CHAPITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES
À L'EXÉCUTION DES
PEINES
Article 32 C
(art. 729-3 nouveau du code de
procédure pénale)
Libération conditionnelle des
parents
d'enfants de moins dix ans
Cet
article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée
nationale lors de la deuxième lecture, à l'initiative de Mme
Christine Lazerges et de M. Alain Touret, tend à insérer un
article 729-3 dans le code de procédure pénale pour
prévoir que les condamnés à une peine inférieure
à quatre années d'emprisonnement ou auxquels il reste à
effectuer quatre années d'emprisonnement, exécutent cette peine
sous le régime de la libération conditionnelle lorsqu'ils sont
père ou mère d'un enfant de moins de dix ans à
l'égard duquel ils exercent l'autorité parentale et qui a sa
résidence habituelle chez eux. Le juge de l'application des peines
pourrait s'opposer à cette mesure dans l'intérêt de
l'enfant.
Les motivations de cet amendement sont très aisées à
comprendre. Dans bien des cas, l'emprisonnement d'un père ou d'une
mère a des conséquences dramatiques pour l'ensemble de la famille
et notamment pour les jeunes enfants. Il peut donc paraître souhaitable
de rechercher des solutions pour limiter les conséquences de la
condamnation pénale sur les relations familiales.
Pour autant, le présent article présente des inconvénients
sérieux. Il est en effet contestable de prévoir un cas de
libération conditionnelle automatique pour une catégorie de
condamnés. Par ailleurs, la notion de " résidence
habituelle " chez le parent emprisonné n'a plus beaucoup de
signification après plusieurs années d'emprisonnement du parent
concerné. L'amendement adopté par l'Assemblée nationale
prévoit en outre que la libération conditionnelle est
prononcée lorsque le condamné exerce l'autorité parentale,
sans qu'il soit distingué selon que l'autre parent exerce ou non
également l'autorité parentale. Enfin, il n'est pas certain que
le juge de l'application des peines soit le mieux à même
d'apprécier l'intérêt de l'enfant.
Dans ces conditions, votre commission ne peut accepter cet article, même
si elle partage les préoccupations qui ont animé
l'Assemblée nationale en l'adoptant.
Le
placement sous surveillance électronique
peut constituer une
solution pour favoriser le maintien des relations familiales puisqu'il pourrait
être appliqué aux personnes condamnées à moins d'un
an d'emprisonnement ou auxquelles il reste un an d'emprisonnement à
effectuer. Par ailleurs, votre commission proposera, dans un article
ultérieur, une modification des critères permettant la
libération conditionnelle
, afin de mentionner expressément
la
participation à la vie familiale
parmi les raisons pouvant
justifier une mesure de libération conditionnelle.
Dans ces conditions, votre commission vous propose la
suppression
de cet
article.
Article 32 D
(art. 709-1, 731, 732 et 733 du code de
procédure pénale)
Service pénitentiaire d'insertion
et de probation
Cet
article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée
nationale au cours de la deuxième lecture, tend à modifier
plusieurs articles du code de procédure pénale pour tenir compte
de la disparition des comités de probation et d'assistance aux
libérés qui ont été remplacés par le service
pénitentiaire d'insertion et de probation. Cette réforme,
entamée en 1996, a pour objet de mieux coordonner les actions
d'insertion conduites au plan départemental. Il s'agit de renforcer le
lien entre le milieu fermé et le milieu ouvert en développant une
continuité de la prise en charge des personnes au moment de leur sortie.
• Le
premier paragraphe
tend à supprimer le dernier
alinéa de l'article 709-1 du code de procédure pénale, qui
prévoit l'institution de comités de probation et d'assistance aux
libérés auprès des tribunaux.
• Le
deuxième paragraphe
tend à modifier l'article
731 du code de procédure pénale, relatif aux conditions
particulières dont peut être assorti le bénéfice de
la libération conditionnelle. Il s'agit de remplacer une
référence aux comités de probation et d'assistance aux
libérés par une référence au service
pénitentiaire d'insertion et de probation. Il s'agit en outre de
supprimer une référence à la composition et aux
attributions des comités de probation et d'assistance aux
libérés.
