TITRE PREMIER
DISPOSITIONS RENFORÇANT LA PROTECTION
DE LA
PRÉSOMPTION D'INNOCENCE
CHAPITRE PREMIER
DISPOSITIONS RENFORÇANT LES
DROITS DE LA DÉFENSE
ET LE RESPECT DU PRINCIPE DU
CONTRADICTOIRE
SECTION 1
Dispositions relatives à la garde
à vue
Article 2A
(Article 41 du code de procédure
pénale)
Contrôle des mesures de garde à vue
par le
Procureur de la République
L'article 41 du code de procédure pénale,
relatif aux
prérogatives du Procureur de la République, prévoit
notamment que celui-ci contrôle les mesures de garde à vue, sans
qu'aucune précision complémentaire soit apportée. La
circulaire relative à la loi du 4 janvier 1993, qui a prévu
l'inscription de cette disposition dans le code de procédure
pénale dispose simplement que "
Comme par le passé, le
déplacement sur les lieux d'exécution des mesures de garde
à vue permettra au magistrat du parquet de s'assurer du bon
déroulement de celles-ci et du respect des formalités
prévues par le présent code
".
Il semble en pratique que les procureurs de la République ne soient pas
en mesure de se rendre fréquemment sur les lieux de gardes à vue.
L'Assemblée nationale a donc souhaité renforcer
l'efficacité de cette disposition en prévoyant que le procureur
visite les locaux de garde à vue chaque fois qu'il l'estime
nécessaire et
au moins une fois par trimestre
.
Une disposition assez semblable existe en matière de détention
provisoire puisque l'article 222 du code de procédure pénale
prévoit que le président de la chambre d'accusation
"
chaque fois qu'il l'estime nécessaire et au moins une fois par
trimestre, visite les maisons d'arrêt du ressort de la cour d'appel et y
vérifie la situation des personnes mises en examen en état de
détention provisoire
".
Il existe environ 5 000 lieux de garde à vue en France et la mise
en oeuvre de cette mesure pourrait impliquer une centaine de visites par an
pour chaque parquet. Il s'agit naturellement d'une charge importante pour les
procureurs et leurs substituts, mais il paraît effectivement souhaitable
de renforcer le contrôle de l'autorité judiciaire sur le
déroulement des gardes à vue.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Articles 2B et 2C
(Articles 62, 63, 153 et 154 du
code de
procédure pénale)
Harmonisation des règles de garde
à vue
en fonction de la nature de l'enquête
La garde
à vue d'une personne est possible lors d'une enquête de flagrance,
d'une enquête préliminaire et de l'exécution d'une
commission rogatoire du juge d'instruction. Les régimes prévus
dans ces différents cas comportent des différences que
l'Assemblée nationale a souhaité faire disparaître en
adoptant les articles 2B et 2C.
L'article 77 du code de procédure pénale, qui concerne
l'enquête préliminaire, prévoit que l'officier de police
judiciaire peut, pour les nécessités de l'enquête, garder
à sa disposition toute personne à l'encontre de laquelle il
existe des indices faisant présumer qu'elle a commis ou tenté de
commettre une infraction.
Les articles 63 et 154 du code de procédure pénale,
respectivement relatifs à l'enquête de flagrance et aux
commissions rogatoires du juge d'instruction, ne limitent pas la garde à
vue aux personnes à l'encontre desquelles il existe des indices.
L'article 63 permet en effet à l'officier de police judiciaire de garder
à sa disposition toute personne présente sur les lieux de
l'infraction ainsi que toute personne susceptible de fournir des renseignements
sur les faits ou sur les objets et documents soumis. En revanche, la garde
à vue ne peut être prolongée que pour les personnes
à l'encontre desquelles il existe des indices faisant présumer
qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction. Il est en
outre prévu que les personnes à l'encontre desquelles il n'existe
aucun indice ne peuvent être retenues que le temps nécessaire
à leur déposition.
Dans ces conditions, les deux
régimes ne semblent pas très différents, mais il
paraît théoriquement possible, au cours d'une enquête de
flagrance, qu'une personne à l'encontre de laquelle il n'existe aucun
indice soit entendue pendant vingt-quatre heures, ce qui n'est pas possible en
matière d'enquête préliminaire.
En ce qui concerne l'article 154 du code de procédure pénale,
relatif aux commissions rogatoires du juge d'instruction, il prévoit
simplement que l'officier de police judiciaire peut garder à vue une
personne à sa disposition. Comme en matière d'enquête de
flagrance, il est précisé que les personnes à l'encontre
desquelles il n'existe aucun indice ne peuvent être retenues que le temps
nécessaire à leur audition.
L'article 2 B du projet de loi, introduit par l'Assemblée
nationale, tend à harmoniser les rédactions en ce qui concerne
les personnes à l'encontre desquelles il n'existe aucun indice faisant
présumer qu'elles ont commis ou tenté de commettre une
infraction. Lors d'une enquête de flagrance ou de l'exécution
d'une commission rogatoire, ces personnes ne pourraient être retenues,
comme c'est déjà le cas en matière d'enquête
préliminaire que "
le temps strictement nécessaire
à leur audition
". Ces dispositions seraient inscrites dans
l'article 62 du code de procédure pénale (relatif à la
possibilité pour l'officier de police judiciaire d'entendre les
personnes susceptibles de fournir des renseignements sur les faits ou sur les
objets et documents saisis) en ce qui concerne l'enquête de flagrance, et
dans l'article 153 (relatif à la déposition des
témoins) en ce qui concerne les commissions rogatoires.
Ces dispositions, qui tendent à uniformiser les régimes
d'auditions des personnes à l'encontre desquelles il n'existe aucun
indice pouvant présumer qu'elles ont commis ou tenté de commettre
une infraction méritent d'être approuvées.
L'article 2C du projet, également introduit par l'Assemblée
nationale, tend tout d'abord à prévoir, en matière
d'enquête de flagrance et de commission rogatoire, que l'officier de
police judiciaire peut placer en garde à vue les personnes à
l'encontre desquelles il existe des indices faisant présumer qu'elles
ont commis ou tenté de commettre une infraction. Il s'agit de la reprise
du texte existant d'ores et déjà en matière
d'enquête préliminaire, l'objectif étant d'
éviter
la mise en garde à vue de simples témoins
.
Cette harmonisation est bienvenue, même s'il convient de garder à
l'esprit que sa portée est difficile à apprécier. D'ores
et déjà en effet, les officiers de police judiciaire ne peuvent
retenir les personnes à l'encontre desquelles il n'existe aucun indice
que le temps nécessaire à leur audition. Par ailleurs, la
frontière entre l'absence d'indices et l'existence de tels indices est,
dans certaines affaires, extrêmement ténue.
Il faut en outre noter qu'une personne placée en garde à vue
bénéficie de droits importants, que le présent projet de
loi tend à renforcer, tandis que ces droits ne sont pas ouverts au
témoin. Néanmoins, il paraît normal que le régime de
la garde à vue soit le même, quel que soit le type d'enquête.
L'article 2C prévoit par ailleurs, en matière de flagrance
et de commission rogatoire, que le procureur de la République doit
être informé de la mesure "
dès le début de
la garde à vue
" alors que les textes actuels prévoient
son information "
dans les meilleurs délais
".
L'Assemblée nationale a prévu la même disposition en
matière d'enquête préliminaire à l'article
2 bis du projet.
Le débat sur le moment de l'information du procureur de la
République a déjà eu lieu en 1993. La loi du
4 janvier 1993 prévoyait en effet que le procureur devait
être informé "
sans délai
" des mesures de
garde à vue. Cette prescription a soulevé de nombreuses
difficultés et a conduit à des pratiques ne respectant pas son
esprit, ce qui a conduit le législateur à retenir, dans la loi du
24 août 1993, l'information du procureur "
dans les
meilleurs délais
".
A cet égard, la circulaire du 24 août 1993 indique que
"
pour pallier les difficultés de tous ordres résultant
des dispositions issues de la loi du 4 janvier 1993, il a
été décidé dans de nombreuses juridictions que
l'information du procureur de la République serait assurée par
télécopie. Aussi, la lettre extrêmement exigeante de la loi
était-elle satisfaite mais son esprit méconnu, dans la mesure
où le procureur de la République ne se trouvait pas
nécessairement informé immédiatement du placement en garde
à vue dans des conditions lui permettant d'exercer un contrôle
effectif
".
Dans sa décision du 11 août 1993, relative à la
loi du 24 août 1993, le Conseil constitutionnel a estimé
que l'expression "
dans les meilleurs délais
" devait
s'entendre comme "
prescrivant une information qui, si elle ne peut
être immédiate pour des raisons objectives tenant aux
nécessités de l'enquête, doit s'effectuer dans les plus
brefs délais possibles, de manière à assurer la sauvegarde
des droits reconnus par la loi à la personne gardée à
vue
".
Il semble que les termes de la loi du 24 août 1993 donnent
actuellement satisfaction. Ils permettent une certaine souplesse en ce qui
concerne l'information du procureur, ce qui paraît indispensable pour que
la loi soit effectivement appliquée. Un entretien
téléphonique intervenant un matin entre un officier de police
judiciaire et le procureur à propos d'une garde à vue qui a
débuté dans la nuit n'est-il pas préférable
à l'envoi d'une télécopie dans un bureau vide au milieu de
la nuit ?
