CHAPITRE II
DISPOSITIONS RENFORÇANT LES GARANTIES
JUDICIAIRES EN
MATIÈRE DE DÉTENTION PROVISOIRE
SECTION 1 A
Dispositions
générales
Proposant la suppression des trois articles la composant, votre commission propose également la suppression de cette section.
Article 10 A
(Article 137 du code de procédure
pénale)
Détention provisoire
L'article 137 du code de procédure pénale
énonce la possibilité de mettre en détention provisoire
certaines personnes, tout en affirmant le caractère exceptionnel de
cette mesure. Il prévoit en effet que les personnes mises en examen
restent libres, sauf, à raison des nécessités de
l'instruction ou à titre de mesure de sûreté, à
être soumises au contrôle judiciaire ou, à titre
exceptionnel, placées en détention provisoire.
L'article 10 A, inséré dans le projet de loi par
l'Assemblée nationale, prévoit une réécriture de
cet article 137, dont le seul apport consiste à préciser que
la personne mise en examen est présumée innocente.
L'article IX de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen
prévoit que "
Tout homme étant présumé
innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré
coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur
qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit
être sévèrement réprimée par la
loi
".
L'article premier du projet de loi prévoit l'inscription en tête
du code de procédure pénale de quelques principes, dont celui de
la présomption d'innocence.
Faut-il, dans ces conditions, répéter ce principe, au sein du
code de procédure pénale, dans l'article consacré à
la détention provisoire. Cette idée peut paraître
séduisante, mais n'a pas emporté la conviction de votre
commission. D'une part, ce rappel n'apporte rien au droit existant. D'autre
part et surtout, accoler les termes "
personne mise en
examen
" et "
présumée innocente
" a
pour effet de faire apparaître en pleine lumière que la
présomption d'innocence est un idéal vers lequel il faut tendre,
mais qui est difficile à atteindre.
Le code de procédure pénale définit en effet la personne
mise en examen comme une "
une personne à l'encontre de laquelle
il existe des indices laissant présumer qu'elle a participé,
comme auteur ou complice
" aux faits dont est saisi le juge
d'instruction. La personne est donc présumée innocente, mais elle
est aussi présumée avoir participé à des faits
répréhensibles.
Par ailleurs, écrire que la personne mise en examen,
présumée innocente, reste libre laisse à penser que la
personne mise en examen qui ne reste pas libre n'est plus
présumée innocente.
Votre commission vous propose la
suppression
de cet article.
Article 10 B
(Article L. 611-1 du code de
l'organisation judiciaire)
Suppression de l'obligation de présence
d'au moins un juge d'instruction
dans chaque tribunal de grande instance
L'article L. 611-1 du code de l'organisation
judiciaire
dispose, dans sa rédaction actuelle, qu'il y a dans chaque tribunal de
grande instance, un ou plusieurs juges d'instruction. En ce qui concerne les
conditions de nomination et les attributions du juge d'instruction, cet article
renvoie aux articles pertinents du code de procédure pénale.
L'Assemblée nationale, sur proposition de son rapporteur, a
décidé de supprimer cette disposition du code de l'organisation
judiciaire. Ainsi, il deviendrait possible que certains tribunaux de grande
instance ne disposent d'aucun juge d'instruction. L'objectif est une
rationalisation de la carte de l'instruction.
D'ores et déjà, une telle solution prévaut en ce qui
concerne les juges des enfants, puisqu'il n'en existe pas dans tous les
tribunaux de grande instance. Au cours des débats à
l'Assemblée nationale, peu de précisions ont été
apportées sur les solutions qui pourraient être retenues en
matière d'instruction. Le garde des sceaux, soutenant l'amendement du
rapporteur, a en effet simplement indiqué que " (...)
de toute
façon, nous ne nous interdisons aucune solution. Cela signifie que l'on
pourra choisir des audiences foraines ou des regroupements. Nous disposerons en
effet d'un large éventail de possibilités
".
Cet article soulève des difficultés. Il paraît en effet
ouvrir au Gouvernement une faculté de regrouper les juges d'instruction,
mais est en fait inapplicable en l'état. En effet, si certains tribunaux
devaient être privés de juges d'instruction, il conviendrait
à tout le moins de prévoir quel procureur serait compétent
pour ouvrir l'information.
Une telle modification du code de l'organisation judiciaire appelle un
débat spécifique et est profondément liée à
la réforme de la carte judiciaire. Il ne paraît donc pas opportun
de régler cette question dans le présent projet de loi , sous
peine de risquer d'adopter un texte inapplicable.
Votre commission vous propose la
suppression
de cet article.
Article 10 C
Révision de la carte
judiciaire
Cet
article, introduit dans le projet de loi par l'Assemblée nationale,
prévoit une révision de la carte judiciaire dans les deux
années suivant la publication de la loi.
On rappellera que l'article 5 de la loi de programme relative à la
justice du 6 janvier 1995 avait prévu qu'avant le
31 décembre de la même année, le Gouvernement
présenterait au Parlement ses orientations relatives à la
révision de la carte judiciaire. Le rapport transmis le
21 mars 1996 excluait une réforme globale et annonçait
des aménagements.
La révision de la carte judiciaire est demandée par votre
commission depuis plusieurs années. En 1996, la mission d'information
créée au sein de la commission pour conduire une réflexion
sur les moyens de la justice
5(
*
)
avait conclu que cette réforme était prioritaire si l'on voulait
améliorer le fonctionnement quotidien de la justice. Les quatre
premières propositions de la mission, rappelées ci-après,
étaient consacrées à cette question.
Les
propositions de la mission de la commission des Lois
chargée
d'évoluer les moyens de la justice
(octobre 1996)
Proposition n° 1
: Elaborer une nouvelle
carte
judiciaire qui prenne acte des évolutions durables du flux en supprimant
au moins la centaine de juridictions identifiées par le rapport Carrez
comme "
ne répondant plus à une réel
besoin
" et en créant des chambres et des juridictions
nouvelles là ou les besoins sont évidents.
Il s'agit dans l'immédiat d'un exercice théorique mais qui
paraît nécessaire pour mettre en évidence le
caractère inadapté de la carte actuelle.
Proposition n° 2
: Intégrer dans la
réflexion sur la carte judiciaire les regroupements permettant
ultérieurement une spécialisation effective au sein des TGI.
Proposition n° 3
: Etablir un plan de transition sur dix
ans ou même davantage, de la carte actuelle à la nouvelle.
Proposition n° 4
: Prévoir des chambres
détachées et tenir des audiences foraines lorsque la
présence physique du juge paraît indispensable.
Il faut toutefois constater que cette réforme est sans cesse
évoquée, que nombre de rapports sur ce sujet ont
été publiés, sans que rien ou presque n'ait
été fait jusqu'à présent.
