Propositions de loi organique proposant des mesures exceptionnelles pour les communes forestières à la suite de la tempête de décembre 1999
MERCIER (Michel)
RAPPORT 249 (1999-2000) - COMMISSION DES FINANCES
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Table des matières
- I. UNE CATASTROPHE SANS PRÉCÉDENT POUR LES COLLECTIVITES FORESTIERES
- II. LA REACTION DU GOUVERNEMENT
- III. L'INTERVENTION DU LEGISLATEUR
- CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
- EXAMEN EN COMMISSION
N°
249
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès-verbal de la séance du 1
er
mars 2000
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur :
- la
proposition de loi organique de MM. Claude HURIET, Jean-Paul DELEVOYE,
Jean-Pierre FOURCADE, André JOURDAIN, François ABADIE, Louis
ALTHAPÉ, Jean-Paul AMOUDRY, Pierre ANDRÉ, Philippe ARNAUD,
René BALLAYER, Denis BADRÉ, Mme Janine BARDOU, MM. Jacques
BAUDOT, Michel BÉCOT, Georges BERCHET, Jean BERNARD, Daniel BERNARDET,
Roger BESSE, Maurice BLIN, Louis BOYER, Dominique BRAYE, Henri LE BRETON,
Mme Paulette BRISEPIERRE, MM. Louis de BROISSIA, Robert CALMEJANE,
Bernard CAZEAU, Auguste CAZALET, Gérard CÉSAR, Charles-Henri de
COSSÉ-BRISSAC, Désiré DEBAVELAERE, Jean DELANEAU, Marcel
DENEUX, André DILIGENT, Jacques DONNAY, Michel DOUBLET, Hubert
DURAND-CHASTEL, Daniel ECKENSPIELLER, Jean-Paul ÉMIN, Michel ESNEU,
Hubert FALCO, Jean FAURE, Bernard FOURNIER, Serge FRANCHIS, Yann GAILLARD,
Jean-Claude GAUDIN, Patrice GÉLARD, François GERBAUD, Charles
GINÉSY, Francis GIRAUD, Daniel GOULET, Adrien GOUTEYRON, Francis
GRIGNON, Louis GRILLOT, Georges GRUILLOT, Mme Anne HEINIS, MM. Pierre
HÉRISSON, Rémi HERMENT, Daniel HOEFFEL, Jean-François
HUMBERT, Jean-Paul HUGOT, Jean-Jacques HYEST, Alain JOYANDET, Gérard
LARCHER, Jacques LEGENDRE, Jean-François LE GRAND, Marcel LESBROS,
Jean-Louis LORRAIN, Roland du LUART, Jacques MACHET, Kléber
MALÉCOT, Philippe MARINI, Paul MASSON, Serge MATHIEU, Michel MERCIER,
Louis MOINARD, Aymeri de MONTESQUIOU, Georges MOULY, Bernard MURAT,
Philippe NACHBAR, Lucien NEUWIRTH, Paul d'ORNANO, Joseph OSTERMANN, Jacques
OUDIN, Lylian PAYET, Michel PELCHAT, Jacques PELLETIER, Jacques PEYRAT, Xavier
PINTAT, Jean-Marie POIRIER, Guy POIRIEUX, Ladislas PONIATOWSKI, Jean-Pierre
RAFFARIN, Victor REUX, Jean-Jacques ROBERT, Philippe RICHERT, Jean-Pierre
SCHOSTECK, Raymond SOUCARET, Michel SOUPLET, Louis SOUVET, Martial TAUGOURDEAU,
François TRUCY, Jacques VALADE, André VALLET, Xavier
de VILLEPIN, Serge VINÇON et Guy VISSAC, tendant à accorder
temporairement aux communes la
libre gestion
des
fonds
disponibles
provenant de la
vente
de
bois
chablis
après les
tempêtes
du mois de
décembre
1999
,
- la proposition de loi organique de M. Philippe NACHBAR, Mme Janine BARDOU,
MM. Christian BONNET, James BORDAS, Louis BOYER, Jean-Claude CARLE, Jean
CLOUET, Charles-Henri de COSSÉ-BRISSAC, Jean DELANEAU, Ambroise DUPONT,
Jean-Léonce DUPONT, Jean-Paul ÉMIN, Jean-Paul ÉMORINE,
Hubert FALCO, André FERRAND, René GARREC, Louis GRILLOT,
Jean-François HUMBERT, Charles JOLIBOIS, Jean-Philippe LACHENAUD, Serge
MATHIEU, Michel PELCHAT, Jean PÉPIN, Xavier PINTAT, Bernard PLASAIT, Guy
POIRIEUX, Ladislas PONIATOWSKI, André POURNY, Jean PUECH, Jean-Pierre
RAFFARIN, Henri de RAINCOURT, Charles REVET, Henri REVOL, Louis-Ferdinand de
ROCCA SERRA et François TRUCY, proposant des
mesures
exceptionnelles
pour les
communes forestières
à la
suite de la
tempête
de
décembre 1999
,
Par M.
Michel MERCIER,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Alain Lambert, président ; Jacques Oudin, Claude Belot, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Roland du Luart, Bernard Angels, André Vallet, vice-présidents ; Jacques-Richard Delong, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; Philippe Marini, rapporteur général ; Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Jacques Baudot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Henri Torre, René Trégouët.
Voir
les numéros
:
|
|
Bois et Forêts. |
Mesdames, Messieurs,
Au cours des deux derniers mois de l'année 1999, trois calamités
de grande ampleur ont frappé notre pays, les inondations du mois de
novembre, la tempête du mois de décembre et la marée noire.
Dans l'urgence et l'adversité, la France a montré le meilleur
d'elle-même : le sens de la solidarité, l'efficacité
des services publics.
Sans attendre, il convient aujourd'hui de s'atteler au recensement des
dégâts et à la reconstruction.
Les collectivités forestières, au premier rang desquelles les
communes, subissent à un double titre les conséquences de la
tempête. Comme les autres collectivités locales, et comme les
particuliers, leurs biens et leur patrimoine ont été
endommagés. A ce préjudice s'ajoute la destruction de l'une de
leur principale source de revenu : la forêt.
Ce constat a conduit plusieurs de nos collègues à déposer
ou à signer deux propositions de lois :
- proposition de loi organique n° 172 (1999-2000), dont les premiers
signataires sont MM. Claude Huriet, Jean-Paul Delevoye et Jean-Pierre
Fourcade, tendant à accorder temporairement aux communes la libre
gestion des fonds disponibles provenant de la vente de bois chablis
après les tempêtes du mois de décembre 1999 ;
- proposition de loi organique n° 225 (1999-2000), de
M. Philippe Nachbar et les membres du groupe des républicains et
indépendants, proposant des mesures exceptionnelles pour les communes
forestières à la suite de la tempête de
décembre 1999.
