D. ASSOCIER LES COLLECTIVITÉS LOCALES AUX FRUITS DE LA CROISSANCE
Le
Premier ministre a annoncé au mois d'octobre 1999 la création
d'une mission chargée de réfléchir à l'avenir de la
décentralisation. Cette initiative, qui imite, un an après, la
création par le Sénat d'une mission d'information chargée
de dresser le bilan de la décentralisation, est bienvenue.
Il faut en effet espérer que les travaux de cette commission, au sein de
laquelle notre assemblée est largement représentée,
permettront au gouvernement de fixer un cap à son action en
matière de finances locales, et de mettre ainsi un terme à la
dérive actuelle, caractérisée par l'exacerbation de tous
les défauts du système de financement des collectivités
locales.
1. Un système de financement des collectivités locales en voie d'essoufflement
a) Rendre leur pouvoir fiscal aux collectivités locales
Les
collectivités locales françaises sont une exception au sein de
l'Union européenne en ce que la moitié de leurs recettes
proviennent d'une fiscalité directe
52(
*
)
dont elles votent les taux depuis
1980.
Cette spécificité pourrait constituer un atout. En effet, les
élus locaux sont mieux à même de mener des politiques de
développement dynamiques lorsque leurs ressources dépendent du
niveau des rentrées fiscales plutôt que des dotations de l'Etat.
De plus, comme le souligne le rapporteur pour avis des crédits des
collectivités locales au nom de la commission des lois de
l'Assemblée nationale, "
le pouvoir fiscal local donne à
la collectivité une plus grande capacité d'endettement et donc de
programmation de ses dépenses d'investissement
". D'ailleurs,
lors de leur audition par la mission sénatoriale d'information
chargée de dresser le bilan de la décentralisation, les
représentants du cabinet Arthur Andersen ont déclaré que
plusieurs Etats de l'Union européenne, notamment l'Italie,
procédaient actuellement à des transferts d'impôts au
profit des collectivités locales.
Toutefois, la situation actuelle des impôts directs locaux perçus
par les collectivités locales françaises conduit à
s'interroger sur l'existence véritable d'une fiscalité
locale :
-
les taux votés par les collectivités s'appliquent à
des bases de plus en plus réduites
. Ce phénomène est
particulièrement marqué s'agissant de la taxe professionnelle,
dont les bases ont été abattues de 16 % en 1987 et seront
réduites de 35 % lorsque la fraction de son assiette assise sur les
salaires aura totalement disparu. Dans le même ordre d'idée, le
pouvoir fiscal de certaines collectivités est réduit lorsque
l'Etat décide de supprimer la faculté pour des
collectivités de percevoir certains impôts. Ainsi, la loi de
finances pour 1993 a supprimé la part régionale et la part
départementale de la taxe foncière sur les
propriétés non bâties.
Il convient de souligner que les allégements de fiscalité locale
ainsi réalisés se traduisent par des pertes de recettes pour les
collectivités locales car les compensations versées en
contrepartie par l'Etat ne prennent généralement pas la forme de
dégrèvements, et leur montant évolue moins vite que les
anciennes bases
53(
*
)
.
-
les impôts locaux sont de moins en moins acquittés par leurs
contribuables théoriques, et de plus en plus par le contribuable
national
. L'inadaptation de l'assiette des impôts directs locaux a
conduit les gouvernements successifs à multiplier les
dégrèvements et les exonérations. Le projet de loi de
finances pour 2000 prolonge ce phénomène en abaissant de 1500
francs à 1200 francs le montant maximum de taxe d'habitation
supporté par les redevables à faibles revenus.
Dans le projet de loi de finances pour 2000, la dépense fiscale
consacrée aux impôts directs locaux s'élève à
94 milliards de francs, contre 78 milliards de francs en 1998, soit
environ le quart du produit total de la fiscalité directe locale.
