B. DES DIFFICULTÉS PRATIQUES
La mise
en oeuvre du service minimum risque parfois d'être
considérée comme mettant en cause l'exercice du droit de
grève.
S'agissant des transports publics, l'Italie a mis en place des accords
conventionnels prévoyant que, pendant chaque journée de
grève, les transports locaux garantissent un service complet pendant six
heures par jour subdivisées en deux tranches horaires correspondant aux
heures de pointe.
Concernant les transports en commun, la concentration de la population est
telle en région parisienne qu'il est par exemple impossible d'imaginer
un service réduit à un train sur cinq ou un train sur quatre aux
heures de pointe, sans prendre des risques importants pour la
sécurité des voyageurs. Au demeurant un tel dispositif serait de
peu d'utilité pour les voyageurs situés en milieu de ligne qui ne
pourraient accéder à des trains surchargés.
De fait, selon M. Bailly, président directeur général
de la RATP, 66 % à 75 % des agents devraient être
mobilisés aux heures de pointe, matin et soir, sans pour autant garantir
un service " minimum " assurant qualité et
sécurité pour les trajets domicile-travail compte tenu des
inévitables effets de transfert de la part des voyageurs qui seront en
dehors des créneaux horaires du service minimum.
Enfin, la question se pose de savoir si le Conseil constitutionnel validerait
ces dispositions qui auraient pour effet, en pratique, de rendre très
difficile l'exercice du droit de grève pour une forte majorité
des agents de l'établissement.
C. UNE PRIORITÉ : LA PRÉVENTION DES CONFLITS
Ces
éléments de réflexion ont conduit votre commission
à penser qu'il était préférable, en l'état,
de ne pas donner au service minimum le caractère d'une disposition
législative.
Le service minimum n'est certainement pas la panacée : il peut
être envisagé comme solution ultime dans l'hypothèse d'une
volonté de blocage manifeste des acteurs sociaux refusant de mettre en
oeuvre le principe de valeur constitutionnelle de continuité du service
public.
1. Une démarche réaliste
Mieux
vaut alors s'inscrire dans la démarche voulue par le Président de
la République dans son discours de Rennes
16(
*
)
:
" La grève est un droit, mais il est essentiel que les
entreprises de service public s'accordent avec leur personnel sur des
procédures efficaces de prévention des grèves et sur
l'organisation concertée d'un service minimum ".
" A défaut d'entente, des règles communes à tous les
services publics devraient pouvoir s'appliquer ".
La démarche du législateur pourrait ainsi comporter deux
étapes :
- contribuer au développement des procédures de
prévention des conflits et à leur mise en oeuvre effective ;
- examiner ultérieurement l'évolution de la situation et en
tirer, si nécessaire, les conséquences législatives.
Le Parlement est dans son rôle en
" solennisant "
les
attentes et les exigences exprimées de plus en plus fermement par les
usagers des services publics.
Si le législateur devait finalement se résoudre à inscrire
le service minimum dans la loi, il pourrait être d'autant plus exigeant
le moment venu -y compris au regard de la jurisprudence du Conseil
constitutionnel-, qu'il aurait pris le soin de laisser à chacun des
partenaires le temps de réflexion et de concertation nécessaires
à l'exercice de leurs responsabilités respectives.
2. La prévention et la résolution des conflits du travail
Afin de
mettre fin à la " culture de la grève ", l'accent doit
donc être mis en priorité sur les procédures de
prévention des conflits.
L'avis de M. Guy Naulin, adopté le 11 février 1998 par
la section du travail du Conseil économique et social, insiste
opportunément sur la nécessité du développement des
procédures d'alerte et d'alarme sociale.
L'avis adopté par le Conseil économique et social insiste sur
les insuffisances du dialogue social en France.
Alors que le recours
à des procédures conventionnelles devrait être
privilégié, les conflits sont trop souvent traités
à un niveau inadéquat selon le Conseil économique et
social.
Cette situation est, selon lui, d'autant plus regrettable que le droit
français applicable en matière de prévention des conflits
collectifs n'est pas suffisamment utilisé, bien qu'il propose un grand
nombre de procédures : conciliation, médiation, arbitrage.
M. Guy Naulin propose donc de renforcer le dialogue social et de permettre une
meilleure compréhension de la situation sociale de l'entreprise, y
compris par une meilleure information des institutions représentatives
du personnel.
Notant un développement de pratiques informelles
(" médiation " par les inspecteurs du travail,
médiateur
ad hoc
nommé par les pouvoirs publics...) qui
contribuent à
déresponsabiliser les partenaires sociaux,
le rapporteur suggère plutôt de
s'inspirer de
procédures " d'alarme sociale "
mises en place dans
certaines entreprises comme la RATP. Il souhaite que, tout en renforçant
la procédure de conciliation, la capacité d'initiative des
parties soit soutenue, voire restaurée.
La prévention et le règlement des conflits collectifs doivent
impliquer plus fortement les partenaires sociaux.