Dans ses conclusions, votre rapporteur a souhaité ne pas sortir du champ
défini par les auteurs des propositions de lois : le soutien aux
communes forestières sinistrées. Il a cependant, dès que
l'occasion se présentait, étendu le bénéfice de ses
préconisations aux autres victimes de catastrophes naturelles. Ainsi,
l'accélération des remboursements du fonds de compensation de la
taxe sur la valeur ajoutée, prévue à l'article 2, concerne
l'ensemble des bénéficiaires du fonds victimes des tempêtes
et des inondations. De même, l'application du taux réduit de la
taxe sur la valeur ajoutée, prévue à l'article 4, vise
aussi bien les collectivités locales que les exploitants forestiers
privés.
A ce titre, les dispositions figurant dans les conclusions qui vous sont
soumises doivent être considérées comme un premier pas.
Car, au delà des collectivités locales, c'est l'ensemble du
secteur forestier, public et privé, qui sera pénalisé pour
longtemps par les conséquences de la tempête. Votre commission
veillera à ce que les mesures appropriées, notamment fiscales, en
faveur de l'économie forestière interviennent dans les
délais les plus rapprochés, à l'occasion de la discussion
de la loi de finances rectificative pour 2000.
I. UNE CATASTROPHE SANS PRÉCÉDENT POUR LES COLLECTIVITES FORESTIERES
A. L'AMPLEUR DU SINISTRE
Pour
l'ensemble des forêts des collectivités locales
1(
*
)
, les bois tombés ou couchés en raison de
la tempête, les chablis, représentent un peu plus de quatre fois
le volume d'une récolte annuelle, comme le montre le tableau ci-dessous.
En moyenne, les chablis représentent deux à dix années de
coupes, d'entretien et d'exploitation. Dans certaines petites communes de l'Est
de la France, le préjudice monte jusqu'à cinquante années.
L'ampleur des besoins en matière de reboisement et de reconstitution
conduit parfois à s'interroger sur la pertinence du maintien de la
vocation forestière de certaines communes.
Source : Office national des forêts (ONF)
B. LES DIFFICULTÉS RENCONTRÉES
Dans les
communes forestières, les ressources provenant de l'exploitation
forestière représentent parfois jusqu'à 30 % des
recettes totales. Dans ces conditions, la destruction des forêts et le
volume important de chablis placent les communes forestières dans une
situation financière très délicate. Le ministère de
l'économie, des finances et de l'industrie a transmis à votre
rapporteur une note qui établit un diagnostic pertinent de la
situation :
Les chablis "
conduisent les communes à vendre des cubages
très supérieurs à ceux normalement cueillis sur la base
des plans de valorisation et de régénération
gérés pour leur compte par l'ONF.
Il s'agit d'une situation de force majeure, dont les conséquences
financières sont aggravées par trois séries de
facteurs :
- les coûts d'extraction des bois enchevêtrés et
dispersés ;
- les coûts de maintien des infrastructures d'extraction et de stockage
(voirie forestière, gares à bois, conditionnement des
stocks) ;
- la décote déjà observée des cubages surabondants,
notamment des essences feuillues.
L'ampleur des dommages causés au patrimoine productif induit une
perte de ressources à moyen-long terme
. Ces effets se cumulent avec
le faible cours de la vente de bois chablis, si le stockage n'est pas possible
ou trop dispendieux.
L'obtention d'une trésorerie abondante, à
court
terme
, résultant des ventes précipitées, ne doit pas
faire illusion sur les désordres dont vont souffrir domaines forestiers
et budgets de ces communes
.
Force est de constater que les communes sont conduites à vendre de
manière forcée des quantités de bois exceptionnelles,
à courtage fortement déprécié et avec une
contrainte de temps pour limiter au mieux les effets de la tempête sur
l'économie globale de leur domaine forestier.
Dès lors, le préjudice subi par les communes forestières
à la suite des intempéries exceptionnelles de la fin de
l'année 1999 est considéré comme une aliénation
forcée et exceptionnelle d'un élément du patrimoine
communal.
"
Dans ce contexte, l'enjeu est double. Il s'agit :
- de favoriser la reconstitution de la ressource forestière ;
- d'atténuer les déséquilibres des budgets communaux.
II. LA REACTION DU GOUVERNEMENT
A. DES REDEPLOIEMENTS DE CREDITS EN DIRECTION DES COLLECTIVITÉS VICTIMES DE LA TEMPETE
Dans un
premier temps, les communes forestières ont
bénéficié des mêmes crédits d'urgence que les
autres communes victimes de la tempête.
Des crédits ont été prélevés sur le budget
des charges communes (chapitres 37-94 "
Dépenses
éventuelles
" et 37-95 "
Dépenses
accidentelles
") et ont abondé le budget du ministère de
l'intérieur de manière à financer :
- en fonctionnement (chapitre 46-91 "
Secours d'extrême
urgence aux victimes de calamités publiques
") : l'aide aux
victimes, la prévention des dangers, le dégagement des routes, la
prise en charge des bénévoles et les frais de réquisitions
supportés par les collectivités locales. Les crédits
ouverts sur ce chapitre à destination des communes victimes de la
tempête s'élevaient à 112 millions de francs au
1
er
mars 2000 ;
- en investissement (chapitre 67-54 "
Subventions
d'équipement aux collectivités pour les réparations des
dégâts causés par les calamités
publiques
") : les travaux de voirie, de remise en état des
cours d'eau, des ouvrages d'art, des feux de signalisation, etc. Les
crédits ouverts sur ce chapitre à destination des communes
victimes de la tempête s'élevaient à 500 millions de
francs au 1
er
mars 2000. Une deuxième tranche de
500 millions de francs devrait être ouverte lorsque la
première tranche aura été consommée.
Par ailleurs, en tant que propriétaires forestiers, les
collectivités locales ont également
bénéficié de crédits ouverts sur le budget du
ministère de l'agriculture (250 millions de francs), également en
provenance du budget des charges communes. Ces crédits servent à
réaliser l'inventaire des dégâts, à financer le
déblaiement des pistes ainsi que des aides au transport du bois.
