B. LA DÉTENTION PROVISOIRE AU COURS DE L'INSTRUCTION
Dans le
compte-rendu de la séance du 22 août 1789 de
l'assemblée constituante, qui vit la naissance de l'article IX de
la déclaration des droits de l'homme et du citoyen figure l'intervention
suivante : "
M. Duport parle ensuite. Il étend ses vues sur
une partie très intéressante de notre droit criminel, et fait
sentir que des lois douces et humaines contre les coupables font la gloire des
empires et l'honneur des nations. Il exprime qu'il existe en France un usage
barbare de punir les coupables, lors même qu'ils ne le sont pas encore
déclarés ; qu'il a vu deux fois les cachots de la
Bastille ; qu'il a vu ceux de la prison du Châtelet et qu'ils sont
mille fois plus horribles ; que cependant c'est une vérité
que les précautions que l'on prend pour s'assurer des coupables ne font
pas partie des peines ".
Le débat sur la détention provisoire est donc ancien. La
législation sur cette question a profondément
évolué au cours des dernières décennies dans le
sens d'un encadrement plus strict du recours à cette pratique, qui
constitue sans conteste celle qui porte le plus atteinte à la
présomption d'innocence.
1. Cent fois sur le métier...
Il
semble que la détention provisoire ait fait son apparition au
XIVème siècle avec le développement de la procédure
inquisitoire. La déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789
y fait explicitement allusion dans son article IX, qui dispose que
" tout homme étant présumé innocent jusqu'à
ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est
jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas
nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être
sévèrement réprimée par la loi ".
Le
code d'instruction criminelle de 1808
prévoyait qu'en
matière criminelle, la détention préventive était
obligatoire
jusqu'à la fin de la procédure alors qu'elle
était soumise à l'appréciation du juge d'instruction en
matière correctionnelle.
Depuis l'entrée en vigueur du code de procédure pénale en
1959, un grand nombre de lois sont venues encadrer plus strictement le
régime de la détention provisoire.
Ainsi, la
loi du 17 juillet 1970
a remplacé le terme de
détention préventive par celui de détention provisoire et
a donné naissance au contrôle judiciaire, destiné à
éviter des détentions qui ne seraient pas nécessaires.
Elle a en outre imposé au juge d'instruction de rendre une
ordonnance
motivée susceptible d'appel en matière correctionnelle.
La
loi du 6 août 1975
a limité les
possibilités de prolongation de la détention provisoire en
matière correctionnelle. La
loi du 9 juillet 1984
a
imposé un
débat contradictoire
avant le placement en
détention provisoire en matière correctionnelle. La
loi du
6 juillet 1989
a imposé un
débat contradictoire
et une ordonnance motivée susceptible d'appel
pour les
détentions provisoires ordonnées
en matière
criminelle
.
Par ailleurs, à
trois reprises
, le législateur a
tenté de confier à une
autorité distincte du juge
d'instruction
la décision de mise en détention provisoire
sans que les réformes soient mises en oeuvre faute de moyens.
La
loi du 10 décembre 1985
instituait auprès de chaque
tribunal de grande instance une chambre d'instruction, composée de trois
magistrats du siège dont deux au moins devaient être juges
d'instruction.
La
loi du 30 décembre 1987
abrogeait celle du
10 décembre 1985 et créait une chambre des demandes de mise
en détention provisoire, composée de trois magistrats, au nombre
desquels ne pouvait figurer le magistrat instructeur.
Enfin, la
loi du 4 janvier 1993
prévoyait que le contentieux de
la détention provisoire serait confié, à compter du
1
er
mars 1994 à un organe collégial
composé d'un magistrat et de deux échevins.
La loi du 24 août 1993 a donné naissance au
référé-liberté, qui permet à une personne
faisant appel de la décision de placement en détention, de
demander que sa demande soit examinée en référé par
le président de la chambre d'accusation.
2. Le droit actuel
L'article 137 du code de procédure pénale affirme le caractère exceptionnel de la détention provisoire, puisqu'il précise que " la personne mise en examen reste libre sauf, à raison des nécessités de l'instruction ou à titre de mesure de sûreté, à être soumise au contrôle judiciaire ou, à titre exceptionnel, placée en détention provisoire . "
a) Les conditions de fond du placement en détention provisoire
•
Conditions tenant à la gravité de l'infraction
La mise en détention n'est possible que lorsque les faits
reprochés à une personne présentent une certaine
gravité. L'article 144 du code de procédure pénale
autorise ainsi la détention provisoire :
- en matière
criminelle
;
- en matière
correctionnelle
si la peine encourue est
égale ou supérieure à
un an
d'emprisonnement en cas
de
délit flagrant
ou à
deux ans
dans les autres
cas. La mise en détention provisoire peut également être
ordonnée, quelle que soit la peine encourue, lorsque la personne mise en
examen se soustrait volontairement aux obligations de contrôle judiciaire.