• Le
troisième paragraphe
tend à modifier l'article
732 du code de procédure pénale, relatif aux mesures d'assistance
et de contrôle qui peuvent accompagner la mise en oeuvre d'une
libération conditionnelle. Il s'agit une nouvelle fois de remplacer une
référence aux comités de probation et d'assistance aux
libérés par une référence au service
pénitentiaire d'insertion et de probation, appelé à donner
un avis sur la modification des dispositions de la décision de
libération conditionnelle, lorsqu'elle est prise par le juge de
l'application des peines.
• Le
quatrième paragraphe
tend à modifier l'article
733 du code de procédure pénale, relatif à la
révocation de la décision de libération conditionnelle. Le
présent paragraphe tend à remplacer la référence au
comité de probation et d'assistance aux libérés,
appelé à rendre un avis sur la révocation lorsque la
décision relève du juge de l'application des peines, par une
référence au service pénitentiaire d'insertion et de
probation.
Par un
amendement
, votre commission vous propose de compléter cet
article, afin de procéder à des coordinations dans les
articles 41, 763-1 et 763-8 du code de procédure pénale.
Elle vous propose d'adopter cet article
ainsi modifié
.
Article 32 E
(art. 132-44 et 132-55 du code
pénal)
Service pénitentiaire d'insertion et de probation
Cet
article, comme le précédent, tend à prendre en
considération la réforme du service pénitentiaire
d'insertion et de probation. Il s'agit de remplacer des
références à l'agent de probation par des
références au travailleur social.
• Le
premier paragraphe
tend à substituer l'expression
"
travailleur social
" à celle d'"
agent de
probation
" dans l'article 132-44 du code pénal, relatif aux
mesures de contrôle auxquelles le condamné doit se soumettre en
cas de sursis avec mise à l'épreuve. L'agent de probation
(désormais le travailleur social) joue en effet un rôle important
dans ce domaine : il doit être prévenu des changements de
résidence et d'emploi du condamné et exerce un contrôle sur
les moyens d'existence du condamné ainsi que sur l'exécution de
ses obligations.
• Le
second paragraphe
tend à substituer l'expression
" travailleur social " à l'expression " agent de
probation " dans l'article 132-55 du code pénal, relatif aux
mesures de contrôle auxquelles doit satisfaire un condamné en cas
de sursis assorti de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt
général.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 32 F
(art. 722, 722-1 nouveau, 730,
733,
733-1 du code de procédure pénale)
Juridictionnalisation
des décisions du juge de l'application des peines
Cet
article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée
nationale en deuxième lecture, à l'initiative de la rapporteuse
de la commission des lois, Mme Christine Lazerges, a pour objet de
réformer de manière importante l'application des peines.
Actuellement, le
juge de l'application des peines
, sous certaines
réserves, est compétent pour accorder les placements à
l'extérieur, la semi-liberté, les réductions,
fractionnements et suspensions de peines, les autorisations de sortie sous
escorte, les permissions de sortir, les libérations conditionnelles, le
placement sous surveillance électronique.
En vertu de l'article 733-1 du code de procédure pénale,
"
Les décisions du juge de l'application des peines sont des
mesures d'administration judiciaire
". Ainsi, le juge de
l'application des peines n'est pas tenu d'entendre le condamné, celui-ci
n'est pas assisté d'un avocat, les décisions du juge de
l'application des peines ne sont susceptibles d'aucun recours de la part du
condamné. Au contraire, le procureur de la République peut
déférer certaines décisions du juge de l'application des
peines, en particulier les décisions prises en matière de
libération conditionnelle, devant le tribunal correctionnel statuant en
chambre du conseil.
Le récent rapport de la commission sur la libération
conditionnelle, présidée par M. Daniel Farge, conseiller
à la Cour de cassation, a préconisé une
juridictionnalisation complète de l'application des peines, impliquant
la mise en place d'une procédure plus contradictoire, ainsi que de
recours.