Lors de sa déclaration sur la réforme de la justice,
prononcée au Sénat le 22 janvier 1998, Mme Elisabeth
Guigou déclarait notamment : "
Vous le savez (...) cette
affaire sera entreprise en tenant compte de chaque réalité
locale, des évolutions démographiques et économiques, des
durées de transport, et en favorisant à la fois réponses
de proximité et spécialisation des juridictions. Pour ce faire,
une mission, dont j'ai obtenu la création dans le budget de 1998 et qui
réunira des professionnels qualifiés aux compétences
diverses, est en cours de constitution. Elle sera chargée
d'étudier concrètement les projets sur le terrain
".
Dix-huit mois plus tard, il semble que cette mission ait, pour l'instant,
consacré son attention aux seuls tribunaux de commerce et qu'elle soit
en passe de formuler des propositions pour quelques ressorts. Par
conséquent, une véritable réforme de la carte judiciaire
ne paraît pas être envisagée à moyen terme.
L'article 10 C du projet de loi a le mérite d'attirer
l'attention sur cette question essentielle. Le présent projet de loi est
ambitieux -et coûteux. La principale inquiétude qu'il peut
susciter est celle de l'insuffisance éventuelle des moyens
affectés à sa mise en oeuvre. Or, la réforme de la carte
judiciaire est l'un des éléments essentiels d'une rationalisation
des moyens de la justice.
Toutefois, la méthode choisie par l'Assemblée nationale ne
paraît guère pouvoir être retenue. L'article 10 C
constitue manifestement une injonction au Gouvernement et est donc contraire
à la Constitution. Par ailleurs, il s'agit d'une demande, qui risque
simplement de rester lettre morte. Peut-être le Gouvernement prendra-t-il
la peine de demander régulièrement un allongement du délai
qui lui est donné pour accomplir cette réforme, mais il est
difficile d'en être certain. Le législateur ne peut inscrire dans
la loi des dispositions, dont il sait qu'elles ne seront pas appliquées,
sous peine de perdre toute crédibilité.
Enfin, le contenu de cet article est tellement général qu'il
permet toutes les interprétations. Ainsi, le Gouvernement a
récemment annoncé que le tribunal de grande instance de Bressuire
devenait une chambre détachée du tribunal de grande instance de
Niort. Ne s'agit-il pas là d'une révision de la carte
judiciaire ?
Le présent article aura eu le mérite d'attirer l'attention sur
l'une des questions fondamentales à résoudre pour
l'amélioration de la justice en France.
Néanmoins, pour toutes les raisons énoncées
précédemment, et malgré son attachement à cet
objectif, votre commission vous propose la
suppression
de cet article.
SECTION 1
Dispositions relatives au juge de la
détention provisoire
Cette
section a pour objet de créer un juge de la détention provisoire
distinct du juge d'instruction.
D'une manière générale, votre commission estime
inopportun de qualifier le magistrat chargé du contentieux de la
détention provisoire de " juge de la détention
provisoire ", compte tenu du caractère peu gratifiant d'une telle
appellation. L'autorité judiciaire, dans son ensemble, est gardienne de
la liberté individuelle, de sorte qu'il ne paraît pas possible de
faire d'un magistrat le juge de la détention. De même, il ne
paraît pas possible d'en faire un juge de la liberté, car tous les
juges doivent exercer ce rôle. Votre commission propose, par un
amendement
, de ne pas nommer dans le code de procédure
pénale ce magistrat. Cela ne rendra pas plus difficile son
identification et évitera les inconvénients
précédemment évoqués. Cela pourrait en outre
permettre, le cas échéant, d'enrichir les attributions de ce
magistrat.
Par coordination, votre commission vous propose de modifier cette appellation
à chaque fois qu'elle apparaît dans le texte.
Article 10
(Articles 137-1 à 137-5
nouveaux du
code de procédure pénale)
Création d'un juge de la
détention provisoire
L'idée d'une séparation des autorités
chargées de l'instruction et de la mise en détention provisoire
n'est pas neuve. Le législateur l'a déjà
décidée à trois reprises, sans qu'elle s'impose
durablement.
• La
loi du 10 décembre 1985
prévoyait
que la détention provisoire était ordonnée par une chambre
de l'instruction. Cette chambre devait être composée de trois
magistrats, dont au moins deux magistrats instructeurs, le juge d'instruction
chargé du dossier étant appelé à en faire partie.
La loi prévoyait toutefois que la personne poursuivie pouvait accepter,
en présence de son avocat, que la décision soit prise par le juge
d'instruction statuant seul. Cette loi prévoyait sa propre entrée
en vigueur le 1
er
mars 1988, mais fut abrogée en
1987.
• La
loi n° 87-1062
du
30 décembre 1987
prévoyait que la détention
provisoire était ordonnée par une chambre des demandes de mise en
détention provisoire, saisie par le juge d'instruction et
composée de trois magistrats du siège, mais dans laquelle ne
pourraient siéger ni le juge d'instruction chargé du dossier, ni
aucun magistrat ayant connu l'affaire en qualité de juge d'instruction.
Cette loi prévoyait sa propre entrée en vigueur le
1
er
mars 1989, mais fût abrogée avant cette
date.
• La
loi n° 93-2 du 4 janvier 1993
prévoyait deux systèmes distincts :
- jusqu'en janvier 1994, la détention provisoire devait
être ordonnée par le président du tribunal ou un juge
délégué par lui, saisi par le juge d'instruction ;
- à compter de janvier 1994, la détention provisoire
devait être ordonnée par une chambre de la détention
provisoire composée d'un juge du siège et de deux échevins
non professionnels et saisie par le juge d'instruction chargé de
l'information. Ces dispositions furent abrogées par la loi du
24 août 1993.
Par ailleurs, de nombreuses propositions ont été formulées
en vue de retirer au juge d'instruction le pouvoir de mise en détention.
Le rapport de la
commission Justice pénale et droits de l'homme
,
présidée par Mme le professeur Mireille Delmas-Marty
proposait que la détention soit ordonnée par un magistrat du
siège à la demande du ministère public. Dans ce
système,
le juge d'instruction, tel que nous le connaissons,
était appelé à disparaître, au profit de ce
magistrat ayant des prérogatives juridictionnelles étendues, mais
aucun pouvoir d'investigation.
Le rapport remis au garde des sceaux en janvier 1997 par Mme le
professeur Michèle-Laure RASSAT proposait que le juge d'instruction
chargé du dossier continue à pouvoir mettre en détention
provisoire une personne lorsqu'une telle mise en détention était
nécessaire à l'efficacité de l'instruction, mais que cette
possibilité soit confiée soit au président du tribunal
soit à une formation collégiale lorsque la mise en
détention avait pour objet de garantir la sécurité
publique (prévenir les atteintes au mis en examen, la commission
d'infraction ou les réactions d'incompréhension de la
population...).
