EXAMEN DES ARTICLES
Article premier
(Article préliminaire nouveau
du
code de procédure pénale)
Principes
généraux
Dans
l'exposé des motifs du projet de loi, le Gouvernement indique que
"
les différents principes qui gouvernent notre procédure
pénale sont depuis longtemps reconnus dans le droit positif, et certains
d'entre eux figurent même dans différents textes de valeur
constitutionnelle. Cette reconnaissance est toutefois éparse et
parcellaire.
"
Par ailleurs, le principe de la présomption d'innocence est
trop souvent bafoué et la confiance des citoyens envers l'institution
judiciaire s'en trouve profondément atteinte.
"
C'est la raison pour laquelle il est apparu indispensable de
réaffirmer dans notre droit, de façon claire et expressive, ce
principe fondamental et d'en tirer toutes les conséquences
nécessaires afin d'assurer qu'il soit pleinement et entièrement
respecté.
"
L'article premier du projet a donc pour objet d'introduire, au début du
code de procédure pénale, un article préliminaire
énonçant les
principes fondamentaux de la procédure
pénale
. Il s'agit en particulier d'affirmer le principe de la
présomption d'innocence, celui des droits de la défense, le
principe de proportionnalité des mesures de contrainte prises à
l'encontre d'une personne...
Le texte proposé par le Gouvernement est assez différent de celui
adopté par l'Assemblée nationale.
Texte
présenté par le Gouvernement
|
Texte
adopté par l'Assemblée Nationale
|
" Article
préliminaire. - I.- Les personnes qui
concourent à la procédure pénale participent à la
recherche de la manifestation de la vérité, dans le respect des
principes ci-après, qui sont mis en oeuvre, dans les conditions
prévues par la loi.
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" Article
préliminaire. - I. - Les
personnes qui concourent à la procédure pénale participent
à la recherche de la manifestation de la vérité, dans le
respect des principes ci-après, qui sont mis en oeuvre, dans les
conditions prévues par la loi.
|
Il est
en premier lieu possible de s'interroger sur l'opportunité d'inscrire en
tête du code de procédure pénale des principes qui sont
énoncés par ailleurs d'une manière qu'il serait impossible
au législateur d'améliorer : l'article IX de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen prévoit ainsi que
"
tout homme étant présumé innocent jusqu'à
ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est
jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas
nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être
sévèrement réprimée par la loi
".
Il est vrai que d'autres codes contiennent déjà
l'énoncé de principes généraux, qui sont ainsi plus
facilement accessibles que lorsqu'ils sont énoncés dans des
textes épars.
Le chapitre premier du titre premier du livre premier du nouveau code
pénal est ainsi consacré aux principes généraux. De
même, le nouveau code de procédure civile comporte un chapitre
premier consacré aux principes directeurs du procès. Dans ces
conditions, il peut être utile que le législateur marque
l'importance de certaines principes fondamentaux de la procédure
pénale en les inscrivant au début du code.
Un tel exercice suppose cependant de garder à l'esprit que ces principes
n'auront pas seulement une valeur pédagogique, mais pourront être
utilisés par les juridictions pour interpréter l'ensemble du code
de procédure pénale. Il convient donc que ces principes soient
rédigés de la manière la plus claire possible.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale, inspiré
notamment des travaux de la commission " Justice pénale et droits
de l'homme " présidée par Mme Mireille Delmas-Marty,
est susceptible de poser certaines difficultés.
Ce texte prévoit notamment que les personnes se trouvant dans des
conditions semblables et poursuivies pour les mêmes infractions doivent
pouvoir être jugées selon les mêmes règles.
L'introduction de ce principe dans le code de procédure pénale
avait été proposée par la commission " Justice
pénale et droits de l'homme ". Toutefois, cette commission avait
estimé que l'inscription de ce principe impliquerait la mise en cause de
l'opportunité des poursuites ou au moins son aménagement. Par
ailleurs, le législateur a récemment décidé
d'autoriser le juge unique à renvoyer certaines affaires à la
collégialité, lorsque leur complexité le justifie, ce qui
paraît constituer un aménagement du principe énoncé.
Il ne paraît donc pas opportun, à ce stade, d'énoncer un
principe dont on ne peut affirmer qu'il est pleinement respecté par
notre procédure pénale.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale prévoit par
ailleurs qu'il doit être statué sur l'accusation "
sur le
fondement de preuves loyalement obtenues
". Si la loyauté des
preuves est un principe bien connu dans les pays anglo-saxons, il paraît
difficile de mesurer les conséquences que pourrait avoir son
introduction, sous une forme aussi générale, dans notre droit,
compte tenu de la marge d'appréciation très grande qu'il laisse
au juge.
