B. LE DÉBAT SUR LA FORMATION DES MAGISTRATS
Au
lendemain de la deuxième guerre mondiale, la magistrature apparaît
à bien des égards sinistrée. Non seulement elle fait
l'objet d'une grande méfiance de la part de l'exécutif, mais elle
subit une crise des vocations en raison de la médiocrité des
salaires, de l'absence de perspective de carrière et du caractère
désuet de l'organisation judiciaire. Ainsi, le nombre global de
candidatures passe de 381 en 1953 à 215 en 1957 tandis que la
magistrature se féminise fortement puisque le pourcentage de femmes
passe de 42 % à 61 %.
L'Union Fédérale des Magistrats (U.F.M), créée en
1945, va s'employer à dénoncer la perte de prestige de
l'institution judiciaire et à revendiquer une amélioration de la
situation économique des magistrats. Parallèlement, le
débat sur la formation des magistrats va s'engager, renforcé par
la création de l'Ecole nationale d'administration par une ordonnance
d'octobre 1945.
Deux opinions s'affrontent alors.
Certains estiment que les futurs magistrats, même s'ils possèdent
les connaissances en droit nécessaires à l'exercice de leurs
fonctions, doivent bénéficier d'une formation spécifique
acquise au sein d'une école ad hoc qui leur permette
d'appréhender les faits sociaux qui leur seront ensuite soumis dans
toute leur complexité au cours de leur carrière.
D'autres, au contraire, affirment que la formation des magistrats est
exclusivement une affaire de pratique. En outre, il est redouté que la
création d'une école de la magistrature, à l'image de
l'Ecole nationale d'administration, développe un esprit de corps
dangereux pour l'Etat.
L'idée d'une école va cependant progressivement s'imposer et,
à l'initiative du premier Garde des Sceaux de la cinquième
République, M. Michel Debré, l'ordonnance du 22
décembre 1958 va créer le Centre National d'Etudes
Judiciaires, qui deviendra en 1970 l'Ecole nationale de la magistrature.
C. LA QUESTION DU LIEU D'IMPLANTATION DE L'ÉCOLE
Cette
période a été également marquée par le
problème de l'implantation définitive de l'école. Lorsque
la création de cette dernière fut décidée, elle fut
installée dans un immeuble à Paris dans lequel la première
promotion d'auditeurs de justice effectua sa scolarité.
Toutefois, ce bâtiment devint rapidement exigu : en 1960, le
débat sur l'implantation de l'école fut donc relancé au
moment même où la décentralisation faisait l'objet de
préoccupations de la part des dirigeants. Une longue querelle opposa
donc les partisans d'une décentralisation de l'école et ceux qui
étaient favorables à son maintien dans la capitale. S'il fut
rapidement décidé que l'école serait
décentralisée à Bordeaux, son inauguration n'intervint que
le 12 décembre 1972. En outre, une antenne parisienne était
maintenue.