Cette progression s'explique par la réforme de la taxe professionnelle
et, compte tenu de la montée en charge progressive du coût de
cette réforme, il est probable que les sommes consacrées par
l'Etat à la prise en charge des impôts locaux seront, dans les
années à venir, d'un montant équivalent à celui de
la dotation globale de fonctionnement (DGF), qui s'élève à
111 milliards de francs dans le projet de loi de finances pour 2000. Au terme
de la réforme de la taxe professionnelle, seulement 40 % de cet
impôt sera acquitté par les entreprises, les 60 % restant
étant à la charge du contribuable national.
-
l'évolution du produit des impôts directs locaux est
déconnectée de l'évolution des taux
. La liberté
des collectivités locales en matière de vote des taux des
impôts directs locaux a toujours été relative puisque
l'article 1636 B
septies
du code général des impôts
prévoit que les taux d'une collectivité ne peuvent pas
s'écarter de plus de 2 % ou 2,5 %, selon l'impôt concerné,
du taux moyen national. De plus, l'article 1636 B
sexies
du code
général des impôts détermine les règles de
lien entre l'évolution des différents impôts au sein d'une
même collectivité.
Aujourd'hui, du fait de la multiplication des allégements de taxe
professionnelle qui ne sont pas compensés par des
dégrèvements
54(
*
)
et des modifications apportées à l'assiette de la taxe
professionnelle, le système fiscal local perd de son sens lorsque la
prise en charge d'un fraction croissante du produit de cet impôt par le
budget de l'Etat et les modifications apportées à l'assiette de
l'impôt local ne permettent plus au taux de déterminer le produit
de l'impôt. En 1999, l'augmentation du produit des impôts locaux
due à l'évolution des taux est de 0,7 %. Si l'on y ajoute le
montant des compensations versées par l'Etat au titre des
différents allégements de taxe professi+onnelle
55(
*
)
, l'augmentation totale du produit de
la fiscalité locale s'élève à 4,2 %.
Par ailleurs, la référence aux quatre taxes traditionnelles
devient de plus en plus inadaptée, notamment du fait de la montée
en puissance des ressources tirées de la taxe d'enlèvement des
ordures ménagères, dont le produit est trois fois
supérieur à celui de la taxe foncière sur les
propriétés non bâties.
Le système fiscal local est donc en très mauvais état.
Pourtant, le maintien d'une fiscalité directe locale est une
nécessité. D'abord, comme le souligne le rapporteur pour avis des
crédits des collectivités locales au nom de la commission des
lois de l'Assemblée nationale, parce qu' "
il est
particulièrement dangereux pour la démocratie locale
d'opérer une distinction entre le contribuable et
l'électeur
". Ensuite, parce que les collectivités
locales et les entreprises constituent les deux principaux acteurs du
développement économique. A cet égard, la taxe
professionnelle unique, qui conduit à une correction des écarts
de richesse fiscale entre les communes d'un même espace économique
et remédie à la concurrence fiscale entre elles, constitue une
chance qu'il ne faut pas laisser passer.
b) " Déverrouiller " le système de financement local
Les
difficulté de réformer en profondeur la fiscalité locale
sont patentes mais, en réalité, c'est l'ensemble du
système de financement des collectivités locales qui est
" verrouillé ".
En d'autre termes, l'imbrication des différents dispositifs est telle
qu'ils ne peuvent plus être modifiés qu'à la marge car
toute réforme de plus grande ampleur aurait des conséquences sur
l'ensemble du système.
Quatre exemples révélateurs de l'imbrication des dispositifs
La mise
en place en 1996 d'une " enveloppe normée " des concours de
l'Etat a eu pour effet de " solidariser " les évolutions des
principales dotations de l'Etat aux collectivités locales. L'enveloppe
normée étant une enveloppe fermée, toute revalorisation du
montant d'une de ses composantes a pour conséquence de pénaliser
le montant de la variable d'ajustement de l'enveloppe, la DCTP.