• Critères du placement en détention provisoire
L'article 144 prévoit que la détention provisoire peut
être ordonnée pour trois motifs :
- lorsqu'elle est l'unique moyen de
conserver les preuves ou les
indices matériels
ou
d'empêcher soit une pression sur les
témoins ou les victimes
, soit
une concertation frauduleuse entre
personnes mises en examen et complices
;
- lorsqu'elle est l'unique moyen de
protéger la personne mise en
examen
, de garantir son maintien à la disposition de la justice, de
mettre fin à l'infraction ou de prévenir son renouvellement ;
- lorsque l'infraction, en raison de sa gravité, des circonstances
de sa commission ou de l'importance du préjudice qu'elle a causé,
a provoqué un
trouble exceptionnel et persistant à l'ordre
public
, auquel la détention est l'unique moyen de mettre fin. Ce
dernier motif de mise en détention a été
précisé par la loi du 30 décembre 1996, afin
qu'apparaisse clairement que son utilisation doit demeurer
exceptionnelle.
b) La procédure de placement en détention provisoire
Le juge
d'instruction est aujourd'hui seul compétent, lorsqu'une information
judiciaire est ouverte, pour ordonner la mise en détention provisoire
d'une personne mise en examen. La procédure a toutefois
été progressivement précisée. Ainsi, la
loi n° 84-576 du 9 juillet 1984 a rendu obligatoire un
débat contradictoire préalable à la décision du
juge d'instruction. Au cours de ce débat, doivent être entendues
les réquisitions du ministère public, puis les observations de la
personne mise en examen et, le cas échéant, celles de son avocat.
La personne, dont la mise en détention provisoire est ordonnée,
peut faire appel de cette décision devant la chambre d'accusation. Le
ministère public peut, pour sa part, faire appel d'une décision
de mise en liberté, mais son appel n'a plus d'effet suspensif depuis la
loi du 9 juillet 1984 précitée.
Par ailleurs, la loi du 24 août 1993, issue d'une proposition de loi
du président de la commission des Lois du Sénat, M. Jacques
Larché, a donné naissance au mécanisme dit du
" référé-liberté ", inscrit à
l'article 187-1 du code de procédure pénale, qui permet
à une personne mise en détention de former une demande de
libération immédiate en même temps qu'elle interjette appel
de la décision du juge d'instruction. La demande est examinée par
le président de la chambre d'accusation. Si celui-ci refuse de faire
droit à la demande, la chambre d'accusation examine l'appel.
En revanche, depuis la loi du 30 décembre 1996, si le
président fait droit à la demande de libération, la
chambre d'accusation est dessaisie. Ce mécanisme est peu utilisé
en pratique puisque 397 demandes ont été formées en
1994, 332 en 1995, 394 en 1996 et 428 en 1997. Il est pour l'instant impossible
de savoir si la loi du 30 décembre 1996 a eu pour effet
d'augmenter le nombre de recours au
référé-liberté.
c) La durée de la détention
Le
législateur s'est efforcé d'apporter certaines limites à
la durée de la détention provisoire.
En particulier, la loi du 30 décembre 1996 a introduit la notion de
"
durée raisonnable
" de la détention provisoire
dans l'article 144 du code de procédure pénale. Cette notion est
directement issue de la Convention européenne de sauvegarde des droits
de l'homme, qui prévoit dans son article 5 le droit pour une personne
arrêtée ou détenue d'être "
jugée dans
un délai raisonnable
".
La Cour européenne des droits de l'homme exerce un contrôle
rigoureux sur les durées de détention provisoire,
appréciant au cas par cas si elles dépassent un
" délai raisonnable ". Pour caractériser la longueur
d'une détention provisoire, la Cour européenne examine à
la fois les motifs de la détention, la complexité de l'affaire,
le comportement du requérant ainsi que celui des autorités
compétentes.
Le régime actuel de la durée de la détention provisoire
est résumé dans le tableau suivant :
La
durée de la détention provisoire
(pour une personne
majeure)
Emprisonnement encouru |
Antécédents judiciaires |
Durée initiale |
Nombre et durée des prolongations possibles |
Durée maximale |
Inférieur à un an |
Aucune
détention possible
|
|||
Inférieur à deux ans hors cas de flagrant délit |
Aucune détention possible |
|||
Inférieur à deux ans en cas de flagrant délit |
|
4 mois |
1
prolongation
|
6 mois |
Inférieur ou égal |
|
4 mois |
1
prolongation
|
6 mois |
|
déjà condamné pour crime ou pour délit à plus d'un an sans sursis |
4 mois |
2 prolongations de 4 mois chacune |
1 an |
Supérieur à cinq ans et inférieur à dix ans |
Indifférent |
4 mois |
5 prolongations de 4 mois chacune |
2 ans |
Egal à dix ans |
Indifférent |
4 mois |
Nombre illimité de prolongations de 4 mois chacune |
durée raisonnable |
Matière criminelle |
Indifférent |
1 an |
nombre illimité de prolongations de six mois chacune |
durée raisonnable |
3. Des résultats encore insuffisants
a) Le constat
Au cours des quinze dernières années, le nombre de détentions provisoires a connu une certaine diminution , grâce notamment aux mesures législatives qui sont venues encadrer plus strictement cette pratique.
