CHAPITRE V
LES MAIRES ET LA JUSTICE : LA NÉCESSITÉ
D'UNE PLUS GRANDE COLLABORATION
L'IPSOS
et le Courrier des maires ont réalisé une enquête en
octobre 1998 sur la difficulté d'être maire.
Il apparaît
à travers ce sondage que la complexité des réglementations
et des normes constituent la principale difficulté rencontrée par
les maires dans l'exercice de leurs fonctions (52 %). Viennent ensuite les
responsabilités croissantes au niveau juridique (41 %) et le manque
de moyens humains et financiers (39 %).
Dans les communes de plus de 2.000 habitants, les responsabilités
au niveau juridique sont autant mises en avant que la complexité des
réglementations. Il semble donc que l'importance accordée aux
risques judiciaires constitue un élément nouveau par rapport
à il y a quelques années.
Le Congrès des maires de France qui s'est tenu le 18 novembre 1998 a
confirmé le malaise existant chez les quelques 36.000 maires et plus de
100.000 adjoints, tous officiers de police judiciaires, qui sont
confrontés à la complexité de la législation,
à son instabilité et à l'insécurité des
contrôles qui s'exerce sur eux.
En outre, le développement de la mise en cause pénale des
élus locaux rend l'incertitude juridique d'autant plus insupportable. Le
phénomène est loin d'être négligeable puisque 700
décideurs locaux, dont 64 élus sont actuellement mis en examen,
pour une grande part d'entre eux pour des faits non intentionnels.
Par ailleurs, les maires, ainsi que leurs adjoints, en tant qu'officiers de
police judiciaire en application de l'article 16-1
er
du code de
procédure pénale, sont directement concernés par le
développement de la délinquance puisque c'est en grande partie
sur leur capacité à l'enrayer que les citoyens les jugent. Ils
ont donc intérêt à travailler en concertation avec le
Parquet ainsi qu'avec les services de police et de gendarmerie. Pourtant, leur
attitude vis-à-vis des magistrats (et parfois vice-versa) est trop
souvent ambiguë, mélange d'attentes très fortes et de
méfiance.
C'est pourquoi votre rapporteur plaide pour une étroite
coopération entre les maires et les procureurs aussi bien en
matière de réglementation ou de responsabilité
pénale qu'en matière de lutte contre la délinquance. Elle
permettrait à la fois aux maires de faire part des difficultés
qu'ils peuvent rencontrer dans l'exercice de leurs missions, d'obtenir des
conseils et d'éviter certaines erreurs, notamment dans le domaine de
l'urbanisme. En outre, elle favoriserait le dialogue entre maires et
renforcerait l'efficacité de la lutte contre l'insécurité.
C'est pourquoi votre rapporteur exhorte le Garde de Sceaux, dans le cadre des
directives générales adressées aux procureurs
généraux et aux procureurs de la République, d'encourager
ces derniers à se rapprocher des associations de maires.
Les objections à cette proposition ne vont pas manquer. Seront
évoquées la séparation des pouvoirs, la confusion des
genres, la dépendance de la magistrature... Afin de bien identifier
l'ensemble des questions qui se posent et des obstacles légitimes qui
pourraient être invoqués à l'encontre de cette
coopération entre maires et procureurs, votre rapporteur vous propose
que le Garde des Sceaux confie à un parlementaire la mission de dresser
un état des lieux en liaison avec l'inspection générale
des services judiciaires et de faire des recommandations pour régler
cette importante question, source de bien des malentendus.
A cet égard, votre rapporteur tient à rappeler que dans son
rapport " les infractions sans suite ou la délinquance mal
traitée ", il avait montré qu'une meilleure
coopération entre les maires et les parquets et les forces de police et
de gendarmerie est, non seulement, possible, mais tout à fait positive.
En outre des initiatives locales qui mériteraient d'être mieux
connues le prouvent.
Ainsi, dans le Val d'Oise, à l'initiative du procureur de la
République de Pontoise, un secrétariat permanent chargé
des relations avec les élus locaux avait été mis en place.
Cinq zones de délinquance avaient été
délimitées et le procureur réunissait une fois par
trimestre les maires des communes les plus importantes pour examiner avec eux
la situation de la délinquance dans la zone considérée.
Cette initiative intéressante n'a pas été poursuivie
faute de moyens, alors qu'elle aurait dû susciter l'intérêt
de la Chancellerie.
