B. LES RÉFORMES PRIORITAIRES POUR VOTRE COMMISSION
1. La nécessaire réforme des régimes spéciaux de retraite
Votre
rapporteur a bien conscience que la question des régimes spéciaux
est un sujet délicat. L'annonce d'une possible réforme de ces
régimes dans le cadre du plan Juppé présenté
à l'automne 1995 a en effet été en partie à
l'origine des mouvements sociaux des mois de novembre-décembre 1995 et
l'ampleur des protestations a conduit au retrait des projets annoncés
et, plus largement, à un blocage des processus de réforme dans ce
secteur.
Or, le rapport Charpin a confirmé de manière irréfutable
que les perspectives financières de ces régimes ne sont pas plus
favorables que celles du régime des salariés.
Il a également montré que ces régimes sont en
réalité plus avantageux que ceux des salariés du secteur
privé : calculé par rapport à la cotisation
payée par le salarié, le retour sur contributions apparaît
beaucoup plus favorable pour les retraités des régimes
spéciaux. L'équilibre de ces régimes est en effet
assuré par une contribution massive de l'employeur sous forme d'une
subvention d'équilibre ou d'une " contribution fictive ".
Les écarts vont donc encore s'accroître entre les
assurés des régimes spéciaux et les assurés des
régimes qui ont déjà connu des réformes, au
détriment de ces derniers. Ce phénomène n'est pas
acceptable.
Le taux d'effort en 1996 (1)
|
Taux légal salarié |
Taux légal employeur |
Taux légal global |
Taux de cotisation réel |
Points de cotisations pour les pensions |
Points de cotisations pour la vieillesse |
Part des pensions couvertes par les cotisations |
CNRACL |
7,85 % |
25,10 % |
32,95 % |
33,1 % |
22,0 % |
33,6 % |
150,3 % |
RATP |
7,85 % |
15,34 % |
23,19 % |
22,3 % |
63,1 % |
66,2 % |
35,3 % |
SNCF |
7,85 % |
28,44 % |
36,29 % |
38,5 % |
114,7 % |
114,7 % |
33,5 % |
IEG (1997) |
7,85 % |
contribution
|
|
63,6 % |
59,6 % |
64,3 % |
106,7 % |
FP civils et militaires (1997) (1) |
7,85 % |
contribution
|
|
7,4 % |
45,5 % |
51,7 % |
18,2 % |
FP civils et militaires (1997) (2) |
7,85 % |
contribution
|
|
51,7 % |
45,5 % |
51,7 % |
113,7 % |
CNAVTS |
6,55 % |
8,20
%/
|
16,35 % |
17,0 % |
20,8 % |
22,5 % |
81,8 % |
ARRCO (taux moyen appelé 1996) (3) |
2,92 % |
4,38 % |
7,30 % |
10,0 % |
10,1 % |
10,1 % |
99,5 % |
AGIRC (taux
moyen
|
6,96 % |
11,96 % |
18,92 % |
24,7 % |
27,0 % |
27,0 % |
91,7 % |
CARMF |
|
|
|
16,7 % |
13,4 % |
15,7 % |
124,3 % |
Source : Commissariat général du Plan
(1)
Le taux de cotisation réel rapporte
les
cotisations vieillesse à la masse cotisable, les cotisations vieillesse
étant définies comme les cotisations totales auxquelles sont
retirées les charges correspondant aux autres risques
(invalidité, accidents du travail...). Pour les régimes
complémentaires, sont ajoutées aux cotisations les prestations et
cotisations prises en charge par l'UNEDIC et l'ASF. Les calculs des nombres de
points de cotisation rapportent les charges à la masse cotisable. Parmi
les charges, on distingue les charges de pensions (droits directs + droits
dérivés + frais de gestion + action sociale...) et les charges
vieillesse qui comprennent les pensions et les charges de compensation. La part
des pensions couvertes par les cotisations est le rapport des cotisations
vieillesse aux charges de pensions.
(2)
Les cotisations comprennent, outre les cotisations des
salariés, la contribution d'équilibre de l'Etat et les
contributions des établissements publics (La Poste, France
Télécom).
(3)
Les taux de cotisation pour l'ASF en 1996 étaient
1,96 sur la tranche A et 2,18 sur la tranche B.
Dans un souci d'équité et afin de limiter les
déséquilibres futurs des régimes spéciaux, il
apparaît nécessaire d'aligner progressivement la durée de
cotisation exigée sur celle en vigueur dans le régime
général, soit 40 années de cotisation à partir de
2003.
Si le régime général et les régimes alignés
sont encore en phase de réforme progressive jusqu'en 2003 -il est donc
possible d'attendre jusqu'à cette date pour décider d'un
éventuel prolongement de la réforme pour atteindre
170 trimestres de cotisation-, il est indispensable, pour les
régimes spéciaux, qui n'ont pas été
réformés, de commencer dès maintenant à rattraper
leur retard.
Cela exige du temps et il convient par conséquent d'engager cette
réforme sans tarder.
2. L'introduction d'un complément de retraite par capitalisation
Votre
commission considère qu'il convient de cesser d'opposer la
répartition et la capitalisation en des joutes oratoires
forcément stériles. Il serait absurde de considérer que la
capitalisation remplacera la répartition, garante de la
solidarité entre les générations. L'épargne
retraite intervient en complément de la répartition.
C'est pour cette raison que le Parlement avait initié et mené
à bien le vote de la loi du 25 mars 1997 créant les plans
d'épargne retraite.
Constatant que le Gouvernement ne se résolvait ni à appliquer, ni
à abroger cette loi, votre commission a jugé indispensable de
donner à tous les Français la possibilité de se constituer
une épargne retraite.
Elle a par conséquent examiné le 7 octobre dernier deux
propositions de loi déposées par nos collègues Jean
Arthuis et Charles Descours visant à améliorer la protection
sociale par le développement de l'épargne retraite
17(
*
)
.
L'objectif de ces deux textes était le même : donner aux
14 millions de salariés du régime général la
possibilité de se constituer un complément de retraite, selon un
système facultatif, une sortie en rente et une gestion externe par des
professionnels.
Le Gouvernement hésite, ne semble pas avoir de projet très clair.
Le Parlement, de nouveau, prend l'initiative.
Le texte issu des conclusions de votre commission, adopté par le
Sénat le 14 octobre dernier dans le cadre de la
" fenêtre " consacrée à l'initiative
parlementaire, est aujourd'hui en instance d'examen à l'Assemblée
nationale.
*
* *
Sous réserve de ces observations et des amendements qu'elle propose dans le tome IV du présent rapport, votre commission vous demande d'adopter le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 pour ses dispositions relatives à l'assurance vieillesse.