Il est vraisemblable que les pratiques actuelles perdureront et que,
conformément à la décision du Conseil constitutionnel,
l'information sera donnée dans les plus brefs délais possibles.
Néanmoins, l'amendement adopté par l'Assemblée nationale a
le mérite de mettre l'accent sur l'importance de l'information du
procureur en cas de garde à vue.
Elle vous propose d'adopter les articles 2 B et 2 C
sans modification
.
Article 2D
(Article 63-1 du code de procédure
pénale)
Notification de ses droits à la personne
gardée à vue
L'article 63-1 du code de procédure pénale
prescrit qu'une personne placée en garde à vue doit
immédiatement être informée de son droit de demander qu'une
personne de son entourage soit informée, de son droit de demander
à être examinée par un médecin, enfin de son droit
de demander, lorsque vingt heures se sont écoulées depuis le
début de la garde à vue, à s'entretenir avec un avocat.
Elle doit en outre être informée des dispositions relatives
à la durée de la garde à vue.
L'Assemblée nationale a souhaité compléter cet article en
prévoyant, dans le premier paragraphe de l'article 2D du projet,
que la personne gardée à vue doit être informée de
la nature de l'infraction sur laquelle porte l'enquête.
L'article 5-2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits
de l'homme et des libertés fondamentales prévoit que
"
toute personne arrêtée doit être informée,
dans le plus court délai et dans une langue qu'elle comprend, des
raisons de son arrestation et de toute accusation portée contre
elle
".
Il peut donc paraître utile de prévoir que la personne
gardée à vue doit être informée de la nature de
l'infraction recherchée. Il est vraisemblable que cette information est
d'ores et déjà donnée dans la plupart des cas, compte tenu
de la difficulté qu'il peut y avoir à conduire des
interrogatoires sans évoquer l'infraction recherchée.
Le second paragraphe de l'article 2D tend à modifier
l'article 63-1 du code de procédure pénale pour
prévoir que les dispositions de l'article 77-2 sont portées
à la connaissance de la personne gardée à vue.
L'article 20 du projet de loi tend en effet à insérer un
article 77-2 dans le code de procédure pénale, qui
permettrait à une personne ayant fait l'objet d'une mesure de garde
à vue d'interroger le procureur sur la suite donnée à la
procédure lorsqu'elle n'a pas fait l'objet de poursuites à
l'issue d'un délai de six mois à compter de la fin de la garde
à vue.
Si le renforcement de l'information des personnes mises en cause est un
objectif louable, il est possible de se demander s'il est vraiment pertinent
d'informer une personne, dès le début d'une garde à vue,
du fait qu'elle pourra, six mois plus tard, interroger le procureur de la
République sur la suite donnée à la procédure.
Votre commission estime qu'une telle information, à ce stade de la
procédure, ne fait pas partie de celles qui sont utiles à la
personne mise en garde à vue. Elle vous soumet donc un
amendement
de suppression de cette disposition.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 2 D
ainsi
modifié
.
Article 2 E
(Article 63-1 du code de
procédure
pénale)
Notification à la personne gardée à
vue de son droit
de ne pas répondre aux questions
Comme le
précédent, cet article, introduit dans le projet de loi par
l'Assemblée nationale sur proposition du Gouvernement, tend à
modifier l'article 63-1 du code de procédure pénale.
L'Assemblée nationale a en effet souhaité que la personne
gardée à vue soit immédiatement informée qu'elle a
le droit de ne pas répondre aux questions qui lui seront posées
par les enquêteurs. D'autres amendements présentés à
l'Assemblée nationale tendaient à inscrire dans le code de
procédure pénale le droit pour la personne gardée à
vue de garder le silence, mais le garde des sceaux a estimé qu'il
était souhaitable que les enquêteurs puissent poser des questions
à la personne.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article additionnel après
l'article 2 E
(Article 63-1 du code de procédure
pénale)
Garde à vue d'une personne atteinte de
surdité
L'Assemblée nationale a adopté des dispositions
destinées à permettre aux personnes atteintes de surdité
d'être assistées, au cours des audiences, par une personne
disposant des compétences nécessaires ou de
bénéficier d'un dispositif technique leur permettant de
communiquer.
Votre commission estime que ce droit doit exister à tous les stades de
la procédure pénale et vous propose donc de le prévoir
à l'égard des personnes placées en garde à vue.
Article 2 F
(Article 63-2 du code de procédure
pénale)
Droit pour la personne gardée à vue de faire
informer
un membre de son entourage
L'article 63-2 du code de procédure pénale
permet
à toute personne placée en garde à vue de faire
prévenir par téléphone une personne avec laquelle elle vit
habituellement ou l'un de ses parents en ligne directe, l'un de ses
frères et soeurs ou son employeur de la mesure dont elle est l'objet.
La circulaire du 1
er
mars 1993 précise que
"
le texte ne prévoit pas expressément le délai
dans lequel cette information d'un membre de la famille doit être
assurée
.
L'officier de police judiciaire peut donc concilier les exigences
imposées par l'enquête (transport sur les lieux, perquisition
éventuelle au domicile familial...) avec le souci de prévenir en
temps utile une famille susceptible de s'inquiéter de l'absence de l'un
de ses membres. Cette information ne saurait cependant être trop
différée dans le temps : ainsi, l'avis à la famille
doit-il, en règle générale, être donné avant
la première nuit passée dans le service par la personne
concernée
. "
L'Assemblée nationale a souhaité modifier l'article 63-2
pour que l'information de la famille soit assurée "
sans
délai
". Dans ces conditions, l'officier de police judiciaire
devrait immédiatement faire droit à la demande de la personne ou
saisir le procureur s'il estimait ne pas devoir faire droit à cette
demande en raison des nécessités de l'enquête. Cette
saisine du procureur est en effet déjà prévue par
l'article 63-2 du code de procédure pénale.
L'équilibre proposé par l'Assemblée nationale paraît
satisfaisant et votre commission vous propose d'adopter cet article
sans
modification
.
Article 2 G
(Article 716 du code de procédure
pénale)
Régime de l'emprisonnement individuel pour les
prévenus
Curieusement, l'Assemblée nationale a introduit un
article
sur le régime d'emprisonnement des prévenus dans le chapitre du
projet de loi relatif à la garde à vue.
L'article 716 du code de procédure pénale, dans sa
rédaction actuelle, prévoit que les personnes en détention
provisoire sont placées au régime de l'emprisonnement individuel
de jour et de nuit. Toutefois, des dérogations sont prévues,
d'une part en raison des nécessités d'organisation du travail
lorsque les intéressés ont demandé à travailler,
d'autre part "
en raison de la distribution intérieure des
maisons d'arrêt ou de leur encombrement temporaire
".
L'Assemblée nationale, contre l'avis du Gouvernement, a estimé
souhaitable de supprimer la dérogation liée à la
distribution des maisons d'arrêt ou à leur encombrement. Sur
proposition de son rapporteur, elle a décidé de reporter
l'application de cette mesure trois ans après la publication de la loi.
Le principe de l'emprisonnement individuel pour les personnes mises en
détention provisoire est important car il peut permettre de limiter,
autant que faire se peut, le traumatisme lié à
l'incarcération que subissent des personnes présumées
innocentes. Il semble toutefois que ce principe soit aujourd'hui une exception,
du fait de l'encombrement des maisons d'arrêt françaises. Au
1
er
mai 1999, 21 197 prévenus et
18 998 condamnés étaient incarcérés dans
les maisons d'arrêt, soit un total de 40 195 détenus pour une
capacité opérationnelle de 31 687 places. Le
présent projet de loi a notamment pour objectif de réduire le
nombre de détentions provisoires et de limiter leur durée. Il est
donc possible d'espérer que la situation s'améliorera à
l'avenir.
Le présent article doit conduire le Gouvernement à mener une
action vigoureuse, afin que les prévenus soient enfin réellement
traités comme des personnes présumées innocentes. Il est
vrai que, dans quelques cas, il est préférable de ne pas laisser
une personne seule dans une cellule, surtout au début d'une
détention, mais cela ne saurait justifier l'état actuel des
maisons d'arrêt.
Certaines situations ne peuvent plus être acceptées dans un Etat
de droit.
Dans ces conditions, votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 2
(Article 63-4 du code de
procédure
pénale)
Demande d'entretien avec l'avocat dès le
début de la garde à vue
L'article 2 du projet de loi, présenté comme
l'une des dispositions les plus importantes du texte, prévoit la
possibilité pour une personne gardée à vue de
demander
à s'entretenir avec un avocat dès le début de la garde
à vue
.
