ARTICLE 30
Rachat par une société de ses propres
actions
Commentaire : le présent article propose d'assouplir
le régime juridique et fiscal du rachat par les sociétés
de leurs propres actions.
Le rachat par une entreprise de ses propres actions est, dans les pays
anglo-saxons, une opération financière banale et de plus en plus
fréquente. Elle constitue, pour l'entreprise, un instrument de gestion
des capitaux propres permettant, notamment, d'améliorer ses ratios de
rentabilité du capital. Pour l'actionnaire, c'est un moyen de partager
les richesses accumulées, dans la droite ligne des théories de la
"
shareholder value
" et du "
corporate
governance
". Enfin, d'un point de vue macro-économique, elle
permet une meilleure allocation des ressources en rendant au marché des
capitaux promis à une moindre rentabilité et qui pourront
être investis dans d'autres entreprises, ou, plus largement, dans
d'autres placements plus rentables.
En France, ce type d'opérations se heurte à un régime
juridique particulièrement rigide qui ne permet d'envisager les rachats
d'actions que pour des opérations véritablement structurelles,
précédant bien souvent un retrait du marché. C'est
pourquoi, depuis plusieurs années, un mouvement de réflexion,
associant professionnels et pouvoirs publics, s'est engagé en faveur de
l'assouplissement de ce régime.
Le présent article propose de donner suite à cette
réflexion et constitue un premier pas dans le sens d'une modernisation
du droit des sociétés.
I. LA SITUATION ACTUELLE
La situation actuelle se caractérise par un régime juridique et
fiscal peu propice au rachat par une société de ses propres
actions, source d'insatisfaction pour les professionnels qui en demandent la
modernisation.
A. UN REGIME JURIDIQUE ET FISCAL PEU PROPICE AU RACHAT D'ACTIONS
Il faut distinguer aujourd'hui deux types d'opérations de rachat qui
répondent à des logiques bien différentes :
- d'une part les
opérations de rachat
qui se réalisent
par voie de réduction du capital
. Il s'agit essentiellement du
"
rachat d'actions non motivé par des pertes
"
dont le régime juridique est défini par les articles 215 et 216
de la loi de 1966
44(
*
)
.
Ces
opérations obéissent à une logique purement
financière, mais sont enserrées dans une procédure
particulièrement lourde et dissuasive
, l'offre publique de rachat
(OPRA), et se heurtent de surcroît à des
contraintes
fiscales
;
- d'autre part,
les opérations de rachat
qui se réalisent
sans réduction du capital
mais
dont les objectifs sont
particulièrement étroits.
Il s'agit, d'une part, de la
procédure dite de "
régularisation des
cours
", définie à l'article 217-2 de la loi de 1966
et, d'autre part, du
rachat d'actions en vue de faire participer les
salariés
aux résultats de l'entreprise (participation,
stock-options) fixé par l'article 217-1 de cette même loi
45(
*
)
.
1. Le rachat d'actions avec réduction du capital (rachat
d'actions non motivé par des pertes)
La réduction du capital non motivée par des pertes est ouverte
à toutes les entreprises, qu'elles soient ou non cotées, et n'est
pas limitée. Elle obéit à une motivation
financière, mais est enserrée dans un régime juridique
très contraignant.
a) Motivations
L'actuel développement des rachats d'actions permet de mettre en valeur
les aspects positifs, pour l'actionnaire, de ce type d'opérations,
notamment en termes de création de valeur : les actionnaires
vendeurs enregistrent une prime par rapport au cours normal. En 1996, cette
prime a évolué entre + 5,1 % et + 150 %
46(
*
)
; pour les actionnaires qui
décident de ne pas vendre, le rachat peut créer un effet positif
sur le bénéfice par action ou sur l'actif net par action.
Pour les entreprises, le rachat d'actions avec réduction du capital
peut être intéressant dans une période de bas taux
d'intérêt, lorsque la rémunération d'une
trésorerie abondante n'est plus jugée suffisamment
intéressante, ou lorsque les possibilités de croissance externe,
c'est-à-dire par rachat de sociétés concurrentes, ne sont
pas suffisantes.
b) Régime juridique et fiscal
1) Le régime juridique
Tout d'abord,
la réduction du capital
n'étant pas
motivée par des pertes, celle-ci
n'est pas toujours possible, compte
tenu de certains obstacles :
émission par la
société d'obligations échangeables (article L. 206 al. 1),
d'obligations convertibles (L. 195 al. 5) ou encore d'obligations à bons
de souscription (L. 194-4 al. 1
er
).
En outre
, le rachat est parfois contraint par un ordre de
priorité
: la société qui a émis des
actions à dividende prioritaire sans droit de vote doit racheter
prioritairement ces actions prioritaires (art. L. 267-7 al. 2).
La procédure de droit commun (article 217 deuxième
alinéa et articles 215 et 216) est particulièrement lourde.
Elle doit être
autorisée par l'Assemblée
générale extraordinaire (AGE)
et être
étendue
à l'ensemble des actions de la société
. Les
commissaires aux comptes établissent un
rapport spécial
où ils font connaître leur appréciation sur
l'opération au regard notamment de l'égalité des
actionnaires.
L
'AGE peut certes déléguer
au conseil d'administration ou
au directoire tous pouvoirs pour réaliser l'opération de
réduction du capital. Mais cette délégation ne peut pas
porter sur les conditions essentielles de l'opération qu'il appartient
de fixer : le montant de la réduction, le nombre de titres
concernés, le choix de la méthode de réduction.
Le projet de réduction du capital doit être
accepté par
l'ensemble des créanciers de l'entreprise
. Ceux-ci disposent pour se
prononcer d'un délai de trente jours à compter de la
"
date du dépôt au greffe du procès-verbal de
délibération de l'AGE qui a décidé ou
autorisé la réduction
".
Si le nombre d'actions présentées à l'offre est
supérieur à la quantité souhaitée, il est
procédé pour chaque actionnaire vendeur à une
réduction proportionnelle
au nombre d'actions "
dont il
justifie être propriétaire au moment du rachat
" et non
pas au nombre d'actions qu'il apporte à l'offre.
Mais la principale difficulté vient, pour les sociétés
cotées, de la nécessité de procéder à une
offre publique de rachat (OPRA) comme le précise l'article 181 du
décret du 23 mars 1967.
"
Art. 181. Lorsque la société a décidé de
procéder à l'achat de ses propres actions en vue de les annuler
et de réduire son capital à due concurrence, elle doit faire
cette offre d'achat à tous les actionnaires.