Par exemple, au sein de l'enveloppe, les concours de l'Etat au fonds national
de péréquation de la taxe professionnelle (FNPTP) et au fonds
national de péréquation (FNP) évoluent comme les recettes
fiscales nettes de l'Etat. Le taux d'indexation retenu par le projet de loi de
finances pour 2000 est négatif (- 0,316 %) car le gouvernement ne tient
pas compte du transfert du produit de certains impôts au financement de
la sécurité sociale. A structure constante, les recettes fiscales
de l'Etat progressent de plus de 3 %. Le choix du gouvernement est donc
contestable, mais sa contestation serait contre-productive car une
revalorisation de l'indexation des concours de l'Etat au FNPTP et au FNP aurait
pour conséquence de réduire le montant de la DCTP ;
Le régime de la fiscalité locale de France Télécom
limite les marges de manoeuvre des élus locaux dans la
réalisation de leur revendication de voir le produit de cette
fiscalité bénéficier aux budgets locaux. En effet, le
produit de la fiscalité locale de France Télécom est pour
partie affecté au budget général, et pour partie
consacré au FNPTP. Par conséquent, l'assujettissement de France
Télécom au droit commun de la fiscalité locale aurait pour
conséquence de réduire les ressources du fonds. En outre,
l'article 1635
sexies
du code général des impôts
prévoit que la fraction du produit de la fiscalité locale de
France Télécom qui alimente le budget général sert
à financer la DCTP. Cette disposition n'a pas de conséquences
depuis 1996 puisque le montant de la DCTP résulte désormais de la
différence entre le montant des dotations qui composent l'enveloppe
normée et celui de l'enveloppe normée elle-même. Mais, si
le système de l'enveloppe normée disparaissait un jour, un
éventuel assujettissement de France Télécom au droit
commun de la fiscalité locale pourrait avoir des conséquences sur
le montant de la DCTP ;
La loi de finances pour 1999 prévoit que les pertes de DCTP
enregistrées entre 1998 et 1999 sont compensées
intégralement aux communes éligibles à la dotation de
solidarité urbaine (DSU) et à la dotation de solidarité
rurale (DSR) par le biais du FNPTP. Cette disposition accroît le montant
des charges du FNPTP. Pourtant, c'est le FNP qui a été
abondé pour compenser le coût de cette augmentation de charges.
Cette manoeuvre est logique, car les ressources du FNP proviennent du solde du
FNPTP. Elle illustre cependant le caractère illisible du système
de financement des collectivités locales ;
Les orientations du gouvernement conduisent à un mélange des
genres entre dotations de l'Etat et compensations de ressources fiscales,
puisque les compensations de suppressions d'impôts locaux sont
désormais indexées sur le taux de progression de la DGF.
Aujourd'hui, lorsque l'on débat de l'indexation de la compensation de la
réforme de la taxe professionnelle, les thèmes abordées ne
concernent plus l'évolution des bases et des taux de cet impôt,
mais portent sur les règles de calcul de la DGF (le recalage de sa base,
la régularisation de son montant). Au terme de la réforme, la
compensation est d'ailleurs appelée à se fondre dans la DGF,
selon des modalités encore inconnues.
Le système de financement des collectivités locales
présente désormais les caractéristiques suivantes :
- au niveau local, les élus ne peuvent pas suffisamment agir sur leurs
recettes fiscales, qui proviennent d'impôts dénaturés ;
- sur le plan national, les parlementaires qui souhaiteraient apporter des
modifications à l'architecture ou à l'indexation des concours de
l'Etat aux collectivités locales se heurtent à l'imbrication des
dispositifs.
Les collectivités locales sont aujourd'hui mises devant le fait
accompli. Il est plus que jamais nécessaire de
" déverrouiller " leur système de financement.
2. Le budget 2000 : aller au delà du " service minimum "
La
présentation, lors de la séance du comité des finances
locales tenue le 14 septembre 1999, des dispositions relatives aux finances
locales dans le projet de loi de finances pour 2000 par le ministre de
l'intérieur et le secrétaire d'Etat chargé du budget,
avait provoqué une réaction négative des membres du
comité, toutes tendances politiques confondues.
Lors de la discussion à l'Assemblée nationale de la
première partie du présent projet de loi de finances, le
gouvernement a présenté, ou accepté, des amendements
revalorisant les montants de certains concours de l'Etat aux
collectivités locales.
Les modifications au projet initial du gouvernement ont été
nombreuses, et ont permis de contenir la fronde naissante au sein de la
majorité de l'Assemblée nationale.
