D. AUDITION DE M. MICHEL JALMAIN, SECRÉTAIRE NATIONAL DE LA CONFÉDÉRATION FRANÇAISE DÉMOCRATIQUE DU TRAVAIL (CFDT)
M.
Michel JALMAIN. - Je suis secrétaire national à la
confédération CFDT. Je représente la
confédération et pas telle ou telle profession ou tel ou tel
secteur. Je peux donc vous dire ce que pense la confédération sur
la question de la grève en général et
particulièrement dans les services publics.
Vous avez, conformément à vos prérogatives, pris
l'initiative d'une proposition de loi. Nous sortons d'un congrès
confédéral à la fin de l'année dernière.
Nous avons eu quelques réflexions sur cette question, mais plus
généralement au regard de l'exercice du droit de grève en
général et pas seulement limité aux secteurs et
entreprises publiques.
Notre confédération a pris la décision d'ouvrir dans les
semaines et les mois à venir en interne à la CFDT une
réflexion sur la grève et l'exercice du droit de grève en
considérant d'ailleurs que la grève n'est pas le seul moyen
d'action. Pour que la grève soit véritablement efficace, il ne
faut pas non plus en user et en abuser. C'est ce que nous nous efforçons
de faire dans nos propres organisations et nos propres secteurs. Notre
réflexion portera sur tous les mécanismes qui pourraient
prévenir, voire se substituer à ce qui doit être le dernier
recours en termes de moyen d'action, c'est-à-dire la grève, quand
toutes les procédures de prévention et d'anticipation et de
recherche de solutions ont pu échouer.
C'est vraiment une aspiration de notre organisation d'aller dans le sens de
cette démarche. Cela ne veut pas dire pour autant que nous allons
esquiver l'initiative que vous avez prise avec ce projet de loi. Je voudrais
vous faire quelques rappels préalables avant de vous dire comment nous
en voyons les suites.
Tout d'abord, nous avons une volonté de faire progresser à la
fois la question de la conciliation du droit de grève et la
continuité du service public. Tout ce qui peut contribuer à faire
progresser la réflexion, mais aussi la pratique sur cette question nous
intéresse, et nous sommes prêts à y travailler. Nous sommes
aussi évidemment attachés au droit de grève. Il n'est pas
question de remettre en cause le droit de grève, qui reste un
élément majeur et très important des libertés
publiques, mais il faut aussi que cela soit dit.
En effet, force est de constater que notre système juridique consacre
aujourd'hui déjà un régime dérogatoire au droit
commun en matière de grève dans les services publics. On doit
noter que ce droit fait d'ores et déjà l'objet d'un encadrement
et de limitations, à tel point qu'une partie de la doctrine soutient
qu'entre respect du droit de grève et principe de continuité du
service public, notre système juridique se montre plus favorable pour le
second que protecteur pour le premier.
Dans le même temps, et de façon apparemment paradoxale, il semble
que les règles légales applicables n'aient que très
partiellement un effet concret sur les réalités de la
grève dans les services publics. Plus que la règle du
préavis lui-même, nous pensons ici à celle qui
précise que les parties en conflit sont tenues de négocier
pendant le préavis. La CFDT souhaite attirer l'attention de votre
assemblée sur ce point : notre droit a certes consacré que
le législateur était compétent pour régler la
conciliation entre droit de grève et continuité du service
public. Mais on constate que la règle légale n'a pas eu toute
l'efficacité escomptée, notamment dans le secteur des transports
que l'exposé des motifs de votre proposition de loi met en exergue. Ce
premier élément doit à notre sens ne pas être perdu
de vue lorsqu'il est envisagé de légiférer.
Il y a aussi un autre phénomène qui est paradoxal et qui peut
être éclairant pour l'avenir. Les règles légales ne
produisent pas les effets escomptés en termes de gestion des
grèves dans les services publics. Il y a le préavis, bien
sûr, mais, plus important, il y a aussi la période de
négociation qui devrait avoir lieu pendant la période de
préavis. Pour autant, cela ne produit pas les effets escomptés et
cela ne marche pas.
Il faut absolument attirer l'attention de tous ceux qui ambitionnent de
modifier les choses sur le fait qu'il ne suffit pas d'avoir des dispositifs
juridiques pour que cela produise nécessairement les effets sur ce qui a
prévalu à la mise en place de ces dispositifs, et notamment pour
ce qui est de régler la question de la conciliation entre le droit de
grève et la continuité du service public.
