2. La suppression du Fonds national du livre
Le Fonds
national du livre -appellation donnée au compte d'affectation
spéciale n° 902-16- a été créé par
la loi de finances pour 1976 afin de recueillir les produits de la redevance
sur l'édition des ouvrages de librairie et de la redevance sur l'emploi
de la reprographie créés par cette même loi.
Les crédits ouverts dans le cadre de ce compte d'affectation
spéciale ont pour objet le versement de subventions au Centre national
du livre (CNL).
Cet établissement public à caractère administratif est
l'héritier de la Caisse nationale des lettres destinée à
attribuer des secours aux écrivains et à leur famille qui,
créée en 1930, devait être supprimée par la
Commission des économies cinq ans plus tard mais
réapparaître en 1946 avec pour objet élargi
" de
soutenir et d'encourager l'activité littéraire des
écrivains français...,
de favoriser par des subventions,
avances de fonds ou tous autres moyens, l'édition ou la
réédition par les entreprises françaises d'oeuvres
littéraires dont il importe d'assurer la publication ".
En 1973, la Caisse devint le Centre national des lettres -il s'intitule Centre
national du livre depuis 1993- et ses compétences furent étendues
en 1976 au soutien des acquisitions par les bibliothèques, aux actions
de promotion de la lecture, à la traduction des oeuvres dans les deux
sens en même temps que furent créées des recettes nouvelles
et leur affectation au Fonds national du livre.
Les ressources du fonds ont été estimées à
116 millions de francs pour 1999.
Régie par l'article 1609
duodecies
du code
général des impôts, la " redevance " sur
l'édition des ouvrages de librairie est due par les éditeurs
à raison des ventes, autres que les exportations et les livraisons dans
un lieu situé dans un autre Etat membre de la Communauté
européenne, des ouvrages de librairie de toute nature qu'ils
éditent.
En sont exonérés toutefois les petits éditeurs dont le
chiffre d'affaires de l'année précédente pour cette
branche d'activité n'a pas excédé, tous droits et taxes
compris, 500.000 francs.
Le taux de la redevance est de 0,2 %. Son produit a été
estimé à 29 millions de francs en 1999.
Quant à la " redevance " sur l'emploi de la reprographie
(article 1609
terdecies
du code général des
impôts), son taux est fixé à 3 %. Elle porte sur les
ventes et livraisons à soi-même, à l'exception des
exportations et des livraisons dans un autre Etat membre de la
Communauté européenne, d'appareils de reprographie
réalisées par les entreprises qui les ont fabriqués ou
fait fabriquer en France, ainsi que sur les importations et acquisitions
intracommunautaires des mêmes appareils.
La liste des appareils taxables est fixée par un arrêté
conjoint du ministre de l'économie et des finances et du ministre de
l'industrie et de la recherche. L'article 159 AD de l'annexe IV
au code général des impôts vise ainsi les machines à
imprimer offset de 500 kg ou moins, les duplicateurs, les appareils de
photocopie à système optique ou par contact et appareils de
thermocopie, ainsi que les appareils de reprographie de bureautique utilisant
la technique du scanner.
Son produit a été estimé à 87 millions de
francs en 1999.
Les deux redevances qui appartiennent à la catégorie des
impositions de toute nature sont assises, liquidées et recouvrées
comme en matière de taxe sur la valeur ajoutée,
c'est-à-dire qu'elles sont autoliquidées par les redevables et
que leur produit est recouvré par le réseau de la DGI.
Le tableau ci-après récapitule l'évolution du produit des
deux redevances depuis 1993.
Evolution du produit des deux redevances
(en millions de francs)
|
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
LFI 1999 |
Reprographie |
71,79 |
83,612 |
84,587 |
77,248 |
84,703 |
88,216 |
87 |
Edition |
24,54 |
25,783 |
29,747 |
28,557 |
28,980 |
28,406 |
29 |
Total |
96,33 |
103,395 |
114,334 |
105,805 |
113,683 |
116,622 |
116 |
La
totalité des crédits inscrits au compte d'affectation
spéciale consiste à prévoir le versement de subventions au
Centre national du livre (CNL). Le CNL les utilise pour couvrir ses propres
besoins, et après l'avis de commissions de spécialistes pour
distribuer des aides. Au fil des années le nombre de commissions s'est
accru par spécialisation ou élargissement des domaines
d'intervention.
Récemment ont été décidées :
- la création d'une commission et d'un service des bibliothèques
pour accompagner la nouvelle politique d'aide à la diffusion
(1990) ;
- l'instruction des demandes d'aide aux revues est désormais
unifiée au sein d'un même service et d'une seule commission
(1991) ;
- la création de la commission Librairie européenne des
idées (1990) ;
- la création de la commission Librairie du
1
er
siècle du cinéma (1993-1995) ;
- la création d'une commission Librairie de la danse au sein d ela
commission Arts (1994-1998) ;
- et la création d'une commission Temps des livres au sein de la
commission Vie littéraire (1997).
Cette énumération illustre le foisonnement des interventions du
CNL.
La suppression du Fonds national du livre pourrait être admise s'il
était entré dans les intentions du gouvernement de retracer au
budget de l'Etat les crédits de subventions au CNL versées
à partir du compte d'affectation spéciale, et sous réserve
d'une vérification de la proportionnalité de ces crédits
aux ressources dégagées par les redevances dont le maintien ne
saurait se justifier autrement.
Mais le dispositif proposé par le gouvernement ne répond à
aucune de ces conditions et se traduit par une débudgétisation
pure et simple puisque le produit des redevances serait directement
versé au CNL. Au démembrement de l'Etat, succéderait ainsi
un démembrement budgétaire de plus qui réduirait encore le
contrôle et la lisibilité d'une intervention publique
déjà opaque puisque les deniers publics confiés au CNL
sont gérés dan le cadre des procédures budgétaires
particulières à l'établissement public.
La suppression du compte n° 902-16 n'est donc pas opportune en
l'état.