" A cette fin, un avis d'achat est inséré dans un journal
habilité à recevoir les annonces légales dans le
département du siège social et, en outre, si la
société fait publiquement appel à l'épargne, au
Bulletin des annonces légales obligatoires. (...) "
Cette offre est une offre simplifiée aux termes de l'article 5-3-2 du
règlement du Conseil des bourses de valeur (CBV). Néanmoins,
l'article R 14 du règlement COB n° 89-03 oblige pour sa part
l'initiateur à rédiger une note d'information quand la
société procède au rachat de ses actions et la COB se
montre vigilante quant à l'information délivrée sur les
motivations et les conditions de l'opération.
Comme le montre le rapport Esambert (voir
infra),
le calendrier
juridique d'une OPRA est en moyenne de l'ordre de trois mois.
Cette procédure est donc à la fois longue, lourde et
conçue pour la réalisation d'une opération exceptionnelle
dans la vie de l'entreprise. En outre, elle est assortie d'un régime
fiscal dissuasif.
2) Le régime fiscal
La procédure de rachat n'est guère intéressante pour les
actionnaires, dans la mesure où elle a la nature juridique d'un
remboursement et non d'une cession de titres. Le gain réalisé par
le propriétaire des titres rachetés constitue donc un revenu
mobilier imposable au barème progressif de l'impôt sur le revenu
(articles 109-1, 112 et 158-3 du code général des impôts
-CGI-) et non un gain imposable au taux réduit de 16 % dans la
catégorie des bénéfices non commerciaux.
Les sommes reçues étant considérées comme des
revenus mobiliers, elles n'ouvrent pas droit à l'avoir fiscal
contrairement à ce qui se produit pour les dividendes.
Cette solution n'apparaît guère satisfaisante en
équité, puisque lorsque l'associé se retire en
cédant ses titres à un tiers, il bénéficie du taux
réduit des plus-values, alors que dans le cas où il accepte de
vendre ses titres à la société, il supporte l'impôt
progressif.
2. Le rachat d'actions sans réduction du capital
Le rachat par une société de ses propres actions, hors
réduction du capital, apparaît comme une pratique interdite
(article L. 217 de la loi de 1966). Cette interdiction de principe supporte
toutefois quelques dérogations, mais celles-ci sont trop restrictives
pour autoriser une gestion financière du capital.
a) Le principe de l'interdiction du rachat par une société de
ses propres actions, hors réduction du capital
Comme le fait justement remarquer le professeur Alain Couret
47(
*
)
"
la pratique du rachat d'actions
est généralement perçue par les juristes de façon
négative et cette perception trouve sa traduction dans la loi du 24
juillet 1966 franchement hostile aux opérations de ce type,
hostilité encore renforcée par la transposition de la
deuxième directive du Conseil des Communautés européennes
par la loi du 30 décembre 1981".
1) Le fondement de l'interdiction
L'interdiction de racheter repose sur des justifications très
anciennes, la doctrine classique considérant qu'une
société ne peut être à la fois
créancière et débitrice d'elle-même. Or le rachat
introduit une confusion des qualités qui est conceptuellement
dérangeante.
Par ailleurs, la doctrine s'accorde à voir dans le capital social,
outre la clef de répartition des droits des associés, le gage des
créanciers
48(
*
)
.
Réduire le capital, c'est donc porter atteinte aux garanties des
créanciers.
Enfin, on peut encore évoquer la crainte de voir une
société spéculer sur ses propres titres et accomplir ainsi
une activité étrangère à l'objet de ses statuts.
Dans le droit fil de cette conception, la deuxième directive
européenne n° 77-91 du 13 décembre 1976,
modifiée par la directive n° 92-101 du 23 novembre 1992, indique
que l'objectif de l'interdiction est de maintenir l'intégrité du
capital et l'égalité des actionnaires.
2) Les sanctions juridiques attachées
La loi de 1966 attache au principe de l'interdiction deux sortes de
sanctions :
- des sanctions civiles : l'article 217-7 oblige à
libérer les actions irrégulièrement souscrites ou
acquises ; ces actions devant être cédées dans le
délai d'un an à compter de leur souscription ou de leur
acquisition et annulées à l'expiration de ce délai ;
- des sanctions pénales : l'article 454-1, alinéa
premier punit d'une amende de 60.000 francs le président, les
administrateurs ou les directeurs d'une société anonyme ayant, au
nom de la société, souscrit, acquis, pris en gage,
conservé ou vendu des actions en violation des dispositions
légales.
Par ailleurs, on observera que l'article 217-9 interdit à une
société d'avancer des fonds, d'accorder des prêts ou de
consentir une sûreté en vue de la souscription ou de l'achat de
ses propres actions par un tiers.
b) Les dérogations actuelles
Les dérogations à ce principe sont fixées par la loi et
font l'objet d'une interprétation restrictive. Il s'agit, d'une part, du
rachat en vue de faire participer les salariés aux résultats de
l'entreprise ou du rachat par les sociétés qui consentent
à leurs salariés des options d'achat de leurs actions et, d'autre
part, de mener des opérations de régularisation des cours.
1) Le rachat d'actions pour les salariés (article 217-1)
Cette possibilité est prévue par l'article 217-1 de la loi de
1966 qui se contente de préciser que les actions doivent être
attribuées ou les options consenties dans le délai d'un an
à compter de l'acquisition.
Cette possibilité, pourtant soumise à peu de contraintes, n'a
pas été beaucoup utilisée, à l'exception de
sociétés qui souhaitaient éviter la dilution d'un
actionnariat principal, souvent familial (L'Oréal, LVMH, Legrand,
Carrefour, Promodès....). Signe des temps, certaines entreprises qui
avaient mis en place des plans d'options de souscription d'actions
rachètent depuis quelques mois leurs actions pour neutraliser l'effet
dilutif, à l'instar de Total ou de la Générale des Eaux.