C'est d'autant plus important que quand on envisage de légiférer
à nouveau, il faut avoir en mémoire les limites ou l'impasse des
interventions législatives. Ce constat peut amener à dire qu'il
faut aller plus loin, mais cela peut aussi renvoyer à une autre
méthode. Nous sommes, nous, les syndicalistes, pragmatiques. Nous sommes
attachés en premier lieu à la recherche de l'efficacité et
à l'aboutissement de résultat. Je serais tenté de dire que
seul le résultat compte, quels que soient les lois et les
règlements, et en l'occurrence les résultats ne sont pas à
la hauteur de ce que l'on pourrait espérer, mais toujours dans un cadre
bien articulé : conciliation droit de grève et
continuité du service public.
Je crois qu'il y a un problème de méthode et un problème
de gestion dans cette affaire qu'il faut inscrire dans le temps et la
durée. Il y a longtemps que cela dure, me direz-vous mais le fait de
poser comme cela, aussi brutalement, une proposition de loi qui se
résume à deux lignes "étendre le service minimum à
l'ensemble du service public", ne facilite pas forcément du point de vue
de la méthode ce que pourraient rechercher tranquillement des groupes de
travail avec les principaux acteurs. Mais en même temps, je reconnais que
c'est aussi une façon de précipiter et de provoquer un
débat et cela vaut dans les deux sens.
M. Claude HURIET, rapporteur. - Sur ce point, je voudrais vous donner une
précision nécessaire. Partant de cette proposition de loi,
l'intention de la commission n'est en aucun cas de restreindre les dispositions
au service minimum et de s'intéresser au moins autant, si ce n'est plus,
à tout ce qui peut être fait en termes de dispositions de
prévention des conflits et de résolution dans le cadre du
préavis, dont on n'a pas fini de parler. Mais n'ayez pas le sentiment
que cet intitulé soit de ma part une intention de mettre en cause le
droit de grève. Et le travail de la commission ne peut pas se
résumer à renforcer le dispositif du service minimum.
M. Michel JALMAIN. - Mon souci n'était pas sur les tentatives de
remettre en cause un droit de grève. C'était plus un
problème d'efficacité sur un problème qui revient
régulièrement, dans lequel on voit le rôle du
législateur, mais aussi des organisations syndicales dans notre domaine
de responsabilité. Cela veut donc dire un problème de
méthode qui est chère à la CFDT, qui est de dire que si on
veut encore une fois aborder sereinement ce dossier, il faut prendre du temps,
et qu'on parte aussi d'un diagnostic. Un diagnostic partagé serait
certainement la solution idéale. Nous ne sommes plus forcément
dans la situation d'il y a 20 ans ou 10 ans, ni même 5 ans, sur la
question du droit de grève dans les entreprises publiques.
Dans l'exposé des motifs, la proposition de loi met l'accent sur les
transports, mais ces 10 dernières années, je pense qu'il y a eu
des évolutions sur l'encadrement et les conditions d'exercice du droit
de grève dans un certain nombre de secteurs et d'entreprises. Vous les
connaissez aussi. J'ai lu dans d'autres écrits qu'on y faisait
référence et je crois que c'est dans les secteurs de production
et de distribution d'énergie qu'il y a eu des évolutions
positives en matière de continuité du service public, sans
intervention du législateur. Cela vaut aussi dans le domaine hospitalier
où les règles et usages avec des négociations locales ont
conduit à permettre d'assurer la continuité des soins des
malades. Cela vaut aussi pour la RATP où l'accord dit " alarme
sociale " témoigne de cette volonté de trouver le juste
équilibre.
Toutes ces évolutions, si elles ne constituent pas une solution
générale au problème, montrent que rien n'est figé
et que l'esprit de responsabilité a gagné du terrain sur ce que
l'on pouvait imaginer, c'est-à-dire que le droit de grève
était d'abord une paralysie ou une façon de prendre en otage
telle ou telle population pour obtenir satisfaction. Je crois qu'une prise de
conscience des responsabilités a mûri chez un grand nombre de
responsables syndicaux.
Je le dis parce que cela va conditionner la suite. Il faut se méfier
qu'à vouloir toujours légiférer, on constate que d'une
part cela ne s'applique pas, et cela soulève plus de problèmes
que cela n'en résout en fonction des différents secteurs, et une
proposition de loi extrêmement générale comme
celle-là, qui couvre tous les secteurs, interpelle aussi sur les
conséquences que cela peut avoir, à savoir si on vise la
sécurité des personnes ou des installations, si on vise une
continuité du service public dans un sens très large ou si on
vise dans les transports à assurer un vrai service minimum. Mais alors,
quels problèmes cela va amener ? Qu'est-ce qu'un service minimum dans le
métro avec une rame tous les quarts d'heure ?
