
"
la façon dont on
décomptera les trajets, dans le secteur du bâtiment notamment,
provoquera tôt ou tard (...) la délocalisation de telle ou telle
entreprise vers le lieu de travail, au détriment de l'aménagement
du territoire et de la lutte contre la désertification rurale.
"
M. Claude Bartolone, président de la commission des Affaires
culturelles, familiales et sociales, a déclaré quant à lui
qu'après avoir entendu les interventions sur chacun des amendements,
" il ne savait plus lequel des amendements apportait la meilleure
solution
4(
*
)
"
et qu'il se
demandait si
après avoir entendu les différents orateurs, l'Assemblée
nationale ne devait pas mettre à profit le temps qui la séparait
de la troisième lecture pour obtenir plus de précisions.
C'est donc dans la plus grande confusion qu'a été
adopté l'amendement n° 149 qui revient à la
définition adoptée en première lecture, sans que le
Gouvernement n'ait pu précisément expliquer la portée
d'une telle rédaction.
Votre commission s'étonne que sur un sujet aussi important, au coeur du
code du travail et des garanties que sont en droit d'attendre les
salariés comme les employeurs, Assemblée nationale et
Gouvernement fassent preuve de tant d'indécision ne cessant de renvoyer,
depuis le 10 février, la réflexion à une lecture
ultérieure. Il importe sur un sujet aussi grave de faire preuve de
prudence. Par ailleurs, l'ajout du terme " en permanence ",
proposé par le Gouvernement, ne semble pas une garantie suffisante
contre des interprétations jurisprudentielles imprévues. C'est
pourquoi votre commission propose de rétablir sa propre rédaction
de l'article 4 bis qui reprend
littéralement
la
définition de l'article 2 de la directive européenne du
23 novembre 1993 :
"
la durée du travail effectif est le
temps pendant lequel le salarié est au travail, à la disposition
de l'employeur et dans l'exercice de son activité ou de ses
fonctions
".
Par ailleurs, M. Jean Le Garrec, rapporteur de l'Assemblée nationale,
avait fait adopter en commission un article additionnel après le 4 (4
quater) qui limitait le champ d'application des articles 4 bis et 4 ter
à celui de la directive européenne du 23 novembre 1993. Cet
excellent amendement avait "
simplement pour objet de transposer la
directive dans le droit national (...) une négociation sur le temps de
travail dans le secteur des transports (étant) actuellement en cours
entre les partenaires sociaux au niveau européen
"
5(
*
)
.
Force est de constater que cet amendement n'a pas été
appelé en séance publique et que l'Assemblée nationale n'a
pu se prononcer sur cet apport important. Pour réparer cet
" oubli ", votre commission vous proposera un amendement
identique
à celui fort opportun de la commission des Affaires culturelles,
familiales et sociales de l'Assemblée nationale.
II. AFIN QUE LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL CONSTITUE UNE VÉRITABLE OPPORTUNITÉ POUR L'EMPLOI, LA COMMISSION PROPOSE LE RÉTABLISSEMENT DU TEXTE ADOPTÉ PAR LE SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE
A. LE TEXTE VOTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE NE RÉPOND PAS AUX OBJECTIONS MISES EN ÉVIDENCE PAR LE SÉNAT
Loin de lever les inquiétudes qui ont surgi lors de la
première lecture, le débat de deuxième lecture à
l'Assemblée nationale semble les avoir confirmées, voire
amplifiées de telle manière qu'aujourd'hui nombre des acteurs
intéressés par cette question, comme les syndicats, semblent
prendre leurs distances et attendre une clarification.
Les incertitudes restent importantes concernant l'impact du projet de loi sur
l'emploi. Le scénario optimiste de la direction de la prévision
du ministère des finances repose ainsi sur la conclusion entre les
partenaires sociaux d'un véritable "
pacte pour
l'emploi
", c'est-à-dire une négociation
généralisée et rapide sur la réduction du temps de
travail accompagnée d'une "
modération salariale
prononcée
". Le dispositif du projet de loi, fondé sur
la baisse de la durée légale, ne remplit aucune de ces deux
conditions : il a bloqué durablement le dialogue social et
entraînera quasiment mécaniquement une augmentation du coût
du travail et particulièrement du coût des emplois peu
qualifiés.
Les incertitudes budgétaires concernant le coût global de
l'incitation financière demeurent. Le Gouvernement n'a pas
contesté les estimations de la commission des Affaires sociales qui
chiffraient le coût brut du dispositif pour les cinq premières
années selon les hypothèses retenues entre 183 et
312 milliards de francs.
Les incertitudes juridiques concernant l'impact d'une baisse du salaire
consécutive à une réduction de la durée du travail
sur les contrats de travail individuels ont fait naître un trouble dans
l'esprit des employeurs. Les entrepreneurs sont en train d'intégrer le
fait qu'ils pourraient être amenés à devoir licencier des
salariés qui n'accepteraient pas une remise en cause de leur salaire,
avant de pouvoir embaucher dans le cadre du nouveau dispositif.
Les incertitudes concernant la multiplicité des SMIC se sont
transformées en méfiance de la part des entrepreneurs comme le
montre le ralentissement des négociations salariales ces derniers mois.
