III. L'URGENCE DE REFORMER L'ENSEIGNEMENT MARITIME
A. LA NÉCESSITÉ D'ACCROÎTRE LES MOYENS D'ÉQUIPEMENT DES ÉCOLES MARITIMES
En
avril dernier, le rapporteur du budget de la marine marchande, M. René
Régnault, a mené une mission de contrôle sur les
écoles d'enseignement maritime.
En effet, les formations dans les écoles maritimes et aquacoles ainsi
que dans les écoles nationales de la marine marchande sont en cours de
rénovation, car l'année 1998 est marquée par
l'entrée en vigueur des textes réglementaires transposant la
convention internationale adoptée en 1995 sous l'égide de
l'Organisation Maritime Internationale. Celle-ci impose un nouveau
système de communication et de sécurité en mer.
1. Les moyens de la formation maritime
Les
dotations à la formation maritime couvrent :
- les crédits de rémunération des personnels enseignants
et du personnel de structure des écoles maritimes et aquacoles et des
enseignants vacataires dans les écoles de la marine marchande ;
- les dépenses de fonctionnement et d'équipement
pédagogiques ou de travaux d'entretien dont la charge revient à
l'Etat selon les lois de répartition des compétences ;
- les subventions de soutien aux établissements privés
agréés d'enseignement maritime et aux organismes de promotion
sociale ;
- les dépenses de rémunération des stagiaires de la
formation continue professionnelle maritime et le coût de l'attribution
des bourses.
Si l'on exclut les dépenses effectuées en application de la
convention entre l'Etat et l'UNEDIC relative aux personnels navigants de la
marine marchande (20 millions de francs) et les subventions aux organisations
syndicales représentatives des personnels navigants, au total,
l'ensemble des crédits de paiement consacrés à la
formation maritime pouvait être évalué à
113,5 millions de francs en 1998, dont 6,1 millions de francs au titre de
l'équipement des établissements scolaires maritimes.
Mais cette somme ne représente pas tout l'effort de l'Etat. Ainsi, elle
ne comprend pas les rémunérations des personnels enseignants des
écoles nationales de la marine marchande, ni leur personnel technique et
administratif. Ainsi, 254 emplois sont pourvus au titre des "gens de mer".
Les crédits relatifs à la rémunération, aux
vacations et aux charges sociales de ces personnels sont retracés
à l'article 80 des chapitres 31-90, 33-90, et 33-91. Les
rémunérations des personnels s'élevaient à 41,8
millions de francs en 1998 et la part de l'Etat pour les cotisations sociales
à 2,5 millions de francs.
L'effort global de l'Etat en faveur de la formation maritime est donc
supérieur à 150 millions de francs par an.
2. Des moyens de fonctionnement complétés par un fort autofinancement
La
participation de l'Etat aux dépenses de fonctionnement des écoles
de la marine marchande n'a été que de 5,6 millions de francs en
1996 et 1997 après régulation, si bien qu'elle n'a couvert que le
tiers du budget des écoles.
En moyenne, les écoles autofinancent donc leur fonctionnement à
hauteur de 69%, grâce à la collecte de la taxe d'apprentissage et
des actions de formation continue.
A titre d'exemple, à Saint-Malo, les ressources propres (restauration,
hébergement, stages de formation) ont été constamment
supérieures à la subvention de fonctionnement depuis 1993.
Cependant, les ressources liées à la taxe d'apprentissage
diminuent tant en raison de la morosité du secteur économique que
du recours croissant à la formation continue en "interne". A Saint-Malo
les recettes liées à la taxe d'apprentissage ont ainsi
diminué de 28% en 5 ans. Les ressources propres des écoles
progressent donc en raison de l'effort porté sur la formation continue.
La formation continue représente 20 à 30% des ressources des
écoles de la marine marchande.
Les écoles ont développé la formation continue au point
que le nombre de stagiaires accueillis est souvent aussi important que le
nombre d'élèves scolarisés dans les écoles. Au
total, le nombre de stagiaires en formation continue dans les écoles de
la marine marchande est équivalent à celui des
élèves en formation initiale : 2.120 stagiaires ont
été accueillis dans les écoles en 1996-1997, alors que
2.279 élèves y étaient scolarisés.
3. Il est nécessaire de mettre l'accent sur les dépenses d'investissement
M.
René Régnault a estimé que les dépenses
d'investissement pédagogique dans les écoles maritimes
étaient satisfaisantes, en raison notamment de l'effort des
collectivités locales, mais que l'entretien du patrimoine immobilier
était largement insuffisant.
Il faut regretter que le projet de budget pour 1999 ne comprenne pas une
augmentation très significative des moyens destinés à la
rénovation du patrimoine de ces écoles. Toutefois, le produit
d'une cession de 15 millions de francs devrait permettre à l'Etat
d'affecter des crédits de même montant à la
rénovation en l'an 2000, et notamment la mise aux normes, de
l'école nationale de la marine marchande du Havre dont les locaux sont
fortement dégradés.
Cette rénovation est en effet
indispensable et il importe qu'elle soit réalisée le plus
tôt possible.
B. PARVENIR ENFIN A L'INTÉGRATION DE L'ENSEIGNEMENT MARITIME DANS L'ENSEIGNEMENT PUBLIC
Au sein
des décisions du comité interministériel de la Mer du 1er
avril dernier figure le lancement d'une mission conjointe
interministérielle en vue d'une intégration de l'enseignement
maritime et aquacole à l'enseignement public.
