CHAPITRE IV
DISPOSITIONS RELATIVES À LA COMMUNICATION
Article additionnel avant
l'article 22 A
(art.
14, 26, 27, 30, 32, 33, 36 et 37 de
la loi du
29 juillet 1881)
Suppression des peines de prison
en
matière de délits de presse
Par un
article additionnel, votre commission propose de supprimer la plupart des
peines de prison prévues par la loi du 29 juillet 1881
relative à la liberté de la presse.
La loi du 29 juillet 1881 est une loi très protectrice de la
liberté de la presse, mais qui, plus de cent ans après son
adoption, comporte des dispositions obsolètes. Les peines de prison
prévues par cette loi ne sont qu'exceptionnellement prononcées et
ne présenteraient guère d'inconvénients si de nombreux
Etats ne s'étaient pas inspirés de la législation
française pour définir leurs propres règles en
matière de liberté de la presse. Il semble que, dans certains
Etats, les journalistes soient fréquemment emprisonnés à
cause de leurs prises de position. Les responsables de ces Etats font parfois
remarquer que leur législation ressemble en tous points à la
législation française.
Votre commission a estimé qu'il était temps de mettre fin
à un archaïsme de la loi du 29 juillet 1881. Elle vous
propose donc la suppression des peines d'emprisonnement pour les délits
suivants :
- la violation de l'interdiction de circulation, distribution ou mise en
vente en France des journaux ou écrits, rédigés en langue
étrangère ; la violation de la même interdiction
prononcée à l'encontre des journaux et écrits de
provenance étrangère rédigés en langue
française (article 14 de la loi du 29 juillet 1881) ;
- l'offense au Président de la République ou à celui
qui en exerce les prérogatives (article 26) ;
- la publication, la diffusion ou la reproduction de fausse nouvelle faite
de mauvaise foi et qui trouble la paix publique ou est susceptible de la
troubler (article 27) ;
- la diffamation envers les cours, les tribunaux, les armées, les
corps constitués et les administrations publiques
(article 30) ;
- la diffamation envers les ministres, les parlementaires, les
fonctionnaires publics, les dépositaires ou agents de l'autorité
publique, les ministres des cultes... (article 31) ;
- la diffamation envers les particuliers (article 32) ;
- l'injure contre les corps et personnes désignés aux
articles 30 et 31 (article 33) ;
- les diffamations et injures contre la mémoire des morts dans le
cas où leurs auteurs ont eu l'intention de porter atteinte à
l'honneur ou à la considération des héritiers,
légataires, époux ;
- l'offense commise envers les chefs d'Etat étrangers et les
ministres des affaires étrangères d'un Gouvernement
étranger (article 36) ;
- l'outrage commis publiquement envers les ambassades et ministres
plénipotentiaires... (article 37).
En revanche, votre commission propose de
maintenir les peines
d'emprisonnement dans les cas de provocation à commettre des infractions
graves ou de provocation à la haine raciale
(article 24 de la
loi du 29 juillet 1881) ainsi qu'en cas
d'injure à raison
de l'origine ou de l'appartenance à une ethnie, une nation, une race ou
une religion
(article 33).
Par le présent article, votre commission souhaite participer à la
fois à la défense de la liberté de la presse en France et
dans le monde et mettre un frein, partout où cela est possible, à
la pénalisation excessive de notre société.
Article 22 A
(art. 9-1 du code civil)
Actions
aux
fins de faire cesser une atteinte
à la présomption
d'innocence
Dans sa
rédaction actuelle, l'article 9-1 du code civil permet à une
personne placée en garde à vue, mise en examen ou faisant l'objet
d'une citation à comparaître en justice, d'un réquisitoire
du procureur de la République ou d'une plainte avec constitution de
partie civile, de saisir le juge lorsqu'elle est, avant toute condamnation,
présentée publiquement comme étant coupable de faits
faisant l'objet de l'enquête ou de l'instruction judiciaire.
Dans un tel cas, le juge peut, même en référé,
ordonner l'insertion dans la publication concernée d'un
communiqué aux fins de faire cesser l'atteinte à la
présomption d'innocence aux frais de la personne physique ou morale
responsable de l'atteinte à la présomption d'innocence.
En première lecture, le Sénat a souhaité étendre la
protection de l'article 9-1 du code civil à toutes les
personnes
présentées publiquement comme coupables de faits faisant l'objet
d'une enquête ou d'une instruction judiciaire
. Il s'agissait en fait
d'un retour au texte de la loi du 4 janvier 1993
proposé
par la commission de réflexion sur la justice présidée par
M. Pierre Truche.
L'Assemblée nationale a refusé cette modification et a simplement
ajouté le témoin assisté à la liste des personnes
pouvant bénéficier de la protection de l'article 9-1 du code
civil.
Votre commission vous propose, à nouveau, par un
amendement
,
d'élargir le champ d'application de l'article 9-1 du code civil
à l'ensemble des personnes présentées publiquement encore
coupables de faits faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction
judiciaire. Elle estime en effet que la présomption d'innocence doit
protéger l'ensemble de nos concitoyens tant que n'est pas intervenue une
condamnation.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi
modifié
.
Article 22
(art. 35 ter de la loi du 29 juillet
1881)
Interdiction de la publication de l'image de personnes
menottées
Interdiction des sondages sur la culpabilité d'une
personne
Cet
article tend à punir d'une peine de 100.000 F d'amende le fait de
diffuser l'image d'une personne identifiée ou identifiable, n'ayant pas
fait l'objet d'un jugement de condamnation, faisant apparaître que cette
personne porte des menottes ou des entraves.