Le Gouvernement continue à déclarer vouloir conjuguer un SMIC
horaire en l'état et une rémunération mensuelle minimale
correspondant à l'actuel SMIC mensualisé. Il résulterait
de cette décision que les salariés payés au SMIC qui
passeraient à 35 heures seraient payés 39 heures, ce qui
veut dire que leur rémunération horaire progresserait de
11,4 %, ceci alors que les salariés qui resteraient à 39
heures percevraient un salaire sur 40 heures. Comme le déclarait M.
Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des Affaires sociales,
lors du débat en séance publique, on peut douter "
que
l'on puisse faire coexister durablement des salariés travaillant 35
heures payées 39 et d'autres travaillant 39 heures qui seraient
payés 40 heures
".
Dans ces conditions, le président Fourcade a pu déclarer qu'on
pouvait craindre que ce texte "
n'engendre inéluctablement, sous
une forme ou sous une autre, une forte majoration du SMIC
".
Les incertitudes concernant les modalités de l'application des
35 heures au personnel d'encadrement n'ont pas été
levées. Les cadres français travaillent en moyenne 45 heures par
semaine, on a du mal à imaginer comment ils pourraient brutalement
réduire de 10 heures leur durée du travail. Par ailleurs, la
nature même de leur tâche se transforme sous l'effet des nouvelles
technologies et des nouvelles formes de travail. Le cadre rigide du projet de
loi est ainsi particulièrement inadapté à la situation
spécifique du personnel d'encadrement.
Les inquiétudes des entreprises sur la compatibilité des 35
heures avec le marché unique et l'euro n'ont pas été
levées par le Gouvernement. Les entreprises françaises pourraient
avoir à supporter une détérioration de leur
compétitivité qui aurait un impact négatif sur leurs parts
de marché et l'emploi.
La question d'une extension des 35 heures à la fonction publique n'a pas
reçu de réponse claire. Pourtant, sa réalisation aurait
des conséquences budgétaires considérables, ceci d'autant
plus que pourrait se poser la question de la nécessité de
recrutements complémentaires afin de compenser la baisse de la
durée du travail.
Toutes ces incertitudes, auxquelles il faut ajouter les craintes liées
à la définition de la durée du travail effectif, ont
amené la commission à rétablir son texte.
B. LA COMMISSION PROPOSE DE RÉTABLIR LE TEXTE ADOPTÉ PAR LE SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE
Pour que la réduction du temps de travail puisse
continuer de constituer une chance pour l'emploi, la commission des Affaires
sociales considère qu'il est fondamental qu'elle conserve son
caractère volontaire, souple et progressif.
Dans ces conditions, elle propose de rétablir son texte en
intégrant les apports importants constitués par les amendements
adoptés en première lecture au Sénat ainsi qu'un
amendement inspiré par les débats qui ont eu lieu à
l'Assemblée nationale.
La commission vous propose donc à nouveau de supprimer l'article premier
qui prévoit l'abaissement de la durée légale hebdomadaire
du travail.
Elle vous propose en outre un amendement portant article additionnel
après l'article premier qui prévoit le dépôt au
Parlement par le Gouvernement d'un rapport sur les conséquences de
l'abaissement de la durée légale du travail sur le SMIC. Elle
demande ce faisant au Gouvernement de clarifier rapidement la question du SMIC
ou du " double SMIC " qui est déterminante quant aux
conséquences du projet sur la compétitivité des
entreprises et de l'emploi.
Elle propose de rétablir l'article 2 tel qu'adopté par le
Sénat en première lecture qui invite à la
négociation et prévoit le principe d'une aide pour les
entreprises et certaines associations qui réduiraient la durée du
travail calculée en moyenne sur tout ou partie de l'année et
procéderaient à des embauches ou préserveraient des
emplois. Les entreprises de moins de cinquante salariés pourront
bénéficier de cette aide à condition de signer un accord
avant le 1
er
janvier 2000, celles de moins de cinquante
salariés et certaines associations pourront signer cet accord jusqu'au
1
er
janvier 2002.
S'agissant du seuil, fixé à 20 salariés par le texte du
Gouvernement, porté à 50 salariés dans les propositions de
votre commission, votre rapporteur observe que la définition des petites
et moyennes entreprises adoptée par la Commission
européenne
6(
*
)
et
" recommandée " aux Etats-membres, à la Banque
Européenne d'investissement et au fonds européen d'investissement
retient un seuil de
250 salariés
et qu'une "
petite
entreprise
" est elle-même définie "
comme une
entreprise employant moins de 50 personnes
".
La commission propose également le rétablissement de l'article 3
dans la rédaction du Sénat qui " reprofile " la loi de
Robien. Le dispositif proposé retient le principe d'une aide non pas
forfaitaire mais proportionnelle aux salaires afin de ne pas pénaliser
l'emploi qualifié ; il tient compte des principales propositions
d'améliorations émises à l'occasion des premiers bilans de
la loi (notamment évaluation de la commission des Finances de
l'Assemblée nationale en avril 1997).
L'exonération sera ainsi :
-
plafonnée
dans la limite d'une fois le plafond de la
sécurité sociale,
-
lissée
quant à ses taux afin de faciliter la sortie
du dispositif,
-
limitée
à cinq ans au lieu de sept dans le
dispositif offensif,
-
plus incitative
grâce à l'introduction d'une date
limite : les entreprises peuvent signer un accord jusqu'au
1
er
janvier 2000 (1
er
janvier 2002 pour les
entreprises de moins de cinquante salariés),
-
plus facilement accessible
quant aux conditions posées
pour les embauches.