En réalité, les modifications apportées portent sur des
montants moins importants que ne le laisse entendre le gouvernement et
permettent, soit de corriger les effets pervers de la réforme de la taxe
professionnelle, soit d'accroître le montant de dotations qui, sinon,
aurait stagné en francs courants, donc baissé en francs
constants.
a) Mettre fin au sous-dimensionnement de l'enveloppe normée
Lors de
son audition par votre commission des finances, le 2 novembre 1999, le
ministre de l'intérieur a considéré que, dans le projet de
loi de finances pour 2000, "
l'effort supplémentaire de l'Etat
en faveur des collectivités locales s'élevait à 1.875
millions de francs
".
Cette présentation, largement développée par le
gouvernement et les parlementaires qui le soutiennent, est contestable car,
d'une part, le ministre ne ne précise pas où s'ajoutent ces 1.875
millions de francs et, d'autre part, ce montant apparaît fantaisiste
dès lors que l'on procède à un recensement des
dispositions du projet de loi de finances relatives aux collectivités
locales.
Le montant des concours de l'Etat en faveur des collectivités locales
dans le projet de loi de finances pour 2000 résulte largement de
l'application aux différentes dotations de taux d'indexation
prévus par la loi. C'est le cas pour les dotations qui composent
l'enveloppe normée, le montant de la dotation de compensation de la taxe
professionnelle (DCTP) résultant quant à lui du taux d'indexation
de l'enveloppe normée elle-même, déterminé par
l'article 57 de la loi de finances pour 1999.
Outre les règles d'évolution mécanique des dotations, les
concours de l'Etat progressent également en application de
différents textes. Ainsi, l'article 57 de la loi de finances pour 1999
dispose que le montant de la DSU est majoré de 500 millions de francs
par an pendant les trois année d'application du contrat de croissance et
de solidarité (1999 , 2000 et 2001). De même, la loi du 12
juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la
coopération intercommunale prévoit que le montant de la dotation
d'intercommunalité (la DGF des structures intercommunales)
bénéficie d'un abondement de 500 millions de francs par an de
2000 à 2004.
Dès lors, " l'effort supplémentaire " de l'Etat en
faveur des collectivités locales se résume aux dispositions
suivantes :
- un abondement de 200 millions de francs de la dotation d'aménagement
de la DGF, destiné à atténuer les conséquences de
la prise en compte des résultats du recensement général
sur le montant de la DSU et de la DSR ;
- un abondement de 500 millions de francs de la DSU, qui permettra à
cette dotation de progresser de 16 % en 2000 au lieu, comme l'avait
initialement prévu le gouvernement, de stagner
56(
*
)
;
- la revalorisation de 276 millions de francs du montant de la compensation
versée aux collectivités locales en contrepartie de la
suppression progressive de la part " salaires " de la taxe
professionnelle.
L'effort supplémentaire de l'Etat est donc inférieur à
1 milliard de francs, et ne s'élevait qu'à 200 millions de francs
dans la version initiale du projet de loi de finances pour 2000.
Les arguties relatives au montant de l'effort de l'Etat en faveur des
collectivités locales ne manquent pas de surprendre si l'on se
remémore les arguments invoqués en faveur de la création
d'une enveloppe normée des concours de l'Etat aux collectivités
locales. Le système de l'enveloppe normée devait en effet reposer
sur l'acceptation par les collectivité de la fixation d'un
" plafond " au montant des dotations de l'Etat en échange de
la prévisibilité et de la lisibilité pluriannuelle de
l'évolution de leurs ressources.
Il apparaît aujourd'hui que, pour fonctionner, un tel système
n'est viable que si le " plafond " est suffisamment
élevé. Dans l'actuel contrat de croissance, il est manifestement
trop bas et, pour que le système de financement des collectivités
locales puisse continuer de fonctionner, le gouvernement est contraint de
" colmater les brèches " et de multiplier les
" avenants " au contrat de croissance et de solidarité,
c'est-à-dire de recourir de manière systématique à
la pratique des abondements exceptionnels de certaines dotations de
manière à compenser les conséquences négatives sur
leur montant de l'application du droit commun.
