CHAPITRE II

LE DÉVELOPPEMENT DU RÉSEAU AUTOROUTIER CONCÉDÉ

Le développement du réseau autoroutier concédé est financé par les sociétés concessionnaires d'autoroutes, essentiellement par emprunt.

Le guide de référence de leur programme d'investissement est le schéma directeur routier national (SDRN) approuvé par le décret du 1 er avril 1992, qui prévoyait de doter la France d'un réseau de 12.020 kilomètres d'autoroutes (dont 9.540 kilomètres concédés), dans un délai de quinze ans. Ce délai a été réduit à dix ans à partir de 1994 lors du comité interministériel d'aménagement du territoire de Mende en 1993.

Plusieurs liaisons inscrites au schéma directeur sont actuellement remises en cause, essentiellement en raison de contraintes environnementales ou de la densité du tissu urbain à traverser. L'objectif de la réalisation de ce schéma directeur en dix ans à partir de 1994 n'a toutefois pas été explicitement abandonné.

L'article 17 II de la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement du territoire (LOADT) stipulait que le schéma directeur routier national devait être " révisé et prolongé jusqu'en 2015 ". Cette révision est désormais subordonnée à la modification de la LOADT annoncée par le gouvernement. En tout état de cause, le SDN de 1992 reste le document de référence de la politique de développement routier de la France jusqu'à la réalisation d'un nouveau schéma.

A. L'ÉTAT D'AVANCEMENT DU SCHÉMA DIRECTEUR ROUTIER NATIONAL

1. Les objectifs du schéma directeur routier national

Le schéma directeur de 1992 comporte 37.700 kilomètres de routes, répartis en quatre catégories :

les autoroutes de liaison (9.540 km), généralement à péage ;

les liaisons assurant la continuité du réseau autoroutier (LACRA, 2.580 km). Les LACRA sont soit des voies nouvelles, soit des routes nationales existantes destinées, après mise à 2x2 deux voies et aménagement aux normes autoroutières, à recevoir le statut d'autoroute, tout en restant hors péage ;

les autres grandes liaisons d'aménagement du territoire (GLAT, 4.410 km). Les GLAT ne sont pas des nouvelles voies à proprement parler. Elles font partie du réseau existant, mais, compte tenu de leur rôle structurant pour l'aménagement du territoire, elles sont considérées comme prioritaires dans l'allocation des crédits budgétaires et elles sont susceptibles d'être aménagées en anticipation des stricts besoins du trafic, si les disponibilités financières le permettent ;

les autres liaisons nationales (21.120 km).

Au total, le SDRN de 1992 prévoyait donc à terme un réseau de 12.120 kilomètres d'autoroutes interurbaines concédées et non concédées. Sur ces 12.120 kilomètres, 3.536 kilomètres d'autoroutes concédées et les 2.580 kilomètres de LACRA restaient à réaliser au 1 er janvier 1992.

Ce réseau devait permettre d'atteindre les objectifs suivants :

- renforcer le grand axe Nord - Sud Est, doublé par des itinéraires alternatifs assurant également le désenclavement de nouvelles régions ;

- créer de nouvelles transversales Est-Ouest, reliant la façade Manche-Atlantique et ses ports à l'arrière pays ;

- relier directement entre les grandes villes de province et assurer le contournement complet du bassin parisien ;

- assurer, dans de bonnes conditions d'efficacité, nos relations avec l'Europe.

2. L'état d'avancement du schéma directeur national au 1er janvier 1998

L'état d'avancement au 1 er janvier 1998 des liaisons autoroutières du SDR est retracé dans la carte et le tableau ci-après.

Récapitulatif de l'état d'avancement du schéma directeur routier national
au 1 er janvier 1998

 


SDRN

Autoroute de liaison
(en km)

LACRA
(en km)

km inscrits au SDRN

12.120

9.540

2.580

Réseau existant en 1992

6.004

6.004

-

Sections à réaliser dans le cadre du SDRN

6.116

3.536

2.580

Mise en service entre 1992 et le 1/01/1998

1.818

1.086

782

travaux au 1/01/1998

1.441

1.046

395

DUP + concession

833

833

-

DUP mais pas de concessionnaire

142

142

-

Pas de DUP

429

429

-

Source : rapport de la commission d'enquête du Sénat sur les grandes infrastructures

S'agissant des LACRA, outre les 780 kilomètres aux normes autoroutières, 1.280 kilomètres étaient aménagés à 2x2 voies au 1 er janvier 1998.

Par ailleurs, 1.225 km de grandes liaisons d'aménagement du territoire (GLAT), sur un total de 4.410 kilomètres, et 3.715 kilomètres d'autres routes nationales, sur un total de 21.220 kilomètres, étaient aménagés à 2x2 voies.

