EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le jeudi 12 novembre 1998 sous la
présidence de
M. François Trucy, secrétaire, la commission a
examiné, sur le rapport de M. Roger Besse, les crédits de
l'aménagement du territoire pour 1999.
M. Roger Besse, rapporteur spécial, a précisé que les
crédits inscrits au budget de l'aménagement du territoire pour
1999 s'établissent à 1.799,3 millions de francs, en baisse de
-0,35 % par rapport à l'exercice précédent, et que les
autorisations de programme s'élèvent à 1.600,70 millions
de francs, en baisse de -1,35 %.
Ces crédits, a-t-il indiqué, se répartissent entre trois
grandes masses.
Il a précisé que, si les crédits du titre III,
consacrés aux moyens de fonctionnement de la DATAR, présentent,
avec 108,76 millions de francs, une hausse de 23,45 %, cette progression est en
réalité optique, s'expliquant par le changement d'imputation
budgétaire d'une enveloppe de 18 millions de francs de crédits
d'étude, naguère financée par les dotations du FNADT, au
titre VI, et dorénavant imputée sur un chapitre distinct du titre
III. Pour le reste, a-t-il ajouté, les effectifs de la DATAR sont
stables, et ses moyens de fonctionnement sont reconduits au niveau de l'an
dernier.
Evoquant ensuite les dotations consacrées à la prime
d'aménagement du territoire, qui s'établissent à 315
millions de francs en crédits de paiement, il s'est
déclaré moins préoccupé par le léger
tassement des crédits que par le caractère récurrent des
reports de crédits qui lui semble confirmer une fois de plus
l'inadéquation des critères d'éligibilité de cette
prime aux caractéristiques des zones qu'elle concerne.
Il a relevé la baisse des dotations du fonds national
d'aménagement du territoire, au titre IV comme au titre VI.
Il a ensuite rappelé que la politique d'aménagement du
territoire, par nature interministérielle, bénéficiait
également des concours financiers apportés par d'autres
ministères, qui devraient s'élever en 1999 à un peu plus
de 54 milliards de francs, en hausse de 1,25 %. Il a
énuméré quelques-unes des principales contributions, dont
il a rapidement présenté le contenu. Il a précisé
également l'évaluation, faite par le Gouvernement, de la
dépense fiscale correspondant au coût des exonérations dans
les zones relevant de la géographie prioritaire. Puis, il a tracé
le bilan des fonds créés par la loi d'orientation de 1995 : fonds
d'investissement des transports terrestres et des voies navigables (FITTVN),
fonds de péréquation des transports aériens (FPTA), fonds
de gestion de l'espace rural (FGER) dont il a déploré vivement la
suppression, fonds national de développement des entreprises dont il a
regretté le lancement tardif et timide.
Le rapporteur a ensuite insisté sur l'importance des apports
effectués par les fonds structurels européens -plus de 11
milliards de francs en 1999- dont il a rappelé les objectifs et les
mécanismes, déplorant à ce propos la lourdeur de certains
circuits administratifs qui débouche sur un phénomène de
sous-consommation de ces crédits. Il a jugé celui-ci regrettable
et inquiétant, particulièrement dans le contexte actuel de la
réforme de la politique structurelle européenne.
M. Roger Besse a ensuite résumé ses principales observations.
Il a d'abord constaté que le projet de budget pour 1999 se contente de
reproduire, pour l'essentiel, le montant des crédits votés
l'année dernière. Il a ensuite estimé que l'assainissement
de la gestion de la prime d'aménagement du territoire passe par une
réforme de ses critères d'éligibilité qui la mette
davantage à la portée de ses utilisateurs potentiels en milieu
rural. Evoquant les signes d'une évolution possible du Gouvernement, il
a incité la commission à ne pas relâcher sa pression pour
obtenir rapidement des avancées sur ce sujet. Revenant sur le
problème posé par la sous-consommation des crédits
européens, il a exprimé son intention d'inviter le Gouvernement
à assouplir sans tarder les procédures applicables. Abordant les
orientations générales de la politique d'aménagement du
territoire, il a déploré une attitude qui a conduit le
Gouvernement à vider de leur contenu plusieurs dispositions de la loi d
'orientation de 1995 sur l'aménagement et le développement du
territoire. Il s'est également inquiété de l'insistance
avec laquelle celui-ci vante le "rôle structurant des villes" dont il a
craint qu'il ne constitue l'alibi d'un abandon du monde rural.
Le rapporteur spécial a ensuite évoqué le problème
de calendrier que soulève l'élaboration des prochains contrats de
plan Etat-régions. Ceux-ci devront très vraisemblablement
être négociés par les régions, avant que les
structures juridiques des "pays" et "agglomérations" sur lesquels ils
reposeront largement, n'aient été créées par le
projet de loi d'orientation sur l'aménagement et le développement
durable du territoire.