-
majorée
pour favoriser le passage aux 32 heures
(amendement de MM. Cabanel et Barnier adopté en première
lecture)
La commission propose à nouveau de réaffirmer le principe de la
compensation intégrale des exonérations de charges sociales. Elle
reprend également l'amendement de M. Jean Arthuis qui permet une
application complète de la loi de Robien aux entreprises du
bâtiment et des travaux publics.
Concernant l'important article 4 bis relatif à la durée du
travail effectif, la commission propose de revenir à l'article 2 de la
directive du 23 novembre 1993 qui est beaucoup plus
équilibré et précis que les différents textes
envisagés à l'Assemblée nationale.
Dans un article additionnel après l'article 4, votre commission vous
propose de limiter, comme le proposait la commission des Affaires culturelles,
familiales et sociales de l'Assemblée nationale, le champ d'application
des articles 4 bis et 4 ter à celui de la directive.
La commission propose de supprimer l'article 5 qui contraint le recours aux
heures supplémentaires. Elle vous propose également de revenir
à nouveau sur l'ensemble des dispositions qui limitent le recours au
travail à temps partiel (articles 6 et 7).
Concernant les bilans (articles 9 et 10), la commission vous propose de tirer
à nouveau les conséquences de la suppression de l'article premier
et de son refus d'envisager le développement des 35 heures dans la
fonction publique.
*
* *
En résumé, les propositions de la majorité de la commission des Affaires sociales visent à nouveau à faire en sorte que le projet de loi ne compromette ni le dialogue social, ni l'équilibre des comptes publics, mais parvienne à la fois à une réduction progressive du temps de travail effectif et à une amélioration durable de l'emploi.
EXAMEN DES ARTICLES
Article premier
Réduction à trente-cinq
heures de la durée légale hebdomadaire
du travail effectif
des salariés
(Art. L. 212-1 bis nouveau du code du travail)
I - Le dispositif voté par l'Assemblée
nationale en deuxième lecture
L'Assemblée nationale a rétabli son texte voté en
première lecture en l'accompagnant d'une modification qui résulte
d'une proposition de la commission. C'est ainsi que les entreprises dont
l'effectif est de plus de vingt salariés se verront appliquer une
durée légale hebdomadaire de 35 heures à compter du
1
er
janvier 2000, sauf si cet effectif est atteint entre le
1
er
janvier 2000 et le 31 décembre 2001. Cet assouplissement
dans l'application de la durée légale a pour objectif de limiter
l'impact de l'effet de seuil qui aurait pu, autrement, amener certaines
entreprises à ne pas embaucher au-delà de vingt salariés
pour ne pas se voir appliquer la nouvelle durée légale du travail.
En revanche, l'Assemblée nationale a rejeté plusieurs amendements
de l'opposition qui avaient tous pour objectif de limiter les effets pervers de
cet article en excluant certaines catégories de personnels (travailleurs
pluriactifs, salariés payés au forfait, salariés dont la
rémunération est indexée sur le chiffre d'affaires...) ou
certains établissements (établissements hospitaliers, entreprises
de sous-traitance).
II - Les propositions de la commission
Votre commission prend acte de la modification apportée par
l'Assemblée nationale pour l'application de la durée
légale hebdomadaire du travail aux entreprises de moins de vingt
salariés qui franchiraient ce seuil entre le 1
er
janvier 2000
et le 31 décembre 2001. Elle observe incidemment que cette modification
illustre le fait que les seuils peuvent avoir un effet sur la création
d'emplois par les entreprises et que l'abaissement de la durée
légale hebdomadaire du travail a un effet dissuasif sur l'emploi.
Sur le fond, votre commission considère que le principe d'un abaissement
brutal, uniforme et autoritaire de la durée légale du travail est
une disposition idéologique dont l'effet sur l'emploi est incertain
sinon négatif.
Fidèle à sa préférence pour la négociation
entre les partenaires sociaux sur les démarches autoritaires,
votre
commission vous propose à nouveau de supprimer cet article premier
contraire à l'intérêt des salariés, des
chômeurs et des entreprises.
Article additionnel après l'article
premier
Rapport sur les conséquences de la réduction du temps
de travail
sur le SMIC
Le Gouvernement a déclaré à plusieurs
reprises qu'il ne souhaitait pas que la réduction du temps de travail
donne lieu à une baisse de revenus pour les salariés payés
au SMIC. Ceci signifie que ces salariés devraient être
payés sur la base de 39 heures alors même que leur durée de
travail pourrait être ramenée à 35 heures, soit une
augmentation du coût salarial de plus de 11 %.
Tout au long des débats tant à l'Assemblée nationale qu'au
Sénat, le Gouvernement s'est contenté de réitérer
peu ou prou la même déclaration de principe :
" Quant au SMIC, il n'est pas question de définir strictement
dans le détail les décisions qui se seront prises, car celles-ci
font l'objet d'une concertation approfondie avec les organisations patronales
et syndicales.
" Mais, afin d'éclairer pleinement le débat et les
négociateurs, je me dois d'exprimer les principes, qui seront les
nôtres. Le salarié payé au SMIC, dont l'horaire
hebdomadaire passe de 39 à 35 heures, doit bien sûr garder intact
son salaire aujourd'hui et pour demain.