3. Le processus de décision en matière de travaux autoroutiers

La commission d'enquête du Sénat sur les grandes infrastructures de transport a souligné l'opacité du processus de décision en matière de choix autoroutiers :

" Le schéma directeur routier national, instruit par les services du ministère de l'équipement, est en effet décidé par décret. Il est révisé relativement fréquemment, mais irrégulièrement, les derniers schémas datant de 1986, 1988 et 1992. Il s'agit d'un document d'orientation dit de planification à long terme et non d'un document de programmation. Il n'a aucun caractère prescriptif et ne comporte a fortiori ni échéancier (que ce soit pour la procédure d'utilité publique ou pour les travaux), ni moyens de financement.

Il est toujours donné au schéma directeur une publicité spectaculaire... mais, à supposer que la déclaration d'utilité publique ait été prise, la véritable instance de décision est le conseil de direction du comité des investissements à caractère économique et social (CIES), créé par le décret n° 96-1022 du 27 novembre 1996, en remplacement du Fonds de développement économique et social (FDES).

Cette instance, présidée par le ministre de l'économie, dont le secrétariat est assuré par la direction du Trésor, et qui rassemble les administrations concernées, se réunit deux fois par an (au printemps et à l'automne). Le Conseil de direction du CIES prend les décision de lancement des nouveaux tronçons, détermine le calendrier des travaux et autorise les sociétés concessionnaires à contracter des emprunts pour les financer.

Peu connue du public comme des élus, cette autorité travaille en toute discrétion. Il n'est donné aucune publicité à ce qui s'y prépare, ni même à ce qui a été décidé. La direction du Trésor y dispose d'un pouvoir déterminant.

Or, l'ultime maillon de la chaîne de décision, c'est bien cette autorité qui donne -ou ne donne pas- un contenu concret au schéma directeur 3( * ) . "

Le Parlement est donc écarté aussi bien de l'élaboration du schéma directeur que de sa mise en oeuvre concrète.

Ce processus de décision contraste avec celui mis en oeuvre chez nos grands partenaires européens :

L'élaboration des schémas directeurs en matière
d'infrastructures routières nationales
dans les grands pays européens

Allemagne

A partir d'un plan à long terme sur quinze ans, qui a un caractère d'orientation générale et ne concerne pas tous les transports, le ministère des transports réalise un plan quinquennal des infrastructures fédérales, après concertation avec les Länder. Ce plan doit être approuvé par le Parlement. Il est ensuite décliné en un plan des besoins à moyen terme en matière de routes fédérales, qui est le résultat d'une véritable concertation. Les projets y sont classés par ordre d'urgence. Ce plan fait l'objet d'une loi.

Espagne

Le plan directeur des infrastructures 1993-2010 a été élaboré par le ministère des transports et des travaux publics. Ce plan a été présenté à la commission des affaires économiques du Cortes et au Conseil des ministres. Le gouvernement a ensuite présenté le plan à la commission des finances. Il y a alors eu concertation avec les provinces et les régions. Enfin, le plan a été approuvé par le Congrès.

Italie

Un plan de développement du réseau routier est établi sous la responsabilité de l'Etat. Les prévisions font l'objet d'un schéma directeur élaboré tous les dix ans et remis à jour tous les trois ans. Ce plan est présenté au ministre des travaux publics et aux administrations régionales et nationales intéressées, par l'ENAS, l'entreprise publique qui a reçu une délégation de l'administration des routes nationales. Il est approuvé par le comité interministériel de planification économique et par le Parlement.

Royaume-Uni

A l'échelle du Royaume-Uni, un grand livre blanc, " Roads for prosperity " est établi sur une base de long terme à partir du rassemblement des livres blancs d'Angleterre, du Pays de Galle, d'Écosse et d'Irlande du Nord. Ce livre blanc est établi tous les deux ans et sert de base aux programmes. Il est approuvé par le Parlement.

Source : Services publics de réseau en Europe, Michel Le Duc, Les études de la Documentation française, 1995

Comme on peut le voir dans le tableau suivant, l'ancienneté d'inscription au schéma directeur n'est ainsi pas une garantie d'antériorité dans les mises en chantier. Nombre de liaisons inscrites au schéma directeur de 1988 attendent toujours leur mise en chantier. D'autres liaisons, inscrites plus tardivement au SDRN, ont bénéficié d'une " accélération de l'histoire ".