Citant des propos tenus devant l'Assemblée nationale, et qui montrent
l'intention du Gouvernement de déclarer l'urgence pour
accélérer la discussion de ce projet, il a invité le
Sénat à se monter vigilant et a refusé que l'on escamote
un débat parlementaire qu'il juge essentiel.
Enfin, évoquant le problème du maintien des services publics en
milieu rural, il a jugé nécessaire une clarification de
l'attitude du Gouvernement qui, tout en prétendant maintenir en vigueur
le moratoire sur les fermetures, semble renouer avec la suppression de certains
services publics de proximité : écoles, collèges, bureaux
de poste et brigades de gendarmerie.
Au cours du débat qui a suivi cette présentation, M. Philippe
Marini, rapporteur général, a déclaré partager les
préoccupations exprimées par le rapporteur spécial, tout
particulièrement pour ce qui touche aux effectifs de police et de
gendarmerie et à leur redéploiement éventuel.
A sa demande, M. Roger Besse lui a précisé les critères
que semble privilégier le Gouvernement dans sa réflexion :
ceux-ci se rapportent à la superficie des territoires couverts et aux
statistiques relatives aux crimes et délits.
M. Jean-Pierre Demerliat a rappelé les éléments qui feront
de 1999 une année charnière pour l'aménagement du
territoire : discussion et vote du projet de loi sur l'aménagement et le
développement durable du territoire, réforme des fonds
structurels européens, mise en oeuvre de la loi d'orientation agricole.
Convenant avec le rapporteur spécial du caractère
préoccupant de la sous-consommation des dotations des fonds
européens, il a précisé que celle-ci touchait
inégalement les différentes régions, et a cité
l'exemple du Limousin qui est parvenu à utiliser tous les crédits
disponibles. Il s'est, en outre, félicité de la poursuite de la
politique de délocalisation des emplois, souhaitant que cet effort soit
poursuivi à l'avenir.
M. Denis Badré s'est préoccupé de la diminution du poids
relatif des crédits de la DATAR au sein de l'ensemble des crédits
consacrés à la politique d'aménagement du territoire.
Revenant sur la politique structurelle européenne, il a rappelé
que la France participe à son financement dans une proportion
supérieure au montant des versements, certes importants, qu'elle en
reçoit, et a souhaité que ces transferts européens ne
servent pas d'alibi pour masquer une absence de politique nationale
d'aménagement du territoire. Il a redouté, en outre, que les
retards pris en matière de consommation des crédits ne
s'accentuent encore en 1999. Evoquant les vicissitudes rencontrées par
différents instruments du ministère de l'agriculture, dont le
dernier avatar est la disparition du fonds de gestion de l'espace rural au
profit des contrats territoriaux d'exploitation, il s'est demandé si ce
ministère n'est pas tenté de renoncer à une vision globale
des problèmes du monde rural pour se concentrer sur ceux de
l'exploitation agricole.
M. Michel Sergent a remarqué que la sous-consommation des crédits
affectait les versements structurels, tout comme ceux du fonds national
d'aménagement du territoire, et a estimé qu'il fallait en
rechercher la raison dans l'inutile complexité des procédures.
En réponse à M. François Trucy, M. Roger Besse a ensuite
précisé les critères d'éligibilité du fonds
de péréquation des transports aériens, et décrit
les modalités de son fonctionnement, déplorant toutefois que
l'appui apporté aux compagnies aériennes concernées ne
puisse avoir pour effet de permettre une baisse du prix des billets.
Il a précisé ensuite à M. Denis Badré que,
d'après le Gouvernement, les versements européens peuvent
être consommés jusqu'en 2001.
En conclusion, le rapporteur spécial a rappelé les insuffisances
notoires d'un projet de budget très proche de celui
présenté en 1998, et dont il avait alors demandé le rejet.
Celui-ci ne lui a pas semblé de nature à redonner un nouvel
élan à la politique d'aménagement du territoire,
même s'il a tenu à saluer les perspectives encourageantes qui
semblent être sur le point de s'ouvrir en matière de
réforme de la prime d'aménagement du territoire. S'inscrivant
dans la ligne définie par la commission qui propose un budget
alternatif, il a invité celle-ci à ne pas rejeter, dans ces
conditions, le budget de l'aménagement du territoire.
La commission a suivi les conclusions de son rapporteur spécial, et a
adopté les crédits de l'aménagement du territoire inscrits
dans le projet de loi de finances pour 1999.