Actuellement, une personne gardée à vue peut demander à
s'entretenir avec un avocat lorsque vingt heures se sont écoulées
depuis le début de la mesure. La personne peut désigner un
avocat. A défaut de désignation ou si l'avocat choisi ne peut se
déplacer, la personne peut demander qu'il lui en soit commis un d'office
par le bâtonnier. Le bâtonnier doit alors être informé
de la demande par tous moyens et sans délai. L'avocat doit pouvoir
communiquer avec la personne gardée à vue dans des conditions qui
garantissent la confidentialité de l'entretien. La durée de
l'entretien ne peut excéder trente minutes. L'avocat est informé
de la nature de l'infraction recherchée ; il peut, à l'issue
de l'entretien, présenter des observations écrites qui sont
jointes à la procédure. L'avocat ne peut faire état de
l'entretien auprès de quiconque pendant la durée de la garde
à vue.
Le délai à l'issue duquel la personne gardée à vue
peut demander à s'entretenir avec un avocat est porté à
trente-six heures lorsque l'enquête a pour objet la participation
à une association de malfaiteurs, les infractions de
proxénétisme ou d'extorsion de fonds aggravées ou une
infraction commise en bande organisée. La demande d'entretien n'est
possible qu'à l'issue de la soixante-douzième heure de garde
à vue en matière de terrorisme et de trafic de stupéfiants.
L'article 2 du projet de loi tend à modifier de manière
importante le régime de l'entrevue avec l'avocat :
- la personne gardée à vue pourrait désormais demander
à s'entretenir avec un avocat dès le début de la garde
à vue et non lorsque vingt heures se sont écoulées ;
- le projet de loi initial prévoyait que la personne pouvait
également demander à s'entretenir avec un avocat en cas de
prolongation de la garde à vue ; l'Assemblée nationale a
choisi de permettre, pour éviter que certaines gardes à vue
soient prolongées sans nécessité, une nouvelle
intervention de l'avocat à l'issue de la vingtième heure
plutôt qu'en cas de prolongation, puis, le cas échéant,
à l'issue de la douzième heure de prolongation ;
- l'avocat ne serait plus seulement informé de la nature de l'infraction
recherchée, mais également de sa date présumée.
Ce dispositif appelle plusieurs observations :
• L'idée de permettre l'intervention de l'avocat dès le
début de la garde à vue n'est pas neuve. La loi du
4 janvier 1993 avait prévu cette disposition tout en reportant
son application au 1
er
janvier 1994. Dans la proposition
de loi qui a donné naissance à la loi du
24 août 1993, M. le président
Jacques Larché avait proposé de retenir le principe de
l'intervention de l'avocat dès le début de la garde à vue,
tout en l'assortissant de certaines exceptions pour les
nécessités de l'enquête ou lorsqu'étaient
recherchées certaines infractions particulières.
Les débats parlementaires ont finalement conduit à maintenir le
régime transitoire prévu par la loi du 4 janvier 1993,
à savoir l'intervention de l'avocat à l'issue de la
vingtième heure de garde à vue. Un report de l'entretien à
l'issue de la trente-sixième heure a été prévu pour
certaines infractions tandis qu'aucun entretien n'était prévu en
matière de trafic de stupéfiants et de terrorisme. Cette
dernière disposition a été annulée par le Conseil
constitutionnel. La loi du 1
er
février 1994 a alors
prévu l'intervention de l'avocat à l'issue de la
soixante-douzième heure de garde à vue dans ces derniers cas.
• La possibilité d'intervention de l'avocat dès le
début de la garde à vue conduit à s'interroger sur la
nature de cette intervention. Le Conseil constitutionnel, dans sa
décision du 11 août 1993, avait estimé que
"
le droit de la personne à s'entretenir avec un avocat au cours
de la garde à vue constitue un droit de la défense, qui s'exerce
durant la phase d'enquête de la procédure pénale
(...) ". Il est toutefois difficile de considérer qu'un entretien
de trente minutes avec un avocat, qui ne peut prendre connaissance du dossier,
permettra réellement d'assurer l'organisation d'une défense. Au
demeurant, au début d'une garde à vue, il n'existe bien souvent
aucun dossier. Il semble donc que l'intervention de l'avocat -qu'elle soit
possible au début de la garde à vue ou à l'issue de la
vingtième heure- ait surtout pour objet de vérifier que la
garde à vue se déroule dans de bonnes conditions et de permettre
à l'avocat de prodiguer quelques conseils à la personne.
• La principale question que pose la modification des règles
relatives à la présence de l'avocat au cours de la garde à
vue est celle des moyens humains et financiers.
Dans l'étude d'impact du projet de loi, le Gouvernement a
procédé à une évaluation de cette mesure. Les
statistiques en matière de garde à vue ne permettent d'isoler que
les gardes à vue d'une durée de moins de vingt-quatre heures et
les gardes à vue d'une durée supérieure. En 1996, 24.824
des 61.735 personnes gardées à vue plus de vingt-quatre heures
ont pu s'entretenir avec un avocat, soit 40,6 %.
Le Gouvernement a appliqué ce pourcentage au nombre total de personnes
gardées à vue en 1996 et, compte tenu des tarifs actuels en
matière d'intervention des avocats au cours de gardes à vue en
cas de demande d'aide juridictionnelle,
a chiffré le coût de
cette mesure à 54.553.389 F
. Pour tenir compte des contraintes
d'organisation et de permanence entraînées par la réforme,
le Gouvernement a augmenté cette estimation de 20 %, portant ainsi
le
coût total estimé à 55.841.000 F
.
Il est possible de se demander si cette estimation ne risque pas de
s'avérer insuffisante. En premier lieu, elle repose sur les statistiques
de 1996 et le nombre de gardes à vue a très fortement
augmenté en 1997. En second lieu, elle ne prend en compte que
l'hypothèse d'un unique entretien avec l'avocat, alors que le texte
adopté par l'Assemblée nationale permet, au cours d'une garde
à vue prolongée, trois entretiens successifs entre un avocat et
la personne gardée à vue. Enfin, il est difficile de savoir quel
sera l'impact du nouveau régime. Il est loin d'être exclu que plus
de 40 % des personnes mises en garde à vue demande l'intervention
d'un avocat si celle-ci est possible au début de la mesure.
Les moyens humains suscitent une inquiétude plus grande encore. On
estime actuellement que 60 % des demandes d'entretien avec un avocat
formulées au cours des gardes à vue sont satisfaites, alors que
ces demandes, selon le Gouvernement, ne sont qu'au nombre de 24.000.
Qu'adviendra-t-il lorsque le nombre de demandes sera beaucoup plus
élevé ? Les personnes ayant un avocat pourront naturellement
le faire appeler, mais qu'en sera-t-il des personnes qui demandent qu'un avocat
leur soit commis d'office ? Dès à présent, les
barreaux ont des difficultés à satisfaire les demandes. Il est
à craindre que la situation ne s'aggrave fortement.
En 1991, la commission
" Justice pénale et droits de
l'homme "
présidée par
Mme Mireille Delmas-Marty, avait recommandé la présence
de l'avocat au cour des gardes à vue tout en lançant cet
avertissement :
" (...) l'opportunité d'une telle
réforme est subordonnée aux conditions pratiques de sa mise en
oeuvre. Que celles-ci soient négligées et il en
résulterait, non l'amélioration recherchée des garanties,
dont doivent bénéficier tous les justiciables, mais une
aggravation des inégalités face à la justice ".
Il est clair que la mise en oeuvre de la réforme aujourd'hui
proposée peut susciter des inquiétudes légitimes quant
à ses conditions de mise en oeuvre. Il paraît difficile de
considérer simplement, comme le fait l'étude d'impact, que
" il conviendra que l'ensemble des barreaux se mobilise pour la mise en
oeuvre de cette mesure, afin qu'elle s'applique de la même manière
sur l'ensemble du territoire ".
Votre commission souhaite donc insister sur la nécessité que
soient mis en oeuvre des moyens suffisants pour que cette mesure puisse
être appliquée de manière satisfaisante et que le plus
grand nombre de demandes possible puisse être satisfait.
• En ce qui concerne les effets de la possibilité offerte
à une personne de demander l'intervention d'un avocat dès le
début de la garde à vue, il est clair que ce nouveau droit ne
doit pas avoir pour effet de paralyser l'enquête. Aussi, si l'avocat ne
peut arriver immédiatement, les enquêteurs devraient pouvoir
commencer les interrogatoires et les investigations nécessaires. Le
texte ne donne aucun délai à l'avocat pour se présenter en
garde à vue, de sorte qu'il est possible qu'il n'arrive que plusieurs
heures après avoir été appelé. Dans un tel cas, les
nécessités de l'enquête et les droits de la défense
devront être conciliés, ce qui pourrait impliquer que l'avocat
doive attendre avant de s'entretenir avec la personne si, par exemple, une
perquisition était en cours.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 2 bis
(Article 77 du code de procédure
pénale)
Information du procureur dès le début de la
garde à vue
en cas d'enquête préliminaire
Cet
article tend à modifier l'article 77 du code de procédure
pénale relatif à la garde à vue au cours d'une
enquête préliminaire, afin de prévoir l'information du
procureur de la République dès le début de la garde
à vue et non plus dans les meilleurs délais comme actuellement.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 2 ter
(Article 4 de l'ordonnance
n° 45-174 du 2 février 1945)
Enregistrement des
interrogatoires des mineurs
Cet
article, introduit dans le projet par l'Assemblée nationale, tend
à compléter l'article 4 de
l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative
à l'enfance délinquante, qui porte sur le régime de la
garde à vue des mineurs, afin de prévoir l'enregistrement sonore
des interrogatoires des mineurs placés en garde à vue.