Fréquence de la détention provisoire
dans
l'ensemble des condamnations
|
1984 |
1993 |
1997 |
Nombre
total de condamnation pour crimes et délits
|
383.445
|
368.429
|
380.813
|
Nombre
total de détentions provisoires
|
43.141
|
41.736
|
38.920
|
Toutefois, le nombre de prévenus parmi la population pénitentiaire demeure élevé et connaît une remarquable stabilité depuis plusieurs années comme le montre le tableau suivant :
PART
DES PRÉVENUS INCARCÉRÉS DANS L'ENSEMBLE
DE LA
POPULATION PÉNALE SELON LE TITRE DE DÉTENTION
|
1989 |
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
Ensemble
population pénale
|
44 997 |
43 912 |
47 175 |
48 119 |
48 166 |
50 240 |
51 623 |
52 658 |
51 640 |
50 744 |
CONDAMNÉS |
25 520
|
23 936
|
28 132
|
28 541
|
27 727
|
30 214
|
29 464
|
31 759
|
31 748
|
30 443
|
PRÉVENUS
|
19
477
|
19
976
|
19
043
|
19
578
|
20
439
|
20
026
|
22
159
|
20
899
|
21
366
|
20
301
|
Source : ministère de la justice
Afin de faciliter la compréhension du tableau précédent,
il convient de rappeler que parmi les personnes comptabilisées au titre
de la détention provisoire figurent non seulement les personnes mises en
détention par le juge d'instruction, mais également des personnes
ayant fait l'objet d'une procédure de comparution immédiate et
pour lesquelles l'audience a été reportée, ainsi que des
personnes condamnées et en attente du résultat d'un recours.
La stabilisation constatée dissimule une double évolution :
d'une part, une tendance à l'
accroissement
de la durée
moyenne de la détention provisoire
; d'autre part, une
diminution du nombre d'incarcérations annuelles
due
essentiellement à la baisse des détentions prononcées dans
le cadre d'une instruction.
En ce qui concerne la durée moyenne de la détention, elle a
régulièrement augmenté depuis 1992 (alors qu'elle
diminuait depuis 1985), passant de 3,4 mois à 4,4 mois en
1997. Le tableau suivant résume cette évolution en distinguant
les crimes et les délits.
ÉVOLUTION DE LA DURÉE MOYENNE DE LA DÉTENTION PROVISOIRE EN DISTINGUANT CRIMES ET DÉLITS
|
1988 |
1989 |
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
Nombre de crimes |
2 758 |
2 714 |
2 607 |
2 686 |
2 543 |
2 661 |
2 609 |
2 695 |
2 745 |
2 981 |
Nombre de détentions provisoires |
2 529 |
2 531 |
2 416 |
2 465 |
2 343 |
2 444 |
2 352 |
2 493 |
2 500 |
2 679 |
Durée moyenne de la détention provisoire en mois |
22,7 |
23,2 |
22,9 |
21,6 |
21,9 |
21,0 |
21,8 |
21,0 |
22,5 |
23,1 |
Nombre
|
316 718 |
442 057 |
469 137 |
452 389 |
459 277 |
448 840 |
410 077 |
332 871 |
410 899 |
435 173 |
Nombre
de détentions provisoires
|
40 581 |
44 950 |
43 372 |
43 856 |
47 420 |
43 679 |
43 196 |
39 473 |
42 466 |
39 746 |
Durée moyenne de la détention provisoire en mois |
3,8 |
3,5 |
3,4 |
3,3 |
3,3 |
3,4 |
3,5 |
4,0 |
3,9 |
4,0 |
Au cours des dernières années, la tendance est à une diminution presque constante du nombre de personnes placées chaque année en détention provisoire dans le cadre d'une instruction.
