B. DISTRIBUTION : VERS UNE CONCURRENCE ACCRUE ?

La France se caractérise par un mode de distribution original, fondé sur un système coopératif, de façon à garantir le pluralisme. Ce système, mis en place en 1947 autour des Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne, est aujourd'hui en crise en dépit d'efforts d'adaptation appréciables encouragés par l'État.

Gérées par Hachette, très sensibles au puissant Syndicat du livre, aujourd'hui divisé - ce qui ne facilite pas la gestion des conflits dans un secteur où les mouvements sociaux sont fréquents -, les NMPP peuvent largement s'identifier à l'histoire de la presse depuis un demi siècle , même si le modèle de régulation qu'elles incarnent est aujourd'hui de plus en plus souvent contesté par les éditeurs eux-mêmes.

1. La montée des tensions

Les mouvements de grèves , dont le dernier date du 6 octobre dernier, perturbent régulièrement la distribution de la presse, tandis que la poussée de concurrence entre les NMPP et les Messageries Lyonnaises de presse - MLP - font craindre à certains l'amorce d'un processus de dérégulation sauvage .

Les principes "d'équité et d'égalité de traitement" et de "solidarité" entre les titres, institués par la loi Bichet, sont de plus en plus difficiles à appliquer et, notamment, la "péréquation" des coûts de distribution entre les différentes formes de presse , les magazines acceptant de plus en plus mal de supporter une bonne part des coûts d'un système conçu pour les quotidiens.

Le passage, en mai 1999, de l'hebdomadaire Point de vue, des NMPP aux MLP a créé la surprise et amorcé une certaine redistribution des cartes. En passant aux MLP dans des conditions jugées satisfaisantes, l'hebdomadaire aurait ainsi économisé 6 millions de francs. L'hebdomadaire Marianne envisage de lui emboîter le pas pour améliorer un compte d'exploitation fragile. Tandis que Le Point pourrait les imiter, sa filiale, le mensuel Historia vient de passer aux MLP. Dans le même temps , des publications du groupe Hommel - ont fait le chemin inverse pour rejoindre les NMPP.

Tandis que le chiffre d'affaires des NMPP varie relativement peu, puisqu'il est passé de 18,4 milliards de francs à 19,1 milliards de francs, pour 2,8 milliards d'exemplaires vendus , celui des MLP , bien que largement inférieur, a cru substantiellement passant de 1 milliard de francs en 1994 à 2,650 milliards de francs en 1998 .

De fait, en dépit de plusieurs plans de restructuration, qui leur ont permis de diminuer leur coût d'intervention de 14 % à 9 %, les NMPP ont du mal à faire face à la concurrence.

2. La poursuite des efforts de restructuration

Le premier plan quadriennal de modernisation des NMPP (1994-1997), présenté en juillet 1993, comprenait un ensemble de mesures couvrant tout le champ d'action des Messageries (gestion des invendus, organisation de la distribution des quotidiens, restructuration du réseau de dépositaires ... ), qui devaient permettre d'économiser 737 millions de francs sur la période. Le plan de restructuration comprenait un volet social, prévoyant 717 départs échelonnés sur la période parmi les ouvriers de l'entreprise.

Par le protocole d'accord du 27 décembre 1993, l'État a accepté d'apporter sa participation financière à ce plan social, au moyen d'une convention Fonds national pour l'emploi (FNE), dérogatoire à la règle commune et concernant au maximum 374 ouvriers. L'accord dont l'application était contrôlée, prévoyait l'engagement par l'État d'une somme de 136,4 millions de francs maximum sur l'ensemble de la période 1994-2001 (année de passage en retraite des ouvriers partis en 1997) visant à assurer le financement partiel des allocations spéciales FNE .

Toutefois, les économies réalisées - évaluées à 680 millions de francs, soit 57 millions de francs de moins que prévu -ont été redistribuées aux éditeurs et aux diffuseurs conformément aux termes de la convention entre l'État et les NMPP : sur 4 ans, ce sont donc 141,6 millions de francs qui ont été redistribués aux quotidiens. Les éditeurs de publications ont bénéficié d'une baisse encore supérieure, puisqu'elle atteint 4,25 %, soit une redistribution de 473,1 millions de francs en 4 ans.

Les NMPP ont engagé en 1998 un nouveau plan quadriennal de modernisation, dont elles attendent une économie supplémentaire de 300 à 350 millions de francs et, en conséquence, une nouvelle baisse de leur taux d'intervention qui passerait ainsi de 9 à 7 %.

Les principales réformes envisagées concernent le traitement des publications ( fusion des centres de Rungis Nord et de Centre Nord en un centre unique à Combs-la-Ville ), la distribution sur Paris transformation des 6 centres de diffusion parisiens en un centre de publication, à Lognes, travaillant le jour, et 4 centres de quotidiens situés à Paris et en proche banlieue. Enfin, le traitement des invendus doit être réorganisé.

Une baisse supplémentaire des effectifs est prévue qui portera sur 4 à 500 personnes entre 1998 et 2001 . Pour y parvenir, les NMPP ont sollicité l'octroi de mesures d'âge particulières : c'est ainsi que les ministres de l'emploi et du budget leur ont accordé la possibilité de procéder à des départs en congé de conversion à 55 ans suivis de départs " Allocation spéciale du Fonds National de l'emploi " à 56 ans étant entendu que la société financerait intégralement les congés de conversion.

Ce régime dérogatoire ayant expiré en juin 1999, les NMPP sont aujourd'hui soumises au droit commun des congés de conversion et ne bénéficient plus d'un soutien particulier de l'État pour leur reconversion. Il y a là un retrait de l'État qui intervient à un moment où il faudrait peut-être accélérer les mutations.

Au moment où le président du Conseil supérieur des messageries de presse lançait un appel à un " moratoire " et à une " trêve d'automne ", le Gouvernement qui a affirmé son attachement aux principes issus de la loi Béchet, a confié une mission d'étude et de réflexion à M. Jean-Claude Hassan, maître des requêtes au Conseil d'État.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page