Il n'y a pas forcément de solution unique légale et il faut
regarder secteur par secteur. D'où notre idée de diagnostic,
d'une méthode pragmatique et de privilégier la négociation
pour trouver les solutions les plus adaptées. Cela a l'avantage de
répondre aux situations des différents secteurs, mais aussi
d'associer et de responsabiliser ceux qui sont les acteurs principaux de la
grève. Mais cela a aussi l'avantage de faire adhérer. Il peut y
avoir des droits et des préavis et des obligations de négocier
pendant les préavis, mais s'il n'y a pas une adhésion des
organisations syndicales et des salariés eux-mêmes au dispositif
de concertation pour trouver les bonnes solutions avant d'envisager la
grève, il y aura toujours des risques de déviation des
dispositifs existants.
Quand j'ai l'occasion de rencontrer mes collègues, je pense qu'entre la
réalité des lois et ce qui se pratique après sur le
terrain à l'étranger, il y a aussi des décalages qui
tendent à montrer que les lois ne règlent pas tout dans ces
pays-là, mais là où cela marche, c'est parce qu'il y a eu
concertation et décisions des partenaires sociaux d'encadrer le droit de
grève avec la volonté de rechercher les solutions les plus
efficaces avant d'en arriver à la grève.
Vous aurez compris que nous sommes très réservés sur une
nouvelle initiative législative dans ce domaine.
M. Claude HURIET, rapporteur. - Est-ce que cette réserve porte sur la
question précise du service minimum et de l'intervention du
législateur ou sur une démarche du législateur, dont je
viens de préciser à l'instant qu'elle pourrait inclure les phases
critiques à travers le dispositif d'alarme sociale et donner un contenu
réel au préavis ?
Autre question : n'est-on pas amené à considérer que les
difficultés pour appliquer deux principes constitutionnels très
forts, mais qui peuvent être en contradiction l'un l'autre,
c'est-à-dire le respect du droit de grève et le respect de
continuité du service public, ne s'explique pas très largement du
fait de la double fonction de l'Etat qui doit exercer son autorité en
termes de puissance publique, mais qui apparaît aussi comme un employeur ?
Vous avez dit tout à l'heure que seul le résultat compte. C'est
une réflexion que j'aimerais que vous poursuiviez. Le résultat
pour qui ? Et vous me permettrez de prendre une formule, il y a ce qu'on
appelle le coût/bénéfice. C'est bien d'obtenir le
résultat attendu par certains partenaires sociaux, mais ils ne peuvent
pas quand même ne pas se préoccuper du coût global en termes
de continuité du service public. Est-ce que pour vous, seul le
résultat compte ? Ou seriez-vous d'accord pour faire apparaître le
bénéfice obtenu, mais aussi le coût à la fois
économique et social pour l'usager ?
Dernière question quant au service minimum, dont vous avez
rappelé qu'il impliquait un certain nombre d'activités
d'intérêt général, si ce service minimum devait
être étendu à d'autres domaines au nom du principe de la
continuité du service public, cela pourrait-il faire partie, à la
fois dans le contenu et dans les modalités de mise en oeuvre, du domaine
des négociations conventionnelles ?
M. Michel JALMAIN. - Pour éviter un malentendu, quand j'ai dit que seul
le résultat compte, je ne parlais pas des résultats
économiques ou conséquences économiques et sociales. Je
voulais dire que seule une bonne gestion de la question que vous posez nous
intéresse, nous syndicalistes. Autrement dit, nous sommes sur un vrai
problème politique, très sensible. Il ne sert à rien de
s'imaginer comme cela, qu'au détour d'une proposition de loi, on va
solutionner les problèmes.
Nous pensons avec l'expérience de ce qui s'est fait à la RATP,
à EDF et dans d'autres secteurs, qu'il faut privilégier la voie
de la négociation sur celle de la législation. On peut se
tromper. De même, vous êtes tout à fait dans votre
rôle avec l'initiative que vous avez amenée là. Mais je
pense qu'il faut laisser du temps à la négociation. Il faut
laisser les partenaires sociaux négocier ces aspects-là, sinon
cela n'aboutira pas et ce sera une nouvelle fois un coup d'épée
dans l'eau.
Quels sont les secteurs qui restent les plus problématiques ? Là
où on a réussi à avancer, cela fait oeuvre de
pédagogie et on voit diminuer les problèmes liés à
l'exercice de la grève et à la continuité du service
public. Je crois qu'il faut vraiment tirer les fruits de ce qui s'est
déjà fait.
