C. LES RÉFORMES ANNONCÉES
Lors du
comité interministériel de sécurité routière
(CISR) du 26 novembre 1997, le gouvernement a annoncé que la
sécurité routière devenait une priorité de son
action, ce dont votre rapporteur ne peut que se féliciter.
Le gouvernement a par ailleurs indiqué que son objectif était
de réduire de moitié en cinq ans le nombre de tués sur la
route.
Cet objectif a été défini à la suite d'une
étude publiée en juillet par l'observatoire
interministériel de sécurité routière (ONISER), qui
tend à démontrer que le nombre des tués ne tomberait
autour de 4.000 qu'à partir de 2010, si la tendance actuelle se poursuit
et si les efforts présents sont maintenus.
A cet effet, le gouvernement a annoncé
25 mesures
, portant
principalement sur le renforcement de la répression des infractions
routières d'une part, sur l'amélioration de la formation à
la conduite et à la sécurité routière, d'autre part.
Plus d'un an après, seules trois de ces mesures sont
concrètement en vigueur. Votre rapporteur regrette donc le
décalage entre l'annonce de nouvelles mesures d'une part, et leur
traduction législative, réglementaire et budgétaire,
d'autre part
. Ce décalage brouille la communication de la
sécurité routière, en donnant aux conducteurs un sentiment
temporaire d'impunité ; il réduit la
légitimité des mesures "
si elles étaient vraiment
indispensables, on les aurait mis en oeuvre plus tôt
" ; enfin,
il ne peut que démobiliser les agents de l'Etat qui seront
chargés de la mise en oeuvre des mesures, ainsi que les partenaires
institutionnels de la sécurité routière, notamment les
collectivités locales.
1. Les mesures effectives
Promouvoir la sécurité dans les
écoles et
les établissements scolaires : un CD-ROM destiné aux
enseignants et aux élèves est diffusé depuis le
26 novembre 1998. Les moyens financiers de cette opération
paraissent toutefois insuffisants.
Le décret créant une contravention de 5ème classe
pour les vitesses excédant de plus de 50 km/h la limite
réglementaire a été publié le 26 mars 1998.
Enfin, le décret du 16 septembre 1998 a introduit dans le
code de la
route
sept mesures destinées à faciliter
la
circulation des cyclistes
et à améliorer leurs
conditions de sécurité :
- l'obligation d'équiper les cycles d'un dispositif
réfléchissant de couleur blanche visible à l'avant ;
- l'obligation pour les automobilistes de laisser un espace de
1,50 mètre au lieu de 1 mètre pour doubler un cycliste
en rase campagne ;
- la réservation des pistes et bandes cyclables aux seuls cycles
à deux ou trois roues, à l'exclusion des cyclomoteurs, des
quadricycles et des motos ;
- l'autorisation de circulation dans les aires piétonnes (sauf
décision contraire de l'autorité de police locale) ;
- l'autorisation de la circulation sur les trottoirs des cycles conduits
par des enfants de moins de huit ans ;
- la possibilité pour les autorités investies du pouvoir de
police de décider de rendre obligatoires pour les cyclistes les bandes
et pistes cyclables et d'aménager les intersections pour assurer la
sécurité des cyclistes, notamment par création d'un sas
permettant aux vélos de se placer devant les voitures.
Le club des villes cyclables s'est engagé à suivre les
réalisations et à en dresser le bilan.
Une deuxième série de mesures proposées par le
comité de suivi va être mise à l'étude (parmi
lesquelles la possibilité pour les cycles de progresser par la droite en
cas de file ininterrompue, la possibilité d'installer des clignotants
sur les cycles et l'utilisation des passages piétons par les
cyclistes).
2. Les mesures en préparation
a) Le projet de loi relatif à la sécurité routière
Le
projet de loi portant "diverses mesures relatives à la
sécurité routière" a été adopté par
le Sénat le 7 avril 1998. Son examen par l'Assemblée
nationale est prévu en première lecture pour la fin de
l'année. Ce projet de loi prévoit notamment :
L'obligation de suivre un
stage de sensibilisation
à la
sécurité routière pour les
conducteurs novices auteurs
d'infractions graves
. Le Sénat a adopté, en première
lecture, un amendement étendant cette obligation aux conducteurs novices
que le cumul d'infractions conduit à perdre au moins quatre points de
permis.
