TITRE II
DISPOSITIONS RENFORÇANT LES DROITS DES VICTIMES
CHAPITRE PREMIER
DISPOSITIONS RÉPRIMANT
L'ATTEINTE À LA DIGNITÉ
D'UNE VICTIME D'UNE INFRACTION
PÉNALE
Article 26
(Article 226-30-2 nouveau du code
pénal)
Atteinte à la dignité d'une victime d'un
crime ou d'un délit
L'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 sur la
liberté de la presse prévoit, dans son troisième
alinéa que la publication de photographies, gravures, dessins, portraits
ayant pour objet la reproduction de tout ou partie des circonstance d'un des
crimes et délits prévus par les chapitres Ier (atteintes à
la vie de la personne), II (atteintes à l'intégrité
physique ou psychique de la personne) et VII (atteintes aux mineurs et à
la famille) du titre II du livre II du code pénal est punie de 25.000 F
d'amende.
Le quatrième alinéa de cet article prévoit que le
délit n'est pas constitué lorsque la publication est faite sur la
demande écrite du juge d'instruction.
L'incrimination prévue par cet article est extrêmement large. Le
tribunal correctionnel de Paris, dans un jugement du
10 septembre 1996, puis la Cour d'appel de Paris, dans un arrêt
du 18 septembre 1997, appelés à se prononcer sur la
publication de photographies de victimes de l'attentat de la station de
métro Saint-Michel, ont prononcé la relaxe des personnes
poursuivies, estimant que l'incrimination prévue par l'article 38,
alinéa 3 de la loi du 29 juillet 1881 n'était pas
conforme au principe de légalité et à la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme. L'arrêt de la Cour
d'appel a donné lieu à un pourvoi en cassation dans
l'intérêt de la loi.
La cour d'appel de Paris a notamment estimé
" que l'expression
" circonstances ", foncièrement imprécise, est
d'interprétation malaisée : que cette formulation par trop
générale, introduisant une vaste marge d'appréciation
subjective dans la définition de l'élément légal de
l'infraction, ne permet pas à celui qui envisage de procéder
à la publication d'être certain qu'elle n'entre pas dans le champ
d'application de l'interdit ".
Le projet de loi, dans son article 26, tend à redéfinir de
manière plus précise cette infraction tout en alourdissant la
peine encourue. Le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel
qu'en soit le support, la reproduction des circonstances d'un crime ou d'un
délit
lorsque cette reproduction porte atteinte à la
dignité d'une victime
serait puni de 100.000 F d'amende.
Ce texte ne serait pas inscrit à la place de l'ancienne incrimination
prévue par l'article 38 de la loi du 1881, appelée à
disparaître, mais dans le code pénal, une section relative
à
" l'atteinte à la dignité de la victime d'un
crime ou d'un délit "
étant insérée dans
le chapitre sur les atteintes à la personnalité.
Dans l'étude d'impact jointe au projet de loi, le Gouvernement justifie
cette disposition en observant que "
même si le raisonnement tenu
par le Cour d'appel de Paris pour écarter l'actuel article 38
(alinéa 3) de la loi sur la presse peut être contesté, et
il appartiendra à la Cour de cassation de se prononcer sur ce point, il
est souhaitable de supprimer cet article, dont le champ d'application est en
théorie trop large, pour lui substituer une incrimination
destinée spécifiquement à protéger la
dignité des victimes ".
L'Assemblée nationale a jugé utile d'enrichir cette nouvelle
section, composée d'un unique article dans le texte proposé par
le Gouvernement en transférant dans un article 226-30-3 nouveau du
code pénal les dispositions de l'article 39 quinquies de la loi du
29 juillet 1881, qui punit de 20.000 F d'amende et de deux ans
d'emprisonnement la diffusion et la publication de renseignements sur la
victime d'un viol ou d'un attentat à la pudeur sans son consentement.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale tend à punir de
100.000 F d'amende la diffusion, par quelque moyen que ce soit, des
renseignements concernant l'identité d'une victime d'une agression ou
d'une atteinte sexuelle ou l'image de cette victime lorsqu'elle est
identifiable.
Comme pour l'infraction précédemment mentionnée, les
règles applicables en matière de presse écrite et
audiovisuelle en ce qui concerne la prescription et la détermination des
personnes responsables seraient applicables.
Votre commission n'estime pas souhaitable de procéder, à
l'occasion de l'examen du présent projet de loi, à des transferts
de dispositions de la loi sur la liberté de la presse dans le code
pénal. La loi sur la liberté de la presse est un texte
très protecteur pour cette dernière et équilibré en
ce qui concerne les limites qui peuvent être apportées à la
liberté de l'information.
Peut-être serait-il souhaitable de rassembler l'ensemble des dispositions
relatives à la communication, et notamment l'ensemble des infractions
qui peuvent être commises par voie de presse, mais il ne paraît pas
de bonne méthode de procéder à des transferts parcellaires
et dont la cohérence ne paraît pas toujours avérée.
Votre commission vous propose donc par des
amendements
de maintenir dans
la loi sur la liberté de la presse l'incrimination relative à la
publication des circonstances d'un crime ou d'un délit ainsi que celle
relative à la publication de l'image de victimes d'atteintes sexuelles.
Elle propose de conserver le niveau des peines prévu par
l'Assemblée nationale.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi modifié
.