Le présent article tend à mettre en oeuvre une partie des
recommandations du rapport de la commission sur la libération
conditionnelle.
• Le
paragraphe I
tend à modifier l'article 722 du code de
procédure pénale, relatif aux compétences du juge de
l'application des peines, pour prévoir que les mesures qu'il peut
accorder, à l'exception des réductions de peine et des
autorisations de sortie sous escorte, font l'objet d'une décision
motivée, rendue à l'issue d'un débat contradictoire, le
condamné pouvant être assisté d'un conseil. La
décision pourrait être attaquée par la voie de l'appel par
le condamné, par le procureur de la République et par le
procureur général près la cour d'appel dans les dix jours
suivant la notification de la décision. L'appel serait porté
devant la chambre des appels correctionnels. L'appel du ministère public
formé dans les vingt-quatre heures de la notification suspendrait
l'exécution de la décision jusqu'à ce que la cour d'appel
ait statué.
Il s'agit d'une réforme très importante, attendue depuis
longtemps et qui pourrait favoriser des attitudes plus constructives de la part
des condamnés, désormais susceptibles de voir leurs demandes de
libération conditionnelle examinées dans des conditions plus
satisfaisantes.
Votre commission estime cependant qu'eu égard à l'importance de
cette question, il convient d'aller plus loin dans cette réforme en
modifiant en profondeur les règles de la libération
conditionnelle, afin de mettre fin à l'intervention du Garde des Sceaux
dans une matière qui relève à l'évidence de
l'autorité judiciaire. Votre commission formulera, après le
présent article, des propositions importantes à ce sujet.
• Le
paragraphe II
tend à insérer dans le code de
procédure pénale un article 722-1 pour prévoir qu'en
cas d'inobservation des obligations ou d'inexécution des mesures de
contrôle qui peuvent être imposées au condamné
bénéficiant d'un aménagement de sa peine, le juge de
l'application des peines pourra délivrer un mandat d'amener ou un mandat
d'arrêt contre la personne.
• Le
paragraphe III
tend à opérer une coordination
avec l'article 730 du code de procédure pénale, relatif
à la libération conditionnelle. Votre commission vous propose,
par un
amendement
, la suppression de ce paragraphe, par coordination
avec les amendements présentés après le présent
article.
• Le
paragraphe IV
tend à opérer une coordination
dans l'article 733 du code de procédure pénale relatif
à la révocation de la décision de renvoi en liberté
conditionnelle.
• Le
paragraphe V
tend à opérer des coordinations
dans l'article 733-1 du code de procédure pénale. Il s'agit de
supprimer la disposition énonçant que les décisions du
juge de l'application des peines sont des décisions d'administration
judiciaire. Seules conserveraient ce caractère les réductions de
peine ou les autorisations de sortie sous escorte.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi
modifié
.
Articles additionnels après l'article 32
F
(art.
729, 730, 730-1 nouveau du code de procédure pénale, art.143-1,
143-2, 630-2 nouveaux du code de l'organisation
judiciaire)
Réforme de la libération conditionnelle
L'article 32 F du projet de loi opère une
juridictionnalisation très heureuse de l'application des peines.
Toutefois, il demeure très en retrait des ambitieuses perspectives
formulées dans le rapport de la commission sur la libération
conditionnelle présidée par M. Daniel Farge.
Ce rapport préconise notamment la disparition des prérogatives du
garde des sceaux en matière de libération conditionnelle. Au
sujet du pouvoir du garde des sceaux, la commission présidée par
M. Farge a notamment précisé : "
(...) la
tentation est grande pour le garde des sceaux de méconnaître
l'évolution favorable d'un condamné plutôt que de prendre
le risque d'une libération anticipée qui ne serait pas comprise
par l'opinion publique en cas de nouveau crime ou délit.
"
(...) il est difficilement concevable, dans un état de droit,
qu'un ministre, membre du pouvoir exécutif, intervienne dans
l'exécution d'une peine privative de liberté prononcée par
l'autorité judiciaire à propos de la mesure qui provoque les plus
grands bouleversements dans l'accomplissement de la peine
".