2) Le rachat d'actions à des fins de régularisation des cours
(article 217-2)
Ce régime est assez restrictif. Outre l'autorisation de
l'assemblée générale ordinaire, le rachat doit en effet
obéir à un certain nombre de conditions :
- les titres acquis ne peuvent conduire la société à
détenir plus de 10 % de son propre capital social, compte tenu des
titres qu'elle détient déjà ;
- l'acquisition ne peut avoir pour effet d'abaisser les capitaux propres
à un montant inférieur à celui du capital augmenté
des réserves non distribuables ;
- les actions rachetées entrent dans le portefeuille des titres de la
société, mais perdent tous leurs droits (droit de vote, droits
aux dividendes...) à l'exception du droit d'attribution. La
société peut par la suite les revendre sur le marché, les
utiliser pour procéder à des acquisitions ou les attribuer aux
salariés, voire les annuler si l'assemblée générale
des actionnaires le décide ;
- la société doit disposer de réserves, autres que la
réserve légale, d'un montant au moins égal à la
valeur de l'ensemble des actions qu'elle possède ;
- la société doit informer la COB des opérations qu'elle
envisage et lui rendre compte des acquisitions réalisées, tenir
un registre des achats et ventes et donner une information dans le rapport
annuel sur les opérations effectuées.
En outre, la COB a complété l'article 217-2 par son
règlement n° 90-04. Pour être présumées
légitimes, les opérations doivent avoir pour objectif de
"
réduire les fluctuations excessives de cours
". Les
interventions doivent être réalisées en
"
contre-tendance
" par rapport au dernier cours coté,
par l'intermédiaire d'une seule société de bourse et ne
pas dépasser le quart de la moyenne quotidienne du volume de
transactions constatées sur une période de
référence pendant l'intervention.
Si la société décide d'annuler les actions qu'elle a
acquises dans le cadre d'une intervention de régularisation, elle se
trouve soumise à la procédure des articles 215 et 216 et donc
confrontée au formalisme de cette procédure (voir
supra
).
Néanmoins, comme ces annulations s'effectuent sur des titres
déjà autodétenus, la doctrine dominante considère
que la société n'est pas tenue de faire une offre à
l'ensemble des actionnaires et que cette réduction du capital ne
requiert pas le dépôt d'une OPRA.
Cette procédure, assez spécifiquement française, est donc
largement inadaptée à l'objectif de gestion économique du
capital.
C'est dans ce contexte que s'est fait jour, depuis plusieurs années,
une demande de modernisation de cette législation.
B. UNE FORTE DEMANDE DE MODERNISATION
L'arrivée en masse d'investisseurs étrangers sur les
marchés financiers français s'est traduite par une importance
accrue accordée aux ratios de rentabilité des entreprises, mais
aussi à leur capacité à se recentrer sur leur coeur de
métier (
core business
) et à se défaire des
participations croisées. Par ailleurs l'importance de l'autofinancement,
dans un contexte de bas taux d'intérêt a conduit les entreprises
à s'interroger sur l'utilisation de leurs trésoreries. Ces deux
facteurs conjugués ont conduit entreprises et investisseurs à
demander un assouplissement du cadre juridique et fiscal des rachats d'actions
et de l'annulation de titres.
Cette demande a fait l'objet d'un examen précis de la part des pouvoirs
publics.
Déjà en juillet 1996, votre rapporteur, dans le cadre du rapport
sur la modernisation du droit des sociétés
49(
*
)
remis au Premier ministre avait
proposé "
d'améliorer et
(de)
compléter le
régime du rachat par une société de ses propres
actions
". Plus précisément, il était
recommandé :
- d'améliorer le régime juridique de la procédure de
régularisation de cours ;
- d'autoriser les sociétés à racheter leurs propres
actions à des fins différentes de la régulation de cours,
dans une limite globale définie par la loi ;
- de préciser la rédaction de l'article 217-9 relatif à
l'interdiction pour une société de consentir des prêts pour
l'achat de ses propres actions.
Plus récemment, la COB a mandaté un membre de son
collège, M. Bernard Esambert, afin de lui faire rapport sur cette
question. Le rapport de M. Esambert publié en janvier 1998 propose lui
aussi de "
libéraliser le rachat d'actions
" en
substituant au principe général de l'interdiction, un
régime d'autorisation, néanmoins encadré afin de garantir
la transparence et les droits des différentes parties prenantes à
l'opération.
Cette réforme utile à l'économie française est
rendue possible dans le cadre de la directive européenne.
1. Les motivations de la réforme
Outre la volonté de permettre une meilleure gestion financière
du capital, la réforme du cadre légal est justifiée par la
nécessité de mettre un terme aux détournements de
procédure constatés. A ces deux arguments, le gouvernement ajoute
deux arguments d'ordre macro-économiques dont la pertinence
mérite d'être soulignée.
a) Permettre une meilleure gestion financière du capital
Comme cela a déjà été indiqué, le rachat
d'actions est un outil de gestion financière sur le moyen terme,
à la disposition des dirigeants de l'entreprise. Il permet
notamment :
- d'arbitrer avec le paiement de dividendes ;
- de " piloter " les capitaux propres afin d'améliorer
mécaniquement les ratios de rentabilité et notamment le
célèbre "
return on equity " (ROE) ;
- d'optimiser l'allocation des ressources financières et d'abaisser le
coût moyen du capital ;
- de gérer la sortie du capital d'un actionnaire, sans peser sur le
cours de bourse (décroisement de participations, privatisation) ;
- d'empêcher la dilution liée à certaines opérations
de financement utilisant des titres donnant accès indirectement au
capital (obligations convertibles, obligations à bons de souscription
d'actions) ou de motivation des salariés (
stock options).
Enfin le rachat d'actions doit permettre le partage des richesses avec les
actionnaires en leur redistribuant une partie de la richesse accumulée.
b) Mettre fin aux détournements de procédure
Comme le met en évidence le rapport Esambert, l'inadaptation de la
législation actuelle favorise des pratiques de contournement. Sont ainsi
apparus des pratiques ou des montages visant à permettre des rachats
d'actions en dehors du cadre strict défini pour l'offre publique de
rachat d'actions.
En premier lieu, un certain nombre de montages juridiques permettent de
contourner l'interdiction pour une société d'accorder des
prêts en vue de l'achat de ses propres actions.
Surtout, l'interdiction du rachat de ses propres actions peut être
contournée par des opérations au sein d'un groupe par le biais
de filiales ou de sous-filiales.
Enfin, la COB a récemment eu connaissance de plusieurs projets visant
à permettre à une société de racheter ses propres
actions par l'utilisation de bons de cession, sans passer par la
procédure de l'offre publique de rachat.
c) Favoriser l'allocation du capital et renforcer les procédures
anti-OPA
Dans l'exposé des motifs du projet de loi, le gouvernement invoque la
nécessité "
d'optimiser l'allocation des flux
d'épargne au sein de l'économie française (...)".