La rédaction ou la publication de sondages d'opinion portant sur la
culpabilité d'une personne mise en cause à l'occasion d'une
procédure pénale ou sur les peines susceptibles d'être
prononcées serait punie des mêmes peines.
En première lecture, le Sénat a apporté à cet
article, sur proposition de M. Louis de Broissia, rapporteur
pour avis de la commission des affaires culturelles, un certain nombre
d'améliorations. Il a notamment décidé d'inclure parmi les
comportements punissables le fait de publier des indications permettant d'avoir
accès à des sondages ou consultations. Il a en outre
souhaité que soit également réprimée la publication
d'images de personnes placées en détention provisoire.
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a décidé
d'insérer cet article dans la loi de 1881 relative à la
liberté de la presse plutôt que dans le code pénal, ce dont
le Sénat ne peut que se féliciter, puisqu'il a lui-même
proposé, en première lecture, l'insertion dans la loi de 1881 de
dispositions que le Gouvernement entendait faire figurer dans le code
pénal.
L'Assemblée nationale a surtout prévu que la diffusion de l'image
de personnes portant des menottes ou des entraves ne soit pénalement
punissable que si elle est réalisée
sans l'accord de
l'intéressé
.
Elle a enfin refusé d'étendre l'application de cet article aux
images de personnes placées en détention provisoire.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 25
(art. 11, 145, 177-1, 199 et 212-1 du code
de
procédure pénale)
Communiqués du parquet -
Fenêtres de communication
Cet
article tend, d'une part, à consacrer la pratique des communiqués
du parquet dans l'article 11 du code de procédure pénale,
d'autre part, à instaurer des fenêtres de communication à
différents stades de la procédure. Ainsi, le débat
contradictoire devant le juge de la détention provisoire pourrait
être public. De même, la publicité deviendrait
systématiquement possible devant la chambre d'accusation. Ces
propositions avaient déjà été formulées par
la mission d'information de votre commission des lois sur la présomption
d'innocence en 1995.
En première lecture, l'Assemblée nationale s'est opposée
à ce que la publicité, tant lors du débat contradictoire
devant le juge de la détention provisoire que lors des audiences de la
chambre d'accusation, puisse être refusée lorsqu'elle est
susceptible de nuire au bon déroulement de l'information. Le
Sénat a toutefois rétabli cette disposition.
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a décidé
que la publicité pourrait être refusée lorsqu'elle est
"
de nature à entraver les investigations spécifiques
nécessitées par l'instruction
". Cette expression est
plus précise que la référence au "
bon
déroulement de l'information
", mais permet néanmoins
que les contraintes de l'instruction soient prises en considération au
moment de la décision sur le caractère public ou non de
l'audience.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 25 bis
(art. 31 et 32 de la loi du 29 juillet
1881)
Diffamation envers des dépositaires de l'autorité
publique
Cet
article, inséré dans le projet de loi par le Sénat en
première lecture, sur proposition de notre excellent collègue
M. Michel Charasse, tend en premier lieu à supprimer
l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881, qui punit d'un an
d'emprisonnement et de 300.000 F d'amende la diffamation envers certaines
personnes à raison de leurs fonctions, en particulier les
"
membres du ministère, les parlementaires et les fonctionnaires
publics
".
Cet article prévoit en second lieu le rétablissement des
dispositions de l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881 dans
l'article 32 de la même loi, qui concerne la diffamation commise
envers les particuliers.
Au cours du débat devant le Sénat, notre collègue a
expliqué qu'il arrivait fréquemment qu'un tribunal reconnaisse la
diffamation tout en estimant que le plaignant n'avait pas fondé sa
plainte sur la disposition pertinente de la loi de 1881. En effet, les
personnes dépositaires de l'autorité publique ne sont
protégées par l'article 31 qu'en cas de diffamation à
raison de leurs fonctions. Lorsque la diffamation est relative à leur
vie privée, la plainte doit être fondée sur
l'article 32.
L'Assemblée nationale a refusé la modification proposée,
la rapporteuse de la commission des Lois, Mme Christine Lazerges,
observant notamment dans son rapport "
que cette modification
n'apportait rien sur le fond et risquait de susciter des interrogations
infondées chez les magistrats chargés de l'appliquer
".
De fait, l'intérêt de cette modification paraît tout
à fait limité.
L'introduction des dispositions de l'article 31
dans l'article 32 ne changera rien, dès lors que les peines
visées par les deux alinéas sont différentes. Le plaignant
devra viser l'alinéa pertinent pour obtenir gain de cause.
Votre commission vous propose de
maintenir la suppression
de cet
article.
Article 25 ter
(art. 65 et 65-1 de la loi du 29
juillet
1881)
Délai de prescription en matière
d'infractions
à la loi sur la presse
L'article 65 de la loi du 29 juillet 1881
relative
à la liberté de la presse fixe à trois mois le
délai de prescription de l'action publique et de l'action civile pour
les infractions commises par voie de presse. Le même délai est
prévu pour les actions fondées sur une atteinte au respect de la
présomption d'innocence, conformément à
l'article 65-1 de la loi du 29 juillet 1881.
En première lecture, le Sénat, sur proposition de notre excellent
collègue, M. Michel Charasse, a décidé de porter
de trois mois à trois ans le délai de prescription en
matière d'infractions commises par voie de presse.
L'Assemblée nationale a supprimé cette disposition. La
rapporteuse de la commission des Lois, Mme Christine Lazerges, a fait
valoir que "
l'allongement de ce délai de prescription est (...)
contradictoire, dans sa philosophie, avec les décisions
antérieures des sénateurs, qui ont notamment réduit d'un
an à trois mois le délai d'exercice du droit de
réponse
".
Votre commission vous propose de
maintenir la suppression
de cet article.