La
commission de réflexion sur la justice
présidée
par M. Pierre Truche a estimé que le pouvoir de mettre en
détention devait être séparé de celui
d'enquête et souhaité à l'unanimité l'intervention
d'une collégialité dont le juge d'instruction serait exclu.
Cette question a donc donné lieu à de nombreux débats et
presque toutes les solutions ont déjà été
envisagées en cette matière.
Le Gouvernement a finalement prévu la création d'un juge de la
détention provisoire. L'étude d'impact du projet de loi
précise que l'institution de ce juge répond à deux
préoccupations :
- il s'agit tout d'abord de garantir la totale impartialité, et
donc la totale objectivité du magistrat appelé à prendre
la décision de mise en détention ;
- il s'agit ensuite de confier le contentieux de la détention
à un magistrat d'expérience, en réservant la fonction de
juge de la détention provisoire à des magistrats ayant rang de
président, de premier vice-président ou de vice-président.
• Le texte proposé pour l'
article 137-1 nouveau du
code de procédure pénale
pose le principe de la
création d'un juge de la détention provisoire, chargé
d'ordonner ou de prolonger la détention provisoire. Les demandes de
liberté lui seraient également soumises.
Ce juge serait un magistrat du siège ayant rang de président, de
premier vice-président ou de vice-président et serait
désigné par le président du tribunal de grande instance.
Il serait assisté d'un greffier lorsqu'il statuerait à l'issue
d'un débat contradictoire.
Votre commission vous soumet un
amendement
tendant à
prévoir que ce juge devra statuer dans tous les cas après un
débat contradictoire. En effet, lorsque le juge d'instruction formule
une demande de mise en détention, il est normal que le magistrat
chargé de la détention organise un débat contradictoire
même s'il n'envisage pas a priori de mettre la personne en
détention.
Le texte proposé prévoit que ce juge ne peut, à peine de
nullité, participer au jugement des affaires pénales dont il a
connu. Ce principe est le plus lourd de conséquences en ce qui concerne
le coût de la réforme. En effet, une telle incompatibilité
-absolument justifiée- risque parfois de rendre très difficile la
composition de la juridiction de jugement.
Enfin, le texte prévoit que le juge de la détention est saisi par
une ordonnance motivée du juge d'instruction, qui lui transmet le
dossier de la procédure accompagné des réquisitions du
procureur de la République. Cette question a donné lieu à
un vif débat à l'Assemblée nationale, nombre de
députés estimant préférable que le juge de la
détention soit saisi par le procureur de la République.
Dans l'étude d'impact du projet, le Gouvernement indique qu'"
il
est vrai qu'habituellement, une juridiction est saisie par le ministère
public. Mais cette règle connaît d'importantes exceptions.
S'agissant de la matière pénale, peuvent être cités
l'exemple du juge de l'application des peines qui saisit le tribunal
correctionnel aux fins de révocation du sursis avec mise à
l'épreuve et, surtout, l'exemple du juge d'instruction qui saisit le
tribunal correctionnel lorsqu'il estime qu'il existe contre la personne mise en
examen des charges suffisantes d'avoir commis un délit
".
La saisine d'un magistrat du siège par un autre magistrat du
siège ne paraît pas poser de difficultés, dès lors
que, d'ores et déjà, le juge d'instruction, lorsque son
information s'achève, saisit le tribunal correctionnel.
• Le texte proposé pour l'
article 137-2 du code de
procédure pénale
prévoit que le contrôle
judiciaire est ordonné par le juge d'instruction, qui statue
après avoir recueilli les réquisitions du procureur de la
République. Le projet de loi permet donc au juge d'instruction de
conserver le pouvoir d'ordonner le contrôle judiciaire. Il s'agit d'un
élément important, qui peut conduire ce magistrat, lorsqu'il
hésite entre un contrôle judiciaire et une mise en
détention, à retenir la première solution, plus simple
à mettre en oeuvre et qui porte moins atteinte à la
présomption d'innocence.
Le texte proposé pour cet article prévoit également que,
lorsqu'il est saisi, le juge de la détention peut également
ordonner un contrôle judiciaire. Cette solution paraît logique, le
juge de la détention devant disposer d'un éventail de
possibilités aussi large que possible pour prendre sa décision.
• Le texte proposé pour l'
article 137-3 du code de
procédure pénale
prévoit que le juge de la
détention provisoire n'est pas tenu de statuer par ordonnance lorsqu'il
ne décide ni le placement en détention provisoire ou la
prolongation de celle-ci, ni la prescription d'une mesure de contrôle
judiciaire. Le garde des sceaux a indiqué à plusieurs reprises
que cette disposition était une illustration du principe selon lequel la
liberté est la règle et la détention l'exception.
Toutefois,
il est possible de se demander s'il ne serait pas utile au
juge d'instruction de connaître les raisons qui ont conduit le juge de la
détention provisoire à estimer que sa demande de mise en
détention était si peu justifiée que même un
contrôle judiciaire ne s'imposait pas.
Votre commission vous propose, par un
amendement
que le juge
chargé de la détention provisoire statue par une
ordonnance
motivée
, même lorsqu'il ne fait pas droit à la demande
du juge d'instruction.
• Le texte proposé pour l'
article 137-4 du code de
procédure pénale
prévoit que le juge d'instruction
n'est pas tenu de statuer par ordonnance lorsqu'il ne suit pas les
réquisitions du procureur tendant au prononcé d'une mesure de
contrôle judiciaire ou lorsqu'il ne transmet pas le dossier au juge de la
détention en présence de réquisitions tendant au placement
en détention ou demandant la promulgation de celle-ci.
• Le texte proposé pour l'
article 137-5 du code de
procédure pénale
permet au procureur de la République
de saisir la chambre d'accusation dans les dix jours de l'avis de notification
qui lui est adressé, lorsqu'il n'a pas été fait droit
à ses réquisitions tendant au placement en détention
provisoire ou sous contrôle judiciaire de la personne, ou à la
prolongation de la détention provisoire.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 10
ainsi
modifié.
Article 10 bis
(Article 138 du code de
procédure pénale)
Cautionnement
L'article 138 du code de procédure pénale
énumère les obligations que le juge d'instruction peut
actuellement imposer à une personne lorsqu'il ordonne un contrôle
judiciaire. Celui-ci peut notamment imposer à la personne mise en examen
de "
fournir un cautionnement dont le montant et les délais de
versement, en une ou plusieurs fois, sont fixés par le juge
d'instruction, compte tenu notamment des ressources de la personne mise en
examen
".
L'Assemblée nationale a adopté un amendement apportant plusieurs
modifications à cette disposition. En premier lieu, parmi les
critères utilisés pour fixer le montant du cautionnement seraient
explicitement mentionnés, outre les ressources de la personne, ses
charges et son patrimoine. Notons que le texte actuel prévoit que le
juge tient compte "
notamment
" des ressources, de sorte qu'il
lui est déjà possible de prendre en compte aussi les charges et
le patrimoine.