" Grâce à cette technique, les sociétés ayant
atteint un stade de maturité avancé peuvent rendre leurs capitaux
excédentaires au marché, ce dernier finançant ainsi
l'investissement d'autres sociétés, en phase de croissance ou de
développement rapide. L'insuffisance du capital en France rend une telle
mesure particulièrement nécessaire afin de soutenir la croissance
en fonds propres des entreprises ".
Cette justification, reprise par le rapporteur général de
l'Assemblée générale, M. Didier Migaud,
50(
*
)
est sans conteste fondée.
On remarquera néanmoins que l'intérêt de cette
démonstration est moins de servir la réforme ponctuelle, et
à vrai dire assez technique qui nous occupe aujourd'hui, que de servir
de jalon dans l'histoire des idées politiques, puisqu'elle repose, de
façon très explicite, sur l'idée que le marché est
le moyen le plus efficace et le plus sûr de distribuer cette ressource
rare que constitue le capital.
Par ailleurs, il est également vrai que la procédure du rachat
d'actions peut servir à renforcer le système de défense
d'une société cotée dont les titres feraient, ou seraient
en passe de faire, l'objet d'une OPA. En effet, le rachat d'actions ayant pour
effet d'augmenter le cours des actions de la société en question,
celle-ci devient plus chère, et donc plus difficile à
acquérir, pour les éventuels acheteurs.
2. Le cadre général de la directive européenne
Les règles posées par la deuxième directive 77/91 du 13
décembre 1976 en matière de rachats d'actions dessinent un cadre
juridique plus libéral que la législation française.
Elle autorise en effet les rachats d'actions, indépendamment de toute
réduction de capital, dans la limite de 10 % du capital. Elle soumet
toutefois cette procédure aux conditions suivantes :
- l'autorisation d'acquérir doit être accordée par
l'Assemblée générale qui fixe les modalités
d'acquisition envisagées, et notamment, le nombre maximal d'actions
à acquérir, la durée pour laquelle l'autorisation est
accordée, celle-ci ne devant pas excéder 18 mois, et des
fourchettes de prix ;
- les acquisitions ne peuvent avoir pour effet que l'actif net devienne
inférieur au montant du capital souscrit augmenté des
réserves non distribuables.
Ce formalisme peut être évité lorsque
" l'acquisition d'actions propres est nécessaire pour
éviter à la société un dommage grave et
imminent
", c'est à dire en pratique la défense
anti-OPA. Dans cette hypothèse, c'est l'assemblée
générale suivante qui devra être informée des
raisons et des modalités des acquisitions effectuées.
Les actions qui ne sont pas acquises en vue d'une réduction du capital
doivent être cédées dans un délai de trois ans au
maximum. A défaut, les actions doivent être annulées.
Les titres autodétenus sont privés de droit de vote. La
société qui détient des titres en autocontrôle doit
par ailleurs mentionner dans un rapport de gestion les raisons des acquisitions
effectuées pendant l'exercice ainsi que le nombre et la valeur des
actions acquises et la fraction du capital qu'elles représentent.
S'agissant des rachats avec réduction du capital, la directive
prévoit seulement que toute réduction du capital soit
subordonnée à une décision de l'assemblée
générale à une majorité d'au moins les 2/3 des
actionnaires. Cette décision doit faire l'objet d'une publicité
et les droits des créanciers doivent être respectés.
Dans ce contexte, le présent article nous propose d'assouplir
considérablement le régime juridique du rachat d'actions.
II. LES AMÉNAGEMENTS PROPOSÉS PAR LE PRÉSENT ARTICLE
Le présent article comporte trois modifications par rapport au texte
existant :
A. LE PASSAGE D'UN PRINCIPE D'INTERDICTION À UN PRINCIPE
D'AUTORISATION
Le
2° du paragraphe I
du présent article propose de
modifier l'article 217 de la loi de 1966 qui, dans sa rédaction
actuelle, édicte l'interdiction pour une société de
souscrire ou d'acheter ses propres actions (alinéa premier), sauf cas de
réduction de capital non motivée par des pertes (deuxième
alinéa) et prévoit la sanction civile de libération des
actions souscrites ou acquises en violation de la loi (troisième et
quatrième alinéas).
Désormais cet article comprendrait deux paragraphes :
Le
paragraphe I
, comme antérieurement, interdira la
"
souscription
" par une société de ses propres
actions. Cette affirmation de principe tient au fait que la substance
même du capital social interdit qu'une société puisse se
faire à elle-même une promesse d'apport.
Ce paragraphe continuera d'assortir ce principe de sanctions civiles, mais
qui, par coordination, ne viseront plus que la souscription et non l'achat.
Par ailleurs, le régime des sanctions pénales attachées
à l'interdiction de racheter ses propres actions sera modifié en
conséquence
(9° et 10° du paragraphe I du présent
article).
En revanche, le deuxième alinéa qui, dans sa réduction
actuelle, prévoit la possibilité pour une société
de racheter ses propres actions en cas de réduction du capital non
motivée par des pertes, sera transféré dans un article
additionnel après l'article 217 : l'article 217 1 A.
Précisément, le
paragraphe II
du nouvel article 217
posera le principe de l'autorisation pour une société d'acheter
ses propres actions et renverra à d'autres articles la fixation de ses
modalités de mise en oeuvre. En vertu du second alinéa de ce
même paragraphe, le rachat d'actions devra impérativement
transiter par un intermédiaire financier agréé et non par
un prête-nom.
Il y aurait donc désormais trois procédures de rachat
d'actions :
- l'ancienne procédure de rachat avec réduction du capital non
motivée par des pertes, dont les formalités sont très
légèrement allégées ;
- l'ancienne procédure de rachat d'actions pour les salariés qui
reste inchangée ;
- une nouvelle procédure simplifiée de rachat, susceptible de
déboucher sur une réduction du capital, mais dans une limite
globale de 10 % du capital social fixée par la loi, et qui se substitue
à l'ancienne procédure de rachat en vue de régularisation
de cours.
B. L'INSTITUTION D'UNE PROCEDURE SIMPLIFIEE DE RACHAT D'ACTIONS POUR LES
SOCIETES COTEES EN REMPLACEMENT DE L'ANCIENNE PROCEDURE DE ACTION EN
REGULARISATION DE COURS
1. Le régime juridique
Cette nouvelle procédure
sera fixée par l'article 217-2
de la loi de 1966 et
ne sera ouverte qu'aux sociétés
dont
les titres sont admis aux négociations sur un marché
réglementé, c'est à dire les sociétés
cotées
. Le rachat devra, en principe, intervenir " en
bourse ", du fait de l'obligation de concentration des transactions sur
instruments financiers négociés sur un marché
réglementé (article 45 de la loi financière).
