CHAPITRE III
DISPOSITIONS RENFORÇANT LE DROIT
À ÊTRE
JUGÉ DANS UN DÉLAI RAISONNABLE
Article 20
(art. 77-2 et 77-3 nouveaux du code de
procédure pénale)
Possibilité d'interroger le
procureur
sur la suite donnée à une enquête
Cet
article tend à insérer deux articles dans le code de
procédure pénale, afin de permettre à une personne
placée en garde à vue au cours d'une enquête
préliminaire ou de flagrance d'interroger le procureur sur la suite
donnée à la procédure à l'issue d'un délai
de six mois, si elle n'a pas fait l'objet de poursuites.
Le procureur devrait alors soit classer la procédure, soit engager les
poursuites ou une mesure alternative aux poursuites, soit saisir le
président du tribunal de grande instance s'il estimait que
l'enquête devait se poursuivre. Le président du tribunal devrait
organiser un débat contradictoire, qui pourrait être public si la
personne en faisait la demande et que la publicité n'était pas de
nature à nuire au bon déroulement de l'enquête, à
l'ordre public, à la dignité de la personne ou aux
intérêts d'un tiers. Le président pourrait ordonner la
prolongation de l'enquête pour six mois ou contraindre le procureur soit
à classer l'affaire soit à engager des poursuites.
L'Assemblée nationale a souhaité mieux encadrer les conditions
dans lesquelles la publicité du débat contradictoire pourra
être refusée. Alors que le texte initial prévoyait que la
publicité pourrait être refusée si elle était de
nature à nuire au bon déroulement de l'enquête,
l'Assemblée nationale a remplacé cette expression par une
référence aux " investigations nécessitées par
l'enquête ". Elle a en outre supprimé la
référence à l'ordre public comme motif permettant de
refuser la publicité du débat.
Votre commission, conformément aux décisions prises
précédemment, vous propose par un
amendement
, que le juge
des libertés soit chargé d'exercer ce contrôle sur la
durée des enquêtes préliminaires. Elle rappelle que le juge
ne sera en aucun cas obligé d'organiser un débat public. Un
débat public systématique pourrait avoir pour effet d'entraver
gravement l'efficacité de la procédure pénale.
Votre commission vous soumet
un amendement
rédactionnel et vous
propose d'adopter cet article
ainsi modifié
.
Article 20 bis
(art. 84 du code de procédure
pénale)
Demande de dessaisissement du juge d'instruction
L'article 84 du code de procédure pénale
prévoit notamment que le dessaisissement du juge d'instruction au profit
d'un autre juge d'instruction peut être demandé au
président du tribunal, dans l'intérêt d'une bonne
administration de la justice, par requête motivée du procureur de
la République, agissant soit spontanément, soit à la
demande des parties.
En première lecture, sur proposition de notre excellent collègue
M. Michel Dreyfus-Schmidt, le Sénat a décidé de
permettre aux parties de saisir directement le président du tribunal de
grande instance d'une demande de dessaisissement du juge d'instruction.
L'Assemblée nationale a supprimé cette disposition. De fait, il
n'est pas certain que les parties soient les mieux à même
d'apprécier l'intérêt d'une bonne administration de la
justice qui, seule peut justifier, selon cet article, la demande de
dessaisissement du juge d'instruction. En outre, permettre aux parties de
demander le dessaisissement du juge d'instruction risquerait d'entraîner
une multiplication des demandes susceptible de retarder le déroulement
des informations.
Votre commission vous propose de
maintenir la suppression
de cet
article.
Article 21
(art. 89-1, 116, 175-1, 186-1
et 207-1
nouveau du code de procédure pénale)
" Contrat de
procédure " et " droit au cri "
Cet
article a pour objet de renforcer le caractère prévisible de la
durée d'une information judiciaire et de limiter cette durée.
• Les
deux premiers paragraphes
tendaient à
prévoir l'obligation pour le juge d'instruction d'informer la partie
civile et la personne mise en examen, lorsqu'il estime que le délai
prévisible de l'achèvement de la procédure est
inférieur à un an, qu'elles pourront à l'issue de ce
délai, demander la clôture de la procédure. En tout
état de cause, la partie civile et la personne mise en examen pourraient
formuler cette demande même si le juge estimait le délai
d'achèvement de la procédure supérieur à un an.
L'Assemblée nationale a modifié en deuxième lecture le
dispositif en prévoyant qu'après un délai de douze mois en
matière correctionnelle et de dix-huit mois en matière
criminelle, la personne pourra demander la transmission du dossier au
président de la chambre d'accusation sans que cette transmission puisse
être refusée.
