B. L'ADOPTION D'UNE MONNAIE UNIQUE
L'adoption d'une même monnaie par onze Etats signe l'aboutissement de la solidarité monétaire entre des Etats fortement interdépendants sur le plan économique. Elle devrait aussi favoriser l'émergence d'une devise majeure du système monétaire international, instrument de puissance et de prospérité pour l'Europe.
1. Une solidarité monétaire renforcée
L'instauration de l'euro est le complément
indispensable du marché unique. Elle constitue une voie de "sortie vers
le haut" des difficultés rencontrées par un système
monétaire européen imparfait.
Même si sa réalisation n'est encore que ponctuelle, le
marché unique s'est considérablement développé et
la libre circulation des capitaux et des biens y est désormais la
règle. Cette construction repose sur l'idée que les entraves
à la liberté économique sont contre-productives car
nuisant à une allocation optimale des facteurs.
Avec l'adoption de l'euro, c'est l'une de ces entraves qui disparaît. La
solidarité monétaire instituée entre les économies
de la zone aura en effet pour conséquence de faire disparaître les
" frottements " associés à la diversité des
signes monétaires.
Parmi les effets favorables attendus d'une telle disparition sont d'abord
citées les
économies réalisées sur les frais de
transaction
que le Commissaire européen chargé des affaires
monétaires et financières a pu évaluer à
200 milliards de francs par an
3(
*
)
.
Mais, les économies sur les coûts de transaction dont le chiffrage
mérite sans doute d'être affiné, n'est pas l'essentiel des
effets bénéfiques attendus de la monnaie unique.
Le premier d'entre eux est évidemment le fait que
l'instauration d'un
signe monétaire
commun à des économies fort ouvertes
les unes aux autres
supprime des occasions de manipulations des monnaies
à des fins compétitives
. C'est la fin de l'illusion
monétaire et, plus précisément, de l'artifice du change
utilisé à la seule fin de masquer des écarts réels
de compétitivité.
On doit en attendre, outre une compétition économique plus
loyale, l'instauration d'un cadre durablement non inflationniste.
Indicateurs du commerce extérieur en 1997 des pays de l'Union européenne
Exportations totales de biens et services (en % du PIB)
B |
DK |
D |
EL |
E |
F |
IRL |
I |
L |
NL |
A |
P |
FIN |
S |
UK |
75,5 |
35,0 |
24,8 |
16,3 |
26,2 |
24,3 |
75,6 |
27,1 |
93,5 |
55,7 |
40,6 |
34,1 |
38,1 |
40,9 |
29,8 |
Echanges intracommunautaires (en % de la moyenne des
importations et exportations de marchandises)
B/L |
DK |
D |
EL |
E |
F |
IRL |
I |
NL |
A |
P |
FIN |
S |
UK |
72,6 |
68,5 |
56,8 |
58,6 |
67,0 |
63,9 |
64,4 |
57,3 |
67,9 |
68,6 |
76,6 |
57,0 |
57,9 |
52,1 |
Ce phénomène revêt une importance toute
particulière compte tenu du degré d'ouverture des
économies européennes entre elles décrit par le tableau
ci-dessus.
Mais, au-delà, la création d'une monnaie commune est
appelée à supprimer les asymétries de fonctionnement du
système monétaire européen (SME). Ce dernier,
système de changes stables mais ajustables, a donné naissance
à au moins deux types d'asymétrie.
La première asymétrie
a résulté de ce qu'au
sein du SME coexistaient des monnaies dont la crédibilité est
vite apparue inégale aux marchés. Les monnaies du noyau dur
n'étaient guère contestées tandis que des épisodes
réguliers de spéculation sont venus fragiliser les autres
monnaies. Celles-ci n'ont pu échapper à des dévaluations,
le cas type des crises monétaires étant atteint avec la crise de
1992-1993. Un schéma classique présentait successivement une
variation du dollar à la baisse suivie d'une appréciation du mark
et d'une dépréciation des monnaies du SME jugées les plus
faibles.
La seconde asymétrie
est venue de ce que les théoriciens
appellent le "triangle d'incompatibilité de la politique
monétaire". Sous cette dénomination se cache l'affirmation selon
laquelle en situation de liberté des mouvements de capitaux, on ne peut
à la fois maîtriser son taux d'intérêt et son taux de
change. Dans le SME, le maintien des parités a, de fait, supposé
de la part des partenaires de l'Allemagne qu'ils calquent leur politique
monétaire et, en particulier, la fixation du niveau de leurs taux
d'intérêt sur celle de la Bundesbank.
Les partenaires de
l'Allemagne avaient ainsi perdu toute indépendance monétaire et
le recours à la dévaluation ne pouvait que la leur redonner un
court laps de temps, celui que les tensions inflationnistes en découlant
apparaissent à nouveau
. Pis encore, les marchés anticipant
d'éventuels épisodes de dépréciation de leurs
monnaies, les partenaires de l'Allemagne devaient supporter une prime de risque
qui haussait d'autant leurs taux d'intérêt par rapport aux taux
allemands. Il en résultait un écart de
compétitivité favorable à l'Allemagne.
C'est l'unification allemande qui présente, bien entendu, le cas le plus
typique de ces enchaînements.
Il est tout à fait remarquable que, la perspective de l'adoption de
l'euro se rapprochant, ces asymétries aient peu à peu disparu.
L'avènement de l'euro les supprimera à jamais.
La
solidarité économique de l'Europe sortira renforcée de
cette entière solidarité monétaire
.