TABLEAU DES MISES EN CHANTIER DE 1992 A 1998


Années


Autoroutes


Sections

Longueur en km

Dates d'inscription aux SDRN

1992

 
 
 
 
 

A5

raccordements à la Francilienne

20

 
 

A14

Orgeval - La Défense

16

 
 

A16

L'Isle Adam - Amiens

105

14/02/86

 

A19

bretelle de Sens

10

18/03/88

 

A29

Le Havre - Yvetot

56

18/03/88

 

A83

Montaigu - Sainte Hermine

53

18/03/88

 

A64

Toulouse-Muret

15

 
 

A64

bretelle de Peyrehorade

7

 
 
 

TOTAL

282

 

1993

 
 
 
 
 

A40

Doublement du tunnel de Chamoise et du viaduc de Nantua

 
 
 

A54

Saint-Martin de Crau-Salon

25

18/03/88

 

A64

Pinas-Martres

55

18/08/88

 
 

bretelles de Tancarville

14

18/03/88

 

A85

Angers-Langeais

76

01/04/92

 
 

TOTAL

170

 

1994

 
 
 
 
 

A16

Amiens-Boulogne

116

18/03/88

 

A39

Poligny-Bourg

69

14/02/86

 

A43

Aiton-Ste-Marie de Cuines

31

01/04/92

 

A83

Sainte-Hermine-Oulmes

39

18/03/88

 

A51

Grenoble-Vif

15

18/03/88

 

A719

antenne de Gannat

9

18/03/88

 

A837

Saintes-Rochefort

37

18/03/88

 
 

TOTAL

316

 

1995

 
 
 
 
 

A13

bretelle de Louviers

7

 
 

A19

Sens-Courtenay

25

18/03/88

 

A20

Montauban-Cahors Sud

40

18/03/88

 

A20

Brive-Souillac

21

18/03/88

 

A39

Choisey-Poligny

35

14/02/86

 

A43

Sainte-Marie de Cuines-St Michel

20

01/04/92

 

A68

bretelle de Verfeil

9

 
 

A77

Dordives-Montargis

27

18/03/88

 

A77

Montargis-Cosne sur Loire

66

01/04/92

 

A404

antenne d'Oyonnax

13

 
 
 

TOTAL

263

 


Années


Autoroutes


Sections

Longueur en km

Dates d'inscription aux SDRN

1996

 
 
 
 
 

A28

Alençon-Le Mans-Tours

134

18/03/88

 

A29

Yvetot-Neufchâtel

30

18/03/88

 

A43

Saint-Michel-Le Freney

14

18/03/88

 

A51

Sisteron-La Saulce

30

18/03/88

 

A66

Toulouse-Pamiers

40

01/04/92

 

A131

Pont de Normandie - A13

16

01/04/92

 

A710

antenne de Lussat

7

 
 
 

TOTAL

271

 

1997

 
 
 
 
 

A20

Cahors Sud- Cahors Nord

23

18/03/88

 

A20

Souillac - Cahors Nord

46

18/03/88

 

A29

bretelle de Dieppe

12

01/04/92

 

A41

Saint-Julien-Annecy

17

18/03/88

 

A86

section ouest

14

 
 

A89

Arveyres-Coutras

25

01/04/92

 

A89

Coutras-Montpon Est

34

01/04/92

 

A89

Ussel Ouest-Laqueillle

40

18/03/88

 
 

TOTAL

211

 

1998

 
 
 
 
 

A66

Toulouse - Pamiers

40

01/04/92

 

A77

Briare - Cosne sur Loire

30

01/04/92

 

A89

Tulle Est - Ussel Ouest

43

18/03/88

 

A89

Montpon Est - Mussidan

25

01/04/92

 

A29

Amiens - A 1

33

18/03/88

 

A85

Tours - Vierzon

117

18/03/88

 

A87

Angers - Mortagne

65

01/04/92

 
 

TOTAL

353

 

Les bretelles autoroutières de faible longueur ne sont pas inscrites au schéma directeur

Pour les années à venir, il est également difficile de prévoir les mises en chantiers : celles-ci dépendent en effet de l'avancement des procédures de DUP et d'attribution des concessions d'une part, des décisions prises par le CIES, au vu notamment de la situation financière des sociétés d'autoroutes concessionnaires, d'autre part.

S'agissant des seules sections déjà concédées, le ministère des transports a toutefois transmis au Sénat le programme indicatif suivant :



Années


Autoroutes


Sections


Longueur
(en km)

Dates d'inscription aux SDRN

1999

A 29

A 1 - Saint Quentin

29

18/03/1988

 

A 20

Cahors Nord -Cahors Sud

23

18/03/1988

 

A 77

Cosne Nord - Cosne Centre

3

1 er /04/1992

 
 

TOTAL

55

 

2000

A 11

Contournement Nord d'Angers

14

14/02/1986

 

A 87

Mortagne - La Roche sur Yon

48

1 er /041992

 

A 645

Bretelle du Val d'Aran

5

 
 