•
Le paragraphe III
prévoyait dans sa rédaction
initiale, une amélioration des possibilités pour les personnes
mises en examen ou parties civiles de demander la clôture de
l'information. Dans la rédaction initiale du projet de loi, la
clôture de l'information pouvait être demandée au juge
d'instruction après un an d'instruction et éventuellement avant
dans le cas où le juge avait fixé un délai
prévisible d'achèvement de la procédure. La demande
pouvait également être formulée en l'absence d'actes
d'instruction pendant quatre mois. A défaut de réponse, ou en cas
de réponse négative, le texte prévoyait que la personne
pouvait saisir le président de la chambre d'accusation. La personne
pouvait de nouveau demander la clôture de l'information six mois
après la première demande.
En première lecture, le Sénat a accepté ce dispositif tout
en prévoyant que la personne formulant une demande de clôture
pourrait invoquer dans sa demande la possibilité d'une disjonction. En
outre, le Sénat a complété, sur proposition de notre
excellent collègue M. Jean-Jacques Hyest, le dispositif
proposé pour prévoir qu'en tout état de cause, à
l'issue d'une période de deux ans d'instruction, le dossier était
nécessairement transmis au président de la chambre d'accusation,
qui pourrait alors soit renvoyer le dossier au juge d'instruction, soit le
remettre à la chambre d'accusation, afin qu'elle statue sur la suite de
la procédure. La chambre d'accusation aurait pu décider le renvoi
à la juridiction de jugement.
L'Assemblée nationale a entièrement modifié le dispositif,
qu'elle avait pourtant accepté en première lecture. Ainsi, le
nouveau texte proposé pour l'article 175-1 ouvre le droit, non
seulement à la personne mise en examen et à la partie civile,
mais aussi au témoin assisté, de demander après douze mois
d'instruction en matière correctionnelle, et dix huit mois en
matière criminelle,
non pas la clôture de l'information, mais
la transmission du dossier au président de la chambre d'accusation
.
Le juge d'instruction serait tenu de procéder à cette
transmission. Le président de la chambre d'accusation pourrait alors
autoriser le juge à poursuivre l'information pour six mois. Il pourrait
également remettre le dossier au procureur général qui le
soumettrait à la chambre d'accusation. Celle-ci pourrait notamment
ordonner le renvoi devant la juridiction, ou renvoyer le dossier au même
juge d'instruction ou à un autre.
Votre commission considère que le dispositif proposé est trop
contraignant. Il entraînera en effet systématiquement la saisine
du président de la chambre d'accusation au bout d'un an en
matière correctionnelle, ce qui paraît peu souhaitable.
Votre commission estime que le texte qu'elle a adopté en première
lecture prévoyant la possibilité d'une demande de clôture
au bout d'un an et un renvoi automatique du dossier au président de la
chambre d'accusation au bout de deux ans était à la fois
contraignant et réaliste. Le Gouvernement a proposé, devant
l'Assemblée nationale, un amendement très proche de la
rédaction retenue par le Sénat en première lecture.
Votre commission vous propose donc, par un
amendement
, de
rétablir le texte adopté par le Sénat en première
lecture, tout en le complétant par les propositions faites à
l'Assemblée nationale par le Gouvernement, qui visent notamment à
rappeler, conformément à la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'en
toute matière, la durée de l'instruction ne peut excéder
un délai raisonnable au regard de la gravité des faits
reprochés à la personne mise en examen, de la complexité
des investigations nécessaires à la manifestation de la
vérité et de l'exercice des droits de la défense.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi
modifié
.
Article 21 bis A
(art. 425 et 437 de
la loi
n°66-537 du 24 juillet 1966)
Prescription en
matière d'abus de bien social
En
première lecture, le Sénat, sur proposition de notre
collègue M. Michel Charasse, a adopté un amendement
tendant à codifier dans la loi de 1966 sur les sociétés
commerciales la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de
prescription de l'abus de bien social. La Cour de Cassation fait partir du jour
de la constatation des faits dans des conditions permettant l'exercice de
l'action publique le délai de prescription de trois ans prévu en
matière délictuelle. L'amendement de M. Michel Charasse
avait pour objet d'inscrire ce principe dans la loi.
Devant le Sénat, Mme le Garde des sceaux a déclaré :
"
Je ne vois pas l'intérêt de consacrer cette
jurisprudence, d'autant qu'elle ne se limite pas aux délits d'abus de
biens sociaux (...)