L'article 10 bis tend en outre à modifier l'article 138
du code de procédure pénale pour permettre à la personne
mise en examen de s'acquitter du cautionnement dans les conditions
fixées par l'article L. 277 du livre des procédures
fiscales.
Cet article permet à un contribuable qui conteste le bien-fondé
ou le montant des impositions mises à sa charge de demander à
être autorisé à différer le paiement de la partie
contestée de ces impositions. Le sursis de paiement ne peut lui
être refusé que s'il n'a pas constitué après du
comptable les garanties propres à assurer le recouvrement de la
créance du Trésor. Parmi les garanties possibles figurent les
hypothèques, les garanties bancaires, les warrants, les nantissements...
Les auteurs de cet amendement, adopté par l'Assemblée nationale,
ont fait valoir qu'une telle réforme permettrait par exemple
d'éviter à une personne de devoir vendre son logement lorsqu'un
juge d'instruction ordonne la fourniture d'un cautionnement très
élevé. Le garde des sceaux a fait valoir que cette proposition
pouvait poser des difficultés techniques : "
Quelle serait,
par exemple, la place de l'hypothèque judiciaire parmi les
créances, sinon la première ? Comment vérifier
rapidement et de manière efficace l'existence du bien, voire sa valeur,
sans recourir à des services publics tels que l'administration fiscale,
ce qui risque de prendre un certain temps, alors que la décision de
placement en détention provisoire est le plus souvent prise dans
l'urgence ?
".
Enfin, l'article 10 bis tend également à modifier
l'article 142-2 du code de procédure pénale, qui permet
à la personne ayant dû verser un cautionnement d'en
récupérer la première partie (c'est-à-dire, selon
l'article 142 du code celle destinée à garantir la
représentation de la personne à tous les actes de la
procédure et pour l'exécution du jugement) lorsqu'elle a
satisfait aux obligations du contrôle judiciaire et s'est soumis à
l'exécution du jugement. L'Assemblée nationale a
décidé que la personne pourrait récupérer
l'intégralité du cautionnement si elle se soumettait à ces
obligations.
Un tel principe paraît difficile à retenir. En effet, une partie
du cautionnement garantit notamment le
paiement de la réparation des
dommages causés par l'infraction et des restitutions, ainsi que de la
dette alimentaire
lorsque la personne mise en examen est poursuivie pour
défaut de paiement de cette dette. Il ne paraît guère
souhaitable de modifier ce principe.
Compte tenu des incertitudes importantes entourant la rédaction de cet
article, votre commission vous propose à ce stade sa
suppression
.
Article 11
(Article 145-3 du code de procédure
pénale)
Prolongation de la détention provisoire
La loi
du 30 décembre 1996 a rendu plus contraignante la prolongation
de la détention provisoire, lorsque celle-ci excède un an en
matière criminelle ou huit mois en matière délictuelle.
L'article 145-3 du code de procédure pénale prévoit
en effet que les décisions ordonnant la prolongation ou rejetant les
demandes de mise en liberté doivent comporter
les indications
particulières qui justifient en l'espèce la poursuite de
l'infraction et le délai prévisible d'achèvement de la
procédure
. Ce texte prévoit toutefois que le juge
d'instruction n'est pas tenu d'indiquer la nature des investigations auxquelles
il a l'intention de procéder lorsque cette indication risquerait
d'entraver l'accomplissement de ces investigations.
Le présent article a pour objet de modifier la rédaction de cette
dernière partie de l'article 145-3 du code de procédure
pénale, afin de tenir compte du fait que le projet de loi confie les
décisions de prolongation de la détention ou de refus de mise en
liberté au juge de la détention provisoire.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 11
sans
modification.
Article 12
(Article 146 du code de
procédure pénale)
Conséquence d'une requalification
en matière de détention provisoire
Cet
article, comme le précédent, tend à modifier un article du
code de procédure pénale pour tenir compte de la création
du juge de la détention provisoire.
L'article 146 du code de procédure pénale prévoit
que, dans les cas où il apparaît, au cours d'une information, que
la qualification criminelle ne peut être retenue, le juge d'instruction
peut ordonner le maintien de la personne en détention provisoire ou
ordonner sa mise en liberté assortie ou non d'un contrôle
judiciaire.
Compte tenu des changements prévus par le projet de loi, le juge
d'instruction pourrait désormais prescrire la mise en liberté
assortie ou non d'un contrôle judiciaire ou saisir le juge de la
détention provisoire aux fins du maintien en détention.
Votre commission vous soumet un
amendement
de coordination et vous
propose d'adopter cet article
ainsi modifié
.
Article 13
(Article 147 du code de
procédure
pénale)
Mise en liberté d'office ou sur demande du
procureur
L'article 147 du code de procédure pénale
concerne les conditions dans lesquelles une personne mise en détention
provisoire peut être mise en liberté. Il prévoit notamment
que la mise en liberté peut être ordonnée d'office à
tout moment par le juge d'instruction après avis du procureur de la
République.
Il prévoit en outre que le procureur de la République peut
requérir à tout moment la mise en liberté et que le juge
d'instruction statue dans les cinq jours. Par coordination avec les
dispositions de l'article 10 relatif à la création du juge
de la détention, l'article 13 tend à modifier
l'article 147 code de procédure pénale, afin de
prévoir que, lorsque le procureur requiert la mise en liberté, le
juge d'instruction peut faire droit à cette demande ou transmettre, dans
les cinq jours, le dossier, assorti de son avis motivé, au juge de la
détention, ce dernier devant statuer dans le délai de trois jours
ouvrables.
Votre commission vous soumet un
amendement
de coordination et vous
propose d'adopter l'article 13
ainsi modifié
.
Article 14
(Article 148 du code de
procédure
pénale)
Demande de mise en liberté par la personne ou son
avocat
Comme
les précédents, cet article tend à prendre en
considération dans le code de procédure pénale la
création du juge de la détention provisoire. Actuellement, la
personne mise en détention ou son avocat peut demander, à tout
moment, au juge d'instruction une mise en liberté. Celui-ci sollicite
les réquisitions du parquet et statue dans les cinq jours par une
ordonnance motivée. A l'avenir, la demande de mise en liberté
continuerait à être adressée au juge d'instruction, qui
solliciterait les réquisitions du procureur. Toutefois, le juge
d'instruction ne pourrait désormais que donner une suite favorable
à la demande ou la transmettre, avec son avis motivé au juge de
la détention provisoire, qui statuerait dans les trois jours.
Votre commission vous soumet un
amendement
de coordination et vous
propose d'adopter cet article
ainsi modifié
.