Article additionnel après
l'article 26
(Article 48 de la loi du 29 juillet 1881)
Droit
pour la partie lésée de mettre en mouvement l'action
publique
en cas de diffusion des circonstances d'un crime ou d'un
délit
Votre commission propose de modifier l'article 48 de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse, afin que les deux infractions de diffusion des circonstances d'un crime ou d'un délit et de diffusion de renseignements sur une victime d'infractions sexuelles puissent être poursuivies non seulement par le procureur, mais également par la personne lésée.
Article 27
(Article 227-24-1 du code
pénal)
Interdiction de la diffusion de
renseignements
concernant l'identité d'un mineur victime
Aucun
texte n'incrimine actuellement la diffusion de renseignements concernant
l'identité d'un mineur victime d'une infraction ou l'image de ce mineur.
Le Gouvernement a estimé utile de remédier à cette lacune
dans un nouvel article du code pénal
numéroté 227-24-1, qui viendrait s'insérer dans la
section de ce code consacrée à la mise en péril des
mineurs. Cette infraction serait punie de 100.000 F d'amende.
Comme pour les infractions prévues par l'article 26 du projet, le
présent article prévoit que lorsque le délit est commis
par voie de presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions
particulières qui régissent ces matières sont applicables
en ce qui concerne la prescription et la détermination des personnes
responsables. Le texte proposé prévoit en outre son
inapplicabilité lorsque la diffusion de renseignements concernant un
mineur victime est réalisée, pour les nécessités de
l'enquête ou de l'information, à la demande du procureur de la
République, du juge d'instruction ou du juge des enfants.
S'agissant d'une infraction nouvelle, votre commission ne propose pas son
inscription dans la loi sur la presse, mais estime qu'une réflexion
devra être entreprise pour renforcer la cohérence des dispositions
actuelles.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 27 bis
(Article 81-1 nouveau du
code de procédure pénale)
Dossier de personnalité de
la victime
L'article 81 du code de procédure pénale
prévoit que
" le juge d'instruction procède
conformément à la loi, à tous les actes d'information
qu'il juge utiles à la manifestation de la
vérité "
. Cet article lui permet notamment de
procéder ou de faire procéder à une enquête sur la
personnalité des personnes mises en examen, de prescrire un examen
médical, un examen psychologique...
L'Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à
insérer un article 81-1 dans le code de procédure
pénale pour permettre au juge d'instruction, d'office, sur
réquisition du parquet ou à la demande de la partie civile, de
procéder à tout acte lui permettant d'apprécier la nature
et l'importance des préjudices subis par la victime ou de recueillir des
renseignements sur la personnalité de celle-ci.
Un tel article paraît d'un intérêt limité, dans la
mesure où le juge d'instruction peut d'ores et déjà
procéder à de tels actes, dès lors qu'ils sont utiles
à la manifestation de la vérité. Cette mesure pourrait
toutefois permettre à la juridiction de jugement d'être mieux
informée sur la victime et l'ampleur de son préjudice.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 27 ter
(Article 227-24-2 du
code
pénal)
Diffusion d'informations sur les mineurs fugueurs
ou
s'étant suicidés
Le
Gouvernement ayant proposé d'insérer dans le code pénal
certaines dispositions actuellement inscrites dans la loi du
29 juillet 1881 et de créer une nouvelle infraction, elle
aussi inscrite dans le code pénal, de diffusion de renseignements sur
l'identité d'un mineur victime, l'Assemblée nationale a
décidé de supprimer deux autres dispositions de la loi sur la
liberté de la presse pour les faire figurer dans le code pénal.
L'article 39 bis de cette loi interdit en effet la publication
d'informations concernant l'identité de mineurs ayant quitté
leurs parents, leur tuteur, la personne ou l'institution qui était
chargée de les garder. Cette infraction est punie de 40.000 F
d'amende.
L'article 39 ter de la même loi interdit, sous peine des
mêmes sanctions, la publication d'informations concernant le suicide de
mineurs.
L'Assemblée nationale a décidé d'insérer ces deux
infractions dans le code pénal, en en " modernisant " la
rédaction et en portant les peines à 100.000 F d'amende.
Ce choix peut susciter quelques interrogations. Sauf à prendre ce terme
dans une acception extrêmement générale, les mineurs
fugueurs ou s'étant suicidés ne sont pas des victimes, en tout
cas pas des victimes d'infractions pénales. Par ailleurs, il est
difficile de savoir sur quels critères reposent les choix de
l'Assemblée nationale en ce qui concerne le transfert d'infractions vers
le code pénal. L'article 39 quater de la loi du
29 juillet 1881 interdit la publication d'informations sur la
filiation d'origine d'une personne ayant fait l'objet d'une adoption
plénière. Cette infraction, elle aussi, pourrait trouver sa place
dans le code pénal. Les infractions transférées par
l'Assemblée nationale concernent les mineurs fugueurs ou s'étant
suicidés, mais pas les mineurs délinquants, pour lesquels des
dispositions particulières figurent à l'article 14 de
l'ordonnance du 2 février 1945.
Peut-être conviendra-t-il un jour d'élaborer un véritable
code de la communication, où pourront être rassemblées les
infractions susceptibles d'être commises par voie de presse écrite
ou audiovisuelle. Dans cette attente, il convient d'être prudent et
circonspect en ce qui concerne le choix d'un support législatif pour
accueillir une incrimination.
Votre commission n'a pas perçu la nécessité réelle
de transférer les dispositions relatives à la diffusion de
renseignements sur les mineurs ayant quitté leurs parents ou
s'étant suicidés de la loi du 29 juillet 1881 vers le
code pénal.
Votre commission vous propose la
suppression
de cet article.