" En même temps, il n'apparaît pas non plus opportun que la
rémunération d'un salarié restant à 39 heures et
payé au SMIC s'accroisse automatiquement de 11,4 %, auxquels il faudrait
naturellement ajouter la rémunération des heures
supplémentaires.
" Cela nous oriente vers la définition, parallèlement au
SMIC horaire qui resterait en l'état, d'une rémunération
mensuelle minimale dont le niveau serait fixé de telle sorte que le
premier principe que j'ai rappelé, pour les smicards, soit
respecté.
" Il nous faudra, bien sûr, débattre, des modalités
d'indexation de ce nouvel indice de même que des effets de celui-ci sur
les salaires de ceux qui travaillent à temps partiel. C'est l'objet d'un
travail approfondi qui se poursuivra dans les jours qui viennent dans le cadre
naturel de la commission nationale de la négociation
collective "
7(
*
)
Les débats ont montré que le dispositif ainsi esquissé
d'un SMIC horaire inchangé, doublé de la mise en place d'une
rémunération mensuelle minimum sur la base de ce SMIC horaire
inchangé calculé sur 39 heures, posait un nombre
considérable de questions notamment quant à la
rémunération des salariés effectuant des heures
supplémentaires ou quant à la situation des salariés dont
la rémunération est proche du SMIC.
Tout en comportant une échéance non négociable
-l'abaissement de la durée légale du travail en 2000 ou 2002- le
projet de loi prétend faire preuve de souplesse en renvoyant à un
projet de loi ultérieur le soin de fixer les conséquences
concrètes de la réduction de la durée légale du
travail.
Il en résulte, sur le SMIC, comme sur le taux de majoration ou le
contingent autorisé des heures supplémentaires, que ni les
salariés, ni les entreprises ne connaissent le régime qui leur
sera applicable en 2000 et 2002.
Jusqu'à preuve du contraire, les négociations portant sur
l'anticipation de la réduction du temps de travail restent une
faculté : les partenaires y sont " appelés " par
l'article 2 du projet de loi.
Mais pour opter pour la négociation, encore faut-il que les partenaires
sociaux puissent connaître le régime qui leur sera de toute
façon applicable lors de l'entrée en vigueur de la nouvelle
durée légale du travail.
Il n'est pas acceptable que pendant deux ans ils vivent, travaillent et
entreprennent sous une " menace législative " dont ils
ignorent la teneur.
Dans ces conditions, votre commission vous propose d'adopter un article
additionnel qui prévoit que le Gouvernement présentera au
Parlement dans les trois mois suivant la promulgation de la loi un rapport sur
les conséquences d'un abaissement de la durée légale du
travail sur la rémunération mensuelle minimale des
salariés. Le rapport devra, en particulier, envisager les
conséquences d'un abaissement de la durée hebdomadaire
légale du travail sur la rémunération des salariés
payés au SMIC, les grilles salariales et la rémunération
des heures supplémentaires.
La commission vous propose d'adopter cet amendement portant article
additionnel après l'article premier.
Art. 2
Incitation des partenaires sociaux à
négocier la réduction du temps de travail avant la mise en oeuvre
de la nouvelle durée légale
I - Le dispositif voté par l'Assemblée
nationale en deuxième lecture
L'Assemblée nationale a rétabli son texte adopté en
première lecture en adoptant une modification sur proposition de sa
commission des Affaires culturelles, familiales et sociales. Les partenaires se
voient ainsi à nouveau appelés à négocier la
réduction effective de la durée du travail, au besoin, au sein
des commissions paritaires locales professionnelles ou interprofessionnelles
créées par des entreprises de moins de cinquante salariés.
L'article L. 132-30 du code du travail prévoit que ces commissions
paritaires concourent à l'élaboration et à l'application
des conventions ou accords collectifs de travail ainsi qu'à l'examen des
réclamations individuelles ou collectives et de toute autre question
relative aux conditions d'emploi et de travail des salariés
intéressés. Ces accords peuvent également prévoir
des modalités particulières de représentation du personnel
des entreprises concernées.
Selon le rapporteur, M. Jean Le Garrec, cette disposition a pour objet de
faciliter la négociation sur la réduction du temps de travail
dans le cadre de regroupements d'entreprises ou de réseaux d'entreprises.
II - Les propositions de la commission
Prenant acte du rétablissement de son texte à l'identique,
à l'exception de la mention des commissions paritaires professionnelles
ou interprofessionnelles, et considérant que l'article 2 incitant
à la négociation est privé en grande partie de sa
portée, du fait de l'article premier,
votre commission propose de
rétablir le texte adopté par le Sénat en première
lecture et vous demande d'adopter en conséquence un amendement portant
nouvelle rédaction de cet article.
Art. 3
Aide financière à la
réduction de la durée du travail à 35 heures au plus et
abrogation de la loi de Robien
I - Le dispositif voté par l'Assemblée
nationale en deuxième lecture
L'Assemblée nationale a rétabli son texte en l'accompagnant d'un
certain nombre de modifications. Le rapporteur, M. Jean Le Garrec a
estimé à cette occasion que "
l'aide de la loi de Robien
" reprofilée " par le Sénat se rapprochait
désormais beaucoup du dispositif d'incitation prévu par le projet
de loi dans sa rédaction initiale
"
8(
*
)
.