La mise en jeu de la
responsabilité pécuniaire des
propriétaires de
véhicules
en cas d'infraction sans
interception, cette responsabilité n'étant actuellement
prévue que pour les infractions à la réglementation sur le
stationnement.
La création d'un
délit de récidive
(dans un
délai d'un an) pour excès de vitesse supérieurs de plus de
50 km/h à la limite réglementaire.
Le
dépistage systématique de la drogue
pour les
conducteurs impliqués dans les
accidents mortels
, afin de mieux
cerner l'ampleur et les conséquences de la conduite sous produits
stupéfiants et médicamenteux.
Diverses mesures législatives et réglementaires visant
à
assainir le fonctionnement des établissements d'enseignement
de la conduite
et à améliorer la qualité de leurs
prestations.
b) Les autres mesures en préparation
L'immatriculation de l'ensemble des cyclomoteurs.
La mise en place d'un
pictogramme
spécifique sur les
emballages de médicaments susceptibles d'avoir des effets
négatifs sur la conduite (mesure préconisée dans le livre
blanc rédigé en 1995 sous l'autorité du Professeur Lagier
sur les liens entre les médicaments, la drogue et la
sécurité routière).
La redéfinition du réseau des voies à grande
circulation.
La mise en place de glissières mieux adaptées à la
protection des motocyclistes.
L'encouragement des nouveaux conducteurs à suivre un
rendez-vous d'évaluation
dans l'année qui suit l'obtention
du permis de conduire, en lien avec certaines sociétés
d'assurance.
L'introduction, à partir de l'an 2000, d'un
contrôle de
sécurité
obligatoire des
projets routiers de l'Etat
.
L'expérimentation d'un
rendez-vous de perfectionnement
pour
les conducteurs titulaires du permis de conduire depuis 10 ans.
c) Les mesures envisagées
La
refonte du code de la route afin de lui redonner sa valeur pédagogique
et informative.
La promotion de l'enseignement de la sécurité
routière dans les établissements scolaires et les instituts
universitaires de formation des maîtres (IUFM).
La promotion de la formation continue à la sécurité
routière dans les centres de vacances et de loisirs.
Votre rapporteur se félicite tout particulièrement des actions
entreprises pour sensibiliser les jeunes à la sécurité
routière. Ces actions contribuent en effet à limiter leur
surmortalité routière, mais aussi à promouvoir
l'acquisition de comportements civiques. Ces actions ont, par surcroît,
une répercussion favorable sur le comportement de certains parents. Les
moyens disponibles pour la diffusion de supports pédagogiques
appropriés ne semblent toutefois pas à la hauteur des besoins en
la matière.
Votre rapporteur déplore par ailleurs l'insuffisance des moyens
consacrés à l'évaluation des politiques publiques de
sécurité routière. Le développement de
l'évaluation est, en effet, une condition de la légitimité
du renforcement des règles existantes, ainsi qu'un préalable
à l'utilisation optimale des moyens humains et financiers
affectés à la sécurité routière.
Ce
renforcement de l'évaluation pourrait d'ailleurs s'accompagner du
développement de l'échange de bonnes pratiques à
l'échelle européenne.
Votre rapporteur s'interroge par ailleurs sur le degré de mobilisation
des ministères concernés par la sécurité
routière, alors qu'il n'est d'action efficace que coordonnée.
Il serait, à cet égard, souhaitable que le Parlement dispose
d'une présentation synthétique de l'ensemble des moyens
affectés par l'Etat à la prévention et à la
sécurité routières (notamment pour favoriser la bonne
application des règles existantes).
Votre rapporteur rappelle à cet égard que l'augmentation des
moyens de paiement de la sécurité routière dans le projet
de loi de finances pour 1999 (+ 4 %), fait suite à une baisse
de près de 20 % des dotations entre 1993 et 1998.