L'enregistrement serait placé sous scellés fermés et sa
copie serait versée au dossier. Sur décision d'un magistrat,
l'enregistrement original pourrait être écouté au cours de
la procédure.
Au Sénat, une proposition de loi (n° 264 rectifiée),
déposée par M. Xavier Dugoin et plusieurs de ses
collègues, prévoit pour sa part l'enregistrement audiovisuel des
interrogatoires pendant l'ensemble des gardes à vue. Les enregistrements
seraient consultables pendant une période de six mois, à la
demande des personnes ayant été mises en garde à vue ou de
leurs représentants et également du magistrat instructeur.
La commission de réflexion sur la justice a pour sa part estimé
"
indispensable l'enregistrement par magnétophone des
interrogatoires et confrontations en cours de garde à vue, les bandes
immédiatement placées sous scellés étant
écoutées en cas de divergence entre les propos rapportés
par procès-verbal et les déclarations
ultérieures
".
L'enregistrement audiovisuel des interrogatoires paraît avoir un
intérêt réduit. Il semble avoir pour objet d'éviter
certains comportements répréhensibles au cours de la garde
à vue. Les auteurs de la proposition de loi n° 264
rectifiée font valoir que "
nombre d'avocats ou de personnes
ayant connu la garde à vue font état de méthodes
employées par les enquêteurs qui contreviendraient au respect des
droits de l'individu (propos injurieux, menaces, fouilles au
corps...)
". Le droit d'être examiné par un
médecin, l'intervention de l'avocat, éventuellement à
trois reprises au cours d'une garde à vue, doivent permettre
d'éviter ces comportements que l'enregistrement audiovisuel des
interrogatoires ne suffirait quant à lui pas à empêcher.
En revanche, la mise en place d'un enregistrement sonore des interrogatoires de
gardes à vue peut paraître séduisante. Les
déclarations faites au cours des gardes à vue et transcrites dans
les procès-verbaux font en effet souvent l'objet de contestations et il
serait sous doute utile de disposer d'une trace précise des
déclarations.
Il paraît cependant singulier de limiter l'enregistrement des
interrogatoires aux mineurs. Il est certes possible de considérer que
les mineurs sont particulièrement vulnérables, mais il existe
d'autres catégories de personnes qui le sont autant. Surtout,
l'enregistrement des interrogatoires des mineurs impliquera l'équipement
de l'ensemble des lieux de garde à vue en magnétophones.
Dès lors, il ne serait sans doute pas beaucoup plus coûteux de
prévoir l'enregistrement sonore des interrogatoires au cours de
l'ensemble des mesures de garde à vue.
Sur le fond, il convient de garder à l'esprit qu'une telle mesure ne
sera pas nécessairement favorable -loin s'en faut- à la personne
gardée à vue. L'enregistrement de ses aveux risque de rendre plus
difficile une rétractation ultérieure.
En outre, les dispositions proposées par cet article sont très
imprécises en ce qui concerne la valeur juridique de ces enregistrements
et les possibilités d'utilisation au cours de la procédure.
Serait-il possible de diffuser l'enregistrement devant une cour d'assises ?
Votre commission estime au moins prématurée cette mesure, qui
pourrait avoir des conséquences opposées à celles qui
paraissent en être attendues.
Elle vous propose la
suppression
de cet article.
SECTION 2
Dispositions relatives à la
désignation de l'avocat
au cours de l'instruction
Article 3
(Articles 115 et 116 du code de procédure
pénale)
Modalités de désignation de l'avocat
Dans sa
rédaction actuelle, l'article 115 du code de procédure
pénale prévoit que les parties peuvent, à tout moment
d'une information, faire connaître au juge d'instruction le nom de
l'avocat qu'elles ont choisi. Lorsqu'elles ont plusieurs avocats, elles doivent
faire connaître celui d'entre eux auquel seront adressées les
convocations et notifications.
Cet article, tel qu'il a été interprété par la Cour
de cassation, ne permet pas à l'avocat d'informer lui-même le juge
d'instruction du fait qu'il a été choisi par une partie.
Lorsqu'une personne est en détention provisoire, cela peut
entraîner des retards dans la désignation de l'avocat et
empêcher que celui-ci puisse s'entretenir avec son client.
Le premier paragraphe de l'article 3 du projet de loi tend donc à
compléter l'article 115 du code de procédure pénale,
afin de prévoir que, lorsqu'une personne est détenue, le choix de
son avocat peut résulter d'un courrier adressé par cette personne
à l'avocat et le désignant pour assurer sa défense. Une
copie du courrier devrait alors être remise, en tout ou en partie, par
l'avocat au cabinet d'instruction. La personne mise en examen devrait
confirmer ce choix au juge d'instruction dans les quinze jours, sans que ce
délai fasse obstacle à la communication du dossier à
l'avocat.
Une telle simplification mérite d'être approuvée.
Le second paragraphe de cet article tend à modifier l'article 116
du code de procédure pénale, relatif à l'interrogatoire de
première comparution au cours d'une information. Cet article
prévoit notamment, lorsque la personne présentée au juge
d'instruction n'a pas déjà demandé l'assistance d'un
avocat, que le juge doit l'aviser de son droit de choisir un avocat ou de
demander qu'il lui en soit désigné un d'office. L'avocat choisi
ou, dans le cas d'une demande de commission d'office, le bâtonnier de
l'ordre des avocats, en est informé par tous moyens et sans délai.
Le projet de loi tend à compléter ces hypothèses pour
prévoir que lorsque l'avocat choisi ne peut être contacté
ou ne peut se déplacer, la personne est avisée de son droit de
demander qu'il lui en soit désigné un d'office pour l'assister au
cours de la première comparution. Il s'agit d'une mesure utile pour
l'exercice des droits de la défense.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
SECTION 2 BIS
Dispositions relatives aux
modalités de mise en examen
Article 3 bis
(Article 80-1 du code de procédure
pénale)
Caractère des indices permettant la mise en
examen
Le
projet de loi initial ne comportait aucune disposition relative à la
mise en examen. L'Assemblée nationale a estimé utile de
créer une section spécifique dans le projet de loi sur ce sujet,
dans laquelle elle a inséré un unique article.
Actuellement, l'article 80-1 du code de procédure pénale
prévoit que "
le juge d'instruction a le pouvoir de mettre en
examen toute personne à l'encontre de laquelle il existe des indices
laissant présumer qu'elle a participé, comme auteur ou complice,
aux faits dont il est saisi
".
L'article 3 bis du projet de loi, introduit par l'Assemblée
nationale, tend à ne permettre la mise en examen que des personnes
à l'encontre desquelles il existe des "
indices
précis
".
Il est pour le moins difficile de savoir où se situe la frontière
entre des "
indices
" et des "
indices
précis
". Ce terme n'est jusqu'à présent pas
employé dans le code de procédure pénale et l'on ne voit
guère en quoi il modifierait la situation actuelle.
En revanche, votre commission estime qu'il est souhaitable que la mise en
examen n'intervienne que sur des bases solides, d'autant plus que le statut de
témoin assisté sera généralisable jusqu'à ce
stade de l'instruction compte tenu de la rédaction qu'elle vous propose
à l'article 7.
Elle vous soumet un
amendement
tendant à ne permettre la mise en
examen d'une personne que lorsqu'il existe contre elle des
indices graves et
concordants
laissant présumer qu'elle a participé, comme
auteur ou complice à une infraction.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.
Article additionnel après l'article 3
bis
(Article
80-1 du code de procédure pénale)
Mise en examen par lettre
recommandée
L'article 80-1 du code de procédure pénale
permet au
juge d'instruction de mettre en examen une personne par lettre
recommandée. Votre commission estime anormal qu'une personne puisse
être mise en examen sans avoir jamais eu la possibilité
d'être entendue par le magistrat instructeur.
Elle propose donc, par un
amendement,
que le juge d'instruction qui
envisage de mettre en examen une personne par lettre recommandée doive
au préalable l'informer de son intention par lettre recommandée
avec demande d'avis de réception. La personne pourrait alors, dans un
délai de trois jours suivant la réception, demander à
être entendue par le juge d'instruction en présence de son avocat.
Le juge serait tenu de faire droit à cette demande. A défaut
d'une telle demande ou si la personne ne répondait pas à la
convocation, il pourrait procéder à la mise en examen par lettre
recommandée.
SECTION 3
Dispositions étendant les droits
des
parties
au cours de l'instruction
Article 4
(Article 82-1 du code de procédure
pénale)
Demandes d'actes par les parties
L'article 82-1 du code de procédure pénale
permet
aux parties, au cours de l'information, de saisir le juge d'une demande
écrite et motivée tendant à ce qu'il soit
procédé à leur audition ou à leur interrogatoire,
à l'audition d'un témoin, à une confrontation ou à
un transport sur les lieux, ou à ce qu'il soit ordonné la
production par l'une d'elles d'une pièce utile à l'information.