La décision de recourir à cette procédure sera de la
compétence de l'assemblée générale ordinaire
et
devra prévoir
:
-
les finalités de l'opération
. Il s'agit des objectifs
généraux de l'opération qui pourront être, par
exemple, la correction d'un excès de fonds propres ou la
régularisation du cours des actions ;
-
ses modalités
. Parmi celles-ci devront figurer obligatoirement
la durée
pendant laquelle le directoire ou le conseil
d'administration, selon le cas, sera autorisé à proposer une
offre de rachat
et le plafond de l'offre
. Cette offre devra
nécessairement intervenir dans un
délai de dix-huit mois
à compter de la date de l'autorisation donnée par
l'assemblée. Quant au
plafond, il ne pourra excéder 10 % du
capital
. Comme on peut le constater, plafond et durée sont
directement repris de la deuxième directive précitée du
Conseil du 13 décembre 1976. En revanche, et contrairement au texte
actuel, l'autorisation de l'assemblée ne devra plus
nécessairement fixer les prix maximum d'achat minimum de vente, le
nombre maximum d'actions à acquérir.
L'Assemblée nationale a souhaité compléter les
formalités obligatoires de cette procédure par l'information du
comité d'entreprise.
Le deuxième alinéa du texte proposé prévoit que
"
l'acquisition, la cession ou le transfert
"
des
actions pourra être effectué "
par tous moyens
".
Cette expression est destinée à lever l'ambiguïté
actuelle résultant de la rédaction de l'article 217-2 qui ne vise
que les cas de cession et de transfert et pas les cas d'acquisition
51(
*
)
. Elle a également pour objet
de prévoir le cas où, par dérogation à la
règle de concentration, les actions seraient acquises,
cédées ou transférées hors marché.
Les actions rachetées pourront donc soit être vendues ou
transférées, soit annulées, mais à la
différence de la procédure actuelle, il ne sera plus
nécessaire dans ce cas de recourir à la procédure de
l'offre publique de retrait prévue par les articles 215 et 216, comme
c'est le cas actuellement, même si les règles
générales de la procédure de réduction du capital
s'appliqueront (voir
supra
). Il s'agit là de la principale
modification apportée par ce texte.
L'annulation des actions rachetées est soumise à une
autorisation, ou directement décidée, par l'assemblée
générale extraordinaire.
En cas d'annulation,
un rapport spécial des commissaires aux
comptes
sur l'opération devra être communiqué
directement aux actionnaires de la société dans un délai
fixé par décret.
Par ailleurs,
la société devra informer, chaque mois, le CMF
des achats, cessions, transferts et annulations ainsi
réalisés, lequel portera ces informations "
à la
connaissance du public
".
On observera à cet égard que le dispositif proposé ne
règle pas la question du chevauchement de compétence entre la COB
et le CMF, puisque l'article 217-5 qui prévoit que "
les
sociétés doivent déclarer à la Commission des
opérations de bourse les opérations qu'elles envisagent
d'effectuer en application des dispositions de l'article 217-2 (...)
"
demeure inchangé.
Les possibilités d'utiliser la procédure de rachat d'actions
pour abonder les plans de participation, d'intéressement ou encore pour
accorder des options d'achat d'actions (
stock options
) demeurent
inchangées.
Enfin, la modification de l'article 217-3 prévue par le
6° du
I
du présent article, prévoit, afin de lever toute
ambiguïté, de reprendre l'obligation déjà
prévue à l'article 164 de la loi de 1966 et selon lequel, les
actions autodétenues sont privées de droit de vote.
2. Le régime fiscal
Actuellement, le régime fiscal des opérations de rachat
d'actions résulte de la combinaison des articles 109, 112 et 160 ter du
code général des impôts (CGI).
L'article 109 pose le principe que ces gains constituent une distribution de
revenus et relèvent en conséquence de l'application du
barème progressif. Toutefois, ces gains n'ouvrent pas droit au
bénéfice de l'avoir fiscal.
Par dérogation à cet article 109, l'article 112, 6°
prévoit que, dans les cas de rachat d'actions pour régularisation
de cours ou à des fins de participation des salariés, les gains
retirés du rachat sont soumis au régime plus avantageux des
plus-values de cessions sur valeurs mobilières.
L'article 160 ter est redondant avec l'article 109 puisqu'il prévoit
que les gains retirés de rachats d'actions résultant de la
procédure de régularisation de cours ou de participation des
salariés sont " exonérés du revenu ". Cette
rédaction ambiguë ne signifie pas qu'il s'agit d'une
exonération d'impôt, mais uniquement de la non application du
barème progressif sur le revenu selon les règles des plus-values.
La situation actuelle est donc la suivante :
- rachat avec réduction du capital non motivée par des
pertes : imposition au barème ;
- rachat, sans réduction du capital, à des fins de
régularisation de cours : imposition selon le régime des
plus-values ;
- rachat, sans réduction du capital, à des fins de participation
des salariés : imposition selon le régime des plus-values.
Le présent article prévoit de confirmer ce dispositif pour ce
qui est du rachat non motivé par des pertes et du rachat à des
fins de participation des salariés.
Par ailleurs, il ferait bénéficier le nouveau régime de
l'article 217-2 de rachat simplifié, du régime actuel du rachat
à des fins de régularisation des cours.
Enfin, il supprimerait les dispositions de l'article 160 ter du CGI afin de
lever toute ambiguïté sur l'absence d'exonération.
Il s'en suit que des opérations de rachat avec réduction du
capital pourront être :
- soit taxées au barème si elles ont lieu dans le cadre de la
procédure générale de rachat non motivé par des
pertes et pouvant porter sur plus de 10 % du capital ;
- soit taxées au régime des plus-values, si elles ont lieu dans
le cadre de la procédure de rachat simplifié, ne pouvant porter
que sur 10 % au plus du capital.
C. L'ALLEGEMENT DE LA PROCEDURE DE RACHAT D'ACTIONS NON MOTIVE PAR DES
PERTES
Cette procédure, désormais fixée par l'article 217-1-A de
la loi de 1966, serait très légèrement modifiée sur
deux points :
En premier lieu, le rapport des commissaires aux comptes sur le projet de
réduction du capital devrait être désormais
communiqué à chaque actionnaire dans un délai fixé
par décret (modification résultant du
1° du paragraphe
I
du présent article).