Il convient de signaler que, jusqu'à présent, le gouvernement a
financé ces actions par
redéploiement de crédits
,
à partir des chapitres du budget des charges communes consacrés
aux dépenses éventuelles et aux dépenses accidentelles. Il
n'y a donc pas d'ouverture de crédits nouveaux. De telles ouverture ne
sont cependant pas à exclure car les crédits inscrits aux
chapitres 37-94 et 37-95 du budget des charges communes dans la loi de finances
pour 2000 sont déjà (avant l'ouverture de la deuxième
tranche de 500 millions de francs au chapitre 67-54) pratiquement
consommés
2(
*
)
.
B. LA MISE EN PLACE PROGRESSIVE DE MESURES EN FAVEUR DES COLLECTIVITÉS FORESTIÈRES
L'examen
de la présente proposition de loi par notre Assemblée intervient
concomitamment à l'élaboration par le gouvernement d'un
" plan national pour la forêt ", présenté comme
"
opérationnel
" par un communiqué de presse du
ministère de l'agriculture daté du 18 février 2000, mais
dont les modalités techniques n'avaient toujours pas été
rendues publiques au jour de l'examen du présent texte par votre
commission des finances.
Plusieurs dispositions de ce plan devraient concerner les collectivités
locales.
1. Des prêts bonifiés
Afin de
limiter le manque à gagner pour les communes forestières
sinistrées qui résulte de la chute des cours du bois, et pour
limiter la décote, certaines communes forestières peu ou pas
sinistrées ont accepté de geler leurs coupes ou de ne pas mettre
leur bois sur le marché. En contrepartie, elles pourront
bénéficier de prêts bonifiés, au taux de 1,5 %.
Ces prêts seront soit des prêts de trésorerie, soit des
prêts budgétaires.
Par ailleurs, le décret n° 2000-88 du 1
er
février 2000 prévoit déjà que les communes
forestières, mais également les exploitants privés,
peuvent bénéficier de prêts bonifiés au taux de
1,5 % pour financer la sortie des bois abattus par les tempêtes
ainsi que leur stockage.
Au total, il est envisagé d'accorder des prêts pour un montant de
12 milliards de francs. Le coût pour l'Etat de la bonification
devrait s'élever entre 500 millions et 1 milliard de francs.
2. Des subventions de fonctionnement pour les communes ?
Lors de
son intervention devant le Sénat le 3 février 2000, à
l'occasion d'un débat sur les conséquences et les suites des
intempéries et de la marée noire intervenues fin décembre
1999, le ministre de l'intérieur a indiqué que "
le plan
gouvernemental du 12 janvier avait annoncé le versement d'aides
exceptionnelles pour les budgets de fonctionnement des communes
sinistrées
".
Le principe de subventions de fonctionnement pour les communes
forestières figurait également dans le communiqué de
presse du ministre de l'agriculture daté du 18 février 2000,
selon lequel "
des subventions de fonctionnement pourront
également leur être attribuées, sous l'autorité des
préfets et dans les conditions définies par le ministre de
l'intérieur
". Il existe en effet au budget du ministère
de l'intérieur un chapitre 41-52 "
Subventions de
caractère facultatif en faveur des collectivités
locales
".
Le versement de subventions de fonctionnement aux communes sinistrées
sera nécessaire compte tenu de l'importance des
déséquilibres budgétaires qui résulteront de la
disparition des recettes provenant de l'exploitation forestière.
Toutefois, pour l'année 2000, les subventions ne seront peut-être
pas utiles en raison de l'abondance des recettes que les communes retireront de
la vente des chablis.
Après avoir retenu le principe du versement de subventions de
fonctionnement, il semble que le gouvernement soit en train de reculer sur ce
point. En effet, selon les informations recueillies par votre rapporteur, la
circulaire interministérielle (en préparation à la date du
dépôt du présent rapport) se bornerait à mettre en
place des commissions départementales, principalement composées
de représentants de l'Etat, dont le rôle serait d'évaluer
le préjudice enregistré par les communes et de les assister dans
la gestion des conséquences financières de la tempête.
Un recul du gouvernement sur la question des subventions de fonctionnement
serait d'autant plus fâcheux que, en cette matière, les
règles constitutionnelles limitent considérablement l'initiative
parlementaire.
3. La possibilité de placer en valeurs d'Etat les fonds provenant de la vente des chablis
En 2000,
les communes forestières vont bénéficier de recettes
importantes provenant de la vente des chablis. Ces fonds seront " mis de
côté " par les communes et alimenteront leurs budgets
à mesure que les déséquilibres budgétaires se
feront sentir.
Le droit commun, en application de l'article 15 de l'ordonnance organique
relative aux lois de finances du 2 janvier 1959, oblige les
collectivités locales à déposer leurs
disponibilités au Trésor. Ces dépôts ne sont pas
rémunérés. Par conséquent, si les communes
déposaient au Trésor les fonds tirés de la vente de
chablis, elles enregistreraient un second manque à gagner, qui
s'ajouterait à celui résultant de la baisse des cours du bois.
L'ordonnance organique prévoit implicitement un tel cas de figure et
autorise le ministre des finances à " admettre " des
dérogations au principe de dépôt au Trésor des fonds
libres des collectivités locales
3(
*
)
. Ces
dérogations sont précisées dans plusieurs instructions et
circulaires.
Les fonds provenant d'une aliénation de patrimoine telle que la
destruction des ressources forestières entrent dans le champ des
dérogations admises et peuvent être placés en valeurs
d'Etat auprès du réseau du Trésor public. Le 3
février 2000, le ministre de l'intérieur a indiqué au
Sénat que les communes forestières "
pourront effectuer
des placement en bons du Trésor selon des modalités
simplifiées et adaptées à leur situation
".
En pratique, les collectivités locales pourront souscrire des titres par
" lots " de 1000 euros. Ainsi, les ressources provenant de la vente
des chablis qui seront mises de côté rapporteront un
intérêt aux communes.
III. L'INTERVENTION DU LEGISLATEUR
Les
mesures envisagées en faveur des communes forestières
relèvent pour la plupart de la compétence du pouvoir
exécutif, qui procède par redéploiement de crédits,
attribution de subventions et édiction de dispositions
réglementaires ou infra-réglementaires.
Néanmoins, le Parlement constitue une force de proposition et un relais
des attentes des citoyens.
Sans surestimer l'influence du Sénat, on peut constater que plusieurs
mesures suggérées par le président et le rapporteur
général de votre commission des finances, dans un
communiqué de presse daté du 11 janvier 2000, ont par la suite
été reprises par le gouvernement. Il s'agit notamment de
l'accélération des remboursements du FCTVA et de la
réduction à 5,5 % du taux de TVA sur les travaux forestiers.
