CHAPITRE PREMIER :
LE BUDGET DES PORTS MARITIMES ET SON CONTEXTE
ECONOMIQUE
I. UNE AMÉLIORATION TOUTE RELATIVE DE LA SITUATION DES PORTS FRANÇAIS
A. LE REDRESSEMENT DES PORTS FRANÇAIS NE CONDUIT PAS AU GAIN DE PARTS DE MARCHÉ
1. Le redressement du trafic des ports français en 1997
a) Une progression du trafic des ports maritimes
En 1997,
le commerce international a accéléré sa
progression
, la fraction transportée par voie maritime augmentant de
4,4%, pour dépasser pour la première fois les 5 milliards de
tonnes. La progression a été particulièrement
marquée pour la demande énergétique.
Dans ce contexte, le trafic des ports de commerce français a atteint
323,9 millions de tonnes de marchandises, en progression de 8,6 % par rapport
à 1996
.
Bilan d'activité des ports français en 1997 ( en millions de tonnes)
|
Entrées |
Sorties |
Total |
|||
Ports métropolitains, dont : |
228,9 |
(+6,0 %) |
94,9 |
(+15,2 %) |
323,9 |
(+8,6 %) |
Ports autonomes |
185,4 |
(+4,3 %) |
59,6 |
(+7,5 %) |
245,0 |
(+5,0 %) |
Ports d'intérêt national |
40,2 |
(+15,4 %) |
34,2 |
(+32,3 %) |
74,4 |
(+22,6 %) |
Ports décentralisés |
3,3 |
(+1,1%) |
1,2 |
(+7,2 %) |
4,5 |
(+2,7%) |
Ports d'outre-mer |
7,3 |
(+0,1 %) |
1,9 |
(+2,5 %) |
9,25 |
(+0,5 %) |
Le
trafic des ports autonomes (245 millions de tonnes) progresse de 5%, celui des
ports d'intérêt national (74,4 millions de tonnes) augmente de
22,6%
4(
*
)
.
Le résultat des six premiers mois de 1998 montre encore que le trafic
progresse de 2,5% sous l'effet conjugué d'une baisse des sorties (-1%)
et d'une hausse des entrées (+4%).
Cependant, cette progression peut
être fragile.
L'impact de la crise asiatique
sur l'activité des ports
français est encore difficile à évaluer
, même
s'il semble que, pour l'instant, elle engendre des mouvements en sens contraire
qui se compensent en partie. Pour les deux ports français
essentiellement concernés, Le Havre et Marseille, les résultats
du premier semestre 1998 montrent que la dévaluation des monnaies
asiatiques a dopé les exportations de ces pays vers l'Europe (+23,2%
pour l'Asie du Sud-Est), alors que les exportations européennes chutent
(-12,1%). A terme, un infléchissement de la croissance mondiale, et
surtout européenne, pourrait avoir des répercussions importantes
sur l'activité.
L'amélioration du trafic des ports français s'explique
essentiellement par la reprise des trafics pétroliers, l'augmentation
des entrées de minerai et des sorties de céréales, qui
sont de nature conjoncturelle
.
b) Une relative stabilité en structure
Structure du trafic portuaire français
|
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
tonnage total |
304,5 |
303 |
304 |
303,5 |
296,5 |
298 |
323,9 |
vracs liquides |
52% |
52% |
52% |
51% |
50% |
51% |
50% |
vracs solides |
26% |
27% |
24% |
23% |
24% |
23% |
23% |
marchandises diverses |
22% |
21% |
24% |
25% |
25% |
23% |
27% |
dont conteneurs |
5% |
4% |
5% |
5% |
6% |
6% |
6% |
(en millions de tonnes)
La
répartition par catégorie de marchandises montre
une relative
stabilité en structure du trafic portuaire français avec
toutefois une diminution tendancielle du trafic des vracs solides au profit des
marchandises diverses
, et notamment du trafic de conteneurs.
Le fait marquant de l'année 1997 est l'accroissement de la
catégorie "marchandises diverses",
qui paradoxalement ne
résulte pas de la progression du trafic de conteneurs, mais des
marchandises diverses non-conteneurisées réalisées par les
ports d'intérêt national, en particulier sur le trafic transmanche
5(
*
)
. Par ailleurs, la
stabilité en structure des vracs solides et des vracs liquides ne doit
pas masquer une progression significative des trafics de produits
pétroliers (+4,8%) et des exportations de céréales.