En second lieu, l'interdiction actuelle de recourir à cette
procédure en cas d'existence d'un emprunt obligataire complexe non
encore abouti en titres de capital, serait supprimée (
6 et le
7° du paragraphe I du présent article
). Ainsi, un rachat
d'actions avec réduction du capital, non motivé par des pertes,
serait possible même en présence :
- d'obligations à bons de souscription en cours de
validité ;
- d'obligations convertibles en actions ;
- d'obligations échangeables en actions non encore
échangées ou remboursées.
Décision de votre commission : Votre commission vous demande
d'adopter le présent article sans modification.
Section 8
Dispositions relatives à Mayotte
et Saint-Pierre-et-Miquelon
ARTICLE 31
Dispositions relatives à Mayotte et
Saint-Pierre-et-Miquelon
Commentaire : le présent article propose des
modifications permettant l'émission et la mise en circulation de l'euro
dans les collectivités territoriales de Mayotte et de
Saint-Pierre-et-Miquelon.
Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon sont les deux collectivités
territoriales d'outre-mer de la République française à
statut spécial. Elles sont associées à la
Communauté européenne en vertu de l'article 227 alinéa 3
du Traité de Rome mais, contrairement aux départements
d'outre-mer, elles n'étaient pas expressément visées par
les dispositions du Traité sur l'Union européenne.
Les modifications apportées par le présent article permettront
l'introduction de l'euro dans ces deux collectivités, en même
temps que dans les départements d'outre-mer.
I - LA SITUATION ACTUELLE
Les textes législatifs actuels doivent être modifiés afin
de permettre l'émission et la mise en circulation de l'euro à
Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Dans l'état actuel du droit français, deux obstacles s'y
opposent :
- la référence au " signe monétaire
français " dans les textes relatifs aux régimes
monétaires de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon,
- l'existence de deux instituts d'émission différents : l'IEDOM
à Saint-Pierre-et-Miquelon, qui assurera l'introduction de l'euro dans
ce territoire et dans les départements d'outre-mer, où il est
également présent ; et l'IEOM à Mayotte.
A. LA RÉFÉRENCE AU " SIGNE MONÉTAIRE
FRANÇAIS "
Les textes actuels
52(
*
)
prévoient que la monnaie ayant cours légal et pouvoir
libératoire à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon est le
" signe monétaire français ", qui désigne
aujourd'hui le franc français.
Cette situation est incompatible avec l'introduction de l'euro qui n'est pas
un " signe monétaire français ".
En outre, le mot " franc " subsistera dans les territoires
d'outre-mer, où ne circulera pas l'euro. La référence au
" signe monétaire français " pourrait donc se
révéler trompeuse par rapport au franc CFP (change franc
Pacifique).
B. LA COMPÉTENCE CONTESTABLE DE L'IEOM A MAYOTTE
1. L'IEOM à Mayotte
A Mayotte, la circulation du franc français est assurée par
l'Institut d'émission d'outre-mer (IEOM). Cet établissement
public à caractère industriel ou commercial a été
créé par la loi de finances rectificative pour 1966 et sa
compétence a été étendue à Mayotte par deux
lois portant diverses dispositions d'ordre économique et financier de
1977 et 1991.
Dans les territoires du Pacifique pour lesquels il est également
compétent, l'IEOM met en circulation les francs CFP.
2. L'IEDOM à Saint-Pierre-et-Miquelon et dans les départements
d'outre-mer
A Saint-Pierre-et-Miquelon, la circulation du franc français est
assurée, comme dans les départements d'outre-mer, par l'Institut
d'émission des départements d'outre-mer (IEDOM). Cet
établissement public à caractère industriel ou commercial
a été créé par l'ordonnance de 1959 portant
réforme du régime de l'émission dans les
départements de la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et la
Réunion. Saint-Pierre-et-Miquelon relève de l'IEDOM depuis une
loi de 1976 (en effet, ce territoire a été un département
d'outre-mer à part entière entre 1976 et 1985).
C'est l'IEDOM qui assurera l'introduction de l'euro dans les
départements d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon.
3. Il semble peu justifié de maintenir Mayotte dans le champ de
compétence de l'IEOM
Comme l'a souligné la Cour des Comptes dans deux rapports de 1996
consacrés à l'IEDOM et à l'IEOM, il paraît peu
cohérent de conserver deux instituts d'émission différents
ayant dans les départements d'outre-mer, ainsi qu'à
Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte des missions similaires.
Cette anomalie pourrait être résolue en élargissant la
compétence de l'IEDOM à Mayotte au détriment de l'IEOM qui
se limiterait aux territoires d'outre-mer.
II - LE PROJET DU GOUVERNEMENT
Le présent article propose de créer les conditions de la mise en
circulation de l'euro à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon en
introduisant dans leurs régimes monétaires respectifs la notion
de " signe monétaire métropolitain " et en faisant
entrer Mayotte dans le champ de compétence géographique de
l'IEDOM.
A. LA RÉFÉRENCE AU " SIGNE MONÉTAIRE
MÉTROPOLITAIN "
Les paragraphes I et II
proposent de remplacer l'ancienne
référence aux " signes monétaires
français ", qui ne permet pas l'introduction de l'euro, par une
référence aux " signes monétaires ayant cours
légal et pouvoir libératoire dans la métropole ",
c'est à dire le franc français dans un premier temps, auquel
devrait se substituer l'euro.
Ce seront désormais ces signes métropolitains qui auront cours
légal et pouvoir libératoire, dans les mêmes conditions,
à Mayotte (
paragraphe I
) et à Saint-Pierre-et-Miquelon
(
paragraphe II
).
B. LE TRANSFERT DE COMPÉTENCE DE L'IEOM A L'IEDOM
1. Rôles respectifs de l'IEDOM et de l'IEOM après l'introduction
de l'euro
C'est l'IEDOM qui sera chargé de l'introduction de l'euro dans les
départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à
Mayotte.
Le paragraphe I
propose donc que l'IEDOM assure, à Mayotte,
à partir d'une date fixée par décret, la mise en
circulation des signes monétaires métropolitains, dans les
mêmes conditions que dans les départements d'outre-mer et à
Saint-Pierre-et-Miquelon. Il s'agit d'une extension de la compétence
géographique de l'IEDOM.