Nous y reviendrons.
De même, sans le dépôt de la proposition de loi de nos
collègues Huriet, Delevoye et Fourcade, qui a pour objet de permettre
aux communes forestières de placer ailleurs qu'au Trésor le
produit de la vente des chablis, le gouvernement n'aurait peut-être pas
été aussi prompt à mettre au point des produits financiers
destinés à répondre aux besoins des collectivités
locales.
A. ELARGIR LES POSSIBILITÉS DE PLACEMENT DES FONDS PROVENANT DE LA VENTE DES CHABLIS
Annonçant devant le Sénat le 3 février
2000 la
possibilité pour les communes forestières de placer le produit de
la vente des chablis en bons du Trésor, le ministre de
l'intérieur ajoutait : "
Je sais que, sur ce dernier point,
plusieurs membres de la Haute Assemblée avaient déposé une
proposition de loi et j'espère que la mesure prise permettra de
répondre aux besoins dont ils se faisaient l'écho
".
Pourtant, dans l'exposé des motifs de leur proposition de loi,
MM. Huriet, Delevoye, Fourcade et les autres signataires de la proposition
de loi n° 172 regrettaient que la loi impose aux communes
forestières de laisser les fonds provenant de la vente des chablis
"
au Trésor, ce qui ne leur apportera aucun
intérêt, ou de placer en bons et obligations d'Etat qui
rapporteront un intérêt peu important
".
L'objectif est donc bel et bien de permettre aux collectivités locales
forestières sinistrées de réaliser des placements
financiers en dehors du réseau du Trésor. Ce qui ne signifie pas
qu'elles saisiront cette opportunité pour se livrer à des
placements spéculatifs sur des marchés à risque.
Dans le droit actuel, le ministre des finances est en mesure d'admettre une
telle dérogation aux règles en vigueur. Devant les
réticences de celui-ci, votre rapporteur est conduit à suivre les
auteurs des deux propositions de loi et à proposer une modification de
l'article 15 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 relative aux lois
de finances.
1. Le principe et les dérogations à l'obligation de dépôt au Trésor des disponibilités des collectivités locales
Un
principe au coeur des relations financières entre l'Etat et les
collectivités locales
L'ordonnance organique du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances
constitue le socle de notre droit budgétaire. Elle n'a jamais
été modifiée. Outre qu'elle affirme la primauté du
pouvoir exécutif en matière de finances publiques en limitant de
manière drastique la marge de manoeuvre du Parlement, elle reprend, en
son article 15, le principe posé par le décret impérial du
27 février 1811 imposant le dépôt au Trésor des
" fonds libres " des collectivités locales :
"
Sauf dérogation admise par le ministre des finances, les
collectivités territoriales de la République et les
établissements publics sont tenus de déposer au Trésor
toutes leurs disponibilités
". Ces dépôts ne sont
pas rémunérés.
L'obligation de dépôt au Trésor des disponibilités
s'inscrit dans le cadre global des relations financières entre l'Etat et
les collectivités locales. Les dépôts des
collectivités locales procurent à l'Etat une trésorerie
qui lui permet d'économiser les frais financiers qui
résulteraient d'un refinancement sur les marchés. En
contrepartie, l'Etat s'engage à verser aux collectivités locales,
par le biais d'un compte spécial du Trésor dit " compte
d'avance ", le produit de leur fiscalité directe par
douzième et leur garantit la perception du produit voté. La
charge pour l'Etat résultant de la gestion des impôts locaux est
atténuée par la perception sur le produit de ces impôts de
frais d'assiette et de recouvrement et de frais de pour
dégrèvement et non valeur.
En 1990, notre collègue Paul Loridant a analysé ces relations
dans un remarquable rapport d'information
4(
*
)
. Il
en ressortait que, au total, le bilan du coût de gestion des impôts
locaux et des gains résultant du dépôt non
rémunéré au Trésor des fonds libres des
collectivités locales se traduisait par une charge nettes pour l'Etat
d'environ 1 milliard de francs.
Il ressortait également que, grâce aux techniques de gestion de
trésorerie, les grandes collectivités bénéficiaient
des avantages du versement des " douzièmes provisoires " tout
en ne déposant au Trésor qu'un montant réduit de leurs
fonds. En revanche, les petites communes, dont le volume d'investissement est
réduit, étaient contraintes de laisser " dormir " leurs
excédents sur leur compte non rémunéré au
Trésor public.
Aujourd'hui,
l'inégalité entre collectivités
perdure
et, en outre, il n'est plus certain que la gestion de la
fiscalité locale se traduise encore par une charge nette pour l'Etat,
compte tenu de l'excédent dégagé par le compte d'avance
depuis 1996, dont le montant est estimé à 1,7 milliard de francs
en 2000.
Toutefois, l'objet de la présente proposition de loi n'est pas d'ouvrir
le débat sur les relations financières entre l'Etat et les
collectivités locales mais de créer une nouvelle
dérogation à l'obligation de dépôt au Trésor
des disponibilités des collectivités territoriales de la
République.
Les dérogations " admises " par le ministre des
finances
L'article 15 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 prévoit que le
ministre des finances peut admettre des dérogations à
l'obligation de dépôt au Trésor des disponibilités.
Cela signifie que, dans certains cas, les collectivités locales sont
autorisées à utiliser leurs disponibilités pour
réaliser des placements qui leur rapportent un intérêt,
plutôt que de les déposer " gratuitement " au
Trésor.
Ces dérogations ont été prévues par une circulaire
des ministres de l'intérieur et des finances en date du 5 mars 1926,
dite " circulaire Doumer-Chautemps ". Elles ont été
rappelées dans l'instruction de la direction de la comptabilité
publique n° 63-16 - MO relative au placement des fonds libres des
collectivités locales.
Les dérogations admises sont de deux types :
- les
placements de trésorerie
: "
les fonds
recueillis par voie d'emprunt, en vue de l'exécution de travaux, peuvent
faire l'objet d'un placement lorsque leur emploi vient à être
différé pour des raisons indépendantes de la
volonté des collectivités locales qui empruntent
". Ces
placements concernent la trésorerie des collectivités, ne
figurent pas dans leur budget, et n'ont donc pas à être soumis
à l'approbation de l'assemblée délibérante. Ils
doivent cependant être approuvés par le trésorier-payeur
général (TPG). Ces placements peuvent être
réalisés en bons et obligations du Trésor.