Les dispositions du projet de loi de finances pour 2000 marquent
également les limites du mode de calcul et de l'organisation interne de
la principale dotation de l'Etat aux collectivités locales, la DGF :
- en 2000, la dotation forfaitaire de la DGF augmentera fortement, en raison de
la prise en compte des résultats du recensement dans le calcul des
attributions aux communes, ce qui provoquera, puisque la DGF est une enveloppe
fermée, une baisse du montant de la dotation d'aménagement de la
DGF ;
- la dotation d'aménagement comprend la DGF des structures
intercommunales et les dotations de solidarité, la DSU et la DSR. Pour
éviter de pénaliser ces dotations, le gouvernement prévoit
d'abonder la dotation d'aménagement de 200 millions de francs ;
- en outre, pour éviter que, au sein de la dotation
d'aménagement, l'augmentation du montant de la DGF des structures
intercommunales ne pénalise la DSU et la DSR, la loi du 12 juillet 1999
prévoit que le montant de la dotation d'intercommunalité est
majoré de 500 millions de francs par an ;
- comme la majoration de 200 millions de francs de la dotation
d'aménagement et de 500 millions de francs de la DGF des structures
intercommunales ne permettent pas à la DSU et à la DSR
d'augmenter, il est alors prévu d'abonder la DGF de 500 millions de
francs supplémentaires et de prélever 150 millions de francs sur
le FNPTP pour permettre à la DSR de progresser.
La nécessité de multiplier les abondements témoigne du
sous-dimensionnement des enveloppes consacrées par l'Etat aux
collectivités locales
57(
*
)
et du caractère restrictif
des taux d'indexation des concours de l'Etat aux collectivités locales,
qui sont des indices composés du taux d'évolution
prévisionnelle des prix et d'une fraction du taux de croissance du
produit intérieur brut. L'évolution de ces indices n'est
absolument pas représentative de l'évolution des charges
supportées par les collectivités locales, ce qui conduit le
gouvernement à corriger leurs effets négatifs de manière
à éviter l'asphyxie financière des collectivités
locales.
Votre rapporteur général considère que le mode de
calcul des dotations de l'Etat doit évoluer. Il convient dès
aujourd'hui de travailler à l'élaboration d'un indice
synthétique représentatif de l'évolution des charges des
collectivités locales, sur lequel seraient indexées les dotations
de l'Etat aux collectivités locales.
Dans l'attente de la réforme du taux d'indexation des dotations, il est
nécessaire, pour les exercices 2000 et 2001, de revaloriser le montant
de l'enveloppe normée, en portant à 50 % la fraction du taux de
croissance du PIB prise en compte pour le calcul de son taux de progression.
b) Corriger les effets pervers de la réforme précipitée de la taxe professionnelle
La
réforme de la taxe professionnelle opérée par la loi de
finances pour 1999 a pris les élus locaux par surprise. Elle n'a en
effet été précédée d'aucune concertation.
Les inconvénients de cette réforme avaient été mis
en évidence par votre commission des finances dès la discussion
de la loi de finances pour 1999. La première année d'application
de la réforme les confirment. Il apparaît notamment que, d'une
fait des mesures d'accompagnement de la réforme, et en particulier de
l'augmentation des cotisations minimales et de péréquation,
certaines entreprises, notamment les plus grandes, ne verront pas le poids de
leur fiscalité allégé par la réforme. De plus, les
collectivités locales dynamiques qui font des efforts pour attirer des
entreprises et créer des emplois sur leur territoire sont
pénalisées car leurs recettes fiscales ne prennent pas en compte
ces créations d'emplois
58(
*
)
.
Les effets pervers sur le développement de la taxe professionnelle
unique
Le caractère précipité de cette réforme a conduit
le gouvernement à défendre, à six mois d'intervalle, deux
projets contradictoires : la suppression de la part " salaires "
de la taxe professionnelle, dans le cadre de la loi de finances pour 1999, et
la promotion de la taxe professionnelle unique (TPU), dans le cadre de la loi
du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la
coopération intercommunale. La taxe professionnelle unique était
déjà au coeur du projet de loi relatif à la
coopération intercommunale présenté en 1997 par le
précédent gouvernement.