• Le
paragraphe I
de l'article 4 du projet de loi tend
à préciser que les parties peuvent demander à ce qu'il
soit procédé à tous autres actes qui leur paraissent
nécessaires à la manifestation de la vérité.
Cette modification tend à parachever l'évolution intervenue avec
la loi du 4 janvier 1993. Avant cette loi, le droit pour les parties
de demander des actes n'était prévu qu'en matière
d'expertises. La loi du 4 janvier 1993 a permis aux parties de formuler
d'autres demandes d'actes, en particulier ceux prévus dans le texte
actuel de l'article 82-1 du code de procédure pénale. La
possibilité pour les parties de demander à ce qu'il soit
procédé à tous actes qui leur paraissent
nécessaires à la manifestation de la vérité est
difficilement contestable. En effet, le Procureur de la République a
d'ores et déjà le droit de "
requérir du magistrat
instructeur tous actes lui paraissant utiles à la manifestation de la
vérité
".
La seule crainte que peut inspirer une extension de ce droit aux parties est
celle d'un alourdissement de la charge de travail du juge d'instruction et d'un
ralentissement de la procédure. Le juge peut en effet refuser de faire
droit aux demandes des parties, mais doit le faire par une ordonnance
motivée susceptible d'appel.
L'Assemblée nationale a souhaité compléter cette
disposition afin de préciser les conditions auxquelles doivent
répondre les demandes d'actes. L'article 8-2 du code de
procédure pénale précise déjà que la demande
doit être formée conformément au dixième
alinéa de l'article 81, lequel prévoit notamment que la
demande doit faire l'objet d'une déclaration au greffier du juge
d'instruction. L'Assemblée nationale a souhaité prévoir
explicitement que la demande d'acte doit porter sur des actes
déterminés et, lorsqu'il s'agit d'une demande d'audition,
préciser l'identité de la personne dont l'audition est
souhaitée. Cette disposition, qui a pour objet d'éviter des
demandes trop générales, figurait dans le projet initial, mais
dans le second paragraphe de l'article, relatif aux demandes d'actes que la
partie peut formuler en demandant qu'ils soient effectués en
présence de son avocat.
• Le
paragraphe II
de cet article tend en effet à
insérer un article 82-2 au sein du code de procédure
pénale pour prévoir que, lorsqu'une personne mise en examen
saisit le juge d'instruction d'une demande tendant à ce que ce magistrat
procède à un transport sur les lieux, à l'audition d'un
témoin, d'une partie civile ou d'une autre personne mise en examen, elle
peut demander que cet acte soit effectué en présence de son
avocat. La partie civile disposerait du même droit concernant un
transport sur les lieux, l'audition d'un témoin ou d'une autre partie
civile, l'interrogatoire de la personne mise en examen.
Le juge pourrait refuser ces demandes par ordonnance motivée susceptible
d'appel. En cas d'acceptation de la demande, il convoquerait l'avocat dans les
deux jours ouvrables avant la date du transport, de l'audition ou de
l'interrogatoire. L'avocat pourrait intervenir dans les mêmes conditions
qu'au cours des interrogatoires et des confrontations.
Cette disposition appelle quelques remarques. Elle ne concerne que des actes
demandés par la partie. Le juge d'instruction n'est donc pas tenu de
prévenir les parties de tous les actes auxquels il a l'intention de
procéder, afin de leur permettre de demander que leur avocat y assiste.
Par ailleurs, si le juge refuse de faire droit à la demande de
présence de l'avocat au cours d'un transport, d'une audition ou d'un
interrogatoire, l'appel éventuel de cette décision devant la
chambre d'accusation n'empêchera nullement le juge d'instruction de
procéder aux actes en cause, quitte, le cas échéant,
à devoir les recommencer en présence de l'avocat.
Il convient enfin de noter que le procureur peut, pour sa part,
déjà participer à un transport sur les lieux (article 92)
ainsi qu'aux interrogatoires et confrontations de la personne mise en examen et
aux auditions de la partie civile (article 119).
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 4 bis
(Article 82-3 nouveau du code de
procédure pénale)
Constatation de la prescription de
l'action publique
au cours de l'instruction
Cet
article, inscrit dans le projet de loi par l'Assemblée nationale, tend
à insérer dans le code de procédure pénale un
article 82-3 destiné à faciliter la constatation de la
prescription de l'action publique au cours de l'instruction. Actuellement, les
parties peuvent demander au juge d'instruction de constater la prescription de
l'action publique, mais si celui-ci refuse de faire droit à cette
demande, la prescription ne peut être constatée que lors du
jugement au fond, de sorte que certaines personnes peuvent demeurer mises en
examen pendant une longue période, alors même que l'action
publique est prescrite.
Dans un arrêt du 19 janvier dernier, la chambre criminelle de la
Cour de cassation a confirmé que "
la décision du juge
d'instruction, rejetant l'exception de prescription invoquée par la
personne mise en examen, ne figure pas parmi les ordonnances dont, en
application des articles 186 et 186-1 du code de procédure
pénale, celle-ci peut relever appel, ses droits demeurant entiers devant
la juridiction de jugement
".
Pour faire face à cette situation, l'article 4 bis tend
à créer un article 82-3 dans le code de procédure
pénale, afin de prévoir que le juge d'instruction doit statuer
par une ordonnance motivée lorsqu'il conteste le bien-fondé d'une
demande des parties tendant à constater la prescription de l'action
publique.
Par ailleurs, cet article tend à modifier l'article 186-1 du code
de procédure pénale, relatif aux ordonnances susceptibles d'appel
devant la chambre d'accusation, afin d'inclure parmi la liste de ces
ordonnances celles contestant le bien-fondé d'une demande de
constatation de la prescription de l'action publique.
Votre commission vous soumet un
amendement
tendant à rectifier
une erreur matérielle.
Elle vous propose d'adopter l'article 4 bis
ainsi
modifié
.
Article 4 ter
(Article 116 du code de
procédure pénale)
Première comparution
L'article 116 du code de procédure pénale,
relatif à la première comparution devant le juge d'instruction,
prévoit notamment, dans sa rédaction actuelle, que le juge
d'instruction avertit la personne qu'elle ne peut être
immédiatement interrogée qu'avec son accord, que cet accord ne
peut être recueilli qu'en présence de son avocat, qu'enfin, si la
personne désire faire des déclarations, celles-ci sont
immédiatement reçues par le juge d'instruction.
L'Assemblée nationale a pris l'initiative de modifier cette partie de
l'article 116, afin de consacrer le droit au silence de la personne qui
comparaît devant le juge d'instruction. Ainsi, le juge d'instruction
devrait avertir la personne qu'elle a le droit soit de se taire, soit de faire
des déclarations, soit d'être interrogée. L'accord pour
être interrogé ne pourrait, comme actuellement, être
donné qu'en présence d'un avocat.
A vrai dire, cet article ne paraît pas apporter un changement
décisif par rapport au droit actuel, puisqu'une personne a
déjà le droit de se taire au cours des interrogatoires
menés par le juge d'instruction.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 4 quater
(Article 120 du code de
procédure pénale)
Organisation des interrogatoires et
confrontations
L'article 120 du code de procédure pénale
prévoit actuellement qu'au cours des interrogatoires et confrontations,
le procureur de la République et les avocats des parties ne peuvent
prendre la parole que pour poser des questions après y avoir
été autorisés par le juge d'instruction. En cas de refus,
le texte des questions est reproduit et joint au procès-verbal.
L'Assemblée nationale a adopté un amendement prévoyant une
nouvelle rédaction de cet article, destinée à renforcer
les droits de la défense en permettant aux parties d'intervenir de
manière plus active dans les interrogatoires et confrontations.
Le juge d'instruction conserverait la direction des interrogatoires,
confrontations et auditions. Le procureur et les avocats des parties pourraient
poser des questions ou présenter de brèves observations. Le juge
d'instruction déterminerait, s'il y a lieu, l'ordre des interventions et
pourrait y mettre un terme lorsqu'il s'estimerait suffisamment informé.
Il pourrait s'opposer aux questions de nature à nuire au bon
déroulement de l'information ou à la dignité de la
personne.
Le changement proposé peut paraître symbolique, mais semble
effectivement renforcer le caractère contradictoire de la
procédure, même si l'on peut penser que nombre de juges
d'instruction dirigent d'ores et déjà les interrogatoires en
permettant aux parties d'intervenir.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article additionnel après l'article
4 quater
(Article 121 du code de procédure
pénale)
Mise en examen d'une personne atteinte de
surdité
L'Assemblée nationale a adopté des dispositions
destinées à permettre aux personnes atteintes de surdité
d'être assistées, au cours des audiences, par une personne
disposant des compétences nécessaires ou de
bénéficier d'un dispositif technique leur permettant de
communiquer.
Votre commission estime que de droit doit exister à tous les stades de
la procédure pénale et vous propose donc de le prévoir,
pendant le déroulement de l'information, à l'égard des
personnes mises en examen.
Article 5
(Articles 156, 164 et 167 du code de
procédure pénale)
Renforcement des droits des parties en
matière d'expertise
Cet
article a pour objet de renforcer les droits des parties en ce qui concerne les
expertises ordonnées au cours de l'instruction.