".
Singulièrement, devant l'Assemblée nationale, la ministre a
approuvé la suppression de cet article en indiquant : "
Il
n'est absolument pas question pour ce Gouvernement -et j'espère pour
cette majorité- de modifier les règles en matière de
prescription d'abus de bien social, ici ou ailleurs "
.
De même, la rapporteuse de la commission des Lois,
Mme Christine Lazerges a fait valoir : "
Nous regrettons
beaucoup que le Sénat ait désiré, dans ce texte,
créer de nouveaux délais de prescription pour l'abus de bien
social
".
Votre rapporteur veut croire que seule l'ampleur du projet de loi en
discussion a pu susciter un instant d'inattention de la ministre et de la
rapporteuse en ce qui concerne le contenu du texte adopté par le
Sénat, qui tendait à inscrire mot pour mot dans la loi la
jurisprudence de la Cour de cassation.
Votre commission vous propose le
maintien de la suppression
de cet
article.
Article 21 bis B
(art. 432-14 du code
pénal)
Délit de favoritisme
En
première lecture, le Sénat a adopté un amendement
modifiant l'article 432-14 du code pénal, relatif au délit
de favoritisme, pour prévoir que les violations des dispositions du code
des marchés publics ne peuvent donner lieu qu'à
réparations civiles quand elles n'ont pas été commises
intentionnellement dans un but d'enrichissement personnel de leurs auteurs ou
de leurs bénéficiaires.
L'Assemblée nationale a supprimé cette disposition. De fait, le
présent projet de loi ne tend pas à modifier le code
pénal, mais le code de procédure pénale et le
présent article n'a guère sa place dans le texte.
Néanmoins, le problème soulevé est réel. Dans
certaines petites communes, certains élus sont condamnés pour
non-respect des règles posées par le code des marchés
publics, simplement parce que ces règles sont trop complexes.
Le groupe d'étude sur la responsabilité pénale des
décideurs publics présidé par M. Jean Massot a,
lui aussi, proposé de modifier le délit de favoritisme en faisant
du non-respect des règles d'attribution des marchés une
contravention lorsque sont en cause des marchés peu importants. Il
conviendra donc qu'une réflexion complète soit conduite sur ce
sujet, la solution passant peut-être par une refonte du code des
marchés publics lui-même.
Votre commission vous propose de
maintenir la disjonction
de cet
article.
Article 21 ter
(art. 175-2 nouveau du
code
de procédure pénale)
Information de la partie civile sur
l'avancement de l'instruction
Cet
article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée
nationale en première lecture, tend à prévoir que le juge
d'instruction informe tous les six mois la partie civile de l'avancement de
l'instruction. Il a été supprimé par le Sénat en
première lecture et rétabli par l'Assemblée nationale en
deuxième lecture.
Comme en première lecture, votre commission est sceptique quant à
l'intérêt de cet article. Cette disposition paraît en effet
beaucoup trop générale pour apporter un progrès à
la situation actuelle. En outre, l'avocat d'une partie civile a accès au
dossier de la procédure à tout moment. L'article 21 du
projet de loi permet à la partie civile de demander la clôture de
l'information au bout d'une année, ce qui doit lui permettre d'obtenir
des informations sur l'état de la procédure. Enfin, il serait
singulier de prévoir une information de la partie civile tous les six
mois sans prévoir une disposition identique en faveur de la personne
mise en examen.
Votre commission vous propose la
suppression
de cet article.
Article 21 quinquies
(art. 215-2
nouveau du
code de procédure pénale)
Délai pour qu'une affaire
soit audiencée en matière criminelle
Cet
article, déjà adopté dans les mêmes termes par les
deux assemblées, prévoit qu'une personne mise en accusation et
placée en détention provisoire doit comparaître devant la
Cour d'assises dans le délai d'un an à compter de la date
à laquelle l'arrêt de mise en accusation est devenu
définitif. La chambre d'accusation pourrait prolonger à deux
reprises l'ordonnance de prise de corps, de sorte que l'accusé serait
remis en liberté s'il ne comparaissait pas devant la Cour d'assises
à l'issue d'un délai maximal de deux ans.
L'Assemblée nationale a modifié, par coordination, cet article en
remplaçant la référence à l'arrêt de mise en
accusation par une référence à la décision de mise
en accusation. Il s'agissait de tenir compte des modifications apportées
à la procédure d'instruction en matière criminelle dans le
cadre de la mise en place d'un appel des décisions de la Cour d'assises.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.