Votre rapporteur se félicite de cette ébauche de convergence mais
fait observer que le contexte des deux dispositifs est très
différent : le texte adopté par l'Assemblée nationale
s'inscrit dans une démarche contraignante bien que
différée : celle d'un passage obligatoire aux 35 heures à
l'échéance du 1
er
janvier 2000 ou 2002.
Les modifications portent sur quatre points :
- l'intégration dans le champ de l'aide des entreprises d'armement
maritime ; les entreprises d'armement maritime étaient exclues du champ
d'application du texte de loi dans sa version adoptée en première
lecture ;
- l'ouverture aux partenaires sociaux de la possibilité de
négocier la réduction du temps de travail dans le cadre d'accords
de regroupement d'entreprises de moins de cinquante salariés au niveau
local ou départemental, professionnel ou interprofessionnel. Cette
précision coordonne la modification déjà apportée
précédemment à l'article 2 ;
- l'obligation du dépôt des accords de réduction du
temps de travail dans les professions agricoles auprès des services de
l'inspection du travail, de l'emploi et de la politique sociale agricoles ;
cette disposition vise à appliquer une disposition de droit commun au
secteur agricole ;
- la possibilité pour les petites et moyennes entreprises comptant
jusqu'à 300 salariés, de réaliser la contrepartie en
embauches de la réduction du temps de travail dans le cadre de
groupements d'employeurs. Cette disposition va dans le bon sens puisqu'elle
permet une certaine souplesse dans l'application du texte et favorise la
coopération entre PME.
Toutefois, ces quatre modifications apportées par la commission sur
proposition du rapporteur, ont une portée très limitée.
Elles ont pour but de coordonner l'article 3 avec les autres articles ou de
réparer des oublis. Elles ne modifient en rien la logique du texte et ne
répondent pas en particulier aux objections soulevées par le
Sénat.
Par ailleurs, deux sous-amendements ont été adoptés.
Un sous-amendement de M. Maxime Gremetz ajoute le qualificatif
" collective " à la convention mentionnée dans la
deuxième phrase du deuxième paragraphe. Ce sous-amendement semble
être de nature rédactionnelle.
Un sous-amendement du Gouvernement a inséré après les mots
" accords de branche étendus " dans la même phrase que
précédemment les mots " ou agréé en
application de l'article 16 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative
aux institutions sociales et médico-sociales ". A l'appui de son
sous-amendement, le ministre a précisé que
" dans le
secteur sanitaire et social, les accords de branche ne donnent pas lieu, du
fait de la présence de plusieurs conventions collectives sur des champs
voisins, à une procédure d'extension mais à une
procédure d'agrément par le ministère des affaires
sociales ".
II - Les propositions de la commission
Votre commission souligne à nouveau les logiques différentes
auxquelles obéissent, d'une part, le texte de l'Assemblée
nationale rétabli par elle en deuxième lecture et le texte
adopté par le Sénat, d'autre part. Le dispositif proposé
par le Gouvernement et approuvé par l'Assemblée nationale
s'inscrit en effet dans le cadre de la baisse de la durée légale
du travail. L'aide prévue a pour objet d'inciter les entreprises
à anticiper un passage aux 35 heures qui s'imposera à elles
de toute façon en 2000 ou 2002.
Conscient de l'alourdissement du coût du travail qu'entraîne le
projet de loi s'agissant notamment des emplois peu qualifiés, à
travers le principe des "
35 heures payées 39
heures
"
applicable aux salariés rémunérés au SMIC, le
Gouvernement tente de compenser cet effet par une aide accrue en faveur des bas
salaires.
Favorable à un dispositif pérenne d'allégement des charges
sur les bas salaires, votre commission observe la contradiction existant entre
la volonté de réduire de façon générale et
autoritaire la durée du travail et le souci d'abaisser le coût du
travail peu qualifié.
Elle constate en revanche que son propre dispositif de réduction du
temps de travail, dans un cadre librement négocié, ne comporte
pas les mêmes conséquences et n'appelle donc pas les mêmes
remèdes que le texte du Gouvernement.
Votre commission vous propose dans ces conditions de rétablir le
dispositif qu'elle avait proposé en première lecture tel que
complété par les amendements adoptés lors du débat
en séance publique.
Elle vous demande en conséquence d'adopter un amendement portant
nouvelle rédaction de cet article.
Art. 3 bis
Compensation par l'Etat des
exonérations de charges sociales
I - Le dispositif voté par l'Assemblée
nationale en deuxième lecture
L'Assemblée nationale a supprimé cet article additionnel
introduit par le Sénat en première lecture qui prévoyait
que les exonérations de charges sociales seraient compensées
intégralement. Ni le rapporteur, ni le ministre n'ont apporté
d'explication satisfaisante à cette suppression, ce qui laisse mal
augurer des conséquences effectives de la non-compensation sur les
finances sociales. Dans son rapport, M. Jean Le Garrec a toutefois
précisé que les modalités de la compensation seraient
précisées une fois connus les premiers résultats de la
mise en oeuvre de la loi.
II - Les propositions de la commission
Votre commission prend acte que, pour la commission des Affaires
culturelles
9(
*
)
, le principe
général de compensation de toute mesure nouvelle
d'exonération de cotisations de sécurité sociale
prévu par l'article L. 131-7 du code de la sécurité
sociale n'est pas d'application automatique en ce qui concerne le projet de loi
d'orientation et d'incitation à la réduction du temps de travail.