L'évolution de la structure du trafic des ports français montre
que l'accroissement du trafic de conteneurs reste modeste puisque ce trafic ne
représente que 6 % du trafic total en 1996.
En 1997, l'essentiel du trafic portuaire français est donc
constitué des vracs liquides (50%), de marchandises diverses (27%) et de
vracs solides.
La structure du trafic des principaux ports européens concurrents
(Rotterdam, Anvers ...) montre
une proportion de trafic conteneurs
significativement plus importante
.
Ports |
Conteneurs |
Trafic total |
Part
du trafic conteneurs
|
Hambourg |
31 |
71,1 |
43,6% |
Brême |
15,7 |
31,6 |
49,6 % |
Rotterdam |
52,7 |
290,6 |
18,1% |
Anvers |
29,5 |
106,5 |
27,7 % |
(en millions de tonnes)
2. Un affaiblissement relatif
a) La poursuite de la diminution de la part de commerce extérieur transportée par voie maritime
Alors que votre rapporteur constatait encore l'an dernier une
régression en termes réels du trafic total des ports
français depuis 7 ans
, il faut noter que le trafic de 1997
dépasse en tonnage global (323,9 millions de tonnes) celui de 1991 (304
millions de tonnes).
Toutefois cette progression résulte de l'augmentation
générale du commerce extérieur et ne permet pas d'enrayer
le déclin tendanciel de l'utilisation de la voie maritime pour
l'acheminement du commerce extérieur, au profit du transport terrestre.
L'acheminement par voie maritime tend en effet à diminuer au profit de
l'acheminement par voie terrestre, même si ces trois dernières
années, une certaine stabilisation peut être constatée.
Alors qu'en 1991-1992, les deux modes de transports se répartissaient
à part égale, en 1997 la voie maritime ne représente plus
que 47 % du tonnage total.
Répartition de l'acheminement du commerce
extérieur
entre la voie maritime et la voie terrestre
Commerce extérieur |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
Exportations + importations |
458 336 |
456 476 |
432 920 |
451 613 |
454 364 |
455 862 |
482 554 |
Par voie terrestre |
50% |
50% |
49% |
52% |
53% |
52% |
53% |
Par voie maritime |
50% |
50% |
51% |
48% |
47% |
48% |
47% |
(en milliers de tonnes)
b) Les ports français ne gagnent pas de parts de marché en Europe
La
progression des ports maritimes français s'inscrit dans une progression
globale du trafic maritime, si bien que la part de marché des ports
français dans le trafic portuaire européen a baissé de 1%
en tonnage et progressé seulement de 1% en valeur en 1997.
Ainsi, il apparaît que le redressement des ports français
s'inscrit dans un contexte plus général, si bien qu'en termes
relatifs, la situation des ports français ne s'est pas
améliorée
. En valeur absolue, le tonnage et la valeur des
marchandises importées et exportées passant par un port
étranger ont augmenté respectivement de 19% et 16% en 1997 par
rapport à 1996, ces évolutions n'étant que de 5% et 13%
pour les trafics passant par les ports français. La part des trafics
transitant par un port étranger a également augmenté en
valeur relative (12% en tonnage et 3% en valeur par rapport à 1996).
Le trafic de Rotterdam a progressé de 6,2% à 310 millions de
tonnes, celui de Hambourg de 7,8% à 71,1 millions de tonnes et
Brême de 7,7% à 34 millions de tonnes.
Progression des trafics des principaux ports européens en 1997
Unités : milliers de tonnes |
Tonnage 1997 |
Part dans le trafic |
Evolution 1997/1996 |
Ports français (Nord) |
116.244 |
13,6% |
+6,4% |
Ports allemands |
110.680 |
13,2% |
+7,8% |
Port Royaume-Uni et Irlande |
72.520 |
8,6% |
+6,9% |
Ports du Benelux |
533.929 |
63,5% |
+6,2% |
Ports scandinaves |
7.599 |
1% |
+1,0% |
TOTAL Nord |
840.972 |
- |
+6,4% |
Ports français (Atlantique) |
34.481 |
26% |
3,5% |
Ports Espagne, Portugal |
98.224 |
74% |
-0,8% |
TOTAL Atlantique |
132.705 |
- |
+0,3% |
Ports français (Méditerranée) |
94.265 |
31% |
+3,9% |
Ports espagnols (Méditerranée) |
119.627 |
40% |
+4,6% |
Ports italiens |
88.839 |
29% |
+1,7% |
TOTAL Méditerranée |
302.732 |
- |
+3,5% |
TOTAL GENERAL |
1.276.410 |
- |
+5,1% |
On remarque que la progression totale du trafic des ports français a été relativement satisfaisante en 1997, par rapport à la moyenne de progression des ports européens. Toutefois, la part des ports français dans le trafic européen reste faible : 13% pour le trafic en Manche-Mer du Nord, 26% pour le trafic Atlantique et 31% pour le trafic en Méditerranée. En Méditerranée, il faut noter la position particulière de Marseille, qui attire le tiers du trafic portuaire dans la zone.