Le lancement de cette mission est bienvenu, mais il faut noter que la
question du passage des personnels des écoles maritimes et aquacoles
dans un statut public se pose depuis de nombreuses années, et doit
être résolue rapidement.
En effet, le passage des écoles de formation maritime et aquacole sous
statut d'établissements publics locaux d'enseignement en 1992 a
laissé subsister le statut privé des personnels, salariés
de l'Association pour la gérance des écoles de formation maritime
et aquacole (AGEMA).
Le principe du passage sous statut public des personnels salariés par
l'AGEMA a été retenu dès le comité
interministériel de la mer du 4 juillet 1996, suite aux conclusions du
rapport remis par M. Christian Serradji, directeur des gens de mer et de
l'administration générale.
Ce rapport mettait en valeur la nécessité du passage sous statut
public en stigmatisant les difficultés engendrées par le
système actuel.
Les principales remarques du rapport relatif au statut public du personnel de l'AGEMA de M. Serradji 3( * )
Le système de gestion par le biais de l'AGEMA est :
- • compliqué : les personnels relèvent de statuts juridiques divers selon qu'ils sont personnels enseignants, personnels de structure, personnels de siège, tout en ayant des contrats de travail différents et relevant de financements distincts selon qu'ils sont affectés à la formation initiale ou à la formation continue.
- • rigide : chaque personne est, par contrat de droit privé, affectée à une école déterminée ou au siège si bien que toute mutation équivaut à un licenciement en cas de refus de l'intéressé.
•
coûteux
: les frais de gestion de l'AGEMA s'ajoutent à
des salaires alignés sur le point AFPA et donc supérieurs
à ceux de la fonction publique pour des fonctions et des niveaux de
recrutement comparables. Compte tenu des charges sociales, le coût d'un
enseignant d'EMA est supérieur de 59% au coût d'un enseignant en
école nationale de la marine marchande. Le personnel du siège de
l'AGEMA a un salaire supérieur de 40% aux enseignants.
•
artificiel
: l'AGEMA n'a plus la gestion des écoles
mais seulement du personnel.
- • conflictuel et fermé : tout réaménagement de la carte scolaire, toute adaptation des programmes est vécu comme une remise en cause de l'enseignement maritime
C. ANTICIPER LES BESOINS EN PERSONNEL QUALIFIÉ
La
France doit ainsi pouvoir relever le défi de la formation pour les
officiers de marine
.
En 1990, une enquête menée par l'International shipping federation
a permis de faire le point sur le marché international du travail
maritime. L'offre de travail représente 1.250.000 personnes dont 400.000
officiers et 840.000 matelots, une partie substantielle provenant des pays en
voie de développement. Pour faire fonctionner la flotte mondiale,
450.000 officiers et 600.000 matelots étaient nécessaires, ce qui
traduisait déjà un certain déficit en personnel
qualifié.
Par ailleurs, la croissance de la flotte mondiale devrait être de 33%
en dix ans, soit un accroissement de la demande d'environ 90.000 officiers
(20% de l'offre) et 50.000 matelots. Compte tenu des départs naturels
(autour de 10% par an), l'écart entre l'offre et la demande devrait
être théoriquement de 400.000 officiers et 350.000 marins en l'an
2000. Pour combler cet écart, 35.000 à 40.000 officiers devraient
être recrutés chaque année, soit le triple du nombre
d'officiers sortant actuellement des écoles de formation.
Actuellement, l'explosion du transport maritime au niveau mondial va même
au delà des prévisions de croissance de la flotte de commerce
(+5%/an).
Les effectifs des écoles devraient donc augmenter : l'an dernier, un
recrutement de professeurs était prévu, mais le projet de budget
pour 1999 ne prévoit pas de nouvelles ouvertures de postes. Cependant il
faut noter que, s'agissant des 7 postes qui ont été
créés dans la loi de finances pour 1998, ils n'ont pu,
jusqu'à présent, être tous pourvus, en raison du manque de
candidats.
Effectifs des écoles nationales de la marine marchande (élèves officiers)
formations |
|
ANNÉES SCOLAIRES |
|
|
|
évolution |
|
1993-94 |
1994-95 |
1995-96 |
1996-97 |
1997-98 |
97-98/96-97 |
officiers " commerce " |
745 |
702 |
672 |
660 |
738 |
12% |
officiers " pêche " |
62 |
63 |
104 |
100 |
58 |
-42% |
total officiers |
807 |
765 |
776 |
760 |
796 |
5% |
S'il faut constater un déclin du nombre d'officiers sur le long terme (le nombre d'officiers a été divisé par trois en 30 ans, témoignant d'un déclin inexorable de la marine marchande française), les perspectives d'une certaine augmentation de la flotte de commerce française à court terme, par les effets des dispositions fiscales relatives aux copropriétés de navires de commerce, et l'accroissement du fret maritime au niveau mondial laissent penser que des besoins en personnel, et particulièrement en personnel qualifié, se manifesteront prochainement.
Le déclin du nombre d'officiers de commerce français parallèlement au déclin de la flotte
|
Navires |
Officiers |
1960 |
766 |
9.930 |
1970 |
547 |
8.450 |
1980 |
412 |
7.530 |
1990 |
223 |
3.261 |
1997 |
210 |
3.100 |