Dans le Haut-Rhin, à la suite notamment des critiques formulées
par certains maires au cours de la campagne électorale
sénatoriale de 1995, le commandant du groupement de gendarmerie a
proposé au préfet un dispositif de concertation permanent. Ont
ainsi été expérimentées des structures de
prévention de la délinquance en zone gendarmerie à un
double niveau :
- la création de groupes de prévention dans chaque
circonscription de brigade de gendarmerie réunissant le conseiller
général, les maires, le commandant de compagnie et de la brigade
de gendarmerie territorialement compétent ;
- l'instauration de conseils de prévention compétents pour une
zone adaptée à l'organisation territoriale de la gendarmerie qui
réunissent autour du sous-préfet, le procureur, les
parlementaires, les conseillers généraux, etc...
PREFECTURE DU HAUT-RHIN
CABINET
DU PRÉFET
DB/OA
DÉCISION
portant création de structures de prévention
de la
délinquance en zone Gendarmerie
--=--
LE PRÉFET DU HAUT-RHIN
OFFICIER DE L'ORDRE NATIONAL DU MÉRITE
VU la
loi N° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et
libertés des communes, des départements et des régions,
VU le décret 82-389 du 10 mai 1982 modifié relatif aux
pouvoirs de Préfets et à l'action des services et organismes
publics de l'Etat dans les départements,
VU l'avis favorable du comité départemental de prévention
de la délinquance du 9 février 1995,
VU l'avis favorable du comité du plan départemental de
sécurité du 21 novembre 1995,
VU l'avis favorable de M. le Procureur général,
VU l'accord de MM. les Procureurs de la République,
CONSIDERANT qu'il est souhaitable de développer les actions de
prévention de la délinquance en zone Gendarmerie
DECIDE
Article 1er
: Il est créé, dans le
département du Haut-Rhin, des structures de prévention de la
délinquance en zone Gendarmerie associant les autorités
administratives et judiciaires, les élus et les associations aux
responsables de la Gendarmerie.
Article 2
: Dans chaque circonscription de brigade de Gendarmerie,
un groupe de prévention
réunit le ou les Conseiller(s)
Général(aux), les Maires, les Commandants de la compagnie et de
la brigade de Gendarmerie territorialement compétent.
Les travaux du groupe de prévention doivent permettre d'améliorer
la connaissance objective du phénomène de la délinquance
au plan local et permettre aux différentes parties de proposer des
actions conjointes dans le domaine de la prévention. Les services de
l'Etat concernés, et le cas échéant, les associations,
peuvent être invités à participer aux travaux.
Le secrétariat du groupe de prévention est assuré par la
Gendarmerie. Un compte rendu succinct de chaque réunion sera
adressé par le Commandant de la Compagnie aux deux coprésidents
du conseil de prévention concerné.
Article 3
:
Des conseils de prévention
sont
créés. Ils sont compétents pour une zone prenant en compte
l'organisation territoriale de la Gendarmerie et cohérente du point de
vue de la prévention de la délinquance.
Le découpage des zones, ci-joint, a été
réalisé selon ces principes. Il peut être adapté en
concertation entre les élus concernés par accord du
Sous-Préfet et du Procureur compétents.
Ils sont chargés
:
- d'analyser, dans un dialogue renforcé avec la Gendarmerie, le
phénomène de la délinquance dans leur circonscription
ainsi que sa perception dans la population en prenant notamment en compte les
études de la Gendarmerie et les travaux des groupes de prévention,
- de permettre l'échange entre les différents acteurs de la
prévention de la délinquance,
- de proposer des actions de prévention de la délinquance
aux autorités municipales, administratives et judiciaires
concernées, qui puissent être examinées, s'il y a lieu, en
conseil départemental de prévention de la délinquance.
Ils comprennent
:
- le sous-préfet d'arrondissement ou de Directeur de Cabinet pour
l'arrondissement chef-lieu, coprésident,
- le Procureur de la République territorialement compétent,
coprésident,
- le Commandant de la Compagnie de Gendarmerie et les Commandants des
brigades situées dans le ressort géographique du conseil de
prévention,
- le ou les Députés concernés,
- un Sénateur,
- les Conseillers Généraux concernés,
- des Maires désignés par chaque groupe de
prévention, selon la répartition suivante :
. deux Maires pour les groupes de prévention regroupant moins de
dix communes,
. trois Maires pour les groupes de prévention de dix à vingt
communes,
. quatre Maires pour es groupes de prévention regroupant plus de
vingt communes,
- les Chefs de Services de l'Etat dont l'action concerne la
prévention de la délinquance ou leurs représentants :
. le Directeur départemental du Contrôle de l'Immigration et de la
Lutte contre l'Emploi des Clandestins : dans les conseils de
prévention de la délinquance situés en zone
frontalière,
. le Directeur régional des Douanes et Impôts directs :
dans les conseils de prévention de la délinquance situés
en zone frontalière,
. le Directeur départemental des Affaires sanitaires et sociales,
. l'Inspecteur d'Académie,
. le Directeur départemental de la Protection de la Jeunesse.