- les
placements budgétaires
: "
les
assemblées délibérantes ne sont pas tenues de demander des
autorisations spéciales pour
placer les excédents de recettes
non absorbées par les dépenses de l'exercice en cours
, dans
la mesure où les fonds proviennent de
libéralités
(dons et legs), de
l'aliénation d'un élément de
patrimoine
ou correspondant à un excédent définitif
non susceptible d'être utilisé autrement, c'est-à-dire
d'être employé à réduire les charges des
administrés, soit directement par l'allégement des impositions,
soit indirectement par amortissement de la dette
. " Puisque ces
placements figurent au budget de la collectivité, l'intervention de
l'assemblée délibérante est requise. En revanche, ces
placements ne sont pas soumis à une autorisation du TPG.
Les fonds provenant de la vente de bois chablis par les communes
forestières sinistrées par la tempête entrent dans la
catégorie des fonds susceptibles de faire l'objet de placements
budgétaires, puisque la destruction des forêts constitue une
aliénation d'un élément de patrimoine.
Selon une instruction de la direction de la comptabilité publique de mai
1976, "
ces placements ne peuvent être effectués qu'en
rente ou valeurs autorisées. Sur ce dernier point, on notera que la
liste des valeurs autorisées englobe, désormais, non seulement
les titres des emprunts d'Etat et les diverses catégories de bons du
Trésor mais également les titres des emprunts garantis par
l'Etat
".
Les collectivités locales peuvent également être
autorisées à "
employer les fonds provenant de
libéralités en toutes valeurs mobilières inscrites
à la cote officielle d'une bourse française
". Cette
possibilité est soumise à des conditions particulièrement
restrictives. Les placements doivent être autorisés par le TPG et
concernent uniquement les fonds provenant de libéralités (les
fonds provenant d'une aliénation de patrimoine en sont donc exclus)
bénéficiant à des collectivités dans lesquelles de
telles libéralités présentent en caractère
" habituel ". De plus, "
cette autorisation sera
subordonnée à la condition, d'une part, que la personne publique
n'emploie pas plus de 10 % des sommes disponibles pour ses placements, en
titre d'une même collectivité, d'autre part, qu'elle
n'acquière pas plus de 10 % des titres, évalués
à leur valeur nominale, émis par une collectivité, ni plus
de 10 % du nombre des titres sans valeur nominale émis par une
même collectivité, et qu'elle ne dispose de plus d'un
dixième des droits de vote dans une société
".
2. Une obligation qui doit être assouplie mais encadrée
La
nécessaire modification de l'ordonnance organique de 1959
L'objectif des auteurs des deux propositions de loi, auquel souscrit votre
rapporteur, est de permettre aux collectivités forestières
sinistrées de placer le produit de la vente des chablis de
manière à faire fructifier cette ressource pour atténuer
les conséquences financières de la destruction des forêts.
Les placements dans le réseau du Trésor, s'ils présentent
l'avantage d'une sécurité totale, n'offrent pas des taux
d'intérêt très rémunérateurs. Le
21 février 2000, le taux à un mois s'élevait à
3,28 % et le taux à 5 ans s'établissait à
5,22 %. Les établissements financiers privés peuvent servir
des rémunérations supérieures pour des placements
très faiblement risqués.
Les communes forestières pourraient bénéficier de tels
produits si le ministre des finances " admettait " que les communes
victimes d'une aliénation forcée d'un élément de
patrimoine puissent se voir appliquer un régime comparable à
celui des communes qui reçoivent habituellement des
libéralités, et qui sont autorisées à placer les
fonds provenant de ces libéralités en "
valeurs
mobilières inscrites à la cote de toute bourse
française
".
Malheureusement, et même si le champ d'application de la mesure
proposé est très limité
5(
*
)
,
le ministre des finances ne semble pas envisager une telle évolution
qui, il est vrai, aurait pour conséquence de réduire la
trésorerie de l'Etat et donc d'accroître ses frais financiers.
Ainsi, en réponse à une question adressées au
ministère de l'économie, des finances et de l'industrie
("
Quelle est la nature exacte des produits que le gouvernement
envisage de proposer aux collectivités locales forestières
victimes de la tempête pour placer le produit de la vente des
chablis ? Quel est (approximativement) le taux auquel ces produits sont
rémunérés ?
"), votre rapporteur a obtenu la
réponse suivante : "
Les communes pourront souscrire des
bons du Trésor à taux fixe (BTF) pour un montant minimum de 1.000
euros, soit 6.550 francs (au lieu de 1 MF jusqu'ici).
"
Au total, il apparaît donc que
, juridiquement, une modification de
l'ordonnance organique ne serait pas nécessaire pour atteindre
l'objectif fixé par les auteurs des propositions de loi
. Toutefois,
en raison de l'absence de volonté politique du gouvernement, votre
rapporteur a été conduit à reprendre dans ses conclusions
la modification proposée de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959
tendant à rendre facultatif le dépôt au Trésor des
disponibilités des collectivités lorsque ces fonds proviennent
d'une aliénation forcée de patrimoine (
Article 1er
).
Le refus du gouvernement est regrettable à plusieurs titres :
- il contraint le Parlement à engager une réforme de l'ordonnance
organique " par la petite porte ", alors même que des
réflexions globales à ce sujet sont en cours au sein des
commissions des finances des deux Assemblées ;
- il témoigne du fait que, vingt ans après que le vote des taux
des impôts locaux par les collectivités locales et douze ans
après la liberté d'emprunt, et alors même que les
performances des collectivités locales en matière de gestion
financière n'ont rien à envier à celles de l'Etat
6(
*
)
, celui-ci ne considère toujours pas les
élus locaux comme des gestionnaires responsables.
L'assouplissement de l'obligation de dépôt au Trésor
des disponibilités doit être encadré
Dans l'esprit de votre rapporteur, la mise en place d'une liberté de
placement pour les fonds des collectivités locales provenant d'une
aliénation forcée d'un élément de patrimoine ne
doit pas signifier que les collectivités locales concernées
pourront s'affranchir de toute règle prudentielle.
En conséquence, il appartiendra au ministre des finances de
définir, par voie réglementaire, la liste des produits que les
collectivités locales seront autorisées à souscrire. En
somme,
la dérogation introduite par la proposition de loi doit
être interprétée comme une nouvelle étape dans le
processus, en cours depuis 1926, d'allongement de la liste des
dérogations admises par le ministre des finances à l'obligation
de dépôt des fond libres des collectivités locales
prévue à l'article 15 de l'ordonnance organique du 2 janvier
1959.