• Le
paragraphe I
tend à compléter le premier
alinéa de l'article 156 du code de procédure pénale,
qui prévoit que toute juridiction d'instruction ou de jugement, dans le
cas où se pose une question d'ordre technique, peut, soit à la
demande du ministère public, soit d'office, ou à la demande des
parties, ordonner une expertise. Ce texte serait complété pour
prévoir que le ministère public ou la partie qui demande une
expertise peut préciser dans sa demande les questions qu'il voudrait
voir poser à l'expert.
• Le
paragraphe II
de cet article tend à compléter
l'article 164 du code de procédure pénale. Cet article
prévoit que les experts peuvent recevoir les déclarations de
personnes autres que la personne mise en examen. En ce qui concerne la personne
mise en examen, elle peut être interrogée en présence des
experts par le juge d'instruction en observant certaines formalités
(présence de l'avocat dûment convoqué, avertissement du
procureur de la République).
Toutefois, la personne mise en examen peut renoncer au bénéfice
de cette déclaration expresse devant le juge d'instruction et fournir
aux experts, en présence de son avocat, les explications
nécessaires à l'exécution de leur mission. La personne
mise en examen peut également renoncer, par déclaration
écrite remise aux experts, à l'assistance de son avocat pour une
ou plusieurs auditions.
Enfin, les médecins et les psychologues chargés d'examiner la
personne mise en examen peuvent lui poser les questions nécessaires
à l'accomplissement de leur mission, hors la présence du juge et
des avocats.
L'article 164 précise que ces dispositions relatives à la
personne mise en examen s'appliquent à la personne
bénéficiant des dispositions de l'article 104,
c'est-à-dire la personne nommément visée par une plainte
avec constitution de partie civile, qui demande à être entendue
comme témoin assisté.
Le projet de loi tend à procéder à une refonte
complète du statut du témoin assisté dans ses
articles 6 et 7. Dans ces conditions, la référence à
l'article 104 dans l'article 164 serait remplacée par une
référence plus générale au témoin
assisté. En outre, les dispositions relatives à la personne mise
en examen seraient également étendues à la partie civile.
Il s'agit d'un renforcement bienvenu de l'égalité entre les
parties.
• Le
paragraphe III
de cet article tend à modifier
l'article 167, relatif à la notification des conclusions des
expertises. Cet article prévoit notamment que le juge donne connaissance
des conclusions des experts aux parties et à leurs avocats après
les avoir convoqués et que les conclusions peuvent également
être notifiées par lettre recommandée ou par les soins du
chef de l'établissement pénitentiaire lorsque la personne est
détenue.
Le projet de loi initial tendait à modifier cet article, afin de
prévoir, en cas de convocation, que le juge devrait remettre, à
la demande, une copie de l'intégralité du rapport aux avocats des
parties. En cas de notification par lettre recommandée, le projet de loi
initial prévoyait la notification de l'intégralité du
rapport, non plus des conclusions, aux parties.
L'Assemblée nationale a modifié cet article, afin de
prévoir que, dans tous les cas, la notification de
l'intégralité du rapport est faite aux avocats et non aux parties
et qu'il faut une demande préalable pour que le rapport soit
notifié par lettre recommandée. Elle a en outre rétabli la
notification des conclusions par lettre recommandée en l'absence de
convocation par le juge d'instruction.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article additionnel après
l'article 5
(Articles 89-1, 116, 173-1 du code de procédure
pénale)
Délai de recevabilité de certaines
requêtes en nullité
L'attention de votre commission a été
attirée
sur certaines situations dans lesquelles une cause de nullité survenue
au début d'une procédure pénale peut avoir pour
conséquence la nécessité de recommencer l'ensemble de
cette procédure. Les inconvénients de ce système ont
été soulignés à la fois par des avocats et des
magistrats.
Dans ces conditions, votre commission vous propose un amendement tendant
à créer un article 173-1 dans le code de procédure
pénale, fixant aux parties, sous peine d'irrecevabilité, un
délai pour faire état des moyens puis de la nullité de
certains actes.
Les actes concernés sont :
- pour la personne mise en examen, ceux accomplis avant son interrogatoire de
première comparution ou cet interrogatoire lui-même ;
- pour la partie civile, ceux accomplis avant sa première audition ou
cette audition elle-même. Le délai pour faire état des
moyens pris de la nullité des actes serait de six mois, sauf dans les
cas où l'intéressé ne pourrait connaître la
nullité.
Cet article additionnel prévoit, en outre, des coordinations dans les
articles 89-1 et 116 du code de procédure pénale, afin d'exiger
que le juge d'instruction informe les parties de ces dispositions. De
même, l'article 173 du code de procédure pénale,
relatif aux cas d'irrecevabilité d'une demande de nullité
constatés par le président de la chambre d'accusation serait
complété, afin d'y ajouter le cas prévu par l'article
173-1 nouveau.
Ces dispositions devraient permettre d'éviter certaines situations
très difficiles devant les chambres d'accusation, celle-ci pouvant
être saisies de demandes de nullité portant sur des actes
accomplis plusieurs années auparavant.
SECTION 4
Dispositions relatives au témoin
et au
témoin assisté
Article 6
(Articles 101, 109, 153 et 154 du code de procédure
pénale)
Témoins
•
La section IV du chapitre Ier du titre III du livre Ier du
code de procédure pénale concerne les auditions de
témoins. L'un des objectifs du projet de loi étant de consacrer
et d'élargir le statut du témoin assisté, l'article 6
du projet tend, dans son
paragraphe I
à réorganiser la
section du code relative aux témoins afin de distinguer les dispositions
générales, qui feront l'objet des articles 101 à 113
et les dispositions relatives au témoin assisté, qui feront
l'objet des articles 113-1 à 113-8.
• Le
paragraphe II
tend à compléter
l'article 101 du code de procédure pénale. Actuellement,
celui-ci prévoit les différentes modalités de convocation
des témoins par le juge d'instruction. Le juge peut les faire citer par
un huissier ou par un agent de la force publique, les convoquer par lettre
simple, par lettre recommandée ou par la voie administrative. Ils
peuvent également comparaître volontairement. L'article 101
serait complété, afin de prévoir que le témoin est
avisé, en cas de citation ou de notification, que s'il ne
comparaît pas ou refuse de comparaître, il pourra y être
contraint par la force publique, conformément à
l'article 109 du code, qui permet notamment au juge d'infliger au
témoin l'amende prévue pour les contraventions de la
cinquième classe (10.000 F au maximum).
Ces dispositions pourraient permettre de ne pas attendre le jour prévu
pour la comparution d'un témoin pour faire intervenir la force publique
lorsque le témoin refuse de comparaître.
Votre commission propose, par un
amendement
, d'insérer un
paragraphe additionnel après le paragraphe II, afin que les
témoins atteints de surdité, puissent être assistés,
pour leur audition, par une personne compétente ou
bénéficier d'un dispositif technique lui permettant de
communiquer.
• Le
paragraphe III
tend à procéder à une
coordination dans l'article 109 du code de procédure pénale,
relatif à la comparution des témoins.
• Le
paragraphe IV
tend tout d'abord à rectifier une erreur
de référence au sein de l'article 153 du code de
procédure pénale relatif à l'audition de témoins au
cours de l'exécution d'une commission rogatoire.
Par ailleurs, le 2° de ce paragraphe tend à compléter
l'article 153 pour prévoir que dans les cas où elle est
placée en garde à vue conformément aux dispositions de
l'article 154, la personne entendue comme témoin ne peut être
retenue que le temps strictement nécessaire à son audition. Le
maintien de ce paragraphe dans le texte adopté par l'Assemblée
nationale peut susciter des interrogations. L'Assemblée nationale a
décidé d'harmoniser les régimes de garde à vue en
cas d'enquête préliminaire, d'enquête de flagrance et de
commission rogatoire. Dans le texte qu'elle a adopté, aucun
témoin ne peut plus être mis en garde à vue. Il
paraît donc paradoxal d'évoquer le cas où un témoin
est placé en garde à vue au cours de l'exécution d'une
commission rogatoire.
• Enfin, le
paragraphe V
de cet article, adopté à
l'initiative de l'Assemblée nationale, tend à compléter
l'article 154 du code de procédure pénale, relatif aux
gardes à vue au cours de l'exécution d'une commission rogatoire.
Cet article prévoit que certaines dispositions inscrites dans la partie
du code relative aux enquêtes de flagrance sont applicables aux gardes
à vue effectuées au cours de l'exécution d'une commission
rogatoire. Il s'agit des articles 63-1 (notification des droits), 63-2
(droit de faire prévenir un membre de son entourage), 63-3 (droit
à un examen médical), 63-4 (droit à un entretien avec un
avocat), 64 (contenu des procès-verbaux d'auditions) et 65 (inscription
de certaines mentions sur un registre spécial). L'Assemblée
nationale a souhaité compléter ces références par
un renvoi à l'article 63. Cet ajout paraît pour le moins
curieux, l'article 63 étant celui qui permet la garde à vue
au cours d'une enquête de flagrance. L'article 154 contient des
dispositions pratiquement identiques, surtout après l'harmonisation
opérée par l'Assemblée nationale, dans les
articles 2B et 2C du projet, entre les différentes réformes
de garde à vue.