La réforme de la libération conditionnelle a été
proposée à de multiples reprises au cours des vingt
dernières années sans jamais aboutir.
Votre commission, qui souhaite que le rapport Farge soit mis en oeuvre vous
propose, par cinq articles additionnels, de procéder dès à
présent à cette réforme ambitieuse qui pourrait enfin
permettre une relance de la libération conditionnelle.
Votre commission vous propose en premier lieu, conformément aux
recommandations de la commission Farge, de modifier les
critères
permettant l'octroi de la libération conditionnelle. L'article 729
du code de procédure pénale fait seulement allusion à des
gages sérieux de réinsertion sociale
et cette disposition
paraît trop souvent interprétée comme impliquant que le
condamné ait un emploi certain à sa sortie de prison. Votre
commission vous propose de prévoir une liste non exhaustive
d'éléments devant être pris en considération pour
l'octroi d'une mesure de libération conditionnelle.
Elle vous propose que la libération conditionnelle puisse être
accordée aux condamnés manifestant des efforts sérieux de
réadaptation sociale, notamment lorsqu'ils justifient soit de l'exercice
d'une activité professionnelle, soit de leur assiduité à
un enseignement ou à une formation, soit de leur participation
essentielle à la vie de famille, soit de la nécessité de
subir un traitement.
Par ailleurs, votre commission vous propose de modifier les règles
d'octroi de la libération conditionnelle. Actuellement, le
juge de
l'application des peines est compétent en matière de
libération conditionnelle lorsque la peine est inférieure
à cinq ans d'emprisonnement. Au-delà, la compétence
appartient au ministre de la justice
. Votre commission, suivant là
encore les recommandations de la commission Farge, propose que le juge
d'application des peines soit désormais compétent pour les
peines inférieures ou égales à dix ans
d'emprisonnement
et qu'au-delà, la compétence en
matière de libération conditionnelle soit confiée à
une
juridiction collégiale
.
Votre commission propose la création d'un
tribunal de l'application
des peines
dans le ressort de chaque cour d'appel. L'appel des
décisions de ce tribunal serait porté devant une
juridiction
nationale de la libération conditionnelle
, placée
auprès de la Cour de cassation et composée de trois magistrats,
d'un représentant d'une association de réinsertion des
condamnés et d'une personne s'étant signalée par son
intérêt pour les victimes. Cette composition est proche de celle
du comité consultatif de libération conditionnelle, qui donne
actuellement des avis avant les décisions du ministre de la justice en
matière de libération conditionnelle. Le système
proposé doit permettre la mise en oeuvre complète d'une
réforme qui n'a été que trop longtemps retardée
dans le temps.
Article additionnel après l'article 32 F
(art.
720-1-A du code de procédure pénale)
Visite par les
parlementaire des établissements pénitentiaires
L'Assemblée nationale a inséré à
la fin
du présent projet de loi un article 42 permettant aux parlementaires de
visiter à tout moment les établissements pénitentiaires de
leur département. Cette disposition mérite d'être
acceptée mais n'a pas à figurer parmi les dispositions finales du
projet de loi.
Votre commission vous propose, par un article additionnel, de
l'insérer parmi les dispositions relatives à l'exécution
des peines.
Article additionnel après l'article 32 F
(art.
723-7 du code de procédure pénale)
Placement sous
surveillance électronique
Par un
article additionnel, votre commission vous propose de compléter les
dispositions du code de procédure pénale relatives au placement
sous surveillance électronique.
Il s'agit tout d'abord de prévoir que la décision de placement
sous surveillance électronique d'un mineur non émancipé ne
peut être prise qu'avec les titulaires de l'exercice de l'autorité
parentale. Il s'agit en outre de préciser que lorsque le lieu
désigné par le juge de l'application des peines n'est pas le
domicile du condamné, la décision de placement sous surveillance
électronique ne peut être prise qu'avec l'accord du maître
des lieux.
Votre commission vous propose d'adopter un
amendement
insérant
dans le projet de loi un article additionnel ainsi rédigé.