Il faut comprendre que le projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 1999 sera, pour le Gouvernement, l'occasion
de fixer un taux de compensation.
Mais elle réitère sa volonté de voir se réaliser
une compensation intégrale des exonérations de charges sociales
conformément à l'article 5 de la loi du 25 juillet 1994.
Certes, une comptabilité " administrative " des emplois
créés dans le cadre de l'aide prévue à l'article 3
pourra être effectuée, de même que le calcul du
" retour " de cotisations en résultant.
Mais amputer la compensation des exonérations de charges de ce
" retour administratif " de cotisations fait peu de cas de
l'économie générale du projet de loi. De l'effet d'aubaine
d'abord, c'est-à-dire des emplois qui auraient été de
toute façon créés. De l'évolution de la masse
salariale ensuite, car si le Gouvernement prône le maintien de la
rémunération des salariés payés au SMIC (environ 2
millions de salariés), il est attendu, semble-t-il, des 10 autres
millions de salariés qu'ils acceptent un effort de modération
salariale conduisant à un manque à gagner en termes de
cotisations sociales.
Dans ces conditions,
la commission vous propose un amendement tendant
à rétablir le texte de cet article voté en première
lecture au Sénat.
Art. 3 ter
Application de la loi de Robien aux
entreprises du bâtiment et des travaux publics
(Art. 39 et 39-1 de la
loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993 quinquennale relative au
travail, à l'emploi et à la formation professionnelle)
I - Le dispositif voté par l'Assemblée
nationale en deuxième lecture
L'Assemblée nationale a supprimé cet article qui avait pour objet
de permettre, dans le cadre de la loi de Robien, aux entreprises du secteur du
bâtiment et des travaux publics de bénéficier de
l'allégement de charges sociales lié à la réduction
de la durée collective du travail sur les indemnités de
congés payés. Dans les conditions actuelles, ces entreprises ne
pouvaient bénéficier de l'allégement prévu par la
loi, les indemnités de congés payés étant
versées par des caisses particulières financées par les
cotisations des entreprises.
II - Les propositions de la commission
Votre commission proposant de rétablir en l'état son dispositif
financier de l'article 3 qui reprofile la loi de Robien, cet article
apparaît comme un complément utile et bienvenu,
elle vous
demande par conséquent de bien vouloir adopter un amendement de
rétablissement de cet article tel que voté par le Sénat en
première lecture.
Art. 4 bis
Définition de la durée du
travail effectif
(Art. L. 212-4 du code du travail)
I - Le dispositif voté par l'Assemblée
nationale en deuxième lecture
L'Assemblée nationale a rétabli à l'identique son texte
pour cet article qui complète la définition de la durée du
travail effectif en s'inspirant plus ou moins de la jurisprudence de la Chambre
sociale de la Cour de cassation et de la directive 93/104/CE du conseil du 23
novembre 1993 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de
travail.
L'Assemblée nationale a par conséquent rejeté la
définition proposée par le Sénat qui reprenait à
l'identique la rédaction de l'article 2 de la directive :
"
la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le
salarié est au travail à la disposition de l'employeur et dans
l'exercice de ses fonctions
". Cette définition a pourtant
été considérée par la doctrine comme étant
"
considérablement affinée
" par rapport
à la définition adoptée en première lecture
à l'Assemblée nationale.
La plupart des juristes
10(
*
)
considèrent
que la définition de l'Assemblée nationale, a pour défaut
majeur de rendre impossible toute pratique d'astreinte, y compris celle admise
par la jurisprudence de la Cour de cassation, qui tient compte de la
disposition " permanente " ou non du salarié pour
apprécier l'effectivité du temps de travail. Il est par ailleurs
à craindre qu'en se focalisant sur la mise à disposition de
l'employeur, l'Assemblée nationale ne légalise et
généralise un cas particulier. On constate en effet que les
arrêts de la Cour de cassation qui comprennent cette notion de simple
mise à disposition concernaient tous des salariés dont la
présence sur place faisait partie intégrante des fonctions
(gardiens d'usine, infirmiers de garde...). Comme le précise Camille
Goasguen dans Semaine sociale Lamy :
" être à la
disposition ne signifie pas " être là ". C'est faire
acte d'une présence vigilante, active.
" C'est
précisément cette nécessité de présence sur
place qu'a pris en compte la Cour de cassation dans un arrêt
récent (
Cass., soc. 10 mars 1998, EPA des Aéroports de
Paris c/ Pellegrini et autres
) en considérant que le temps des repas
devait être compris dans la durée effective du travail lorsque les
salariés, en raison de la spécificité de leurs fonctions,
travaillent en cycle continu, ne peuvent s'éloigner de leur poste de
travail et restent à la disposition de l'employeur, même pendant
le temps des repas. Il est à noter que la définition
adoptée par le Sénat le 4 mars dernier répondait
précisément au souci d'inclure ces catégories de
sujétion dans la définition de la durée du travail
effectif.