La conjonction de ces deux réformes conduit aujourd'hui à
construire l'intercommunalité à fiscalité
intégrée sur une ressource tronquée. Pour permettre aux
établissements publics de coopération intercommunale à TPU
de bénéficier de ressources suffisantes pour l'exercice des
compétences qui leur seront transférées par leurs communes
membres, il a été admis que ceux-ci pourraient compléter
les ressources qu'ils tireront de la taxe professionnelle en votant des taux
additionnels à ceux de leurs communes membres pour les trois autres
impôts directs locaux.
La suppression de la part " salaires " de la taxe professionnelle
pourrait donc être à l'origine d'un alourdissement des
prélèvements obligatoires, notamment ceux reposant sur les
ménages, si les établissements publics de coopération
intercommunale à taxe professionnelle unique utilisaient tous leur
faculté de recourir à la fiscalité mixte.
Les conséquences imprévues de la disparition des bases
" salaires "
Le caractère pénalisant de la réforme de la taxe
professionnelle pour les ressources des collectivités locales avait
conduit votre commission, l'année dernière, à
préconiser le remplacement de la compensation, proposée par le
gouvernement et les députés, par un dégrèvement.
Le dégrèvement avait l'avantage de ne pas supprimer les bases
" salaires ", mais simplement d'en transférer la charge des
entreprises vers le budget de l'Etat. Cette solution permettait non seulement
de faire évoluer les ressources des collectivités locales comme
les anciennes bases salaires, mais également d'éviter un grand
nombre d' " effets secondaires " de la réforme, liés
précisément à la disparition d'une partie de l'assiette de
la taxe professionnelle.
Votre rapporteur général soulignait à ce sujet les
conséquences de la suppression des bases sur les potentiels fiscaux des
communes et sur les seuils d'écrêtement au profit des fonds
départementaux de péréquation de la taxe professionnelle
(FDPTP) des établissements exceptionnels
59(
*
)
.
En ce début de session 1999-2000, le gouvernement est, par deux fois,
conduit à " revoir sa copie " et à corriger les effets
pervers de sa réforme de la taxe professionnelle
:
- le taux de progression de la compensation versée aux
collectivités locales étant manifestement insuffisant, le
gouvernement a été amené à accepter sa
revalorisation de 0,821 % à 2,05 % (article 14
ter
du projet de
loi de finances pour 2000). Si le système de dégrèvement
avait été retenu, cette question ne se serait pas posée
puisque la compensation aurait été mécanique ;
- la disparition des bases " salaires " conduit à
réduire le montant du prélèvement sur les communes
" riches " de la région Ile-de-France au profit du fonds de
solidarité de la région Ile-de-France (FSRIF)
60(
*
)
. En conséquence, le
gouvernement a été contraint d'introduire, dans le projet de loi
relatif à la prise en compte des conséquences des
résultats du recensement sur la répartition des dotations de
l'Etat aux collectivités locales, une disposition visant à
prendre en compte dans le calcul du potentiel fiscal des communes
contributrices au FSRIF le montant de la compensation de la réforme de
la taxe professionnelle
61(
*
)
.
Le gouvernement devait, en application de la loi de finances pour 1999,
remettre au Parlement un rapport sur les fonds départementaux de
péréquation de la taxe professionnelle. Ce rapport ne lui a pas
encore été communiqué. Il conviendra de s'assurer que ce
rapport évoque les conséquences de la réforme de la taxe
professionnelle sur les seuils d'écrêtement des
établissements exceptionnels.
La réforme de la taxe professionnelle opérée par la loi
de finances pour 1999 se traduit donc par un allégement limité
des charges des entreprises, un coût élevé pour le budget
de l'Etat, une pénalisation des ressources des collectivités
locales et l'apparition d'" effets secondaires " multiples. Le suivi
de la mise de en oeuvre de la réforme, et des futures modalités
d'intégration de la compensation de la taxe professionnelle dans la
dotation globale de fonctionnement, reste plus que jamais indispensable.