SECTION 2
Dispositions limitant les
conditions
ou la
durée de la détention provisoire
Article 15
(Articles 143-1 nouveau et 144 du code de
procédure pénale)
Conditions de la détention
provisoire
L'article 144 du code de procédure pénale
énumère les conditions permettant la mise en détention
provisoire d'une personne mise en examen.
La mise en détention n'est possible que lorsque la personne encourt une
peine d'une certaine gravité
:
- soit une peine criminelle ;
- soit une peine correctionnelle égale ou supérieure
à un an d'emprisonnement en cas de délit flagrant ou à
deux ans d'emprisonnement dans les autres cas.
La mise en détention provisoire doit en outre être
justifiée par un ou plusieurs des
motifs
suivants, inscrits
à l'article144 du code de procédure pénale :
- les nécessités de l'instruction (la détention
provisoire est l'unique moyen de conserver les preuves ou les indices
matériels, d'empêcher une pression sur les témoins ou les
victimes, d'empêcher une concertation frauduleuse entre personnes mises
en examens et complices) ;
- la nécessité de protéger la personne mise en examen, de
garantir son maintien à la disposition de la justice, de mettre fin
à l'infraction ou de prévenir son renouvellement ;
- la nécessité de mettre fin au trouble exceptionnel et
persistant qu'a causé l'infraction à l'ordre public.
L'article 15 du projet prévoit tout d'abord d'inscrire dans deux
articles différents les conditions de mise en détention
liées aux seuils de peines et les motifs de mise en détention.
• Le texte proposé pour l'
article 143-1 du code de
procédure pénale
prévoit une nouvelle
présentation des conditions de la mise en détention provisoire
liées au quantum de la peine encourue.
La détention provisoire serait désormais possible lorsque les
peines suivantes sont encourues :
- une peine criminelle ;
- une peine correctionnelle d'une durée égale ou
supérieure à
trois ans
d'emprisonnement, compte tenu, le
cas échéant, de l'aggravation de la peine encourue si elle est en
état de
récidive
;
- une peine correctionnelle de
deux ans
d'emprisonnement pour un
délit prévu aux
livres II
(infractions contre les
personnes) ou
IV
(infractions contre la nation, l'Etat et la paix
publique) du code pénal ;
- une peine correctionnelle de
deux ans
d'emprisonnement pour un
délit prévu au livre III du code pénal (infractions contre
les biens) lorsque la personne a
déjà été
condamnée
, soit à une peine criminelle, soit à une
peine d'emprisonnement avec sursis d'une durée supérieure
à un an.
Le texte proposé, adopté par l'Assemblée nationale sans
modification, ne peut qu'inspirer une certaine perplexité. En
avril 1998, examinant une proposition de loi de M. Alain Tourret,
l'Assemblée nationale a adopté, contre l'avis du garde des
sceaux, un texte extrêmement différent de celui qu'elle a
accepté en examinant le présent projet de loi, puisqu'il ne
permettait la mise en détention provisoire que dans les cas où
une peine de
cinq ans
était encourue en cas d'infraction contre
les
biens
et une peine de
trois ans
en cas d'infraction contre
les
personnes
6(
*
)
.
Le texte aujourd'hui soumis au Sénat modifie de manière
modérée le droit actuel, mais le rend aussi plus complexe par des
distinctions multiples.
L'un des alinéas du texte proposé prévoit que la
détention est possible lorsque la peine encourue est de trois ans,
compte tenu de l'aggravation prévue lorsqu'elle est en état de
récidive. Cela signifie qu'un récidiviste ayant commis un
délit passible de deux ans d'emprisonnement pourra être mis en
détention provisoire, compte tenu du doublement possible de la peine en
cas de récidive. Cette rédaction peut étonner car,
dès lors que l'on se réfère à la peine encourue,
cela paraît tenir compte de l'état de récidive.
Cette question a notamment été abordée avec
précision par notre collègue, M. Guy-Pierre Cabanel,
lorsqu'il avait été chargé par
M. Edouard Balladur, alors Premier ministre, d'une mission
parlementaire sur la prévention de la récidive
7(
*
)
. Notre collègue avait
proposé, pour limiter la détention provisoire, d'apprécier
le quantum de la peine encourue
indépendamment de l'état de
récidive du prévenu
.
En tout état de cause, le texte de l'article 15 paraît trop
complexe, au regard de sa portée, en ce qui concerne la détention
provisoire.
Son principal apport est d'exclure la détention
provisoire lorsque la peine encourue est inférieure à deux ans
d'emprisonnement, même en cas de flagrant délit.
Pour le reste, le texte prévoit que la détention est possible
lorsqu'une peine de trois ans est encourue, mais ramène ce seuil
à deux ans lorsque sont en cause des infractions contre les personnes,
l'Etat, la nation et la paix publique, lorsque la personne est en état
de récidive, enfin lorsque la personne a commis une infraction contre
les biens et qu'elle a déjà été condamnée
à une peine d'au moins un an d'emprisonnement.
Afin que le régime des seuils demeure intelligible et que le
présent projet de loi marque une véritable évolution,
votre commission vous propose, par un
amendement
, de modifier cet
article pour prévoir que la détention est possible lorsque la
personne encourt une peine
criminelle
quelle qu'elle soit ou une peine
correctionnelle supérieure à deux ans
d'emprisonnement.
Il convient de rappeler
qu'en matière de comparution
immédiate, la détention provisoire est possible lorsqu'est
encourue une peine de deux ans d'emprisonnement ou une peine d'un an
d'emprisonnement en cas de flagrant délit.
Ces seuils, que le projet
de loi ne modifie pas, sont actuellement les mêmes que ceux prévus
pour la mise en détention provisoire dans le cadre d'une information.
Une certaine différence entre les seuils, selon que la personne fait
l'objet d'une comparution immédiate ou d'une information peut être
admise, dans la mesure où la mise en détention provisoire en
matière de comparution immédiate est décidée par le
juge du fond et pour une durée très limitée.
• Le texte proposé pour l'
article 144 du code de
procédure pénale
est une nouvelle rédaction des motifs
pouvant justifier la mise en détention provisoire d'une personne mise en
examen. La rédaction proposée ne modifie en rien ces
critères, mais facilite leur compréhension.
La seule
modification de fond consiste à prévoir que le motif du trouble
à l'ordre public ne peut justifier, à lui seul, la prolongation
de la détention provisoire sauf en matière criminelle.
Le
texte initial prévoyait que ce critère ne pouvait justifier
à lui seul la prolongation lorsque la peine encourue était
inférieure à cinq ans d'emprisonnement. L'Assemblée
nationale a estimé nécessaire d'encadrer encore davantage le
recours à ce critère.