Reste le problème des transports, mais là où il y a un
problème très lourd à gérer, faut-il passer par une
initiative législative, en sachant qu'il y a beaucoup d'incertitudes sur
l'aboutissement ? Ne faut-il pas nous interroger, nous, organisations
syndicales, sur les bonnes opportunités à saisir pour faire
progresser ces éléments dans les autres secteurs ?
C'est très difficile, mais nous ne désespérons pas, et
à chaque fois que nous avons l'occasion publiquement ou dans nos
congrès, nous nous sommes posé la question. Nous sommes vraiment
dans cette démarche.
Et il y a aussi les directions : c'est de leur responsabilité de
chercher les meilleures voies et moyens pour progresser. Cela s'est fait
à la RATP et dans d'autres secteurs. Il faut que cela puisse se faire
dans les secteurs ou entreprises où cela reste extrêmement tendu.
Après, l'Etat : je ne suis pas sûr que l'Etat soit l'exemple
le plus intéressant à observer de ce point de vue, quel que soit
d'ailleurs le contexte politique. On voit en particulier que dans la
période de préavis, ce délai laissé à la
négociation bien souvent a été une fin de non-recevoir. Il
faudrait peut-être que l'Etat déjà donne l'exemple et que
dans son propre domaine de responsabilité, là où les
instruments sont en place, cela fonctionne pour rendre aussi efficaces ces
instruments-là.
La loi : nous ne sommes pas systématiquement contre le fait de
légiférer. Il s'agit de prendre en compte une période de
réflexion, négociation, recherche de solution. Ce que vous avez
proposé n'est pas si brutal mais, là aussi, il faut
privilégier la voie de la négociation parce que tous les secteurs
ne sont pas rendus au même stade et c'est là que les efforts
doivent être portés par les syndicats et les directions et je ne
suis pas convaincu que la loi fera avancer cela.
Par contre, dans le cadre de la négociation collective, il faut que
chacun prenne ses responsabilités. Nous sommes sur des problèmes
collectifs très lourds, très sensibles.
M. Jean DELANEAU, président. - Je voudrais préciser comment
fonctionne la commission. Une proposition de loi, déposée en juin
1998, a été renvoyée à la commission des affaires
sociales en raison de son objet.. La commission rapporte cette propositions et
présente elle-même ses propres conclusions sur le sujet en
question. Ce n'est pas une proposition de loi qui a été
déposée à un moment chaud. Cela nous a paru suffisamment
important pour permettre, à cette occasion, de faire un tour d'horizon
avec les organisations syndicales et les usagers, et la réflexion propre
du rapporteur, la mienne, c'est que c'était sans doute l'occasion de
réveiller peut-être un certain nombre de dispositifs qui existent
et qui se sont dévoyées.
M. Michel JALMAIN. - Dans la conception qui est celle de la CFDT et de
l'exercice du syndicalisme et de l'action syndicale, y compris la grève,
nous sommes partisans de trouver et de privilégier dans tous les cas la
négociation sur tous les sujets comme moyen de faire progresser les
questions sociales en général.
Le débat que vous avez ouvert est utile aussi pour nous, car c'est une
façon de traiter en permanence cette question. Il est vrai aussi qu'il y
a des situations qui ne donnent pas forcément une image tout à
fait satisfaisante de ce que devrait être la négociation sociale
dans ce pays, et en même temps le rôle et la place des
organisations syndicales dans un système démocratique comme on
l'a en France.
Ceci étant, nous sommes aussi très attachés à
trouver les meilleures voies et moyens pour que les acteurs engagés
adhèrent à ce qui se décide pour qu'ils le fassent
fonctionner, et pour qu'il n'y ait pas des actes de résistance, de
méfiance ou d'opposition à ce qui pourrait se faire par la voie
législative plutôt que par la voie de la négociation.
J'ai conscience qu'en disant cela, je ne règle pas grand-chose, mais je
crois que l'entrée législative ne solutionne pas grand-chose
immédiatement. Je regarde de quelle façon cela a progressé
pour l'instant, avec ses limites, et cela me paraît encore être par
la voie de la discussion dans les entreprises ou secteurs où ces
questions se posent. Mais toujours avec des limites. Nous sommes en France dans
un système de relations sociales qui est ce qu'il est, et il faut
prendre cela en compte.
M. Philippe NOGRIX. - Vous avez parlé de la notion de temps et de temps
de négociation. Quand un conflit arrive, on a cette obligation de
préavis de cinq jours pendant lesquels on établit des
négociations.