B. ENCOURAGER LES TRAVAUX DE REPARATION ET DE RECONSTITUTION
1. Assouplir les règles du FCTVA pour les collectivités sinistrées en novembre et décembre 1999
L'accélération du versement des attributions du FCTVA
L'article 4 du décret n° 89-645 du 6 septembre 1989 prévoit
que les dépenses réelles d'investissement à prendre en
considération pour la répartition des crédits du fonds de
compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) au titre d'une
année déterminée sont celles afférentes à la
pénultième année (n-2).
Cette disposition fait l'objet de nombreuses critiques de la part des
élus locaux, qui considèrent que cet avantage de
trésorerie accordé à l'Etat les pénalise
financièrement lorsqu'elles doivent emprunter à court terme pour
faire face à un besoin de trésorerie.
L'article 102 de la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à
la simplification de la coopération intercommunale a confirmé
certaines dérogations à cette règle en prévoyant
que les versements du FCTVA aux communautés de communes et aux
communautés d'agglomération seraient calculés à
partir des dépenses d'investissement afférentes à
l'exercice en cours.
La gravité du préjudice enregistré par les
collectivités sinistrées par la tempête du mois de
décembre 1999 et par les inondations du mois de novembre 1999, et
l'importance des travaux de reconstruction qui en découlent, justifie
que le régime du remboursement l'année afférente aux
dépenses d'investissement leur soit étendu.
Dès le 11 janvier 2000, dans un communiqué de presse, le
président et le rapporteur général de votre commission des
finances considéraient que "
les remboursements du fonds de
compensation de la TVA bénéficiant aux collectivités
victimes de la tempête ou de la marée noire pourraient être
accélérés
". Cette idée a
été reprise à son compte par le gouvernement et, lors de
son intervention devant le Sénat du 3 février 2000, le ministre
de l'intérieur a indiqué que "
les délais de
remboursement du fonds de compensation de la TVA pourront être
réduits. Une disposition législative sera soumise à cet
effet au Parlement
".
Votre rapporteur considère que la présente proposition de loi
constitue un support législatif adéquat et votre commission des
finances a retenu le principe de l'accélération des remboursement
du FCTVA dans les conclusions qu'elle soumet à votre
délibération (
article 2
).
L'imputation des attributions du FCTVA dans le budget des
collectivités forestières sinistrées
Une fois vendus les chablis provoqués par la tempête, les
collectivités forestières sinistrées vont être
durablement privées des recettes courantes qu'elles tiraient de
l'exploitation forestière. Par conséquent, leur budget sera
structurellement déséquilibré, parfois pendant de
nombreuses années.
Ce constat a guidé l'élaboration des mesures spécifiques
aux collectivités forestières mises en place par le
gouvernement : prêts bonifiés, placements en valeur d'Etat,
versement de subventions de fonctionnement (selon des modalités qui ne
sont pas encore arrêtées).
Ces dispositions pourraient être complétées par la mise en
place d'une dérogation à l'obligation d'imputer en section
d'investissement les attributions du FCTVA, prévue à l'article L.
1615-5 du code général des collectivités territoriales.
Comme le rappelle le rapporteur spécial des crédits des
collectivités locales de la commission des finances de
l'Assemblée nationale, notre collègue député
Gérard Saumade
7(
*
)
, "
les
élus locaux ont parfois ressenti cette obligation comme une atteinte au
principe constitutionnel de libre administration des collectivités
territoriales
". Cette obligation constitue néanmoins un
élément essentiel de l'architecture du dispositif du FCTVA et le
code général n'y prévoit qu'une seule dérogation,
très limitée : les attributions du FCTVA peuvent être
inscrites à la section de fonctionnement seulement lorsque leur montant
est supérieur à celui de la section d'investissement, et pourvu
que les sommes " basculées " servent à rembourser les
emprunts de la collectivité.
Le déséquilibre structurel des budgets des collectivités
forestières qui résultera des circonstances exceptionnelles de la
fin 1999 paraît de nature à autoriser la mise en place d'une
nouvelle dérogation au principe de l'inscription en section
d'investissement. Cette dérogation serait limitée aux
attributions résultant d'investissements liés à la
reconstitution des forêts sinistrées, et ne serait donc pas de
nature à rompre le lien entre l'affectation comptable des attributions
du FCTVA et le rôle de soutien à l'investissement que doit
continuer à jouer ce fonds.
Votre commission des finances a retenu dans ses conclusions la
possibilité pour les communes forestières sinistrées
d'inscrire en section de fonctionnement les attributions du FCTVA correspondant
à leurs dépenses d'équipement destinées à la
réparation des dommages provoqués par la tempête
(
article 3
).
2. Diminuer le taux de TVA sur les travaux forestiers
La
reconstitution du patrimoine forestier de notre pays constitue aujourd'hui une
priorité. Au delà des dispositifs techniques mis en place par le
ministère de l'agriculture, il convient de soutenir l'économie
forestière par l'adoption de mesures fiscales incitatives.
Dans leur communiqué de presse du 11 janvier 1999, le président
et le rapporteur général de votre commission des finances
estimaient qu'il appartenait "
au gouvernement d'obtenir des
autorités communautaires l'application du taux réduit de TVA pour
les travaux nécessaires pour le déblaiement, l'exploitation et la
reconstitution des forêts
".
Cette autorisation a été obtenue et, lors de son intervention au
Sénat le 3 février 2000, le ministre de l'intérieur a
déclaré que "
le gouvernement fera
bénéficier tous les travaux d'exploitation forestière -
plantation, débardage, élagage - du taux réduit de TVA
à 5,5 %, qui s'applique déjà à l'abattage et
au tronçonnage des arbres. La commission européenne est, en
outre, saisie d'une demande d'extension du taux réduit de TVA à
l'ensemble des utilisations énergétiques du bois.
".
D'après les informations recueillies par votre rapporteur, la commission
aurait autorisé l'application du taux réduit pour les travaux
suivants : plantation ; taille des arbres et haies ;
élagage ; débardage ;
déboisement/reboisement ; défrichage ;
désouchage ; débroussaillage ; andainage ;
entretien des sentiers ; livraisons de bois de chauffage non domestique.
Par conséquent, votre commission a retenu dans ses conclusions le
principe de l'application du taux réduit de TVA aux travaux de
sylviculture et d'exploitation des forêts (
article 4
).