Considérant que, dans certaines affaires correctionnelles, le trouble
à l'ordre public peut perdurer au-delà de la durée
initiale de détention provisoire, votre commission vous propose , par un
amendement
, de rétablir le texte du projet initial pour
prévoir que le critère du trouble à l'ordre public ne peut
justifier la prolongation de la détention lorsque la peine encourue est
inférieure à cinq ans d'emprisonnement.
De nombreuses réflexions ont été conduites sur ce
critère de l'ordre public, qui ont conduit à encadrer de plus en
plus son utilisation, sans toutefois le supprimer. Notre collègue,
M. Guy-Pierre Cabanel, dans son rapport de mission sur la
prévention de la récidive, avait envisagé de limiter la
référence à l'ordre public comme critère de
placement en détention aux infractions d'une certaine gravité ou
de prévoir l'intervention d'un second magistrat pour confirmer un
placement en détention fondé sur le risque d'un trouble à
l'ordre public ; cette dernière suggestion est d'une certaine
manière satisfaite puisque toutes les mises en détention
provisoire seront prononcées par un autre magistrat.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi modifié
.
Article 16
(Article 145-1 du code de
procédure
pénale)
Durée de la détention provisoire en
matière correctionnelle
1 - Le
droit actuel
En matière correctionnelle, les règles relatives à la
durée de la détention provisoire sont les suivantes :
- la détention provisoire ne peut excéder une durée
de
six mois
, lorsque la peine encourue est inférieure ou
égale à cinq ans d'emprisonnement et que la personne n'a pas
déjà été condamnée pour crime ou pour
délit à une peine supérieure à un an
d'emprisonnement avec sursis ;
- la détention provisoire ne peut excéder une durée
d'
un an
lorsque la peine encourue est inférieure ou égale
à cinq ans d'emprisonnement et que la personne a déjà
été condamnée pour crime ou pour délit à une
peine supérieure à un an d'emprisonnement avec sursis ;
- la détention provisoire ne peut excéder une durée
de
deux ans
lorsque la peine encourue est supérieure à
cinq ans d'emprisonnement mais inférieure à dix ans ;
- enfin, la détention provisoire doit avoir une
durée
raisonnable
lorsque la peine encourue est égale à dix ans
d'emprisonnement.
Il existe donc quatre régimes différents en matière
correctionnelle. Dans tous les cas, la décision de mise en
détention provisoire donne lieu à un débat contradictoire.
La première prolongation peut être ordonnée sans
débat contradictoire, mais les suivantes, lorsqu'elles sont possibles,
doivent être précédées d'un tel débat. En
outre, lorsque la durée de la détention excède huit mois,
les décisions ordonnant sa prolongation ou rejetant les demandes de mise
en liberté doivent comporter les indications qui justifient la poursuite
de l'infraction ainsi que le délai prévisible d'achèvement
de la procédure.
2 - Le projet de loi
Le projet de loi initial prévoyait de maintenir le régime actuel,
mais de limiter les cas où la durée de détention ne
comporte aucune limite aux infractions suivantes lorsque la peine encourue est
égale à dix ans d'emprisonnement : trafic de
stupéfiants, terrorisme, association de malfaiteurs,
proxénétisme, extorsion de fonds ou infraction commise en bande
organisée. Ces infractions sont les mêmes que celles qui
justifient actuellement que l'intervention de l'avocat au cours d'une garde
à vue soit repoussée à la trente-sixième ou
à la soixante-douzième heure de la mesure.
Le texte adopté par
l'Assemblée nationale
procède
à une réécriture complète de l'article 145-1
du code de procédure pénale. Les règles en matière
de durée de la détention seraient désormais les
suivantes :
- la détention ne pourrait excéder une durée de
quatre mois
lorsque la peine encourue serait inférieure ou
égale à cinq ans d'emprisonnement et que la personne n'a pas
déjà été condamnée à une peine
criminelle ou à une peine d'emprisonnement sans sursis supérieure
à un an ;
- la détention provisoire ne pourrait excéder une
durée d'
un an
;
- cette durée serait portée à
deux ans
lorsqu'une commission rogatoire internationale serait délivrée
par le juge d'instruction ;
- enfin, la détention provisoire devrait avoir une
durée
raisonnable
lorsque la peine encourue serait égale à dix ans
d'emprisonnement et que la personne serait poursuivie pour trafic de
stupéfiants, terrorisme, association de malfaiteurs,
proxénétisme, extorsion de fonds ou infraction commise en bande
organisée.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale, assez proche sur la
question des durées de détention de la proposition de loi
adoptée il y a un an à l'initiative de M. Alain Tourret
8(
*
)
, prévoit l'intervention d'un
débat contradictoire avant chacune des prolongations de la
détention.
Votre commission considère que les dispositions adoptées par
l'Assemblée nationale sont équilibrées en ce qui concerne
les durées de détention.
Le choix de faire dépendre la durée de la détention de la
délivrance d'une commission rogatoire internationale par le juge
d'instruction a le mérite d'attirer l'attention sur le fait que de plus
en plus d'infractions ont un caractère international, ce qui impliquera
à l'avenir, sans doute au niveau de l'Union européenne, une
réflexion approfondie sur les moyens de renforcer la lutte contre la
criminalité internationale. Toutefois,
l'introduction d'un tel
critère en ce qui concerne la détention provisoire, pourrait
ouvrir la porte à des situations contestables, la délivrance
d'une commission rogatoire internationale n'étant soumise à aucun
contrôle.
Votre commission vous propose, par un
amendement,
de supprimer cette
référence à la délivrance d'une commission
rogatoire comme critère d'augmentation de la durée de la
détention provisoire. Par un article additionnel, votre commission vous
proposera que les durées maximales de détention puissent, dans
des cas tout à fait exceptionnels, être prolongées
par
la chambre d'accusation.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi modifié
.
Article 17
(Article 145-2 du code de procédure
pénale)
Durée de la détention provisoire en
matière criminelle
L'article 145-2 du code de procédure pénale
prévoit une durée de détention provisoire maximale d'un an
en matière criminelle. Toutefois, cette décision peut être
renouvelée pour une période de six mois, sans que le nombre de
renouvellements soit limité. La seule limite à la durée de
la détention est donc la durée raisonnable désormais
inscrite dans l'article 144-1 du code de procédure pénale.
Dans le projet de loi initial, le Gouvernement a proposé d'instaurer des
délais butoirs à la détention provisoire en matière
criminelle. Le texte proposé prévoyait que la durée de la
détention ne pourrait excéder :
-
deux ans
en cas de peine encourue inférieure à
vingt ans de réclusion ou de détention criminelles ;
-
trois ans
en cas de peine encourue inférieure à
trente ans de réclusion ou de détention criminelles.
Le projet ne prévoyait donc aucune limite pour une peine encourue
supérieure à trente ans d'emprisonnement
(perpétuité). Enfin, le Gouvernement proposait que les limites
à la durée de la détention ne s'appliquent pas dans le cas
où une personne se voit reprocher plusieurs crimes.