A 432

Contournement Est de Satolas

11

1 er /041992

 

A 89

Tulle Est - Brive Ouest

40

18/03/1988

 
 

TOTAL

118

 

2001

A 406

Contournement Sud de Mâcon

9

 
 

A 89

Périgueux Ouest - Périgueux Est

20

1 er /04/1992

 

A 89

Mussidan - Périgueux Ouest

13

1 er /04/1992

 

A 29

A 28 - Amiens

57

18/03/1988

 
 

TOTAL

99

 

4. La révision du schéma directeur routier national

L'article 17 II de la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement du territoire (LOADT) disposait que le schéma directeur routier national devait être " révisé et prolongé jusqu'en 2015 ", en même temps que d'autres schémas directeurs d'infrastructures. Des études préliminaires, consistant notamment à élaborer des prévisions de trafic à l'horizon 2015, ont été conduites à cet effet. La LOADT fixait toutefois, en préalable à toutes révision des schémas sectoriels, l'élaboration d'un schéma national d'aménagement du territoire, qui n'a pu être réalisé.

Depuis lors, le nouveau gouvernement a annoncé sa décision de réviser la LOADT et de modifier l'approche des schémas de planification.

Le CIADT du 15 décembre 1997 a arrêté les grands principes présidant à la révision de la LOADT :

- la loi révisée comporterait des principes prescriptifs qui remplaceront le schéma national d'aménagement du territoire, qui sera donc abandonné ;

- dans le cadre de l'organisation générale des réseaux de transport, les modalités de financement des infrastructures et des services seront revues, afin de décloisonner les systèmes de financement ;

- le Conseil national d'aménagement et de développement du territoire (CNADT) sera réformé afin de devenir une réelle instance partenariale. Sa présidence serait confiée à un parlementaire ;

- enfin, l'approche des schémas de planification sera modifiée pour que les questions soient d'abord posées en termes de service rendu à l'usager et à la collectivité, seulement ensuite traduites en mesures d'exploitation, et enfin en création d'infrastructures. Les schémas sectoriels seront donc remplacés par des schémas de service, établis par l'Etat à un horizon de vingt ans. Dans le domaine des transports, le CIADT a annoncé l'élaboration simultanée de schémas de services multimodaux de transports de voyageurs et de marchandises, ne comportant qu'au dernier stade de la procédure une carte multimodale des infrastructures.

L'élaboration de ces schémas de service est conduite par un comité stratégique présidé par le ministre chargé des transports. Elle comporte trois phases, outre le dépôt d'un projet de loi portant révision de la LOADT :

- une phase de préparation et de définition des objectifs, visant à mettre au pont les cahiers des charges des schémas et à traduire au niveau local les orientations stratégiques retenues par le CIADT, à savoir :

fluidifier l'axe Nord-Sud, Méditeranée-Lyon-Paris, et ses antennes vers la Vallée de la Moselle et celle du Rhin ;

contribuer à la structuration de l'arc latin, reliant la Catalogne au Piémont, et à la Lombardie ;

aménager des axes Ouest-Est reliant la façade Manche-Atlantique aux grands pôles européens ;

renforcer la compétitivité des ports français, notamment du Havre ;

favoriser le développement des liaisons aériennes, notamment internationales, à partir de quelques plates-formes interrégionales ;

développer l'offre ferroviaire, en particulier pour le fret.

- une phase de concertation et d'élaboration des propositions, confiée au plan local aux préfets de région, à partir des dossiers de cadrage qui leur ont été adressés par le ministère. Selon les document transmis à votre rapporteur, cette phase de concertation interrégionale devait être achevée vers la fin de l'année 1998,

- une phase d'évaluation et de décision interministérielle, qui recueillera notamment les propositions et l'avis du CNADT. Cette phase de décision devrait être achevée au cours de l'année 1999 pour que les grandes orientations des schémas de service puissent être traduites sous forme de projet dans le prochain contrat de plan Etat-régions,

Votre rapporteur regrette à cet égard que le Parlement ne soit pas étroitement associé à cette procédure, et notamment que des schémas de services ne soient pas discutés et adoptés par le Parlement, alors même qu'ils concourront fortement à modeler la France de demain.

Par ailleurs, votre rapporteur regrette que ces schémas de services ne comportent ni échéanciers de travaux, ni enveloppes financières, contrairement aux préconisations de la commission d'enquête du Sénat sur les grandes infrastructures. Interrogé à ce sujet par votre rapporteur, le gouvernement estime en effet qu'il convient de distinguer, et non d'imbriquer, les démarches de planification à long terme de déprogrammation à moyen terme (contrats de plan Etat-région, contrats Etats-sociétés d'autoroutes), chaque procédure ayant son utilité propre.

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