Votre commission vous soumet donc un
amendement
de suppression du
2° du paragraphe IV de cet article, ainsi que du paragraphe V.
Elle vous propose d'adopter l'article 6
ainsi modifié
.
Article 7
(Articles 113-1 à 113-8
nouveaux du
code de procédure pénale)
Témoin assisté
L'article 7 est l'une des dispositions importantes de ce
projet
de loi. Il tend en effet à opérer une refonte complète du
statut du témoin assisté, en particulier pour inciter les juges
d'instruction à y recourir plus fréquemment.
La notion de témoin assisté résulte de la loi du
30 décembre 1987. Jusqu'à cette date,
l'article 104 du code de procédure pénale prévoyait
qu'une personne nommément visée dans une plainte avec
constitution de partie civile ne pouvait être entendue comme simple
témoin qu'avec son accord et pouvait demander à être
inculpée. La loi de 1987 a permis aux personnes visées dans une
plainte avec constitution de partie civile de demander à être
entendues en bénéficiant d'un avocat ayant accès au
dossier, mais sans faire l'objet d'une inculpation.
La loi du 24 août 1993 a permis la mise en place d'une seconde forme
de témoin assisté. L'article 105 du code de procédure
pénale permet en effet au juge d'instruction, lorsqu'il estime ne pas
devoir mettre en examen une personne nommément visée par le
réquisitoire du procureur de la République, de l'entendre comme
témoin. La personne bénéficie alors de tous les droits
reconnus aux personnes mises en examen.
Le statut dit du " témoin assisté " (ce terme ne figure
pas actuellement dans le code de procédure pénale) semble
aujourd'hui très peu utilisé, alors qu'il peut permettre
d'éviter ou de retarder certaines mises en examen, lorsque les
éléments contre la personne en cause n'apparaissent pas
suffisamment solides. En outre, les articles 104 et 105 du code de
procédure pénale prévoient des régimes
différents selon que la personne est mise en cause par une plainte avec
constitution de partie civile ou nommément visée dans le
réquisitoire du procureur de la République. Dans le premier cas,
cette personne ne bénéficie que du droit d'être
assistée par un avocat, dans le second cas, elle bénéficie
de tous les droits reconnus à la personne mise en examen. Elle peut
ainsi demander des actes et déposer des requêtes en nullité.
Dès 1995, la mission d'information de la commission des Lois du
Sénat sur le respect de la présomption d'innocence et le secret
de l'enquête et de l'instruction avait proposé que le statut du
témoin assisté soit élargi afin que les juges
d'instruction puissent y recourir plus aisément.
La commission de réflexion sur la justice présidée par
M. Pierre Truche s'est penchée sur cette question et est
parvenue à des conclusions similaires : " (...)
au
début
de certaines procédures pénales, y compris de
celles ouvertes à l'initiative du parquet, la responsabilité des
personnes soupçonnées apparaît difficile à cerner.
Afin de mieux protéger la présomption d'innocence, il serait,
dans ces cas, souhaitable que les juges d'instruction ne procèdent pas
immédiatement à une mise en examen et qu'ils utilisent les
dispositions législatives leur permettant d'entendre les
intéressés en qualité de témoins, en
présence d'un avocat ayant accès au dossier
(...).
" Afin d'inciter les magistrats instructeurs à utiliser plus
souvent qu'aujourd'hui les possibilités offertes par ces textes, la
commission estime opportune une modification des articles 104 et 105 du
code de procédure pénale pour donner au juge d'instruction, en
l'absence même de toute demande d'un témoin, le pouvoir de lui
accorder d'office l'assistance d'un avocat, qu'il soit ou non visé par
l'acte qui l'a saisi
.
"
Le projet de loi tend à insérer une sous-section consacrée
au témoin assisté dans la section du code relative aux auditions
de témoins. L'étude d'impact du texte précise que
"
cette modification est de nature à promouvoir les nouveaux
textes
".
• Le texte proposé pour les
articles 113-1 et 113-2
nouveaux du code de procédure pénale
tend à
redéfinir le champ d'application du statut de témoin
assisté.
En ce qui concerne les personnes nommément visées par un
réquisitoire du procureur de la République, le juge d'instruction
ne pourrait que les mettre en examen ou les entendre comme témoin
assisté, comme c'est d'ores et déjà le cas. Les personnes
nommément visées par une plainte avec constitution de partie
civile, qui ne seraient pas mises en examen, pourraient être entendues
comme témoin assisté et bénéficieraient
obligatoirement de ce régime si elles en faisaient la demande. Là
encore, cette disposition ne prévoit pas de changement par rapport au
droit actuel, sinon que le juge d'instruction pourrait accorder d'office le
statut de témoin assisté.
Enfin, une personne nommément visée par une plainte ou une
dénonciation, qui ne serait pas mise en examen, pourrait
également être entendue comme témoin assisté. La
possibilité pour le juge d'accorder au moins ce statut à cette
personne paraît laissée à sa discrétion.
Le projet de loi ne retient pas entièrement les propositions de la
mission d'information du Sénat, qui estimait souhaitable un
élargissement plus important du champ d'application du statut du
témoin assisté.
Or, si l'on veut réellement que la mise en examen soit, compte tenu de
ses conséquences souvent irréparables pour la personne,
mûrement réfléchie et décidée uniquement
lorsqu'elle est indispensable à la poursuite de l'information, il faut
donner un champ aussi large que possible au statut du témoin
assisté tout en réservant la mise en examen au stade de
l'instruction où existent des indices graves et concordants.
Votre commission vous propose donc, par
amendement
, que le juge
d'instruction puisse accorder le statut de témoin assisté
à toute personne mise en cause par un témoin ou par la victime au
cours de l'instruction ainsi qu'aux personnes à l'encontre desquelles il
existe des indices laissant présumer qu'elles ont pu commettre une
infraction. Ce statut serait obligatoirement accordé à ces
personnes si elles en faisaient la demande.
• Le texte proposé pour l'
article 113-3 du code de
procédure pénale
prévoit que le témoin
assisté bénéficie des droits reconnus à la personne
mise en examen. Le choix consistant à accorder aux témoins
assistés l'ensemble des droits reconnus aux personnes mises en examen
(notamment le droit de demander des actes et le droit pour l'avocat
d'accéder au dossier) et non seulement le droit d'être
assisté par un avocat mérite d'être approuvé.
• Le texte proposé pour l'
article 113-4 du code de
procédure pénale
définit les conditions de la
première audition du témoin assisté. Le juge d'instruction
devrait constater son identité, lui donner connaissance du
réquisitoire introductif, de la plainte ou de la dénonciation,
l'informer de ses droits et procéder à certaines des
formalités prévues par l'article 116 du code de
procédure pénale, relatif à l'interrogatoire de
première comparution (possibilité de déclarer l'adresse
d'un tiers chargé de recevoir les actes, information de la personne du
fait qu'elle doit déclarer tout changement d'adresse jusqu'au
règlement de l'information). Le juge d'instruction pourrait
également faire savoir à une personne qu'elle sera entendue comme
témoin assisté par l'envoi d'une lettre recommandée
comportant les informations qui devront être données à la
personne lorsqu'une audition est prévue et précisant que le nom
de l'avocat choisi ou la demande de désignation d'un avocat commis
d'office devront être communiqués au greffier du juge
d'instruction.
• Le texte proposé pour l'
article 113-5 du code de
procédure pénale
prévoit que le témoin
assisté ne peut être placé sous contrôle judiciaire
ou en détention provisoire, ni faire l'objet d'une ordonnance de renvoi
ou de mise en accusation. Il s'agit en particulier de maintenir l'obligation de
mettre une personne en examen pour envisager sa mise en accusation ou prendre
une ordonnance de renvoi.
• Le texte proposé pour l'
article 113-6 du code de
procédure pénale
revêt une grande importance. Il a en
effet pour objet de prévoir que les dispositions de l'article 105, qui
interdisent au juge d'instruction d'entendre comme témoin une personne
à l'encontre de laquelle il existe des indices graves et concordants
d'avoir commis une infraction, ne s'appliquent pas au témoin
assisté. Cette évolution est importante, car actuellement,
certains magistrats recourent rapidement à la mise en examen, afin
d'éviter des nullités de la procédure pour mise en examen
tardive. Le statut du témoin assisté pourrait donc permettre au
juge de n'envisager la mise en examen que lorsqu'elle est strictement
nécessaire.
• Le texte proposé pour l'
article 113-7 du code de
procédure pénale
prévoit que le témoin
assisté ne prête pas serment. Actuellement, la solution est
inverse et le témoin assisté prête serment comme les autres
témoins.