Au delà des collectivités locales, l'application du taux
réduit de TVA constituera un soutien à l'ensemble du secteur
forestier. A ce titre, votre rapporteur rappelle l'attachement de la commission
des finances à l'adoption de mesures fiscales en faveur des
propriétaires forestiers privés. Dans leur communiqué du
11 janvier 2000, le président et le rapporteur général de
la commission préconisaient notamment "
un
dégrèvement de taxe foncière sur les
propriétés non bâties
", "
un
mécanisme de déduction du revenu forestier des charges
exceptionnelles entraînées par les tempêtes
" et
"
une exemption des droits d'enregistrement sur la première
mutation pour les biens forestiers afin de relancer
l'investissement
. ".
C. ASSOCIER LES COLLECTIVITÉS LOCALES A L'ÉVALUATION DES CONSÉQUENCES FINANCIERES POUR LES COMMUNES FORESTIÈRES
D'après les informations recueillies par votre
rapporteur, le
gouvernement envisagerait la création de commission
départementales chargées de réaliser l'inventaire des
dégâts enregistrés dans les communes forestières et
d'évaluer le préjudice financier qui en découle.
Ces commissions auraient également pour mission d'assister les
collectivités locales dans la gestion de leurs difficultés
financières puis, éventuellement, d'attribuer des subventions de
fonctionnement aux collectivités qui en auraient besoin pour
remédier à leurs déséquilibres budgétaires.
Elles seraient essentiellement composées de représentants de
l'Etat, notamment du préfet et du trésorier-payeur
général.
Votre rapporteur considère que les collectivités locales doivent
être pleinement associées au fonctionnement de ces commissions.
C'est pourquoi il vous proposera de créer par la loi de commissions
composées à parité de représentant de l'Etat et des
collectivités locales, chargées de réaliser l'inventaire
des dégâts et d'évaluer le préjudice financier pour
les communes sinistrées en calculant le montant de la subvention
d'équilibre qui permettrait de compenser la disparition des ressources
tirées de l'exploitation forestière (
article 5
).
*
Sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'adopter la présente proposition de loi dans les conclusions qu'elle vous soumet :
CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
Article 1 er
Après la première phrase du dernier
alinéa de
l'article 15 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi
organique relative aux lois de finances, il est inséré une phrase
ainsi rédigée :
" Ce dépôt est facultatif pour les fonds provenant de
l'aliénation forcée d'un élément de patrimoine par
suite de tempête ou autre calamité publique. "
Article 2
L'article L. 1615-6 du code général des
collectivités territoriales est complété par un paragraphe
ainsi rédigé :
" IV. Pour les bénéficiaires du Fonds de compensation de la
taxe sur la valeur ajoutée mentionnés à l'article L.
1615-2, les dépenses réelles d'investissement à prendre en
compte pour les attributions du Fonds au titre d'une année
déterminée sont celles afférentes à l'exercice en
cours lorsque ces dépenses ont trait à la réparation des
dommages causés par les inondations survenues entre le 12 et le 14
novembre 1999 et par la tempête survenue entre le 25 et le 29
décembre 1999. "
Article 3
L'article L. 1615-5 du code général des
collectivités territoriales est complété par un
alinéa ainsi rédigé :
" Les attributions du Fonds correspondant à des
dépenses réelles d'investissement relatives à la
reconstitution des forêts sinistrées par la tempête survenue
entre le 25 et le 29 décembre 1999 peuvent être inscrites à
la section de fonctionnement du budget de la collectivité, de
l'établissement ou de l'organisme bénéficiaire. "
Article 4
L'article 279 du code général des impôts
est
complété par un alinéa ainsi rédigé :
" i. les travaux de sylviculture et d'exploitation des forêts "
Article 5
Il est
créé, dans chaque département concerné, une
commission composée à parité de représentants de
l'Etat et des collectivités locales.
Elle est chargée, en concertation avec l'Office national des
forêts et chaque commune concernée, de dresser l'inventaire,
commune par commune, des conséquences sur la forêt des
tempêtes survenues entre le 25 et le 29 décembre 1999 et de
chiffrer le montant et la durée du préjudice financier subi.
Elle calcule, pour chaque commune concernée, le montant d'une subvention
d'équilibre annuelle qui permettrait de compenser la perte de revenu
jusqu'à reconstitution de la ressource forestière. Elle en
informe le ministre de l'intérieur.
La composition et les modalités de fonctionnement des commissions sont
fixées par décret.
Article 6
Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'application des dispositions ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 1
er
mars 2000 sous la
présidence de M. Alain Lambert, président, et de Mme Marie-Claude
Beaudeau, vice-présidente, la commission a procédé
à l'examen du rapport de M. Michel Mercier sur la proposition de loi
organique n° 172 (1999-2000), de MM. Huriet, Delevoye, Fourcade et
plusieurs de leurs collègues tendant à accorder temporairement
aux communes la libre gestion des fonds disponibles provenant de la vente de
bois chablis après les tempêtes du mois de
décembre 1999, et sur la proposition de loi organique
n° 225 (1999-2000), de M. Philippe Nachbar et les membres du
groupe des républicains et indépendants, proposant des mesures
exceptionnelles pour les communes forestières à la suite de la
tempête de décembre 1999.
M. Michel Mercier a tout d'abord présenté les principaux
éléments de son rapport.
Puis, la commission a procédé à l'examen des conclusions
du rapporteur.
Abordant
l'article 1
er
de ses conclusions, M. Michel Mercier
a indiqué qu'il avait repris à son compte une disposition commune
aux deux propositions de loi, tendant à mettre en place une
dérogation à l'obligation de dépôt au Trésor
de leurs disponibilités par les collectivités locales, lorsque
ces fonds proviennent d'une aliénation forcée d'un
élément de patrimoine par suite de tempête ou autre
calamité publique.
Il a insisté sur le fait que l'adoption de cette disposition
constituerait la première modification de l'ordonnance portant loi
organique du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances. Il ajouté que
l'introduction de cette dérogation, de faible portée,
constituerait symboliquement une remise en cause de l'équilibre qui
régit aujourd'hui les relations financières entre l'Etat et les
collectivités locales.
Le rapporteur a cependant observé qu'il existait déjà des
dérogations à l'obligation de dépôt au
Trésor, l'une d'entre elles autorisant même les placements en
valeurs mobilières cotées. Il a estimé que le
régime actuel de dépôt au Trésor devait
évoluer, car il était pénalisant pour les petites communes.
M. Jacques-Richard Delong a regretté que la fédération
nationale des communes forestières n'ait pas été
consultée par les auteurs des propositions de loi. Il a estimé
que le Gouvernement devait mettre en oeuvre, à plus grande
échelle, des mesures de même type que celles qui avaient
été décidées en faveur des communes
forestières à la suite de la " tornade des Vosges " de
1984.