L'Assemblée nationale a modifié ce dispositif pour prévoir
les durées de détention maximales suivantes :
-
deux ans
lorsque la peine encourue est inférieure à
vingt ans de réclusion ou de détention criminelles ;
-
trois ans
lorsque la peine encourue est supérieure ou
égale à vingt ans de réclusion ou de détention
criminelles ;
-
trois ans
lorsque la peine encourue est inférieure
à vingt ans de réclusion ou de détention criminelles et
que le juge d'instruction a délivré une commission rogatoire
internationale ;
-
quatre ans
lorsque la peine encourue est supérieure ou
égale à vingt ans de réclusion ou de détention
criminelles et que le juge d'instruction a délivré une commission
rogatoire internationale.
L'Assemblée nationale n'a prévu aucun butoir à la
durée de la détention lorsque plusieurs crimes mentionnés
aux livres II (crimes entre les personnes) ou IV (crimes contre l'Etat, la
Nation et la paix publique) sont reprochés à la personne ou
lorsqu'elle est prévenue pour trafic de stupéfiants, terrorisme,
proxénétisme, extorsion de fonds ou pour un crime commis en bande
organisée.
Votre commission accepte les propositions formulées par
l'Assemblée nationale, mais vous propose par un
amendement,
de
supprimer la référence aux crimes multiples et à la
délivrance d'une commission rogatoire internationale comme
critères d'augmentation de la durée de la détention
provisoire.
Elle vous proposera, dans un article additionnel après le présent
article, qu'à titre exceptionnel, si les nécessités de
l'information le justifient, la chambre d'accusation puisse prolonger les
durées maximales de détention.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 17
ainsi
modifié
.
Article additionnel après
l'article 17
(Article 207-2 nouveau du code de procédure
pénale)
Prolongation exceptionnelle de la durée de
détention
par la chambre d'accusation
Votre
commission a souhaité que la durée maximale de détention
provisoire soit limitée, sauf pour quelques infractions, à un an
en matière correctionnelle et à trois ans en matière
criminelle.
Cependant, dans certains cas exceptionnels, il paraît souhaitable que la
détention puisse être prolongée. Votre commission vous
propose donc, par un
amendement
, de créer un article 207-2 dans
le code de procédure pénale, afin de prévoir une
procédure particulière pour la prolongation de la
détention provisoire au-delà des durées maximales
prévues, en matière correctionnelle comme en matière
criminelle.
Seule la chambre d'accusation, saisie par le juge de la détention
provisoire, pourrait ordonner ces prolongations. L'amendement tend à ne
permettre la prolongation que
lorsque les investigations du juge
d'instruction indispensables à la manifestation de la
vérité doivent être impérativement poursuivies et
que la mise en liberté de la personne mise en examen causerait pour la
sécurité des personnes et des biens un risque d'une
particulière gravité.
La prolongation pourrait être ordonnée pour une durée de
quatre mois, cette décision pouvant être renouvelée deux
fois. Ainsi, ces prolongations exceptionnelles ne seraient plus possibles
après un délai d'un an.
Article 18
(Article 141-3 nouveau du code de
procédure pénale)
Limite à la durée de la
détention provisoire lorsqu'elle est ordonnée
à la
suite d'une révocation du contrôle judiciaire
Cet
article tend à insérer, dans le code de procédure
pénale, un article 141-3 relatif à la détention
provisoire ordonnée à la suite d'une révocation du
contrôle judiciaire. Le Sénat, à l'initiative de
M. Michel Dreyfus-Schmidt, avait attiré l'attention du
Gouvernement sur la situation totalement anormale qui prévaut
actuellement en cette matière, en adoptant une proposition de loi
reproduite en annexe du présent rapport
9(
*
)
.
Actuellement, l'article 141-2 du code de procédure pénale
prévoit que "
si la personne mise en examen se soustrait
volontairement aux obligations du contrôle judiciaire, le juge
d'instruction peut, quelle que soit la durée de la peine
d'emprisonnement encourue, décerner à son encontre mandat
d'arrêt ou de dépôt en vue de sa détention
provisoire
".
La Cour de cassation a interprété cette disposition de
manière très contestable. Dans un arrêt de la chambre
criminelle du 20 décembre 1983, elle a en effet estimé
que l'inobservation volontaire des obligations du contrôle judiciaire
permettait de décerner mandat de dépôt "
quelle que
soit la durée de la peine d'emprisonnement encourue et celle de la
détention provisoire antérieurement subie
".
Cette jurisprudence a été par la suite confirmée. Ainsi,
dans un arrêt du 15 avril 1991, la Cour de cassation a
rejeté le pourvoi contre un arrêt d'une chambre d'accusation ayant
affirmé "
qu'il n'y avait pas lieu de tenir compte de la
détention accomplie antérieurement à la révocation
du contrôle judiciaire pour l'application de l'article 145-1 du code
de procédure pénale
".
Cette jurisprudence permet de contourner les règles relatives à
la durée maximale de la détention lorsque plusieurs
incarcérations successives sont ordonnées à l'encontre
d'une même personne par révocation du contrôle judiciaire.
Le Sénat avait donc adopté un texte prévoyant que
lorsqu'une personne fait l'objet de plusieurs ordonnances de placement en
détention provisoire, la durée cumulée des
détentions ne peut excéder la durée maximale prévue
en fonction de la peine encourue.
Le Gouvernement a retenu cette proposition dans le projet de loi tout en
l'aménageant quelque peu. Le texte proposé pour
l'article 141-3 du code de procédure pénale prévoit
en effet que lorsque la détention provisoire est ordonnée
à la suite d'une révocation du contrôle judiciaire à
l'encontre d'une personne antérieurement placée en
détention provisoire pour les mêmes faits, la durée
cumulée des détentions ne peut excéder de plus de quatre
mois la durée maximale prévue compte tenu de la peine encourue
par la personne. Ce délai de quatre mois doit permettre au juge de
disposer d'une sanction lorsqu'une personne méconnaît
volontairement les obligations du contrôle judiciaire et qu'elle a
déjà subi la durée de détention maximale, compte
tenu de la peine encourue.
Le texte proposé prévoit que lorsque la peine encourue est
inférieure à deux ans d'emprisonnement, la durée totale
des détentions ne peut excéder quatre mois. Le texte initial
prévoyait une durée de six mois, mais la durée de quatre
mois est cohérente avec les décisions prises par
l'Assemblée nationale à propos de l'article 145-1 du code de
procédure pénale. En effet, lorsque la peine encourue est
inférieure à deux ans d'emprisonnement, le texte adopté
par l'Assemblée nationale ne prévoit aucune détention
provisoire. Il est donc normal que la personne mise en détention
à la suite d'une révocation du contrôle judiciaire ne le
soit que pour une durée maximale de quatre mois.