B. LA SITUATION FINANCIERE DES PORTS S'ASSAINIT
1. Une amélioration de tous les indicateurs financiers
La
principale novation des années 1997 et 1998 est la nette
amélioration de la situation financière des ports
français
.
L'amélioration de la conjoncture a permis aux ports maritimes de se
désendetter.
La marge brute d'autofinancement a progressé de 17,3% dans les ports
autonomes, et de 7,3% dans les ports d'intérêt national.
Globalement, l'endettement diminue sensiblement en raison de
l'amélioration du contexte économique, mais surtout des efforts
d'une politique volontariste de désendettement (notamment à
Dunkerque, Le Havre et Rouen).
L'enveloppe annuelle de recours à l'emprunt pour la couverture des
dépenses d'infrastructure et de superstructures, fixée par le
Comité des investissements à caractère économique
et social (CIES) a ainsi diminué pour atteindre 87 millions de francs en
1997 puis 85 millions de francs en 1998, alors qu'elle s'élevait encore
à 212 millions de francs en 1996.
Autorisations d'emprunt accordées par le CIES
|
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
Ports autonomes |
275 |
290 |
230 |
255 |
208 |
140 |
60 |
60 |
Ports d'intérêt national |
105 |
151 |
103 |
83 |
100 |
79 |
39 |
35 |
TOTAL |
380 |
441 |
317 |
335 |
307 |
212 |
87 |
85 |
Du
fait de l'amélioration de la situation financière des ports
maritimes, on remarque une très forte remontée de
l'autofinancement des projets d'investissements.
Ainsi, en 1997, les ports autonomes ont financé leurs investissements
à hauteur de 37,8%, l'Etat concourant à hauteur de 17,3%, les
collectivités locales et les tiers pour 40%, le recours à
l'emprunt étant limité à 5%. En 1998, cette tendance
s'accentuera avec un autofinancement à hauteur de 50%, une diminution de
l'effort de l'Etat (15%) et des collectivités locales (30%), le recours
à l'emprunt restant stable.
2. La situation des principaux ports français
Le chiffre d'affaires des ports autonomes métropolitains qui regroupe les prestations de services des ports (droits de ports, taxes d'outillage, recettes des domaines et concessions, autres prestations de services) s'est établi à 3.080 millions de francs en 1997, soit une progression de 1,5% par rapport à 1996. La progression du chiffre d'affaires permet la poursuite du désendettement des principaux ports autonomes.
La situation des ports autonomes métropolitains
Ports |
Chiffre d'affaires
|
Progression |
Situation économique |
Situation financière |
Dunkerque |
441 |
+ 3% |
|
Désendettement |
Le Havre |
850 |
+ 2% |
La progression du trafic conteneurs (+17,8%) lui permet d'envisager de nouveaux investissements |
Désendettement. |
Rouen |
327 |
+ 7% |
Reprise des exportations de céréales qui toutefois ralentit en 1998. |
Poursuite du désendettement |
Nantes-Saint-Nazaire |
360 |
- 2% |
Baisse des tarifs appliqués aux trafics pétroliers. |
Poursuite du désendettement |
Bordeaux |
182 |
+ 3,3% |
- |
Dégradation persistante de la situation financière malgré une recette exceptionnelle de 37 millions de francs |
Marseille |
919 |
stable |
Baisse programmée des importations de pétrole brut |
Redressement de la situation : la capacité d'autofinancement progresse de 10%. |
Les
ports d'intérêt national
ont connu une augmentation plus
significative de leur chiffre d'affaires (+9,9%) à 1.548 millions de
francs, ainsi qu'une amélioration significative de leur marge brute
d'autofinancement (+7,3%) et une décroissance de leur endettement (de
1,2 milliard de francs à 1 milliard de francs). Toutefois, ces
résultats globaux cachent une grande diversité de situation. Les
ports de Calais, Bayonne, La Rochelle, Nice et Bastia connaissent une situation
favorable alors que les ports de Boulogne-sur-Mer, Dieppe et Caen connaissent
d'importantes chutes de trafic.