B. METTRE EN PLACE UN VÉRITABLE JUGE DES LIBERTÉS
Le
Sénat a accepté en première lecture que le pouvoir
d'ordonner ou de prolonger une détention provisoire soit retiré
au juge d'instruction pour être confié à un magistrat
distinct. Il s'est en revanche opposé à ce que ce magistrat
puisse recevoir le titre de juge de la détention provisoire, alors
même que son institution a pour objectif de limiter la détention
provisoire aux cas strictement nécessaires.
L'Assemblée nationale, tout en gardant la qualification de juge de la
détention provisoire, a prévu la possibilité que lui
soient confiées un grand nombre d'attributions actuellement
exercées par le président du tribunal de grande instance. Cette
possibilité concerne la prolongation des gardes à vue en
matière de terrorisme et de trafic de stupéfiants, le
contrôle des perquisitions dans les mêmes matières, la
prolongation du maintien en rétention ou en zone d'attente des
étrangers, le contrôle des perquisitions en matière fiscale
et douanière...
Votre commission vous propose d'aller jusqu'au bout de cette logique en
attribuant, de manière pleine et entière, ces prérogatives
au nouveau juge créé par le projet de loi. Dès lors,
celui-ci deviendrait un véritable
juge des libertés
et
votre commission vous propose de lui donner cette dénomination.
C. SUPPRIMER LES PEINES D'EMPRISONNEMENT EN MATIÈRE DE DÉLITS DE PRESSE
•
La loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la
presse est une loi très protectrice de la liberté de la presse.
Pour autant, adoptée il y a plus d'un siècle et fort peu
modifiée depuis, elle comporte de nombreuses infractions passibles de
peines d'emprisonnement, qui paraissent aujourd'hui inadaptées.
Dans la plupart des cas, les peines de prison ne sont jamais prononcées
et il serait possible d'en déduire que leur maintien dans la loi de 1881
ne présente guère d'inconvénients. Toutefois, de nombreux
pays semblent avoir adopté une législation empruntant beaucoup
à la législation française. Dans ces pays, les
journalistes sont malheureusement beaucoup trop fréquemment
emprisonnés. Les autorités de ces Etats arguent parfois, pour
justifier ces emprisonnements, des dispositions de la loi française qui
permettent elles aussi l'emprisonnement des journalistes.
Votre commission propose la suppression de la plupart des peines
d'emprisonnement prévues par la loi du 29 juillet 1881
. Cela
concernerait en particulier les délits de diffamation et d'injures
envers les particuliers ou envers les ministres, les parlementaires ou les
dépositaires de l'autorité publique, ainsi que les offenses ou
outrages commis envers des dignitaires, nationaux ou étrangers qui
resteraient passibles d'amendes.
En revanche, une telle suppression paraît inopportune en ce qui concerne
l'incitation à commettre certaines infractions graves ou la provocation
à la haine raciale (article 24 de la loi de 1881).
Le 2 mars dernier, la commission nationale consultative des droits de
l'homme a estimé que "
le texte de la loi de 1881 conserve des
sanctions qui peuvent apparaître aujourd'hui disproportionnées et
qui, surtout, transposées à la lettre dans d'autres pays, sont de
nature à porter atteinte au principe même de la liberté
d'expression
".
La France s'est dotée en 1881 d'une législation en matière
de presse qui l'a placée parmi les pays défendant le mieux cette
liberté essentielle. Votre commission propose aujourd'hui une
modernisation de ce droit allant dans le sens d'un renforcement de la
liberté de la presse
.