L'article prévoit par ailleurs, pour déterminer s'il doit
appliquer certaines formalités prévues en matière de
prolongation de la détention (débat contradictoire ou exigence de
motivation particulière), le juge doit tenir compte de la durée
de la détention provisoire antérieurement effectuée. Une
telle précision ne paraît pas indispensable et votre commission
vous propose, par un
amendement
de supprimer cette disposition.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi modifié
.
Article additionnel après
l'article 18
(Article 11-1 nouveau de l'ordonnance du 2
février 1945)
Limitation de la durée de la détention
provisoire des mineurs
lorsqu'elle est ordonnée à la
suite
d'une révocation du contrôle judiciaire
Votre
commission propose de modifier l'ordonnance du 2 février 1945,
afin de prévoir, pour les mineurs comme pour les majeurs, la prise en
compte de la détention antérieurement effectuée,
lorsqu'une mise en détention est ordonnée à la suite d'une
révocation du contrôle judiciaire.
Les durées de la détention provisoire étant plus courtes
pour les mineurs que pour les majeurs, votre commission propose que la
durée de la détention ordonnée à la suite d'une
révocation du contrôle judiciaire ne puisse excéder de plus
d'un mois la durée maximale de détention provisoire.
SECTION 3
Dispositions relatives à
l'indemnisation des détenus provisoires
Article 19
(Articles 149 à 149-2 du code de procédure
pénale)
Indemnisation des détentions provisoires
Dans sa
rédaction actuelle, l'article 149 du code de procédure
pénale prévoit qu'une indemnité peut être
accordée à la personne ayant fait l'objet d'une détention
provisoire pour une procédure terminée à son égard
par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue
définitive lorsque cette détention lui a causé un
préjudice. Avant la loi du 30 décembre 1996, il
était exigé que le préjudice soit manifestement anormal et
d'une particulière gravité.
L'article 149-1 prévoit notamment que l'indemnité est
allouée par une commission, composée du premier président
de la Cour de cassation ou de son représentant, et de deux magistrats du
siège à la même cour ayant le grade de président de
chambre, de conseiller ou de conseiller référendaire,
désignés annuellement par le bureau de la Cour.
L'article 149-2 définit la procédure applicable devant la
commission. Celle-ci doit être saisie dans le délai de six mois de
la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue
définitive. Elle statue par une décision non motivée qui
n'est susceptible d'aucun recours.
Le projet de loi tend à modifier, sur plusieurs points essentiels, ce
dispositif.
En ce qui concerne le principe de l'indemnisation, le Gouvernement a
proposé que l'indemnisation demeure facultative, mais qu'elle permette
de réparer le préjudice, qu'il soit matériel ou moral. Le
Gouvernement a en outre proposé qu'une personne
bénéficiant d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement soit
informée de son droit de demander une indemnisation.
L'Assemblée nationale a toutefois retenu un système
différent puisqu'elle a rendu
obligatoire
l'indemnisation,
dès lors que la personne en fait la demande. Elle a donc
été conduite à prévoir certaines exceptions pour
tenir compte de situations particulières. Elle a prévu qu'aucune
indemnisation n'est due lorsque la décision de non-lieu, de relaxe ou
d'acquittement résulte de la reconnaissance de l'irresponsabilité
d'une personne au sens de l'article 122-1 du code pénal, de la
prescription ou de l'amnistie, ou lorsque la personne a fait l'objet d'une
détention provisoire pour s'être librement et volontairement
accusée ou laissée accuser à tort.
Ces exceptions suscitent des interrogations. En ce qui concerne la
prescription, celle-ci peut n'être pas constatée au cours de
l'instruction malgré les demandes en ce sens de la personne, et l'on
voit mal pour quelle raison une personne ayant subi une détention
provisoire pour une infraction prescrite n'aurait droit à aucune
réparation. La détention provisoire deviendrait alors le moyen
d'infliger une peine pour une infraction prescrite.
En ce qui concerne la personne qui s'est librement et volontairement
accusée ou laissé accuser, s'il est aisé de percevoir
l'objectif de cette disposition, on peut craindre que l'appréciation sur
ce sujet soit particulièrement difficile.
Dans ces conditions, votre commission propose, par un
amendement
, de
préciser ces exceptions, afin qu'elles n'aboutissent pas à des
résultats contestables. Il paraît souhaitable que l'amnistie
n'empêche l'indemnisation que lorsqu'elle intervient après la mise
en détention provisoire. En ce qui concerne les personnes qui se
laissent librement accuser, votre commission propose de ne prévoir
aucune indemnisation que lorsque ces personnes se laissent accuser pour faire
échapper l'auteur des faits aux poursuites.
L'Assemblée nationale a par ailleurs prévu qu'à la demande
de l'intéressé, le préjudice devrait être
évalué par expertise contradictoire.
En ce qui concerne la procédure d'indemnisation, le projet de loi tend
à compléter l'article 149-2 du code de procédure
pénale pour prévoir que la décision de la commission devra
désormais être motivée et que les débats auront lieu
en audience publique, sauf opposition du requérant. L'Assemblée
nationale a souhaité qu'il soit précisé que le
requérant pouvait, à sa demande, être entendu
personnellement ou par l'intermédiaire de son conseil.
Enfin, l'Assemblée nationale a complété cet article en
prévoyant l'inscription dans l'article 149-2 du code de
procédure pénale d'un alinéa précisant que la
décision de la commission d'indemnisation allouant une indemnité
était communiquée aux magistrats ayant concouru à la mise
ou au maintien en détention provisoire.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi modifié
.
Article 19 bis
Commission de suivi de la
détention provisoire
Cet
article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée
nationale, prévoit la création d'une commission de suivi de la
détention provisoire placée auprès du ministre de la
justice.
Cette commission serait composée de deux représentants du
Parlement, d'un magistrat de la Cour de cassation siégeant à la
commission d'indemnisation de la détention provisoire, d'un membre du
Conseil d'Etat, d'un professeur de droit pénal, d'un avocat et d'un
représentant d'un organisme de recherche judiciaire.
Cette commission serait chargée "
de réunir les
données juridiques, statistiques et pénitentiaires concernant la
détention provisoire, en France et à
l'étranger
". Elle pourrait se faire communiquer tout document
utile à sa mission et pourrait procéder à des visites ou
à des auditions. Elle établirait un rapport annuel rassemblant
les données statistiques locales, nationales et internationale
concernant l'évolution de la détention provisoire ainsi que
"
la présentation des différentes politiques mises en
oeuvre
". Elle établirait également une synthèse
des décisions de la commission d'indemnisation de la détention
provisoire.
Votre commission estime qu'un organe de ce type n'est pas indispensable et que
la création d'une telle commission est en outre possible sans recourir
à la loi.
Elle vous propose la
suppression
de cet article.