Entre le moment où j'ai demandé la parole et le moment où
on me l'a donnée, vous avez dit qu'il fallait mettre des
barrières et des objectifs. C'est très bien de dire :
laissez-nous négocier, mais il nous faut du temps. Pendant cette
période, que va-t-il se passer ? Seriez-vous d'accord pour qu'on
envisage une négociation sur un terme fixé en disant que pendant
six mois on va se rencontrer deux ou trois fois et on se fixe des règles
du jeu pendant ces six mois de négociation. Est-ce envisageable ou pas ?
M. Michel ESNEU. - Je suis de ceux qui pensent que dans le domaine de la
prévention le préavis de cinq jours est une disposition
législative fondamentale. Or, je n'ai pas le sentiment que la loi soit
bien appliquée dans son esprit à ce niveau-là. Et ce que
je n'arrive pas à comprendre, c'est comment fonctionnent les partenaires
pendant ces cinq jours. Qui prend l'initiative des concertations ? Sont-ce
seulement des constats ou y a-t-il concertation sur des problèmes de
fond et non pas une rencontre le dernier jour seulement ?
M. Michel JALMAIN. - Ce que vous dites, monsieur Nogrix, vaut pour ce qui nous
préoccupe aujourd'hui et aussi pour d'autres sujets. C'est le
problème de l'oeuf et de la poule. Est-ce une loi cadre d'impulsion qui
invite les partenaires sociaux à négocier en constatant
après coup ce qui a été dit comme étant les limites
de l'effet d'une loi d'impulsion avec des délais, ou faut-il
privilégier l'entrée de la négociation et du contrat pour
qu'à un moment donné le législateur tire les conclusions ?
C'est un exercice très difficile, et qui est franco-français
d'ailleurs. Dans beaucoup de situations, la place de la négociation est
tellement ancrée dans le paysage des rapports sociaux dans d'autres pays
que c'est une démarche systématique. C'est pourquoi je dis que
nous préférons rester sur cette voie-là parce que des
progrès ont déjà été acquis.
Il faut faire confiance aux organisations syndicales, et à la CFDT nous
sommes attachés à faire progresser cette idée pour toutes
les raisons que j'ai évoquées tout à l'heure, image du
syndicat et qualité de la négociation sociale.
Et il y a aussi des directions de grandes entreprises dont il est de la
responsabilité de faire progresser ces questions et cela s'appelle la
concertation, le dialogue social dans l'entreprise ou le secteur. Nous
privilégions la voie de la négociation. Cela ne veut pas dire que
nous renvoyons à jamais la question d'une loi qui viendrait à un
moment donné encadrer et préciser ce qui ne le serait pas. Mais,
compte tenu des progrès réalisés aujourd'hui par la
négociation, il faut rester là-dessus.
Concernant le préavis de cinq jours pendant lequel il faudrait
négocier, quand le préavis est déposé, est-ce que
cela ne signifie pas déjà qu'on a fait le tour de la question et
que les différents acteurs sont déjà en train d'entrer
dans le scénario de la grève ? Et finalement le préavis ne
sert à rien d'autre qu'un délai de prévenance, en
application d'ailleurs de l'obligation légale.
Cela renvoie à la qualité du dialogue social et de la
concertation dans le secteur où l'Etat est employeur. C'est un
problème de management global de la concertation ou du dialogue social
dans les secteurs où c'est l'Etat l'employeur et qui devrait être
amené à donner quelques exemples.
On n'a pas vraiment d'exemple où la question du préavis
fonctionne dans son aspect négociation et c'est certainement un point
déterminant à repenser. Il faut peut-être revoir sa
durée et l'allonger. Peut-être que le préavis de
grève n'est pas de nature à favoriser la négociation et
c'est peut-être avant qu'il faut qu'il y ait une phase de concertation
qui peut être très réglementée, et que le
préavis de grève soit là pour organiser ce qu'il faut dans
l'entreprise dès lors où la grève est
décidée.
M. Jean DELANEAU, président. - Je vous remercie de votre intervention.
M. Michel JALMAIN. - Ceci étant, la CFDT reste à la disposition
de la commission ou de tout groupe de travail qui pourrait se mettre en place
pour poursuivre la réflexion et aussi pour recevoir en contrepartie le
fruit des réflexions que vous pourrez mener, parce que nous n'avons ni
certitude ni science infuse sur cette question.
M. Jean DELANEAU, président. - Nous avons la même démarche.