Enfin, le texte adopté par l'Assemblée nationale prévoit
que toute personne condamnée a le droit de faire examiner sa
condamnation par une autre juridiction. Ce principe est explicitement inscrit
dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
adopté en 1966 dans le cadre de l'organisation des Nations Unies.
L'article 14 du Pacte prévoit en effet que "
toute personne
déclarée coupable d'une infraction a le droit de faire examiner
par une juridiction supérieure la déclaration de
culpabilité et la condamnation, conformément à la
loi
".
Toutefois, l'instrument d'adhésion de la France à ce pacte
contient la réserve suivante : "
Le Gouvernement de la
République interprète l'article 14, paragraphe 5, comme
posant un principe général auquel la loi peut apporter des
exceptions limitées. Il en est ainsi, notamment, pour certaines
infractions relevant en premier et dernier ressort du tribunal de police ainsi
que pour les infractions de nature criminelle. Au demeurant, les
décisions rendues en dernier ressort peuvent faire l'objet d'un recours
devant la Cour de cassation qui statue sur la légalité de la
décision intervenue
".
De fait, les jugements du tribunal de police ne peuvent donner lieu à
appel que dans certaines circonstances. Il n'existe pas en outre d'appel en
matière criminelle ni devant la Cour de justice de la République.
Il paraît donc singulier de vouloir énoncer en tête du code
de procédure pénale un principe que notre procédure ne
peut pas respecter. Certes, la question de l'appel en matière
criminelle, posée depuis plusieurs années a donné lieu
à un projet de loi examiné en première lecture par les
deux assemblées, mais qui n'a pu être adopté en raison de
l'alternance. Il fait, semble-t-il, l'objet de réflexions qui se
prolongent au sein du Gouvernement.
Il n'en demeure pas moins que le
principe selon lequel une personne doit voir examinée sa condamnation
par une autre juridiction n'est pas respecté à ce jour par la
procédure pénale française et ne saurait donc être
inscrit parmi les principes fondamentaux qui la gouvernent. Plutôt que
d'inscrire un principe, votre commission formulera, dans un article additionnel
après l'article 21 sexies, des propositions importantes en ce qui
concerne la question du double degré de juridiction en matière
criminelle.
D'une manière plus générale, il paraît souhaitable
que les principes inscrits en tête du code de procédure
pénale s'adressent au juge, chargé d'appliquer la loi, et non au
législateur lui-même. Ainsi, la séparation des
autorités de poursuite et des autorités de jugement est un
principe important, mais qui relève de la seule responsabilité du
législateur.
Compte tenu de ces remarques, votre commission vous soumet, par un
amendement
, une nouvelle rédaction de l'article premier, tenant
compte à la fois des propositions du Gouvernement et des
améliorations apportées par l'Assemblée nationale.
Votre commission vous soumet l'article premier
ainsi modifié
.
Article 1er bis
(Article 81 du code de
procédure pénale)
Instruction à charge et
décharge
L'article 81 du code de procédure pénale
définit les missions du juge d'instruction et prévoit en
particulier qu'il procède, conformément à la loi, à
tous les actes d'information qu'il juge utiles à la manifestation de la
vérité.
L'Assemblée nationale a souhaité compléter cette
disposition pour prévoir que le juge d'instruction instruit à
charge et à décharge. Il est clair qu'un tel principe va de soi,
la mission du juge d'instruction étant de parvenir à la
manifestation de la vérité
. Toutefois, il n'est pas
inutile d'inscrire ce principe dans le code de procédure pénale,
afin d'inciter chaque magistrat instructeur à garder à l'esprit
l'objectivité qui doit être la sienne dans la conduite d'une
information judiciaire.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification.
Article 1
er
ter
(Article 81 du code de
procédure pénale)
Contenu de l'ordonnance de
règlement
Cet
article a pour objet, comme le précédent, de compléter le
premier alinéa de l'article 81 du code de procédure
pénale, afin de prévoir que l'ordonnance de règlement
comporte les mentions spécifiques relatives aux diligences accomplies
par le juge d'instruction pour instruire à charge et à
décharge.
Cette disposition peut susciter quelque étonnement. Lorsqu'il
procède ou fait procéder à un acte d'instruction, le juge
d'instruction peut difficilement savoir s'il est à charge ou à
décharge. Un examen psychologique est-il une diligence à charge
ou à décharge ? Seul le résultat permettra de le
déterminer. A l'audience même, une expertise peut être
interprétée par les parties à charge ou à
décharge. Il paraît difficile de contraindre un magistrat
instructeur à répartir la liste des actes qu'il a ordonnés
entre des actes à charge et des actes à décharge.
Votre commission vous propose la
suppression
de cet article.