L'IEOM restera compétent pour les territoires d'outre-mer, qui ne
participeront pas à l'euro et continueront à utiliser le franc
CFP.
2. Les modalités du transfert de compétence entre l'IEOM et
l'IEDOM à Mayotte
Le transfert de compétences entre l'IEOM et l'IEDOM concernant Mayotte
est proposé aux
paragraphes I et III
(abrogation des articles des
lois de 1977 et 1991 précitées qui établissaient la
compétence de l'IEOM sur Mayotte).
Le paragraphe I
propose que les conditions du transfert, avec notamment
la question des modalités de la mise à disposition des
réserves de billets, des services et des installations, fassent l'objet
d'un décret pris après avis du collège des censeurs de
l'IEDOM et de l'IEOM. Les collèges de censeurs, chargés du
contrôle de ces instituts d'émission, se composent du commissaire
du gouvernement auprès de la Caisse française de
développement et du représentant de la Banque de France.
Ce transfert ne devrait pas rencontrer d'obstacles techniques majeurs que ce
soit en matière de personnel, d'installations, ou de services.
C. LA CONTRAINTE DE TEMPS
L'article 34 du présent projet de loi prévoit que le transfert
devra être achevé avant le 1
er
janvier 1999 (date
prévue d'introduction de l'euro en France) ou, si elle est
différente, à la date à laquelle la France participe
à la monnaie unique. L'organisation de l'émission
monétaire à Mayotte devra donc être en place pour
l'introduction de l'euro. La relative simplicité de ce transfert devrait
permettre le respect de cette contrainte de temps.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter
le présent article sans modification.
ARTICLE 31 bis (nouveau)
Dépôt d'un rapport du
Gouvernement relatif aux garanties de prêts en faveur du logement locatif
à Mayotte
Commentaire : le présent article additionnel propose
la présentation par le Gouvernement d'un rapport au Parlement relatif
aux conditions de garantie des prêts en faveur du logement locatif
à Mayotte.
La collectivité territoriale de Mayotte connaît actuellement une
situation préoccupante en matière de financement du logement
locatif, imputable à des difficultés du Crédit Foncier de
France (CFF).
Cette situation a motivé le dépôt d'un amendement à
l'Assemblée nationale imposant au Gouvernement la présentation,
avant le 1
er
janvier 1999, d'un rapport sur les conditions de
garantie des prêts en faveur du logement locatif à Mayotte.
I - LA SITUATION ACTUELLE
A. LES CONSÉQUENCES DU RETRAIT DU CREDIT FONCIER DE FRANCE
La collectivité territoriale de Mayotte connaît une forte
croissance démographique justifiant un effort particulier dans le
domaine du logement locatif.
Or, la collectivité territoriale n'a pas les ressources
financières suffisantes pour garantir à 100% les emprunts
immobiliers. C'est pourquoi, le législateur
53(
*
)
a autorisé l'Etat à
apporter sa garantie à hauteur de 50 % des encours des prêts
consentis par le CFF en faveur du logement locatif pour les demandes de
garanties présentées avant le 30 juin 1999.
Les difficultés financières rencontrées par le CFF l'ont
amené à arrêter son activité dans les DOM-TOM, ce
qui, à Mayotte, a eu des conséquences graves dans la mesure
où celui-ci constituait la seule source de financement du logement
locatif.
B. LES NOUVELLES PISTES DE RÉFLEXION
Deux autres organismes financiers sont susceptibles de se substituer au CFF
dans le financement du logement locatif : la Caisse française de
développement (CFD) et la Caisse des dépôts et
consignations (CDC).
Actuellement, la CFD octroie des prêts sur Mayotte, garantis à 50
% par la collectivité territoriale, sans exiger de garantie de l'Etat.
La CDC, pour sa part, propose de se substituer au CFF à condition de
bénéficier également d'une procédure extraordinaire
de garantie par l'Etat de ses prêts à Mayotte.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Dans ce contexte, le présent article propose de prévoir la
remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement, avant le 1
er
janvier 1999.
Plus concrètement, il s'agit de lancer une réflexion sur la
possibilité pour un organisme financier, la CDC ou la CFD, de se
substituer au CFF afin de permettre la reprise du programme de logements
locatifs à Mayotte bénéficiant d'une garantie de l'Etat
à hauteur de 50 %.
Il semble résulter des débats à l'Assemblée
nationale, que le Gouvernement privilégierait l'activité de la
CFD à Mayotte ce qui éviterait à l'Etat d'avoir à
apporter une garantie. En effet, M. Dominique Strauss-Khan, ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie, a refusé de reprendre
à son compte un amendement de M. Henry Jean-Baptiste prévoyant la
garantie de l'Etat.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter
cet article additionnel sans modification.
Section 9
Autres dispositions
ARTICLE 32
Fonctionnement du Conseil des marchés
financiers
Commentaire : le présent article propose d'assouplir
certaines règles de fonctionnement du Conseil des marchés
financiers.
Autorité professionnelle dotée de la personnalité morale,
le Conseil des marchés financiers (CMF) est issu de la fusion du Conseil
des bourses de valeur (CBV) et du Conseil des marchés à terme
(CMT), réalisée par la loi financière du 2 juillet 1996
54(
*
)
.
Il est composé de 16 membres, professionnels des marchés, et
élit son président en son sein. Un représentant de la
Banque de France et un commissaire du Gouvernement assistent également
aux délibérations, sans voix délibérative.
Le Conseil dispose de larges pouvoirs de contrôle et de
réglementation. En outre, il joue un rôle important en
matière d'agrément.
En matière de réglementation
55(
*
)
, il est compétent, notamment,
pour édicter les règles de " bonne conduite "
applicables aux prestataires de services d'investissement, aux entreprises
d'investissement et aux chambres de compensation, ainsi que les principes
généraux d'organisation et de fonctionnement que doivent
respecter les marchés réglementés. De même, il est
compétent pour établir les règles relatives aux
opérations financières et, notamment, les procédures
d'offre publique obligatoire et de retrait obligatoire.
En matière de contrôle
56(
*
)
, il est chargé de veiller au
respect par les prestataires de services d'investissement exerçant leurs
activités en France, les entreprises de marché et les chambres
de compensation, des règles de bonne conduite qui leur sont applicables
en vertu des lois et règlements en vigueur. Il veille également
à la régularité des opérations effectuées
sur les marchés réglementés.