• Le texte proposé pour l'
article 113-8 du code de
procédure pénale
concerne la mise en examen des personnes
bénéficiant du statut de témoin assisté. Cet
article précise que le juge d'instruction peut mettre en examen à
tout moment de la procédure une personne entendue comme témoin
assisté. Le texte précise qu'en cas de notification de la mise en
examen par lettre recommandée, la lettre peut être adressée
en même temps que l'avis de fin d'information (qui donne un délai
de vingt jours à la personne mise en examen pour faire des demandes
d'actes ou des requêtes en nullité). L'étude d'impact du
projet de loi précise que la mention expresse du fait que la mise en
examen peut être faite par lettre recommandée "
est de
nature à favoriser le recours au témoin assisté (le juge
n'étant pas systématiquement obligé de reconvoquer la
personne pour la mettre en examen, ce qui prolongerait la procédure) et
à reculer dans le temps le " passage " du statut de
témoin assisté à celui de mis en examen
". De
fait, si la mise en examen des témoins assistés n'était
possible qu'au cours d'une comparution, le juge ne serait guère
incité à recourir à ce statut, alors même qu'il peut
aujourd'hui mettre une personne en examen par lettre recommandée.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi modifié
.
Article 8
(Article 197-1 nouveau du code de
procédure pénale)
Observations du témoin
assisté devant la chambre d'accusation
en cas d'appel d'une
ordonnance de non-lieu
Cet
article tend à insérer dans le code de procédure
pénale un article 197-1 précisant qu'en cas d'appel d'une
ordonnance de non-lieu, le témoin assisté peut, par
l'intermédiaire de son avocat, faire valoir ses observations devant la
chambre d'accusation.
Cette précision peut paraître inutile, dans la mesure où le
témoin assisté est appelé à
bénéficier de l'ensemble des droits réservés
à la personne mise en examen. Il semble que le Gouvernement ait craint
que le témoin assisté puisse ne pas être
considéré comme une partie à la procédure.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
SECTION 5
Dispositions renforçant les
droits des
parties
au cours de l'audience de jugement
Article 9 A
(Article 312 du code de procédure
pénale)
Questions au cours d'un procès criminel
L'article 312 du code de procédure pénale
prévoit, dans sa rédaction actuelle, qu'au cours d'un
procès criminel le ministère public, l'accusé, la partie
civile, les conseils de l'accusé et de la partie civile peuvent poser
des questions, par l'intermédiaire du président, aux
accusés, aux témoins et à toutes personnes appelées
à la barre.
L'article 9 du projet de loi prévoyant une évolution des
règles relatives aux questions au cours d'un procès
correctionnel, l'Assemblée nationale a estimé souhaitable de
modifier, dans cet article 9 A, les règles applicables devant
la cour d'assises.
L'article 312 du code de procédure pénale serait
modifié pour permettre au ministère public et aux conseils de
l'accusé et de la partie civile de poser directement des questions aux
accusés, aux témoins et à toutes personnes appelées
à la barre en demandant la parole au président. L'accusé
et la partie civile continueraient, pour leur part, à ne pouvoir poser
des questions que par l'intermédiaire du président.
La loi du 4 janvier 1993 avait conduit à l'introduction dans
le code de procédure pénale d'une procédure
entièrement accusatoire à l'audience, en matière
criminelle comme en matière correctionnelle. Le système retenu
était celui de la "
cross-examination
" en vigueur dans
les pays anglo-saxons, qui permet des interrogatoires croisés par
l'accusation et la défense. Il convient de noter que ce système
implique des procès plus longs qu'un système dans lequel les
débats sont conduits par le président. Aux Etats-Unis, une telle
procédure peut fonctionner, parce que le système du
" plaider coupable " limite considérablement le nombre de
véritables procès. La loi du 24 août 1993 a
abrogé l'ensemble des dispositions de la loi du
4 janvier 1993, qui modifiaient les règles applicables
à l'audience.
Les propositions formulées par l'Assemblée nationale reprennent
celles formulées dans le projet de loi portant réforme de la
procédure criminelle examiné par le Sénat en
première lecture en avril 1997, mais qui n'a pu être
adopté définitivement.
Votre commission vous propose, par un
amendement
, d'harmoniser la
rédaction proposée avec celle prévue par l'article 9
en matière correctionnelle.
Elle vous propose d'adopter cet article
ainsi modifié
.
Articles 9 B et 9 C
(Articles 345
et
408 du code de procédure pénale)
Accusé,
prévenu ou témoin atteint de surdité
Dans sa
rédaction actuelle, l'article 345 du code de procédure
pénale prévoit, que devant la cour d'assises, lorsque
l'accusé ou un témoin est sourd-muet et ne sait pas
écrire, le président nomme d'office en qualité
d'interprète la personne qui a le plus l'habitude de converser avec lui.
Lorsque le sourd-muet sait écrire, les questions ou observations sont
rédigées par le greffier et remises à l'accusé ou
au témoin, qui répond par écrit. L'article 408 du
code de procédure pénale prévoit une procédure
identique devant le tribunal correctionnel.
L'Assemblée nationale a adopté deux amendements modifiant ces
règles. Les articles 345 et 408 préciseront désormais
qu'en présence d'un accusé (un prévenu devant le tribunal
correctionnel) ou d'un témoin sourd, le président devrait
d'office désigner "
une interface : interprète en
langue des signes, codeur en langage parlé complété ou
transcripteur
". L'interface devrait prêter serment
"
d'apporter son concours à la justice en son honneur et en sa
conscience
". En revanche, la procédure demeurerait
inchangée en présence d'une personne sourde sachant écrire.
Au cours des débats à l'Assemblée nationale,
Mme Dominique Gillot, auteur des amendements, a fait valoir que les
personnes sourdes "
se trouvent en grande difficulté, notamment
quand elles sont devant une juridiction qui n'est pas avertie de leur
déficit de communication
".
L'intérêt principal de la modification proposée
paraît être le remplacement de la référence au
témoin ou à l'accusé "
sourd-muet
" par
une référence au témoin ou à l'accusé
"
sourd
". Cette évolution pourrait permettre aux
personnes qui ne sont pas muettes, mais peuvent néanmoins avoir des
difficultés d'expression, de bénéficier de l'assistance
d'une personne compétente ou d'un système technique leur
permettant de se faire comprendre.
La rédaction proposée pour cet article par l'Assemblée
nationale ne paraît guère pouvoir être retenue. En
particulier, certains des termes employés, tels que celui d'interface,
ne sont guère juridiques.
Votre commission, approuvant l'esprit de ces articles, vous en propose, par
deux amendements, une nouvelle rédaction. Elle a par ailleurs
décidé de prévoir également un renforcement des
droits des personnes atteintes de surdité au cours de l'enquête et
de l'instruction par deux articles additionnels après les articles 2 E
et 4 quater.
Votre commission vous propose d'adopter les articles 9 B et 9 C
ainsi modifiés
.
Article 9
(Article 442-1 nouveau du code de
procédure pénale)
Questions au cours d'une audience
correctionnelle
•
Cet article tend, dans son
paragraphe I
, à insérer au sein
du code de procédure pénale un article 442-1, pour
permettre, devant le tribunal correctionnel, au ministère public et aux
avocats des parties de poser directement des questions au prévenu,
à la partie civile, aux témoins et à toutes personnes
appelées à la barre, en demandant la parole au président.
Naturellement, cette procédure devrait être appliquée sans
préjudice des dispositions de l'article 401 du code de
procédure pénale, qui prévoit que le président a la
police de l'audience et la direction des débats.
Actuellement, selon l'article 442 du code de procédure
pénale, seul le ministère public peut poser directement des
questions au prévenu. Cette faculté serait donc étendue
aux avocats des parties. Le prévenu et la partie civile continueraient
à ne pouvoir poser des questions que par l'intermédiaire du
président.
• Le
paragraphe II
de cet article tend à opérer une
coordination dans l'article 442 du code de procédure pénale.
• Le
paragraphe III
tend à opérer une coordination
dans l'article 454 du code de procédure pénale, qui permet
dans sa rédaction actuelle, au président du tribunal de poser,
après chaque déposition, au témoin les questions
nécessaires et, s'il y a lieu, celles qui lui sont proposées par
les parties. La modification proposée permettra au ministère
public et aux parties de poser des questions dans les conditions prévues
au nouvel article 442-1 du code de procédure pénale.
Les dispositions des articles 9 A et 9, qui permettent aux avocats et
au ministère public de poser directement des questions, consacrent une
pratique de plus en plus répandue et qui, en fait, peut permettre de
raccourcir la durée des débats, dans la mesure où poser
directement une question est plus rapide que demander au président de
poser lui-même cette question.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article additionnel après
l'article 9
(Article
304 du code de procédure pénale)
Serment des
jurés
Le
présent projet de loi concernant à la fois la présomption
d'innocence et les droits des victimes, votre commission estime opportun
d'opérer à cette occasion une modification symbolique, mais
importante du serment que prononcent les jurés en cour d'assises.
Cet amendement tend à faire promettre aux jurés de
ne pas
trahir les intérêts de la victime
, alors qu'ils ne promettent
aujourd'hui que de ne trahir ni les intérêts de l'accusé ni
ceux de la société qui l'accuse.
En outre, les jurés devraient promettre de
se rappeler que
l'accusé est présumé innocent et que le doute doit lui
profiter
, ce qui n'est pas prévu actuellement.
Ces modifications étaient prévues dans le projet de loi
réformant la procédure criminelle, présenté en
1996, par M. Jacques Toubon, alors garde des sceaux, mais n'ont pu
être définitivement adoptées.