Détention provisoire et instruction
|
1988 |
1989 |
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
Personnes mises en examen au cours de l'année |
84 957 |
82 534 |
71 085 |
76 266 |
84 831 |
79 764 |
90 055 |
73 287 |
67 230 |
65 711 |
Personnes placées en détention provisoire au cours de l'année |
37 643 |
35 374 |
31 411 |
32 232 |
32 769 |
28 240 |
30 498 |
29 029 |
27 830 |
26 435 |
% de personnes placées en détention provisoire |
44 % |
43 % |
44 % |
42 % |
39 % |
35 % |
34 % |
40 % |
41 % |
40 % |
b) Des difficultés persistantes
Chaque année, environ 3 % des personnes incarcérées au titre de la détention provisoire bénéficient finalement d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement. Certes, dans quelques cas, la détention provisoire peut être justifiée pour protéger la personne concernée, mais il n'en reste pas moins que certaines détentions provisoires apparaissent manifestement injustifiées.
PRÉVENUS FAISANT ANNUELLEMENT L'OBJET D'UN
NON-LIEU,
D'UNE RELAXE OU D'UN ACQUITTEMENT
(1)
|
1988 |
1989 |
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
Incarcérations au titre de la détention provisoire (rappel) |
64 804 |
64 027 |
61 216 |
65 579 |
69 861 |
62 108 |
65 898 |
62 833 |
60 881 |
56 588 |
Libération au motif
d'acquittement/
|
1 929 |
1 886 |
1 581 |
2 111 |
1 816 |
1 573 |
1 938 |
1 605 |
1 231 |
1 069 |
(1)
Seules sont comptabilisées les personnes encore en détention
provisoire au moment de la décision de non-lieu, relaxe ou acquittement
Source : ministère de la justice
Par ailleurs, la durée de la détention provisoire peut, dans
certains cas être fort longue, les durées moyennes de
détention ne rendant pas compte de certaines situations qui peuvent
paraître anormales.
Ainsi, en matière délictuelle, 2.857 personnes parmi les
condamnés en 1997 ont effectué une détention provisoire
d'une durée supérieure à un an, alors qu'elles
n'étaient que 1.328 en 1984. En matière criminelle, 1.226
personnes parmi les condamnés en 1997 ont effectué une
détention provisoire d'une durée supérieure à deux
ans contre 674 en 1984.
c) Une indemnisation qui s'améliore
Conscient du traumatisme que peut constituer la
détention
provisoire, le législateur a mis en place une
commission
d'indemnisation de la détention provisoire
destinée à
permettre la réparation du préjudice subi par une personne
bénéficiant à l'issue de la procédure d'un
non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement. Le texte initial de
l'article 149 du code de procédure pénale exigeait que la
personne ait subi un préjudice manifestement anormal et d'une
particulière gravité pour que le droit à indemnisation
soit ouvert, mais la loi du 30 décembre 1996 est venue
supprimer cette condition.
Le nombre d'indemnisations accordées demeure limité et les
montants octroyés peu élevés.
Néanmoins, cette
situation semble évoluer et la loi du 30 décembre 1996
paraît avoir un effet très positif puisqu'en 1997, 50% des
affaires examinées par la commission ont donné lieu à
indemnisation contre 24 % seulement l'année
précédente
.
INDEMNITÉS ALLOUÉES PAR LA COMMISSION
NATIONALE
D'INDEMNISATION DE LA DÉTENTION PROVISOIRE
|
Affaires reçues |
Affaires jugées |
Affaires indemnisées |
Taux d'indem-nisation |
Montants versés par année |
Moyenne par
|
1982 |
60 |
71 |
11 |
15 % |
240 370 |
17 727 |
1983 |
56 |
58 |
15 |
26 % |
435 730 |
25 833 |
1984 |
62 |
36 |
10 |
36 % |
293 130 |
28 000 |
1985 |
73 |
66 |
14 |
21 % |
413 000 |
29 500 |
1986 |
93 |
111 |
42 |
38 % |
686 000 |
40 142 |
1987 |
74 |
100 |
21 |
21 % |
934 000 |
44 000 |
1988 |
94 |
71 |
22 |
31 % |
773 000 |
35 136 |
1989 |
93 |
82 |
25 |
30 % |
993 000 |
339 720 |
1990 |
87 |
97 |
30 |
31 % |
984 000 |
32 800 |
1991 |
123 |
138 |
39 |
28 % |
4 933 000 |
126 487 |
1992 |
132 |
124 |
31 |
25 % |
1 392 000 |
44 903 |
1993 |
114 |
116 |
28 |
24 % |
1 298 000 |
46 382 |
1994 |
107 |
124 |
23 |
18 % |
833 000 |
36 217 |
1995 |
142 |
94 |
19 |
20 % |
1 200 000 |
75 263 |
1996 |
137 |
117 |
28 |
24 % |
1 430 000 |
42 857 |
1997 |
188 |
131 |
65 |
50 % |
4 094 000 |
62 985 |
1998 |
205 |
154 |
88 |
57 % |
3 734 000 |
42 432 |