Par ailleurs, la rédaction adoptée par l'Assemblée
nationale en séance publique se distingue nettement de la
rédaction proposée initialement par sa commission. Celle-ci, en
effet, proposait, par la voix de son rapporteur, de définir le temps de
travail effectif comme celui pendant lequel le salarié était, en
permanence, à la disposition de l'employeur. L'ajout du terme
"
en permanence
" visait à s'inspirer de la
jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation qui a jugé
que "
constituait un travail effectif le fait pour le salarié de
rester en permanence à la disposition de l'employeur " (Cass, soc,
28 octobre 1997, Bazie c/ Comité d'établissement des avions
Marcel Dassault).
M. Maxime Gremetz s'est opposé à cet ajout en considérant
qu'
" il modifiait profondément la définition du temps de
travail effectif, celui-ci ne comprenant plus, de fait, le temps de
pause
"
.
C'est donc en définitive l'amendement déposé par M. Jean
Le Garrec et les membres du groupe socialiste revenant au texte de
l'Assemblée nationale en première lecture qui a été
adopté, par scrutin public, contre l'avis du Gouvernement et de
préférence à l'amendement de la commission.
Le souci qui a animé l'Assemblée nationale a été,
selon M. Claude Bartolone, président de la commission des Affaires
culturelles, familiales et sociales,
" de savoir quelle
définition serait la plus favorable aux salariés et
empêcherait le juge d'établir une jurisprudence contraire à
leurs intérêts ".
Le Gouvernement se trouve par conséquent dans une position
délicate. Mme Martine Aubry a en effet déclaré lors des
débats au Sénat
11(
*
)
qu'elle
était perplexe s'agissant des débats ouverts par l'introduction
à l'Assemblée nationale de l'article 4 bis et qu'elle s'en
remettait à la sagesse du Sénat
" considérant que
la transposition de la directive, par définition, ne (pouvait)
être qu'une bonne chose. Chacun (ayant) d'ailleurs
considéré qu'elle constituait une avancée par rapport au
texte antérieur ".
II - Les propositions de la commission
Comme le déclarait le ministre lors du débat de deuxième
lecture à l'Assemblée nationale,
" la durée du
travail effectif est une notion centrale dans le droit du travail ",
" ainsi donc, il faut éviter de créer la moindre
incertitude ".
Force est de constater que la définition
adoptée par l'Assemblée nationale est très peu
satisfaisante. Elle légalise la jurisprudence de la Cour de cassation
qui étend régulièrement les frontières de la
définition et permet de nouvelles dérives. Cette
instabilité renforcée par une définition lâche ne
peut que renforcer l'insécurité juridique. Or, cette
insécurité juridique est autant préjudiciable aux
salariés qu'aux entreprises, car la valeur des contrats repose en grande
partie sur la stabilité des concepts juridiques.
En permettant, à terme, de nouvelles dérives, l'Assemblée
nationale prend le risque que les entreprises, déjà
inquiètes à l'idée d'un abaissement de la durée
légale du travail hebdomadaire, considèrent que la durée
du travail
productif
pourrait être ramenée à 32
heures, 30 heures ou moins, ce qui ne pourrait que constituer une menace
considérable pour l'emploi.
Par ailleurs, la définition retenue par l'Assemblée nationale
s'éloigne sensiblement de la définition européenne. Ceci
est contradictoire avec le souhait de favoriser une politique sociale
européenne en parallèle au grand marché et à la
monnaie unique. Ne vaudrait-il pas mieux adopter cette définition
standardisée et, le cas échéant, argumenter à
Bruxelles pour la faire évoluer si le besoin s'en faisait sentir ?
En tout cas, votre commission considère qu'une définition
précise de la durée du travail effectif est nécessaire et
que la définition proposée par la directive européenne
présente toutes les garanties propres à rassurer les
salariés comme les entreprises, elle comprend les pauses, certains
trajets mais pas tous. Par ailleurs, elle n'exclut pas des dispositions
conventionnelles plus favorables lorsque cela est possible, bien au contraire.
Votre commission vous propose donc de rétablir à l'identique
le texte voté par le Sénat en première lecture en adoptant
l'amendement portant nouvelle rédaction de cet article.
Article additionnel après l'article 4
ter
Champ d'application des articles 4 bis et 4 ter
La commission des Affaires culturelles, familiales et
sociales
a adopté, sur proposition de son rapporteur, un amendement tendant
à aligner le champ d'application des articles 4 bis, relatif à la
définition de la durée du travail effectif, et 4 ter, relatif au
repos quotidien et aux temps de pause, sur le champ d'application de la
directive n° 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993 concernant certains
aspects de l'aménagement du temps de travail.
Cet amendement avait en particulier pour objet d'exclure le secteur des
transports du champ d'application de la transposition dans le code du travail
de la directive européenne. Cet amendement tout à fait
justifié au regard des spécificités de ce secteur et
notamment la forte concurrence européenne n'a pourtant pas
été appelé en séance publique et n'a pu être
examiné.
Votre commission a décidé de reprendre un amendement identique
à celui adopté par la commission des Affaires culturelles de
l'Assemblée nationale, qui vise à aligner le champ d'application
des articles 4 bis et 4 ter sur celui de la directive européenne du 23
novembre 1993, ceci en particulier dans l'attente des résultats de la
négociation sur le temps de travail dans le secteur des transports entre
les partenaires sociaux au niveau européen.
Elle vous propose d'adopter cet amendement portant article additionnel
après l'article 4 ter.