M. Jacques-Richard Delong a indiqué que la vente des chablis se
déroulait dans des conditions qu'il a qualifiées
d'" abominables " et a considéré qu'une partie des
chablis ne serait plus négociable à partir du 15 avril 2000.
Il s'est déclaré réservé quant à la
proposition consistant à autoriser les maires à placer des fonds
en dehors du circuit du Trésor et de la comptabilité publique. Il
a estimé que les maires ne devaient pas pouvoir être
suspectés de spéculer avec de l'argent public.
M. Michel Mercier, rapporteur, a rappelé que, seul, le produit de la
vente des chablis serait susceptible d'être placé, afin d'utiliser
les recettes abondantes enregistrées en 2000, pour permettre aux
communes de faire face à leurs déséquilibres
budgétaires à venir.
M. Michel Moreigne s'est demandé s'il ne fallait pas traiter de
manière différenciée les communes dont les forêts
étaient assurées et celles qui ne l'étaient pas.
M. Michel Mercier, rapporteur, a indiqué que, dans son esprit, les
sommes reçues des assurances venaient s'ajouter au produit de la vente
des chablis et faisaient partie des fonds susceptibles d'être
placés.
M. Jacques Baudot a constaté que les projets du Gouvernement en faveur
des communes forestières n'étaient pas encore publics et que,
dans ce contexte, il était hasardeux d'ouvrir la possibilité,
pour les communes, de déroger à l'obligation de
dépôt au Trésor. Il a estimé que les propositions de
loi, élaborées peu de temps après la tempête,
devaient être considérées comme la manifestation de la
volonté de parlementaires d'agir en faveur des communes
forestières.
M. Michel Moreigne a estimé qu'il ne fallait pas obliger les communes
à placer les fonds provenant de la vente des chablis.
M. Michel Mercier, rapporteur, a considéré que la vocation des
propositions de loi était d'être rapportées et
débattues. Il a insisté sur le fait que la rédaction
proposée n'était pas contraignante et n'obligeait pas les
collectivités à déroger aux dispositions de l'article 15
de l'ordonnance organique. Il a rappelé que les propositions de loi
n'autorisaient pas à placer les éventuelles subventions
versées par l'Etat, mais seulement les fonds provenant de
l'aliénation forcée d'un élément de patrimoine.
Mme Marie-Claude Beaudeau a rappelé que son groupe était
favorable à une réforme en profondeur de l'ordonnance organique
de 1959, mais a douté que l'examen de proposition de lois relatives aux
communes forestières constitue le cadre adéquat pour entamer un
tel travail. En revanche, elle a déclaré souscrire aux autres
conclusions du rapporteur.
M. Yann Gaillard a déclaré qu'il fallait interpréter la
proposition de loi de M. Claude Huriet comme la manifestation d'une
inquiétude des communes forestières.
M. Michel Moreigne a souligné que la destruction des forêts
aboutirait à une révision à la baisse de la valeur
cadastrale des parcelles, et donc à une perte de recettes fiscales pour
les communes forestières.
M. Michel Mercier, rapporteur, a estimé que l'avenir juridique de la
proposition de loi était incertain, car la Constitution ne garantissait
pas l'inscription d'un texte adopté, par une assemblée, à
l'ordre du jour de l'autre. Il a ajouté que la proposition de loi posait
une question d'actualité et a considéré qu'il était
temps de se décider à réformer l'ordonnance organique de
1959. Après avoir rappelé que le champ de la dérogation
contenue dans la proposition de loi était très limité, il
a observé que, les dispositions de l'article 15 de l'ordonnance
organique ne s'appliquaient, aujourd'hui, qu'aux collectivités qui
n'avaient pas les moyens d'y échapper, par exemple en recourant aux
techniques de gestion de leur trésorerie.
La commission alors adopté l'article 1
er
des conclusions du
rapporteur.
Puis, elle a adopté cinq autres articles tendant à :
- verser aux communes victimes des inondations et des tempêtes les
attributions du fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée
(FCTVA) l'année de réalisation des investissements, lorsque ces
investissement ont trait à la réparation des dommages
subis (
article 2
) ;
- permettre aux communes forestières sinistrées d'imputer en
section de fonctionnement de leur budget les versements du FCTVA correspondant
aux investissements de réparation des dommages causés par la
tempête, de manière à atténuer le
déséquilibre de leurs budgets (
article 3
) ;
- appliquer aux travaux forestiers le taux réduit de la taxe sur la
valeur ajoutée (
article 4
) ;
- créer des commissions départementales, composées
à parité de représentants de l'Etat et des
collectivités locales, chargées d'évaluer le
préjudice financier supporté par les collectivités locales
et de calculer le montant de la subvention d'équilibre qui leur
permettrait de compenser la perte des ressources provenant de l'exploitation
forestière (
article 5
) ;
- créer une taxe additionnelle aux droits sur les tabacs de
manière à compenser, à due concurrence, la perte de
recettes, pour l'Etat, provenant des dispositions des autres articles
(
article 6
).
La commission a alors décidé de proposer au Sénat
d'adopter la proposition de loi dans les conclusions présentées
par le rapporteur.
1
Les forêts des
collectivités
locales comprennent les forêts communales, sectionnales,
départementales ainsi que les forêts des établissements
publics de collectivités.
2
Le financement des actions en faveur des victimes des
tempêtes et des inondations fournit une justification pratique, mais a
posteriori, à la forte augmentation, inexpliquée, des
crédits de ces chapitres dans la loi de finances pour 2000.
3
Sur ce point, voir le 2 du A du II.
4
Rapport d'information sur la gestion de trésorerie des
collectivités locales, n° 447, première session ordinaire de
1989-90.
5
Sachant que la vente de 6,6 millions de mètres-cubes de
bois en1998 a entraîné une recette de 1,7 milliard de francs, et
en tenant compte d'une baisse des cours de 30 %, la vente des
27 millions de mètres-cubes de chablis de décembre 1999 ne
devrait pas rapporter plus de 5 milliards de francs, dont une partie sera
utilisée pour équilibrer les budgets en 2000.
6
Il convient de rappeler que, par exemple, les collectivités
locales sont soumises à des règles d'équilibre
budgétaire auxquelles l'Etat échappe, qu'elles se
désendettent et qu'elles sont parvenues à maîtriser
l'évolution de leurs dépenses de fonctionnement, malgré
les charges nouvelles que l'Etat leur transfère, notamment en
matière de rémunération des personnels.
7
Soutenir l'investissement local
, rapport d'information
n° 1782, Assemblée nationale, onzième
législature.