Evolution des crédits de paiement de la sécurité routière
|
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
Crédits de paiement en LFI
|
|
|
|
|
|
|
|
Evolution en % |
- 1,3 % |
- 0,3 %** |
0 % |
- 6,5 % |
- 14,2 % |
+ 2,0 % |
+ 3,9 % |
*
Modification de structures comptables
** A structure constante
Une étude de l'ONISER sur l'efficacité des coussins gonflables
De
nombreuses recherches ont eu pour objet d'évaluer l'efficacité du
coussin gonflable de sécurité pour la protection des occupants
avant d'un véhicule léger. Nous savons aujourd'hui que ce
dispositif de sécurité secondaire et passive est efficace dans la
prévention de la mortalité et de la morbidité
routière. Le dispositif le plus efficace est formé par la
combinaison ceinture manuelle/coussin gonflable de sécurité qui
permet de réduire le nombre de morts de 47 % et le nombre de
blessés graves de 75 % aux places avant des véhicules de
tourisme.
A l'heure actuelle, aucune réglementation sur le coussin gonflable de
sécurité n'est en vigueur en France, mais certaines prescriptions
sont en projet à Bruxelles, notamment pour recommander ou obliger de ne
pas installer de siège-bébé dos à la route à
l'avant, en présence de coussin gonflable de sécurité
passager. La tendance actuelle de l'ingénierie du coussin gonflable de
sécurité est au développement d'un coussin gonflable de
sécurité plus performant et plus intelligent. Le système
Smart permet aux capteurs de détecter et d'analyser la situation de
choc, l'accélération, la présence et la position de
l'occupant, l'utilisation de la ceinture, et d'adapter le déploiement en
fonction de ces situations en jouant sur le niveau et le temps de gonflage. Le
coussin gonflable de sécurité doit également être
moins agressif pour éviter les blessures mineures qu'il peut occasionner
lorsqu'il se déploie lors de chocs peu violents, aux alentours du seuil
de déploiement.
Plusieurs travaux ont étudié l'efficacité du coussin
gonflable de sécurité frontal du conducteur par l'examen des
accidents depuis le milieu des années 1970. Ce n'est qu'au début
des années 1990 cependant que les études d'efficacité ont
permis de valider le coussin gonflable de sécurité comme un
dispositif de retenue efficace pour le conducteur et pour le passager avant.
Aujourd'hui, aux Etats-Unis, le coussin gonflable de sécurité
équipe en série les voitures particulières à
l'avant, quelle que soit leur taille, et équipera très
bientôt les camionnettes, les camions légers et même les
véhicules tout terrain. Le coussin est désormais reconnu comme un
dispositif complémentaire, et non comme un substitut à la
ceinture. Son efficacité vient d'être démontrée aux
Etats-Unis, pour les occupants des places avant, sur une plus grande partie du
parc roulant motorisé à deux ou quatre roues, notamment les
camionnettes et les pick-up. Les études coût/efficacité des
australiens, canadiens et finlandais montrent que ce dispositif est efficace,
mais encore assez cher.
Le coussin gonflable de sécurité réduit la
probabilité de blessures graves ou fatales d'un conducteur
ceinturé. Il augmente un peu la probabilité de blessure
légère aux membres supérieurs, au visage, pour des
déploiements autour du seuil. Cependant, rares sont les cas de
déploiement ayant provoqué des lésions graves dues au
coussin. 96 % des blessures sont mineures et sont
généralement des contusions, des abrasions ou des brûlures.
Celles-ci surviennent le plus souvent lorsque l'occupant est mal
positionné (thorax trop près du volant, bras en travers du
volant, corps déplacé par un freinage d'urgence ou un
assoupissement...). Une étude américaine récente mentionne
une trentaine de cas de décès d'enfants provoqués par le
déploiement du coussin à la place du passager avant. Il est alors
apparu impératif de recommander de ne pas transporter des enfants
à l'avant des véhicules équipés de coussin passager.
D'après les estimations tirées des études
d'efficacité étrangères, l'installation de coussins aux
deux places avant de toutes les voitures particulières en France aurait
pu sauver 530 vies et épargner 2.800 blessés graves en
1995 (4.730 tués et 18.009 blessés graves aux places
avant des voitures de tourisme en 1995 en France).