Art. 5
Seuil de déclenchement du repos
compensateur
I - Le dispositif voté par l'Assemblée
nationale en deuxième lecture
L'Assemblée nationale a rétabli sa rédaction de l'article
5 qui vise à rigidifier les règles d'organisation du travail en
abaissant le seuil de déclenchement du repos compensateur.
II - Les propositions de la commission
La commission ne souhaitant pas, pour autant que faire se peut, se substituer
aux partenaires sociaux dans la définition de l'organisation du travail,
elle vous propose à nouveau de supprimer cet article
6 qui
constitue une entrave à la bonne marche de l'économie.
Votre commission vous propose en conséquence un amendement de
suppression de cet article.
Art. 6
Modification du régime de l'abattement
de cotisations sociales patronales applicable au travail à temps
partiel
(Art. L. 322-12 du code du travail)
I - Le dispositif voté par l'Assemblée
nationale en deuxième lecture
L'Assemblée nationale a rétabli intégralement son texte
pour l'article 6 et notamment les dispositions supprimées par le
Sénat du fait qu'elles constituent des obstacles au développement
du travail à temps partiel.
II - Les propositions de la commission
La commission vous propose à nouveau de supprimer les dispositions de
l'article 6 qui constituent un obstacle au développement du travail
à temps partiel.
Elle vous propose par conséquent d'adopter un amendement de
suppression des paragraphes IA, I, II, III bis et V de cet article.
Art. 7
Limitation des possibilités pour
l'entrepreneur
de recourir au temps partiel
(Art. L. 212-4-3 du code du
travail)
I - Le dispositif voté par l'Assemblée
nationale en deuxième lecture
L'Assemblée nationale a rétabli intégralement son texte
adopté en première lecture.
II - Les propositions de la commission
Considérant que les paragraphes rétablis par l'Assemblée
nationale rendent plus contraignant le régime du travail à temps
partiel alors qu'il convient de continuer à développer cette
forme de travail qui a permis d'enrichir notre croissance en emplois,
votre
commission vous propose d'adopter comme en première lecture un
amendement de suppression des paragraphes I, I bis, I ter et IV et de
modification du paragraphe III de l'article 7.
Art. 9
Bilan remis au Parlement au plus tard le 30
septembre 1999
I - Le dispositif voté par l'Assemblée
nationale en deuxième lecture
L'Assemblée a rétabli son texte de première lecture
modifié par un sous-amendement de M. Gérard Lindeperg,
adopté en commission, qui précise que le bilan des
négociations portera également sur la place de la formation dans
ces mêmes négociations.
II - Les propositions de la commission
Votre commission vous propose, par coordination avec la suppression de
l'article premier et la réécriture de l'article 2 qu'elle vous a
proposées, de revenir au texte
adopté par le Sénat
en première lecture, qui prévoit un rapport du Gouvernement au
Parlement, au plus tard le 31 décembre 2000 sur l'application de la loi
et le déroulement des négociations.
Votre commission vous propose d'adopter en conséquence un amendement
portant nouvelle rédaction de cet article.
Art. 10
Rapport sur le bilan et les perspectives de
la réduction du temps de travail pour les agents de la fonction
publique
I - Le dispositif voté par l'Assemblée
nationale en deuxième lecture
L'Assemblée nationale a rétabli son texte demandant au
Gouvernement un rapport sur le bilan et les perspectives de la réduction
du temps de travail pour les agents de la fonction publique, suite à
l'accord signé le 10 février 1998 par le ministre de la fonction
publique avec les partenaires sociaux.
II - Les propositions de la commission
Souhaitant ne pas entériner la perspective d'une extension à la
fonction publique des dispositions du projet de loi,
votre commission vous
propose de rétablir le texte voté par le Sénat en
première lecture,
texte qui demande au Gouvernement un rapport
établissant un bilan du temps de travail effectif dans l'ensemble de la
fonction publique.
*
* *
Sous réserve de ses observations et des amendements qu'elle vous propose d'adopter, votre commission des Affaires sociales vous demande d'adopter le présent projet de loi.
1
JO Débats parlementaires AN,
séance du mercredi 25 mars 1998, p. 2184. L'amendement
déposé en réalité par M. Le Garrec et les membres
du groupe socialiste proposait le retour au texte adopté par
l'Assemblée national en première lecture.
2
JO Débats parlementaires AN, 3ème séance du 5
février 1998, p. 1221.
3
Idem p. 2185.
4
JO débats AN p. 2186.
5
Rapport n° 774 AN. M. Jean Le Garrec, rapporteur, p. 23.
6
Recommandations de la commission du 13 avril 1996
concernant la définition des petites et moyennes entreprises (JO CE (L)
107 30 avril 1996 p 0004)
7
Mme Martine Aubry, JO débat AN 2ème séance du
27 janvier 1998 p. 581
8
Rapport n° 774 AN au nom de la commission des Affaires
culturelles, familiales et sociales sur le projet de loi, modifié par le
Sénat, d'orientation et d'incitation relatif à la
réduction du temps de travail, M. Jean Le Garrec, rapporteur, p. 15.
9
Rapport n° 774, p. 19
10
Voir par exemple Liaisons sociales quotidien n° 12625 du
lundi 16 mars 1998 et Semaine sociale Lamy n° 879 du même jour.
11
JO; débats Sénat, jeudi 5 mars 1998, p. 1173.