Enfin, en matière de délivrance des agréments
57(
*
)
, il est chargé d'approuver le
" programme d'activité " que sont obligés de
déposer les candidats à l'agrément de prestataire de
services d'investissement, pour tous les services autres que la gestion pour
compte de tiers.
A l'issue de 18 mois de fonctionnement
58(
*
)
, il apparaît opportun
d'assouplir les règles de fonctionnement de cet organisme, afin de lui
permettre de remplir sa mission dans les conditions de rapidité
exigées par le fonctionnement des marchés financiers.
I. LA SITUATION ACTUELLE
Le législateur et le Gouvernement, tout en élargissant
considérablement les pouvoirs de cette autorité professionnelle,
ont souhaité encadrer fortement son fonctionnement. Or cet encadrement
s'est révélé en pratique d'autant plus contraignant qu'il
a été renforcé par le juge.
A. DES RÈGLES DE FONCTIONNEMENT CONTRAIGNANTES
Le Gouvernement a prévu, dans l'article 3 du décret du 3 octobre
1996
59(
*
)
, la démission
d'office des membres absents trois fois consécutives. On observera que
cette disposition a déjà trouvé à s'appliquer. Par
ailleurs, les règles relatives au quorum ne permettent pas au CMF de
délibérer lorsque moins de la moitié de ses membres est
présente. Enfin, le Conseil étant l'instance de décision,
il n'est pas prévu de délégation de pouvoirs au profit du
président notamment en matière de décisions individuelles,
contrairement à ce qui est prévu, par exemple, pour la Commission
des opérations de bourse (COB).
Toutefois, la réglementation applicable ménage quelques
éléments de souplesse. Ainsi, le président du CMF peut
déléguer certains de ses pouvoirs propres à un autre
membre du Conseil. En outre, chaque membre du CMF a la faculté de donner
mandat à un autre membre de voter en son nom lors des réunions.
Par ailleurs, et sauf exceptions prévues par la loi, les
décisions du Conseil sont prises à la majorité simple des
membres présents et non à la majorité qualifiée.
Enfin, le Conseil avait recours très fréquemment à une
procédure de consultation écrite de ses membres. Mais cet
élément de souplesse a disparu à la suite d'un arrêt
de mai 1997 de la Cour d'appel de Paris censurant une décision prise
selon cette procédure.
B. DES CONTRAINTES RENFORCÉES PAR LE JUGE
Par dérogation au principe de collégialité, selon lequel
toute décision doit être délibérée
collectivement, le CMF a utilisé la procédure de la consultation
écrite. Ce type de consultation, à vrai dire assez
fréquent dans les organismes publics ou semi-publics, était
déjà utilisé, sans texte, par le CBV. En la reprenant dans
son règlement général
60(
*
)
, le CMF n'a fait que donner une base
écrite à une pratique utilisée par son
prédécesseur
61(
*
)
.
Par un arrêt du 28 mai 1997, la Cour d'appel de Paris a annulé
une décision du CBV prise par consultation écrite. A la suite de
cet arrêt, le CMF a donc mis fin à toute utilisation de cette
procédure de consultation écrite.
Or, cette nouvelle situation rend le fonctionnement du CMF très
difficile pour deux raisons.
D'une part, le CMF rend de très nombreuses décisions
62(
*
)
et le plus souvent dans l'urgence
(le délai habituel est de 5 jours de bourse).
D'autre part, ses membres, étant des professionnels, exercent des
responsabilités extérieures qui ne leur laissent que peu de
disponibilité pour assister aux travaux.
II. LE PROJET DU GOUVERNEMENT
Afin de redonner une certaine souplesse de fonctionnement au CMF, le
présent article propose :
- de donner une base légale à la procédure de consultation
écrite,
- de rendre facultative la présence du représentant de la Banque
de France aux délibérations du CMF,
- d'autoriser des délégations de pouvoir du Conseil à son
président.
A. LA CONSULTATION ÉCRITE
Dans un premier temps, afin de donner une base réglementaire plus
solide à la procédure de consultation écrite du CMF, le
Gouvernement avait décidé de compléter le décret du
3 octobre 1996. Le Conseil d'Etat, saisi pour avis de ce projet de
décret, a rendu un avis négatif
63(
*
)
, estimant que seule la loi pouvait
apporter de telles modifications.
C'est pourquoi le
2° du paragraphe I
du présent article
complète l'article 27 de la loi financière de 1996 afin de
permettre au Conseil de " statuer par voie de consultation
écrite ".
Deux conditions encadrent cette possibilité.
D'une part, il faut qu'il y ait "
urgence constatée par
(le)
président
", la délibération
collective lors de réunions du Conseil demeurant le mode de
fonctionnement normal.
D'autre part, cette consultation ne doit pas concerner des décisions
prises en matière disciplinaire, pour lesquelles une
délibération collective du Conseil est obligatoire.
Le
3° du même paragraphe
du présent article renvoie
à un décret en Conseil d'Etat le soin de préciser
" les modalités de déroulement des consultations
écrites "
64(
*
)
.
B. LA PRÉSENCE FACULTATIVE DU REPRÉSENTANT DE LA BANQUE DE
FRANCE AUX DÉLIBÉRATIONS DU CMF
Le 1° du paragraphe I
du présent article modifie l'article
27 de la loi financière de 1996 afin de rendre facultative la
présence du représentant de la Banque de France aux
délibérations du Conseil.
Cette disposition s'explique vraisemblablement par le fait que la
présence du représentant de la Banque de France n'apparaît
pas nécessaire lors des délibérations qui ne portent pas
sur des questions monétaires.
C. LES DÉLÉGATIONS DE POUVOIR AU PRÉSIDENT
Le paragraphe II
du présent article insère un article 27-1
dans la loi financière de 1996 afin d'autoriser le Conseil à
déléguer à son président, ou à son
représentant, membre du Conseil, le pouvoir de prendre des
décisions individuelles.
Plusieurs conditions encadrent cette nouvelle disposition :
1- cette faculté ne s'exerce que pour des décisions individuelles
concernant des organismes soumis au contrôle du CMF ;
2- elle ne s'exerce pas en matière disciplinaire ;
3- une
" information préalable du commissaire du
gouvernement "
est obligatoire ;
4- le règlement général du CMF fixera les conditions et
les limites dans lesquelles ces délégations de pouvoir pourront
s'exercer
65(
*
)
.
L'Assemblée nationale a adopté l'article 32 avec deux
amendements de correction d'erreurs de référence.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter
cet article sans modification.